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Admiration du cinéma dans son écriture (vos livres, vos textes de cinéma aimés)

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Message par Borges Lun 14 Mai 2012 - 17:41

Le livre de Jean Louis Schefer, "l'homme ordinaire du cinéma", est sans doute l'un des plus beaux, des plus riches, des plus mystérieux, à avoir jamais été écrits sur le cinéma. Il faut le lire lentement, le penser, se le rappeler; on n'a de toute façon pas le choix; on ne peut pas faire autrement, il nous arrête si souvent par une image, une phrase ou une pensée; celle-ci par exemple : une partie de notre vie passe dans des souvenirs de films, parfois les plus indifférents aux contenus de cette vie. J'adore cette idée, mais est-ce une idée?, qui va tellement plus loin que la banalité qui veut que nous vivions au cinéma des vies par procuration; ce que nous vivons au cinéma, c'est pas un présent, c'est pas un imaginaire, c'est toujours déjà passé, c'est des souvenirs de vies que nous n'avons jamais vécues, des vies qui se sont passées sans nous, mais dont nous ne pouvons pas nous passer; c'est pas du platonisme; notre vie réelle n'est pas l'ombre de la vraie vie; nous avons simplement en nous la mémoire d'autres vies. Une autre mémoire, la mémoire des autres. On se souvient du fameux passage de Hamlet : "What's Hecuba to him, or he to Hecuba, That he should weep for her? " Cette question est merveilleusement mise en scène, en affect, dans "vivre sa vie", quand Nana pleure devant les images du film de Dreyer; que lui est donc Jeanne d'arc? C'est ça le cinéma; et ce n'est pas seulement une question esthétique...Le cinéma c'est la passion de l'autre, dont nous sommes mystérieusement la mémoire, la trace.


Dernière édition par Borges le Lun 4 Juin 2012 - 8:58, édité 1 fois
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Message par Invité Lun 14 Mai 2012 - 19:08

C'est un livre impressionnant et intimidant, que je n'ai pas su poursuivre, il y a des années de ça, parce que je trouvais ça fort difficile.
De cette difficulté qui tient à une pensée exigeante, qui réclame bcp de lenteur, un long travail de la pensée.
Je n'étais pas prêt pour ce livre. Faudra que je m'y remette...

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Message par Invité Lun 14 Mai 2012 - 19:47

c'est vrai que c'est un beau texte mais je n'y reviens pas plus qu'aux autres textes. Il n'y a pas de livres sur le cinéma dont je puisse faire un livre de chevet. Je trouve toujours qu'il y a une certaine contingence dans les textes sur le cinéma. L'un renvoie toujours trop à l'autre. C'est comme un corpus en évolution.

en revanche, comme tout le monde, j'ai des films de chevet. Et les films que j'aime me semblent toujours être des objets parfaitement finis.

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Message par Invité Mer 23 Mai 2012 - 18:56

ce texte de Roland Barthes, La chambre claire, sur la photographie et justement parce que sur la photographie m'a fasciné quand jeune je l'ai lu, portant un regard novateur sur elle et lui même porté par l'écriture inimitable de Barthes.

A côté le texte de Schefer me semble assez vulgaire tout emprunté qu'il est par son lourd tribut bimbelotier à la cinéphilie.

Là ou Barthes m'a trouvé, Schefer me cherche ...

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Message par Invité Mer 23 Mai 2012 - 20:44

