Tree of Life et le cinéma de T. Malick
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Borges a écrit:breaker a écrit:Borges a écrit:
voilà un post digne de tonylemort;slimfast a écrit:Borges a écrit :
"en toutes choses, je m'efforcerais de voir de la joie"
c'est aussi ce que dit Alexandre Jollien dans Le philosophe nu.
ça me paraît assez idiot ce truc-là, t'as la même puissance intellectuelle que Slimfast...
comment ils avancent vers la lumière, les personnages positifs de Malick?, à partir de la perte, de leur épuisement à vivre, de la guerre, de la guerre sociale, est-ce qu'ils savent bien où vont leurs préférences?, hors cette plage. La fin de La Ligne rouge était pourtant à l'opposé, elle montrait les remous furieux de l'eau derrière un navire de guerre il me semble, à l'identique de la fin du film de Tomu Uchida, Le détroit de la faim(1965). Le monde des forces ne parvient jamais à ce point d'équilibre tel qu'il est vu dans la conclusion de Tree of life, le monde des forces ne souffre aucun arrêt écrit Nietzche sur sa doctrine, tu retrouveras chacune de tes douleurs et chacune de tes joies, et tes amis et tes ennemis, et tes espoirs et tes erreurs, et le moindre brin d'herbe et le moindre rayon de soleil, et tout l'ensemble de toutes choses. Cette fixité de Malick ne signifie pas joie ou éternité, et dans sa forme notamment c'est ce que Bachelard appelait "le complexe spectaculaire qui peut durcir certaines valeurs de la contemplation poétique".
Blablabla (l'éternel retour est sélectif) j'arrive même pas à saisir de quoi tu parles; on va en rester là; je crois que c'est mieux pour toi et pour moi; faut éviter les agencements qui ne donnent rien de bon, qui diminuent les capacités, rendent tristes, agressifs, et sans joie, donc pas très malins; nous ne nous rendons pas service en discutant ensemble. Y a des compositions qui marchent d'autres pas...
Borges a écrit:
Faut pas prendre à la lettre tout ce qu'écrit Nietzsche...Borges a écrit:Ma doctrine enseigne : Vis de telle sorte que tu doives souhaiter de revivre, c'est le devoir – car tu revivras, en tout cas ! Celui dont l'effort est la joie suprême, qu'il s'efforce ! Celui qui aime avant tout le repos, qu'il se repose ! Celui qui aime avant tout se soumettre, obéir et suivre, qu'il obéisse ! Mais qu'il sache bien où va sa préférence et qu'il ne recule devant aucun moyen ! Il y va de l'éternité !
et tu prends vraiment trop à la lettre, c'est là ton erreur. lol
t'avais finalement assez peu de leçons à donner sur Nietzche, puisque t'avais pris ce ton au début.
et c'est toi le plus triste et le plus agressif sur cette reprise de topic!
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Il ne faut rien prendre à la lettre du tout d'ailleurs (cela n'a rien à voir avec la rigueur des énoncés ou de leur étude) à moins d'éprouver un manque par rapport à une forme de schizophrénie qui se tiendrait au-delà du savoir et de la désirer très vraiment très fort (ce qui est assez répandu sur Internet du reste). Ce post est digne de moi, je n'ai aucun problème avec cela et si vous pensez que je tiens des propos vaniteux ou trop léger ou trop lourd je vous emmerde cordialement.
Quoique le reproche sur la vanité serait encore le mieux fondé des trois.
Quoique le reproche sur la vanité serait encore le mieux fondé des trois.
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Sinon on ne se souvient pas forcément des derniers plans d'un film.
A la limite la manière dont le film travaille et reste en tête ne nécessite pas le souvenir de sa fin.
Avez-vous remarqué, on cite plus souvent la première que la dernière phrase de la Recherche...
Le seule exemple qui me vient à l'esprit c'est "Singularité d'une Jeune fille Blonde" et les films que j'ai vu il y a moins de trois mois.
Mais pour le reste, aucun souvenir.
Je trouvais le début de "Belle Toujours" superbe avec cet orchestre filmé comme une miniature, mais la dernière image je ne m'en souviens plus.
A la limite la manière dont le film travaille et reste en tête ne nécessite pas le souvenir de sa fin.
Avez-vous remarqué, on cite plus souvent la première que la dernière phrase de la Recherche...
Le seule exemple qui me vient à l'esprit c'est "Singularité d'une Jeune fille Blonde" et les films que j'ai vu il y a moins de trois mois.
Mais pour le reste, aucun souvenir.
Je trouvais le début de "Belle Toujours" superbe avec cet orchestre filmé comme une miniature, mais la dernière image je ne m'en souviens plus.
Dernière édition par Tony le Mort le Ven 31 Aoû 2012 - 15:40, édité 3 fois
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Récemment j'ai revu des morceaux de Citizen Kane, le seul aspect du film dont je me souvenais visuellement, c'est la manière dont les plans étaient organisés pour que les gris des silhouettes humaines se fondent avec ceux des décors (soit une sorte d'effet "papier-peint" du corps humain) et qu'il y avait rarement des plans de face (à part celui où Welles applaudit à l'opéra et le où le bruit du public disparaît à mesure que ses applaudissements s'affirment).
Dernière édition par Tony le Mort le Ven 31 Aoû 2012 - 15:44, édité 6 fois
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Dans la vraie vie on ne peut pas non plus déterminer l'instant précis de la mort biologique. On la constate toujours après coup; quand le coeur ne bat plus, qu'aucune cellule n’est renouvelée.
Un film c'est la même chose
Un film c'est la même chose
Dernière édition par Tony le Mort le Ven 31 Aoû 2012 - 15:40, édité 1 fois
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Godard (ré)cite la fin de "Thomas l'Imposteur" au milieu du Petit Soldat (qui est la fin de son propre film, et aussi celle des films de cavalier sur l'OAS).
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
En somme, la fin des choses est une notion assez facultative (je serais donc conservateur).
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Les nazis sont sélectifs.Borges a écrit:Blablabla (l'éternel retour est sélectif)
On se rapproche d'un chaos total de la motivation poétique et philosophique de Terrence Malick. lol
Malick semble avoir la même attitude de repli sur soi dans la vie, il a très peu échappé aux cordes du temps :
On peut confronter Mekas et Malick pour comprendre en quoi le cinéma de Malick en vient à être dépréciatif. Les deux cinéastes utilisent le même matériau poétique, l'extrait de Lost lost lost (à la suite des Cordes du temps dans la vidéo postée) peut illustrer où s'arrête le cinéma de Malick...
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Tree of Life c'est un machin d'église, ça peut faire communauté que si t'es dans la prière, il y a peu de contact avec la réalité. C'est une ivresse plus proche du stupéfiant que du concept nietzchéen d'éternel retour, faudrait au minimum saisir ça.
Pour ma part, c'est une force de résistance, j'ai toujours été mal doué pour la religion. Faisant trop de conneries, j'ai été placé dans un collège catho sous l'autorité d'une armée de bonnes soeurs, donc je connais bien la voie de la grâce. J'ai bien sûr été renvoyé finallement, après avoir tenté d'assassiner une soeur qui nous empêchait de jouer au foot dans la cour. C'est elle qui tirait comme une cinglée sur la corde d'une lourde cloche en fonte pour annoncer le repas de midi. J'ai fait en sorte que la cloche se décroche en déboulonnant les crochets qui la retenaient au mur, et il suffisait juste de tirer sur la corde pour que ça tombe. Faut comprendre, à l'époque, fallait faire un choix entre la voie de la grâce et celle du foot.
On peut confronter Tree of Life de Malick et Le Miroir de Tarkovski, pour mieux saisir "monde de fictions pures" et "monde des rêves".Rien que des causes imaginaires("Dieu", "l'âme", "moi", "esprit", "libre arbitre" - ou même l'arbitre qui n'est "pas libre") : rien que des effets imaginaires("le péché", "le salut", "la grâce", "l'expiation", "le pardon des péchés"). Une relation imaginaire entre les êtres("Dieu", "les esprits", "l'âme") ; une imaginaire science naturelle(anthropocentrique ; un manque absolu du concept des causes naturelles) ; une psychologie imaginaire(rien que des malentendus, des interprétations de sentiments généraux agréables ou désagréables, tels que les états du grand sympathique, à l'aide du langage figuré des idiosyncrasies religieuses et morales) - ("le repentir", "la voix de la conscience", "la tentation du diable", "la présence de Dieu", "le jugement dernier", "la vie éternelle"). - Ce monde de fictions pures se distingue très à son désavantage du monde des rêves, puisque celui-ci reflète la réalité, tandis que l'autre ne fait que la fausser, la déprécier et la nier.
Pour ma part, c'est une force de résistance, j'ai toujours été mal doué pour la religion. Faisant trop de conneries, j'ai été placé dans un collège catho sous l'autorité d'une armée de bonnes soeurs, donc je connais bien la voie de la grâce. J'ai bien sûr été renvoyé finallement, après avoir tenté d'assassiner une soeur qui nous empêchait de jouer au foot dans la cour. C'est elle qui tirait comme une cinglée sur la corde d'une lourde cloche en fonte pour annoncer le repas de midi. J'ai fait en sorte que la cloche se décroche en déboulonnant les crochets qui la retenaient au mur, et il suffisait juste de tirer sur la corde pour que ça tombe. Faut comprendre, à l'époque, fallait faire un choix entre la voie de la grâce et celle du foot.
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Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Ne pas confondre l'église et Dieu, ne pas confondre le cinéma et le milieu du cinéma. Ne pas confondre les salons de littérature et la littérature.breaker a écrit: Faisant trop de conneries, j'ai été placé dans un collège catho sous l'autorité d'une armée de bonnes soeurs, donc je connais bien la voie de la grâce.
Ne pas confondre le réel et la vie sociale et politique.
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
je comprends pas Woots... quelle différence?wootsuibrick a écrit:
Ne pas confondre l'église et Dieu
J'excelle en la pratique du foot, et assez peu en la voie de la grâce. Tu m'expliques le confusionisme entre l'église et Dieu?
Tree of life, c'est le résultat d'une intention éternelle via Dieu, ou comme déjà dit, c'est cette pure fiction de "l'idéal de bonheur", la vie réactive et dépréciée au nom des valeurs prétendues supérieures.
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
breaker a écrit :
Tree of Life c'est un machin d'église, ça peut faire communauté que si t'es dans la prière, il y a peu de contact avec la réalité.
Tu es à courte vue, pour ne pas dire confus. Les humeurs t'égarent - ta bile noire.
Il faut tout reprendre, mon pauvre breaker.
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Dieu peut passer d'une église à l'autre, ou alors être adoré hors église.
Comme l'art peut passer d'un milieu à un autre, et être adoré hors des milieux artistiques.
voilà la différence. Ceci dit Dieu comme l'art sont au bord de l'illusion.
On pourrait dire de Dieu ce qui a été retranscrit d'une parole de Chikamatsu Monzaemon en français :
"L'art se situe dans l'intervalle, mince comme la peau, qui sépare la vérité du mensonge " "Dieu se situe dans l'intervalle, mince comme la peau, qui sépare la vérité du mensonge."
Comme l'art peut passer d'un milieu à un autre, et être adoré hors des milieux artistiques.
voilà la différence. Ceci dit Dieu comme l'art sont au bord de l'illusion.
On pourrait dire de Dieu ce qui a été retranscrit d'une parole de Chikamatsu Monzaemon en français :
"L'art se situe dans l'intervalle, mince comme la peau, qui sépare la vérité du mensonge " "Dieu se situe dans l'intervalle, mince comme la peau, qui sépare la vérité du mensonge."
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
wootsuibrick a écrit:Dieu peut passer d'une église à l'autre...
alors Dieu traverse les murs, comme Casper le petit fantôme?
T'as vu Tree of Life, Woots?