Si l'homme a été assez génial (comme on apprend que les figures géométriques, leurs lignes étant extérieurement prolongées, construisent d'autres figures de propriétés semblables et de plus grandes dimensions) pour s'apercevoir que ses muscles pouvaient mouvoir par pression et non plus par traction un squelette extérieur à lui-même et préférable locomoteur parce qu'il n'a pas besoin de l'évolution des siècles pour se transformer selon la direction du plus de force utilisée, prolongement minéral de son système osseux et presque indéfiniment perfectible, étant né de la géométrie ; il devait se servir de cette machine à engrenages pour capturer dans un drainage rapide les formes et les couleurs, dans le moins de temps possible, le long des routes et des pistes ; car servir les aliments à l'esprit broyés et brouillés épargne le travail des oubliettes destructives de la mémoire, et l'esprit peut d'autant plus aisément après cette assimilation recréer des formes et couleurs nouvelles selon soi. Nous ne savons pas créer du néant, mais le pourrions du chaos. Et il semblait évident à Sengle, quoique trop paresseux pour être jamais allé le voir fonctionner, que le cinématographe était préférable au stéréoscope...

C'est peut-être selon cette compréhension qu'il ne se rappelait plus du tout la figure de Valens...


Les Jours et les Nuits, Alfred Jarry. Il enfonce Proust Merleau-Ponty, Husserl et son noëme-noése (c'est aussi une histoire de la géométrie, et une Histoire par la conservation de l'origine sensible de la géométrie dans sa transmission) et rejoint Godard (le cinéma comme ontologistation de l'histoire, sans recourir à la figure du déploiement d'un esprit) rien qu'en prenant un peu au sérieux la phénoménologie du paysage dans un tour à bicyclette, et la structure d'un pédalier. Il n'a même pas eu besoin de voir un seul film pour comprendre le cinéma. La compréhension de l'existential provient de là plus que d'Heidegger.

En plus le mouvement de ce chapître est celui d'un zoom sur un visage qui s'affirme en pensant à un autre visage qui dispalraît, clôturant un spéculation philosophique décrite en flash-back

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Message par Invité Jeu 31 Mai 2012 - 18:47

Admiration du cinéma dans son écriture (vos livres, vos textes de cinéma aimés) 31yDcYz3VSL._SL500_AA300_
21 photographies de scène d'amour au cinéma,
images globales. à partir d'un détail extrait de
chacune d'elles, 21 auteurs racontent une scène
d'amour sans avoir connaissance de la photographie
d'origine.

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Message par Invité Jeu 31 Mai 2012 - 18:51

à propos de scènes d'amour, misérable Audiard et Cronenberg inspiré.

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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 15:21

Trouvé chez Verdier des textes de Benjamin Fondane sur le cinéma, notamment les enjeux esthétiques et politiques du passage au parlant (décrit le moment où le rapport accidentel de l'esthétique du cinéma aux masse devient conscient), ainsi que ses scénarios et le film (un film tiré de Ramuz, un autre en Argentine, dans l'esprit des Marx Brothers).
Cela a l'air bien intéressant (malgré le style parfois un peu lourd de Fondane, mêlant la polémique un peu azimutée et la réflexion plus poussée), lié de manière oblique à Kracauer et "Letter To Jane"
Il n'y a plus qu'à les lire, un jour.

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Message par Invité Ven 1 Juin 2012 - 17:08

"passage au parlant"

la césure fondamentale car le cinéma "parlait" bien avant le parlant, a été le passage du format court, les "vues" - quoique déjà là on montait, vers les films de moyens et longs métrages.

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Message par Invité Dim 3 Juin 2012 - 21:54

A vrai dire Fondane écrit très bien lorsqu’il en vient au fait. C'est déjà une pensée de la mort du cinéma, mais de la survie possible de la cinéphilie. Très proche de ce que l'on appelait "cinéma subtil" il y a 10 ans. Daney semble lui devoir beaucoup.