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
je déconne, en fait j'adore ce film. C'était juste pour animer le forum. (@ Woots, je t'avais bien dit de supprimer mon compte sur le forum des Spectres lol)
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
breaker a écrit:
T'as vu Tree of Life, Woots?
le plus drôle, c'est que je ne l'ai pas encore vu. Et le souvenir que j'ai d'un film de Malick date du lycée (en terminal je crois lol)... c'était la ligne rouge.
sinon j'ai vu La ballade sauvage étant enfant (je devais avoir autour de 8-9 ans)... et Les moissons du ciel en première au lycée. =)
Mais là j'ai tellement entendu parlé de Tree of Life, que c'était le seul film l'année dernière que j'avais envie de voir en salle,
là je l'ai acheté sur itunes depuis un mois, et je vais pas tarder à le regarder.
(donc je n'ai que de vagues souvenirs du cinéma de Malick)
Pacahontas, je la trouve ultra jolie, j'ai cherché sur itunes, mais je l'ai pas trouvé.
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Tu aimes être seul contre tous? ou t'es un putain de génie incompris?breaker a écrit:(@ Woots, je t'avais bien dit de supprimer mon compte sur le forum des Spectres lol)
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
Pacohontas, j'avais fait passer la version longue sur le forum...wootsuibrick a écrit:
là je l'ai acheté sur itunes depuis un mois, et je vais pas tarder à le regarder.
(donc je n'ai que de vagues souvenirs du cinéma de Malick)
Pacahontas, je la trouve ultra jolie, j'ai cherché sur itunes, mais je l'ai pas trouvé.
et Tree of life, j'aurais pu te rendre ce service-là... au lieu de filer ton fric aux grands trusts...
je suis un peu paumé quand même, dans vos tentatives de proposer des alternatives, éditoriales ou autres...
Faites une rubrique dans votre musée des ombres, "recherche de films", un truc dans ce genre...
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
wootsuibrick a écrit:Tu aimes être seul contre tous? ou t'es un putain de génie incompris?breaker a écrit:(@ Woots, je t'avais bien dit de supprimer mon compte sur le forum des Spectres lol)
propose moi la gestion du forum comme admin si tu veux, j'accepte... J'ai le droit de changer les couleurs??
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
non, je me fais caviarder par Pichelin
bordelo, mais il pleut aussi chez vous aujourd'hui??
bordelo, mais il pleut aussi chez vous aujourd'hui??
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
On va rappeler très simplement quelques évidences.
Le film s'ouvre sur Job ; le problème de Job est celui de l'existence du Mal, ou plus précisément de la disjonction entre la bonté de Dieu et l'existence du Mal, qui n'épargne personne. Job est bon, et il perd tout, sans raison, ses gosses, ses biens, sa maison, sa santé… Ses amis le consolent… "Tu as dû faire quelque chose de pas bien, sans le savoir, Dieu ne punit pas..." Il refuse ce blablabla conventionnel.
Dans le film, ce n'est pas le père qui occupe la position de Job, c'est la mère, c'est à elle qu'est imposée l'épreuve de la foi : comment continuer à croire à la voie de la grâce quand on perd un être que l'on aime, comment encore croire en Dieu, en sa bonté, comment continuer à l'aimer. Cette question bien entendu est portée à un niveau métaphysique, cosmique, social, politique. La question de l'injustice est posée dans le film, à plusieurs niveaux : la mort, l'injustice sociale, la condition des Noirs, celle des "handicapés", les criminels, le gosse brûlé dans l'incendie, mais aussi de manière cosmique, la destruction des mondes, des étoiles, des planètes. Le cycle de la vie et de la mort, indifférent à la conscience, à la morale, à la justice. L'être se continue indifférent. "Crois-tu que le malheur te sera épargné parce que tu as été bon", dit une des voix de La Ligne rouge. C'est ce que dit le prêtre : ne croyez pas que parce que vous êtes bons, la catastrophe vous sera épargnée ; on ne sait jamais quand le malheur vient frapper à la porte. La bonté ne protège de rien. La nature, l'être ne nous traite pas mieux que le reste de l'étant. Nous sommes des feuilles, disent souvent les personnages de Malick ; le vent nous emporte. Nous venons, nous allons ; rien ne reste, tout est transitoire.
C'est la question du sens ; y a-t-il du sens, ou seulement de la nature, du hasard, des lois causales... Le monde a-t-il un sens, y-a-t-il de la valeur, dans le monde, au monde, et en dehors du monde.
Ce sont des questions classiques, en philo, en religion, dans la vie ordinaire.
Cette disjonction entre la justice, le Bien, et l'être, en philosophie est l'affaire de la théodicée. On peut citer la solution de Leibniz, oui, y a de l'imperfection, mais nous sommes dans le meilleur des mondes possibles, celui qui est susceptible de progrès. Il en existe d'autres, celle des limites du savoir humain, ce que nous jugeons mauvais ne l'est pas, du point de vue de Dieu, du tout. D'autres, les super croyants, comme Chestov, ou Kierkegaard, disent "Dieu est au-delà de la raison et de l'être, c'est folie que de chercher à le justifier, à l'expliquer, il décide, et puis basta."
Ce qui est, faut le vouloir, et donc vouloir le vouloir de Dieu. Les stoïciens appellent ça eux, de leur point de vue, fatum voli. Nietzsche retravaillera cette idée, depuis l'idée du retour éternel. Ce qui arrive, il faut le vouloir (cf Deleuze, Logique du sens, par exemple : si la morale a un sens, c'est être digne de ce qui arrive).
Face au négatif, on peut avoir plusieurs attitudes, le vouloir, dans le cadre d'une transcendance, et vouloir ce qui nous dépasse, ce qui dépasse notre finitude, ou alors, parce qu'il n'y a plus de valeur supérieure qui ordonne la totalité de l'étant et lui donne sens, le considérer comme un motif, une cause, un critère de rejet, d'accusation de l'existence (plus rien n'a de sens, l'absurde) ; c'est ce que Nietzsche appelait la mort de Dieu, le nihilisme au sens passif du terme ; les hommes ne croient plus en rien, ils ne sont plus foutus de projeter de grand dessein, de vouloir au-delà de leur petite vie ; il y a aussi le sens actif du nihilisme, celui des créateurs, qui devant la dévaluation de tout ce qui a été tenu pour grand, vénérable, se disent, va falloir recréer de nouvelles valeurs, dépasser l'homme moyen, qui se croit la fin de l'histoire et mène sa petite vie sans au-delà ; l'au-delà n'étant pas nécessairement religieux, métaphysique. Nietzsche ne condamne pas la religion en soi, mais la forme de vie qui s'exprime en elle, qui en a besoin ; il s'agit de savoir quelle forme, quel degré de puissance s'exprime en elle, vit en elle ; les valeurs autant que la vie qui s'affirment en elle ; un religieux peut avoir plus de valeur dans ce sens que l'athée, ou le nihiliste, surtout passif. La vie est toujours un mode d'expression, un mouvement de la croyance ; d'une croyance ou l'autre. Pas de vie sans croyance.
Si on n'a pas de mesure extérieure, transcendante pour juger les valeurs, la vie... les institutions, l'art... le tout de l'étant, même Dieu, le seul critère, c'est la vie même... Les choses valent ce que vaut la vie qui s'affirme en elle, ce qu'elles permettent comme dépassement, transcendance, affirmation : joie ; la joie étant le signe de la bonne vie, de la vie bonne. Plus une chose rend joyeux, plus elle est l'expression de la joie, meilleure elle est. Tout ce qui diminue, attriste, mutile, est mauvais. Une vie est d'autant plus forte qu'elle peut trouver de la joie dans les choses terribles...
L'un des traits constants de Nietzsche, c'est la dénonciation de la critique de la vie, de l'être, au nom du négatif (la mort, le mal, la maladie...). On crache sur la vie. Elle ne vaut rien. Cette critique, ce rejet, religieux, ascétique, est ramené à un mode d'existence diminué, à un degré de puissance séparé de lui-même. Ce sont les ratés qui condamnent la vie, la trouvent nulle, mauvaise, et qui projettent dans un au-delà, un avenir, une vie meilleure.
(Notons que cette projection quand elle est le fait d'êtres forts n'est pas négative, ainsi le judaïsme de l'Ancien testament est meilleur que le christianisme (et toutes ses variations, politiques et esthétiques, le socialisme, la démocratie, le romantisme, le naturalisme...) ou le bouddhisme, expression absolue de la volonté de néant, du désir d'échapper à une vie jugée mauvaise ; bien entendu Nietzsche ne savait pas grand chose du bouddhisme...)
L'histoire est une histoire du déclin. Philosophiquement, la rupture, c'est Socrate, et Platon, la fin de la pensée tragique, de la pensée présocratique, la rupture entre le sensible et l'intelligible, la coupure métaphysique : l'ici-bas est jugé au nom d'un au-delà... dans cette rupture vient s'installer le christianisme ; platonisme pour le peuple, comme dit Nietzsche.
Historiquement, cela correspond au renversement par ceux que Nietzsche appelle les esclaves (les juifs, mais surtout les chrétiens) des valeurs aristocratiques : l'aristocrate s'éprouve immédiatement, il se dit "je suis bon, heureux" (bon et heureux, ici, sont identiques, cela n'a rien de moral, il ne s'agit pas de correspondre à un norme, à des lois, à des règles ; c'est grec ; le beau, le bon, l'être sont identiques). La joie, le bonheur, c'est un mode de relation à soi qui s'éprouve dans l'action en tant qu'elle manifeste un certain degré de puissance, peu importe sa quantité : je suis bon, quand je cours, chante, peins... quoi que je fasse, dès que je manifeste ma puissance, que je m'éprouve, joyeusement.
(Pensons aux scènes de course dans Tree of life, aux jeux entre la mère et les gosses, au scène de danse ; ça c'est de la joie comme expression d'un degré de puissance; on trouve souvent ce genre de scène dans Malick ; la vie est saisie comme bonne, sur un plan d'immanence ; l'image la plus souvent utilisée pour exprimer cela, c'est la nage, la composition harmonieuse d'un corps et d'un élément naturel ; il faut voir là la traduction de l'expression "comme un poisson dans l'eau" ; Deleuze utilise la nage dans son cours sur Spinoza pour exprimer l'idée du rapport joyeux de deux corps...)
La vie est essentiellement puissance ; je suis ce que je peux. La volonté de puissance, comme dit Heidegger ce n'est pas la volonté qui veut la puissance, encore moins le pouvoir, la domination, mais la puissance qui veut, crée, se métamorphose, devient...
Maintenant pensons au père ; il y a la vie bonne, joyeuse, heureuse, qui n'est pas séparée de ce qu'elle peut, puis il y a la vie séparée d'elle-même, de sa puissance. La vie impuissante, la vie de l'esclave. Le père (qui l'est de manière multiple, rien que par le fait qu'il bosse, et est donc inscrit à l'intérieur d'un ordre, qu'il déteste, parce qu'il s'estime supérieur à lui) ne cesse de le dire, et redire : il a raté sa vie, il aurait voulu être musicien. Il vit dans la honte de son échec ; quoi qu'il fasse (dans son boulot, comme mari, comme père, éducateur...) cette honte ne le quitte pas. La voie de la nature, en l'homme, cherche à dominer, écraser, déteste le bonheur des autres, toute joie, toute réussite lui est insupportable...
Le père est un homme du ressentiment, parce qu'il juge sa vie, au nom d'une autre vie, possible, imaginaire, meilleure, mais qui n'a jamais eu lieu, qui n'a pas lieu ; pas besoin de projeter des valeurs transcendantes... le possible, le regret, le remord, sont des modes de séparation de la vie d'avec elle-même.
L'esclave, qui ne peut pas manifester sa puissance pour une raison ou une autre, parce qu'il en est séparé, ne part pas du "je peux", de sa puissance, mais au contraire de la puissance de l'autre, du maître, de l'heureux, du puissant, il est dans la comparaison, il voit non pas ce qu'il peut faire, mais ce qu'il ne peut pas faire (la femme du voisin, sa réussite...)