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Message par Invité Mer 6 Juin 2012 - 8:45

J'ai été doublement injuste avec Fondane
1) Il écrit très bien et polémique justement peu
2) Il est sans doute beaucoup plus proche de Nietzsche (sa critique du ressentiment) et Deleuze (l'attention à la littérature "mineure") que de Kracauer

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Message par Invité Mer 6 Juin 2012 - 16:32

Parce qu'il y a une ouverture messianiste dans sa pensée (étrange à cerner précisément, il est à la fois matérialiste et messianiste, mais pas du tout comme Benjamin, c'est plus hétérodoxe philosophiquement et plus familier, le messianisme répond à l'absurde plus qu'à l'oubli), Fondane ne se rend pas tout de suite compte que ce qu'il nomme en 1929 avec espoir, sera dès 1931 une bonne raison d'être fatigué de la cinéphile.
Plus vous comprenez les films, moins vous comprenez pourquoi vous les voyez ou avec qui les partager...ça ne vous arrive jamais?
Fondane a bien vu cela, mais l'exprime indirectement, comme une distance par rapport au désir, qui à son époque était encore franchissable dans la rue, alors qu'à présent on en sait pas s'il est dans la peau, ou dans des tunnels de fibre optique. D'autre part dans le muet la question de la connaissance l'origine du cinéma et était encore confondues avec celle de son public. Mais à présent peut-être qu'avec Internet l'arrivée du parlant débouche sur la mort de la salle, les deux question divorcent irrémédiablement.

"Nous avons vus, de nos yeux vus, l'inondation, le tremblement de terre, la révolution, l'avènement des "barbares", des "chauffeurs" et tous le reste. Dans ce torrent louche des sans-aveux, des hors-la-loi, il y avait des pêcheurs, des courtisanes, des mécaniciens, des photographes à la minute, des commerçant ignares: ce sont eux qui ont donné naissance au cinéma, le premier art non noble depuis l'existence du monde, le premier art non-religieux aussi"

[...]

Non, je n'ai vraiment pas l'intention de vous parler du cinéma soit en tant qu'objet d'art, soit en tant que signification; j'aimerais qu'il fût pour vous, et il l'est à coup sûr, une chose qui existe sans qu'on juge bon d'en parler trop souvent, et d'autant plus profondément, qu'il est dans sa nature de ne pas être un objet de luxe, mais une fonction qui répond à un besoin, ce qui explique que le cinéma se répande à 50m de votre désir, point entouré de square et hiératique, mais simplement assise sur le trottoir, comme la merveilleuse cathédrale de Vienne, le Stephansdom, le buste dans une rue étroite, pressé entre deux gros magasins, de sorte qu'on croit vraiment lui marcher sur les pieds. Si naturel à cette place, aussi naturel que le boucher et le quincaillier, que la pensée le pose là sans ambages, lui suppose un passé immémorial - à lui, le seul art qui ait l'âge de la femme que l'on aime.


in
"Présentation de films purs"

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Message par Invité Mar 16 Oct 2012 - 22:11



Orwa Nyrabia : "Cette détention, la plus grosse fiction de toute ma vie"

LE MONDE | 13.10.2012 à 11h48 • Mis à jour le 16.10.2012 à 08h10

Par Claire Talon (Le Caire, correspondance)

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Orwa Nyrabia cherche un appartement à louer au Caire pour quelques mois seulement. Le temps de boucler un film interrompu par son arrestation, le 23 août, à Damas, par les renseignements militaires. Rescapé d'une détention de vingt-deux jours à Kafr Soussé, un quartier de la capitale, le cinéaste de 35 ans, fondateur d'un festival renommé et qui se décrit comme ayant longtemps été un "opposant subtil" au régime, croit plus que jamais au pouvoir du cinéma. "Cette détention a été la plus grosse fiction de toute ma vie", affirme-t-il, encore éberlué par le côté surréaliste de ses interrogatoires malgré l'horreur dont il a été témoin.

Avant d'être arrêté à l'aéroport de Damas alors qu'il se rendait au Caire pour un séminaire, Orwa Nyrabia a mis depuis le début de la révolution sa notoriété au service de la résistance. Sans doute dénoncé sous la torture par un autre activiste, il comprend dès son deuxième jour en prison qu'il aura droit à un traitement spécial qui lui évitera le pire. "Quand j'ai entendu un officier demander : "C'est lui, le brillant cinéaste ?", j'ai tout de suite compris qu'il avait entendu ce mot à la télé." Au-dehors, une campagne de soutien internationale demande déjà sa libération, et Orwa Nyrabia découvre avec soulagement que ses amis ont fait fermer ses comptes Gmail, Skype et Facebook : une manoeuvre à laquelle se livrent systématiquement les activistes lorsque l'un des leurs est pris, pour éviter les arrestations en cascade. "Google, Facebook et compagnie ont de bons accords avec la résistance", affirme-t-il entre deux bouffées de cigarette.