Tout ce qu'il n'est pas, il l'envie, et parce que dans l'envie il y a toujours l'envie de meurtre, il le déteste, il cherche à le rabaisser, à l'affaiblir (par la pitié, en dernier lieu ; la supériorité de Zarathoustra sur Jésus, c'est l'échec de Jésus devant la pitié ; il a eu pitié de la souffrance, de la douleur...) L'impuissant déteste tout ce qui est beau, grand, fort, heureux, joyeux...
Le maître, on le fait chier, il agit immédiatement. L'esclave, le faible, on le fait chier, il peut pas agir, il peut pas se venger, il transforme son impuissance, en un "je veux pas, c'est pas bien de se venger, c'est pas bien d'être comme les maîtres"; il renverse le positif en négatif : "nous les malheureux nous sommes les bons, vous les heureux, vous êtes mauvais." C'est ça le ressentiment à l'égard de la vie, détester tout ce qui est bien, heureux, supérieur, à cause de son malheur, et juger la vie nulle à cause de sa propre nullité ; le vie mutilée cherche partout le négatif, elle ne verra jamais rien de bon, de joyeux, en rien, il lui faut toujours condamner...
La voie de la grâce, c'est pas la voie de Dieu, cela peut l'être, mais pas nécessairement, cette voie peut se mener de manière immanente, c'est d'abord le choix d'un mode d'existence qui ne déprécie pas ce qui est, qui ne condamne pas la nature, la vie, l'existence, parce qu'il y a du négatif... Ce que Dieu oppose à Job, c'est au-delà de son propre malheur, la joie de la création... Tout chante la création ; tout est joie ; tout est gloire, lumière. Tout est louange. C'est un des mots de Nietzsche ; l'art doit louer la création, la porter plus haut, la métamorphoser, donner de la joie, du bonheur. Toute joie veut l'éternité.
Je peux jouer du piano, au tennis, aux échecs, selon la voie de la grâce (de la joie) ou selon la voie de la nature ; aucun problème (d'un côté, je cherche à démolir l'autre (pensons à Raging Bull) ou alors tout simplement à affirmer ma puissance, là, l'autre n'est pas mon adversaire, je compose avec lui des rapports créatifs...
Le problème de Nietzsche, c'est pas la religion, mais le négatif, l'ascétisme ; le jugement négatif porté sur la création, sur la nature, sur la vie.
Tout est bien, tout est joie, tout est éclat, gloire, disent les personnages de Malick, après leur traversée du négatif ; c'est la joie dionysiaque, celle qui n'ignore rien du négatif (dont l'extrême est bien entendu la mort ; Witt a raté la sérénité dans la mort de sa mère, contrairement à sa sœur) qui dit oui à la vie, et qui se saisit dans la belle apparence apollinienne (l'éclat du sensible) ; les deux ne sont pas séparés.
Ô homme, prends garde!
Que dit le profond minuit?
«J'ai dormi, j'ai dormi,
D'un rêve profond je me suis éveillé:
Le monde est profond.
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profond est son mal.
La joie, plus profonde que l'affliction.
La douleur dit: Passe et péris.
Mais toute joie veut l'éternité,
Veut la profonde, profonde éternité! »
Quel est le problème de l'éternel retour, très simplement ; d'une part, il y a la volonté de puissance, le désir du surhumain, et de l'autre cette étrange idée d'un temps circulaire, qui ramène tout ; pour qui veut dépasser l'homme, le petit, le médiocre, arriver au surhomme, c'est terrifiant ; tout revient, le mal, le bien, le petit... Devant une idée pareille du temps, on ne peut que sombrer dans le nihilisme, le à quoi bon... L'éternel retour est pour la volonté de puissance, la volonté de dépassement, de devenir, et de métamorphose, l'obstacle absolu ; l'épreuve la plus difficile ; comment en triompher ? La solution est simple, elle ne change rien, et elle change tout ; si tout revient, peux-tu vouloir revivre sans fin ta vie ? Ainsi apparaît l'impératif : il faut vivre de telle sorte que tu puisses vouloir revivre infiniment ta vie. Ce que je fais, vis, crée, aime... puis-je vouloir le revivre, encore et encore... Aimant j'aime en voulant l'éternel... Cela ne décide de rien, pas du tout du type de vie, mais du mode, de la manière dont je la vis : je la veux, éternelle, là même... Je ne peux vouloir que le joyeux, ce en quoi je trouve de la joie, je ne peux pas vouloir le retour du négatif ; cela n'a pas de sens. Cela ne décide pas pour une vie, contre une autre, pour un mode d'existence, mais pour une modalité de mon rapport aux choses, à moi, à l'étant ; la joie est singulière, et ce qui est affirmé aussi ; l'essentiel est de vivre de telle sorte que l'on veuille dans la vie même, dans l'acte même, dans l'instant, que cela que je vis revienne éternellement.
« Que celui à qui l’effort donne le sentiment suprême fasse des efforts ; que celui à qui la tranquillité donne le sentiment suprême se tienne dans le repos ; que celui à qui la subordination, la soumission, l’obéissance donne le sentiment suprême, obéisse. Que seulement ils prennent conscience de ce qui leur donne le sentiment suprême et ne rougissent d’aucun moyen ! Il s’agit de l’éternité ! »
« Gravons l’image de l’éternité sur notre vie »
« Avez-vous jamais approuvé une joie. Ô mes amis, alors vous avez aussi approuvé toutes les douleurs. Toutes les choses sont enchaînées … Vouliez-vous jamais qu’une même fois revienne deux fois ? — C’est ainsi que vous voudrez que tout revienne » (6, 469).
« Approuver un fait est tout approuver »
« Toute joie veut l’éternité de toutes choses »
C'est toujours une essence singulière qui affirme, dit "oui", dans la joie, dans la joie de l'éternité, éprouvée dans l'instant.
" Pour autant que l’affirmation de la situation de fait dépend de ce qu’un seul instant est vécu de façon telle que l’homme veut éternellement le revivre à nouveau, cet homme est « sauvé » même s’il ne vit que ce seul instant. Aussi est-ce un bonheur pour Zarathoustra que, le rencontrant, même l’homme le plus désespéré puisse dire à la vie à cause d’un instant : eh bien ! Encore une fois ! (6, 462). "
(Karl Jaspers)
"Where were you when I laid the foundation of the earth ? When the morning stars sang together, and all the sons of God shouted for joy?"
Le monde qui fait chanter de joie, c'est pas un autre monde, c'est le même que celui qui fait hurler de douleur ; ce qui change, c'est la volonté, la vision, la perception ; Witt n'a pas vu un autre monde, mais le monde autrement...
Est-ce une affaire de subjectivité, de croyance... mais qu'est-ce qu'un sujet, une croyance ?
Le film s'ouvre sur Job ; le problème de Job est celui de l'existence du Mal, ou plus précisément de la disjonction entre la bonté de Dieu et l'existence du Mal, qui n'épargne personne. Job est bon, et il perd tout, sans raison, ses gosses, ses biens, sa maison, sa santé… Ses amis le consolent… "Tu as dû faire quelque chose de pas bien, sans le savoir, Dieu ne punit pas..." Il refuse ce blablabla conventionnel.
Dans le film, ce n'est pas le père qui occupe la position de Job, c'est la mère, c'est à elle qu'est imposée l'épreuve de la foi : comment continuer à croire à la voie de la grâce quand on perd un être que l'on aime, comment encore croire en Dieu, en sa bonté, comment continuer à l'aimer. Cette question bien entendu est portée à un niveau métaphysique, cosmique, social, politique. La question de l'injustice est posée dans le film, à plusieurs niveaux : la mort, l'injustice sociale, la condition des Noirs, celle des "handicapés", les criminels, le gosse brûlé dans l'incendie, mais aussi de manière cosmique, la destruction des mondes, des étoiles, des planètes. Le cycle de la vie et de la mort, indifférent à la conscience, à la morale, à la justice. L'être se continue indifférent. "Crois-tu que le malheur te sera épargné parce que tu as été bon", dit une des voix de La Ligne rouge. C'est ce que dit le prêtre : ne croyez pas que parce que vous êtes bons, la catastrophe vous sera épargnée ; on ne sait jamais quand le malheur vient frapper à la porte. La bonté ne protège de rien. La nature, l'être ne nous traite pas mieux que le reste de l'étant. Nous sommes des feuilles, disent souvent les personnages de Malick ; le vent nous emporte. Nous venons, nous allons ; rien ne reste, tout est transitoire.
C'est la question du sens ; y a-t-il du sens, ou seulement de la nature, du hasard, des lois causales... Le monde a-t-il un sens, y-a-t-il de la valeur, dans le monde, au monde, et en dehors du monde.
Ce sont des questions classiques, en philo, en religion, dans la vie ordinaire.
Cette disjonction entre la justice, le Bien, et l'être, en philosophie est l'affaire de la théodicée. On peut citer la solution de Leibniz, oui, y a de l'imperfection, mais nous sommes dans le meilleur des mondes possibles, celui qui est susceptible de progrès. Il en existe d'autres, celle des limites du savoir humain, ce que nous jugeons mauvais ne l'est pas, du point de vue de Dieu, du tout. D'autres, les super croyants, comme Chestov, ou Kierkegaard, disent "Dieu est au-delà de la raison et de l'être, c'est folie que de chercher à le justifier, à l'expliquer, il décide, et puis basta."
Ce qui est, faut le vouloir, et donc vouloir le vouloir de Dieu. Les stoïciens appellent ça eux, de leur point de vue, fatum voli. Nietzsche retravaillera cette idée, depuis l'idée du retour éternel. Ce qui arrive, il faut le vouloir (cf Deleuze, Logique du sens, par exemple : si la morale a un sens, c'est être digne de ce qui arrive).
Face au négatif, on peut avoir plusieurs attitudes, le vouloir, dans le cadre d'une transcendance, et vouloir ce qui nous dépasse, ce qui dépasse notre finitude, ou alors, parce qu'il n'y a plus de valeur supérieure qui ordonne la totalité de l'étant et lui donne sens, le considérer comme un motif, une cause, un critère de rejet, d'accusation de l'existence (plus rien n'a de sens, l'absurde) ; c'est ce que Nietzsche appelait la mort de Dieu, le nihilisme au sens passif du terme ; les hommes ne croient plus en rien, ils ne sont plus foutus de projeter de grand dessein, de vouloir au-delà de leur petite vie ; il y a aussi le sens actif du nihilisme, celui des créateurs, qui devant la dévaluation de tout ce qui a été tenu pour grand, vénérable, se disent, va falloir recréer de nouvelles valeurs, dépasser l'homme moyen, qui se croit la fin de l'histoire et mène sa petite vie sans au-delà ; l'au-delà n'étant pas nécessairement religieux, métaphysique. Nietzsche ne condamne pas la religion en soi, mais la forme de vie qui s'exprime en elle, qui en a besoin ; il s'agit de savoir quelle forme, quel degré de puissance s'exprime en elle, vit en elle ; les valeurs autant que la vie qui s'affirment en elle ; un religieux peut avoir plus de valeur dans ce sens que l'athée, ou le nihiliste, surtout passif. La vie est toujours un mode d'expression, un mouvement de la croyance ; d'une croyance ou l'autre. Pas de vie sans croyance.
Si on n'a pas de mesure extérieure, transcendante pour juger les valeurs, la vie... les institutions, l'art... le tout de l'étant, même Dieu, le seul critère, c'est la vie même... Les choses valent ce que vaut la vie qui s'affirme en elle, ce qu'elles permettent comme dépassement, transcendance, affirmation : joie ; la joie étant le signe de la bonne vie, de la vie bonne. Plus une chose rend joyeux, plus elle est l'expression de la joie, meilleure elle est. Tout ce qui diminue, attriste, mutile, est mauvais. Une vie est d'autant plus forte qu'elle peut trouver de la joie dans les choses terribles...
L'un des traits constants de Nietzsche, c'est la dénonciation de la critique de la vie, de l'être, au nom du négatif (la mort, le mal, la maladie...). On crache sur la vie. Elle ne vaut rien. Cette critique, ce rejet, religieux, ascétique, est ramené à un mode d'existence diminué, à un degré de puissance séparé de lui-même. Ce sont les ratés qui condamnent la vie, la trouvent nulle, mauvaise, et qui projettent dans un au-delà, un avenir, une vie meilleure.