Contrairement à ses quatre-vingts compagnons de cellule, entassés depuis des mois dans la geôle de 3 mètres sur 7, il n'est pas torturé et son cas avance vite : son interrogatoire commence dès son arrivée.

"LEUR OBSESSION, C'EST LE COMPLOT UNIVERSEL"

"Leur fantasme, c'est 'CSI', la série B américaine : ils rêvent de capturer des espions. Ils ont une imagination de bande dessinée. Leur obsession, c'est le complot universel, ils y croient à fond. Ils ne peuvent pas imaginer qu'un activiste n'est pas un agent de l'étranger. Du coup, ils s'intéressent beaucoup plus à l'étranger qu'aux activités de la résistance elle-même." De "pauvres gens", soupire Orwa Nyrabia, à qui l'un de ses interrogateurs demande un jour en toute naïveté qui est ce "Robert De Niro" qui a signé une vidéo en sa faveur et comment il le connaît. "J'ai souvent eu envie de rire", avoue-t-il, consterné.

Sur son ordinateur, les agents du régime trouvent des listes entières de médicaments envoyés par des activistes et des hôpitaux de terrain, des relevés de dépenses d'aide aux familles. Orwa Nyrabia brode, invente des noms, des histoires, mêlant fiction et réalité au point de s'y perdre lui-même. "Parfois, je leur racontais une histoire vraie en oubliant que ce n'était pas une fiction. Le soir, je répétais les noms imaginaires à mes copains de cellule pour ne pas les oublier."

Par-delà le côté délirant des accusations d'espionnage, c'est surtout l'ignorance de ses geôliers sur les activités des opposants qui frappe le cinéaste. "Ils avaient beaucoup d'informations fausses, et même les bonnes, ils n'en étaient pas sûrs. Ils ne savent rien de la résistance, ne comprennent rien au Conseil national ni aux comités de coordination. Leur seule stratégie, c'est d'extorquer des noms sous la torture. Ils arrêtent quand tu leur donnes dix noms. Moralité : ils ont une liste de 97 000 recherchés. C'est l'anarchie totale."

DES OFFICIERS INCULTES ET MAL À L'AISE DANS LEUR PROPRE RÔLE

Dans sa cellule, à part deux informateurs, sur quatre-vingts hommes, trois seulement sont de véritables activistes. Dix sont des criminels de droit commun qui ne comprennent rien de ce qu'on leur reproche. Mais le plus frappant est que le gros des détenus (65 sur 80) est composé de conscrits d'une vingtaine d'années sans aucune conscience politique, emprisonnés depuis deux, cinq ou sept mois et soupçonnés "d'avoir eu l'intention de déserter" ou accusés "d'avoir critiqué un bombardement sur leur village".

L'une des raisons de cette confusion, selon Orwa Nyrabia, est que les quatre grands appareils de sécurité du régime ne communiquent pas entre eux : renseignements militaires, renseignements de l'armée de l'air, sécurité politique et sécurité d'Etat, désormais chapeautés par la sécurité nationale, se livrent même une concurrence effrénée pour gagner les faveurs de Bachar Al-Assad. "Le journaliste Mazen Darwish a été arrêté il y a plus de huit mois par les renseignements de l'armée de l'air, qui sont les plus sinistres : on n'a aucune nouvelle de lui, alors qu'il est beaucoup plus modéré que moi. C'est complètement illogique."

Orwa Nyrabia décrit des officiers incultes, épuisés, mal à l'aise dans leur propre rôle, qui se plaignent de n'avoir pas eu de vacances depuis le début de la révolution et que leur obsession du complot aveugle sur leur propre barbarie. Un jour, l'un d'eux s'énerve contre un rapport d'Human Rights Watch qui accuse la prison de suspendre les gens par les pieds pendant trois jours : "Ici, c'est toujours par les mains pendant trois jours, jamais par les pieds !", répète à l'envi l'homme surexcité d'avoir débusqué un "mensonge étranger". "Le type qui me mettait les menottes soupirait à chaque fois en disant qu'en sortant, j'allais dire qu'il était méchant. Les informateurs placés dans les cellules ne sont que de pauvres prisonniers à bout qui s'achètent un meilleur coin de cachot pour dormir." Un mal-être général qui alimente une violence généralisée : à midi, le docteur entame sa visite quotidienne en frappant les malades.

DES CODÉTENUS SANS ONGLES, TORTURÉS À L'ÉLECTRICITÉ

Orwa Nyrabia voit revenir ses codétenus détruits, sans ongles, avec des traces de torture à l'électricité. L'absence de soleil, l'humidité qui ronge, les hordes d'insectes, les maladies de peau ne sont rien à côté des hurlements permanents des torturés. La nuit, les cris se mêlent aux rires des tortionnaires ivres et une odeur insoutenable de sueur venue des chambres de torture envahit la cellule par l'unique fenêtre qui donne sur le couloir. "Je n'oublierai jamais ces nuits et cette odeur."

De sa détention, Orwa Nyrabia sort renforcé dans sa conviction : la révolution ne réussira pas sans aide extérieure. Et de ce point de vue, l'attitude des Occidentaux fait, selon lui, preuve d'un aveuglement total. "Si un activiste un peu islamiste a besoin d'argent pour soigner des blessés, il appelle l'Arabie et le Qatar, et le lendemain, il a l'argent sur son compte. Mais quand un laïc appelle l'Europe pour sauver les mêmes blessés, il faut un mois aux Occidentaux pour dire oui, et en plus ils demandent des factures ! Or, c'est celui qui va sauver le blessé qui gagnera les prochaines élections. Le Qatar nous donne 55 millions d'aide humanitaire, quand les Etats-Unis nous en promettent 15. L'Occident prétend éviter le danger islamiste en s'abstenant d'intervenir, mais le résultat sera inverse."

Aujourd'hui, pour lui, l'essentiel de l'argent du Qatar ne passerait cependant pas par les islamistes en Syrie. "L'argent qatari passe par...", Orwa Nyrabia inspire profondément, cherche ses mots "... des représentants de la droite libérale". Des hommes d'affaires ? Il refuse d'expliciter. Sain et sauf, il continue à peser le moindre mot. Pour ne mettre en danger personne. Pour pouvoir revenir en Syrie. "Droite libérale, ça suffit. Et c'est bien, c'est trop compliqué pour eux, ils ne comprendront pas", explique-t-il avec un sourire ironique.

Avant de rentrer, il tient cependant à faire passer son message. "L'un des miracles de la révolution, c'est l'intégration des diasporas syriennes grâce à Internet. Il existe des centaines de réseaux dans le monde qui trouvent des solutions pour faire arriver l'argent. Alors pourquoi la 'bureaucratie occidentale' continue-t-elle à inonder le Croissant-Rouge syrien ?", s'étrangle Orwa Nyrabia. Cette organisation officielle fonctionne selon les normes internationales et fournit des factures, mais elle est, d'après lui, totalement sous contrôle du régime et envoie toute l'aide aux régions fidèles à Bashar Al-Assad.

"J'ai perdu dix kilos en vingt jours, c'est le seul côté positif de la détention", lance-t-il dans un éclat de rire avant de replonger dans la fourmilière du Caire à la recherche d'un logement. "Pour quelques mois seulement, et je rentre."

Claire Talon (Le Caire, correspondance)

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