(Notons que cette projection quand elle est le fait d'êtres forts n'est pas négative, ainsi le judaïsme de l'Ancien testament est meilleur que le christianisme (et toutes ses variations, politiques et esthétiques, le socialisme, la démocratie, le romantisme, le naturalisme...) ou le bouddhisme, expression absolue de la volonté de néant, du désir d'échapper à une vie jugée mauvaise ; bien entendu Nietzsche ne savait pas grand chose du bouddhisme...)
L'histoire est une histoire du déclin. Philosophiquement, la rupture, c'est Socrate, et Platon, la fin de la pensée tragique, de la pensée présocratique, la rupture entre le sensible et l'intelligible, la coupure métaphysique : l'ici-bas est jugé au nom d'un au-delà... dans cette rupture vient s'installer le christianisme ; platonisme pour le peuple, comme dit Nietzsche.
Historiquement, cela correspond au renversement par ceux que Nietzsche appelle les esclaves (les juifs, mais surtout les chrétiens) des valeurs aristocratiques : l'aristocrate s'éprouve immédiatement, il se dit "je suis bon, heureux" (bon et heureux, ici, sont identiques, cela n'a rien de moral, il ne s'agit pas de correspondre à un norme, à des lois, à des règles ; c'est grec ; le beau, le bon, l'être sont identiques). La joie, le bonheur, c'est un mode de relation à soi qui s'éprouve dans l'action en tant qu'elle manifeste un certain degré de puissance, peu importe sa quantité : je suis bon, quand je cours, chante, peins... quoi que je fasse, dès que je manifeste ma puissance, que je m'éprouve, joyeusement.
(Pensons aux scènes de course dans Tree of life, aux jeux entre la mère et les gosses, au scène de danse ; ça c'est de la joie comme expression d'un degré de puissance; on trouve souvent ce genre de scène dans Malick ; la vie est saisie comme bonne, sur un plan d'immanence ; l'image la plus souvent utilisée pour exprimer cela, c'est la nage, la composition harmonieuse d'un corps et d'un élément naturel ; il faut voir là la traduction de l'expression "comme un poisson dans l'eau" ; Deleuze utilise la nage dans son cours sur Spinoza pour exprimer l'idée du rapport joyeux de deux corps...)
La vie est essentiellement puissance ; je suis ce que je peux. La volonté de puissance, comme dit Heidegger ce n'est pas la volonté qui veut la puissance, encore moins le pouvoir, la domination, mais la puissance qui veut, crée, se métamorphose, devient...
Maintenant pensons au père ; il y a la vie bonne, joyeuse, heureuse, qui n'est pas séparée de ce qu'elle peut, puis il y a la vie séparée d'elle-même, de sa puissance. La vie impuissante, la vie de l'esclave. Le père (qui l'est de manière multiple, rien que par le fait qu'il bosse, et est donc inscrit à l'intérieur d'un ordre, qu'il déteste, parce qu'il s'estime supérieur à lui) ne cesse de le dire, et redire : il a raté sa vie, il aurait voulu être musicien. Il vit dans la honte de son échec ; quoi qu'il fasse (dans son boulot, comme mari, comme père, éducateur...) cette honte ne le quitte pas. La voie de la nature, en l'homme, cherche à dominer, écraser, déteste le bonheur des autres, toute joie, toute réussite lui est insupportable...
Le père est un homme du ressentiment, parce qu'il juge sa vie, au nom d'une autre vie, possible, imaginaire, meilleure, mais qui n'a jamais eu lieu, qui n'a pas lieu ; pas besoin de projeter des valeurs transcendantes... le possible, le regret, le remord, sont des modes de séparation de la vie d'avec elle-même.
L'esclave, qui ne peut pas manifester sa puissance pour une raison ou une autre, parce qu'il en est séparé, ne part pas du "je peux", de sa puissance, mais au contraire de la puissance de l'autre, du maître, de l'heureux, du puissant, il est dans la comparaison, il voit non pas ce qu'il peut faire, mais ce qu'il ne peut pas faire (la femme du voisin, sa réussite...)
Tout ce qu'il n'est pas, il l'envie, et parce que dans l'envie il y a toujours l'envie de meurtre, il le déteste, il cherche à le rabaisser, à l'affaiblir (par la pitié, en dernier lieu ; la supériorité de Zarathoustra sur Jésus, c'est l'échec de Jésus devant la pitié ; il a eu pitié de la souffrance, de la douleur...) L'impuissant déteste tout ce qui est beau, grand, fort, heureux, joyeux...
Le maître, on le fait chier, il agit immédiatement. L'esclave, le faible, on le fait chier, il peut pas agir, il peut pas se venger, il transforme son impuissance, en un "je veux pas, c'est pas bien de se venger, c'est pas bien d'être comme les maîtres"; il renverse le positif en négatif : "nous les malheureux nous sommes les bons, vous les heureux, vous êtes mauvais." C'est ça le ressentiment à l'égard de la vie, détester tout ce qui est bien, heureux, supérieur, à cause de son malheur, et juger la vie nulle à cause de sa propre nullité ; le vie mutilée cherche partout le négatif, elle ne verra jamais rien de bon, de joyeux, en rien, il lui faut toujours condamner...
La voie de la grâce, c'est pas la voie de Dieu, cela peut l'être, mais pas nécessairement, cette voie peut se mener de manière immanente, c'est d'abord le choix d'un mode d'existence qui ne déprécie pas ce qui est, qui ne condamne pas la nature, la vie, l'existence, parce qu'il y a du négatif... Ce que Dieu oppose à Job, c'est au-delà de son propre malheur, la joie de la création... Tout chante la création ; tout est joie ; tout est gloire, lumière. Tout est louange. C'est un des mots de Nietzsche ; l'art doit louer la création, la porter plus haut, la métamorphoser, donner de la joie, du bonheur. Toute joie veut l'éternité.
Je peux jouer du piano, au tennis, aux échecs, selon la voie de la grâce (de la joie) ou selon la voie de la nature ; aucun problème (d'un côté, je cherche à démolir l'autre (pensons à Raging Bull) ou alors tout simplement à affirmer ma puissance, là, l'autre n'est pas mon adversaire, je compose avec lui des rapports créatifs...
Le problème de Nietzsche, c'est pas la religion, mais le négatif, l'ascétisme ; le jugement négatif porté sur la création, sur la nature, sur la vie.
Tout est bien, tout est joie, tout est éclat, gloire, disent les personnages de Malick, après leur traversée du négatif ; c'est la joie dionysiaque, celle qui n'ignore rien du négatif (dont l'extrême est bien entendu la mort ; Witt a raté la sérénité dans la mort de sa mère, contrairement à sa sœur) qui dit oui à la vie, et qui se saisit dans la belle apparence apollinienne (l'éclat du sensible) ; les deux ne sont pas séparés.
Ô homme, prends garde!
Que dit le profond minuit?
«J'ai dormi, j'ai dormi,
D'un rêve profond je me suis éveillé:
Le monde est profond.
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profond est son mal.
La joie, plus profonde que l'affliction.
La douleur dit: Passe et péris.
Mais toute joie veut l'éternité,
Veut la profonde, profonde éternité! »
Quel est le problème de l'éternel retour, très simplement ; d'une part, il y a la volonté de puissance, le désir du surhumain, et de l'autre cette étrange idée d'un temps circulaire, qui ramène tout ; pour qui veut dépasser l'homme, le petit, le médiocre, arriver au surhomme, c'est terrifiant ; tout revient, le mal, le bien, le petit... Devant une idée pareille du temps, on ne peut que sombrer dans le nihilisme, le à quoi bon... L'éternel retour est pour la volonté de puissance, la volonté de dépassement, de devenir, et de métamorphose, l'obstacle absolu ; l'épreuve la plus difficile ; comment en triompher ? La solution est simple, elle ne change rien, et elle change tout ; si tout revient, peux-tu vouloir revivre sans fin ta vie ? Ainsi apparaît l'impératif : il faut vivre de telle sorte que tu puisses vouloir revivre infiniment ta vie. Ce que je fais, vis, crée, aime... puis-je vouloir le revivre, encore et encore... Aimant j'aime en voulant l'éternel... Cela ne décide de rien, pas du tout du type de vie, mais du mode, de la manière dont je la vis : je la veux, éternelle, là même... Je ne peux vouloir que le joyeux, ce en quoi je trouve de la joie, je ne peux pas vouloir le retour du négatif ; cela n'a pas de sens. Cela ne décide pas pour une vie, contre une autre, pour un mode d'existence, mais pour une modalité de mon rapport aux choses, à moi, à l'étant ; la joie est singulière, et ce qui est affirmé aussi ; l'essentiel est de vivre de telle sorte que l'on veuille dans la vie même, dans l'acte même, dans l'instant, que cela que je vis revienne éternellement.
« Que celui à qui l’effort donne le sentiment suprême fasse des efforts ; que celui à qui la tranquillité donne le sentiment suprême se tienne dans le repos ; que celui à qui la subordination, la soumission, l’obéissance donne le sentiment suprême, obéisse. Que seulement ils prennent conscience de ce qui leur donne le sentiment suprême et ne rougissent d’aucun moyen ! Il s’agit de l’éternité ! »
« Gravons l’image de l’éternité sur notre vie »
« Avez-vous jamais approuvé une joie. Ô mes amis, alors vous avez aussi approuvé toutes les douleurs. Toutes les choses sont enchaînées … Vouliez-vous jamais qu’une même fois revienne deux fois ? — C’est ainsi que vous voudrez que tout revienne » (6, 469).
« Approuver un fait est tout approuver »
« Toute joie veut l’éternité de toutes choses »
C'est toujours une essence singulière qui affirme, dit "oui", dans la joie, dans la joie de l'éternité, éprouvée dans l'instant.
" Pour autant que l’affirmation de la situation de fait dépend de ce qu’un seul instant est vécu de façon telle que l’homme veut éternellement le revivre à nouveau, cet homme est « sauvé » même s’il ne vit que ce seul instant. Aussi est-ce un bonheur pour Zarathoustra que, le rencontrant, même l’homme le plus désespéré puisse dire à la vie à cause d’un instant : eh bien ! Encore une fois ! (6, 462). "
(Karl Jaspers)
"Where were you when I laid the foundation of the earth ? When the morning stars sang together, and all the sons of God shouted for joy?"
Le monde qui fait chanter de joie, c'est pas un autre monde, c'est le même que celui qui fait hurler de douleur ; ce qui change, c'est la volonté, la vision, la perception ; Witt n'a pas vu un autre monde, mais le monde autrement...
Est-ce une affaire de subjectivité, de croyance... mais qu'est-ce qu'un sujet, une croyance ?
Borges- Messages : 6044
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
désolé pour les fautes; il doit y en avoir des tonnes... c'est ainsi; je dis oui...
L'aspect religieux de l'oeuvre de Malick est bien entendu indéniable; mais c'est plus un problème, une donnée à penser, qu'un tare.
(une fois de plus : ne jamais oublier, pour Nietzsche, y a rien de mauvais, en soi, tout dépend du degré de puissance qui s'affirme dans une chose; y a des athées médiocres, et des croyants admirables, joyeux, forts...)
L'aspect religieux de l'oeuvre de Malick est bien entendu indéniable; mais c'est plus un problème, une donnée à penser, qu'un tare.
(une fois de plus : ne jamais oublier, pour Nietzsche, y a rien de mauvais, en soi, tout dépend du degré de puissance qui s'affirme dans une chose; y a des athées médiocres, et des croyants admirables, joyeux, forts...)
Borges- Messages : 6044
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
salut ô Borges, patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Invité- Invité
Re: Tree of Life et le cinéma de T. Malick
après il y a ce régime d'images, leur agencement, on peut difficilement parler de mise en scène qu'a choisis Malick, metteur en images, esthète.
Invité- Invité
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