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Rohmer est mort : le reste est beauté

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 18:59


Il a un peu l'air de mélanger tout ça à sa sauce. Enfin, pour ce que j'en sais, il rentre vraiment dans le vif du sujet, avec plein de subtiles comparaisons entre Kant, Hegel, Schopenhauer et Heidegger. Si c'est du chiqué, c'est rudement bien imité.

Il ne mélange rien "à sa sauce" et il n'y a rien de subtil là-dedans: ce sont des considérations hyper-générales et vagues, telles qu'on peut en lire dans n'importe quel mauvais manuel d'intro à la philo conçu pour l'agreg.

Que ça t'impressionne quelque peu en dit long sur ton rapport "chiqué" et "imité" à la conceptualité philosophique, ce qui n'a rien d'étonnant quand on lit tes imitations de pensée, zazar.

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Message par balthazar claes Lun 1 Fév 2010 - 19:05

Ah, nous revoilà dans Road House.

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 19:05

mais on parle de quoi : de films ou de philo et pis surtout : où est l'ennemi ?

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 19:15

Je vais te dire de quoi on parle ccamille-simon: on parle des "femmes d'ouvrage" (les "servantes" comme les nommait Kant) dont Rohmer dit dans son speech consultable supra qu'on peut espérer qu'en tombant sur un prog de la télé scolaire (qui n'était d'ailleurs pas conçu pour elles), elles en sortent un tout petit peu "cultivées".


ça résume tout, et ça en dit long sur les schèmes philosophiques, politiques et esthétiques de Rohmer, nul besoin d'être grand clerc pour ça, ni de se laisser abuser par quelques références grotesques au "transcendantal" kantien (j'ai vu ce conte comme tous les autre Rohmer, y a longtemps: c'est une soi-disant prof de philo (dans le civil) et bien proprette qu'il fait parler, et on imagine donc facilement que c'est son dialogue à elle - ce qu'elle a confirmé dans un entretien que j'avais vu à la tv, entre deux passages de serpillère: Rohmer était très "impressionné", disait-elle, par ses "compétences philosophiques": il l'a laissée improviser ce passage sur "Kant" -. Le problème, c'est juste que son laïus est d'un ridicule achevé.
Le reste, c'est du cinéma - peut-être. Quoique. C'est le cinéma de Rohmer: je laisse les énamourés se délecter de telles mignardises.


Dernière édition par Simon Cussonaix le Lun 1 Fév 2010 - 22:08, édité 1 fois

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 19:28

ce qui fait le cinéaste ou l'écrivain ou le peintre ou le musicien ou l'architecte ou... ou...c'est l'oeuvre.
je vous laisse bien volontiers les commentaires.

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 19:33

Bien sûr. Comme si ça pouvait être désolidarisé du reste, alors que la "vision du monde" de Rohmer (réactionnaire, élitaire, fondée sur une étanchéité radicale entre les classes sociales perçues quasi comme des "races" hétérogènes), ça transpire à chaque plan, à chaque dialogue, derrière les jeunes filles en fleurs et les Jean-Hughe de bonne famille causant sentiment amoureux la bouche en cul de poule sous la charmille.

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Message par balthazar claes Lun 1 Fév 2010 - 19:40

Ça, évidemment... Mais il a quand même pour lui l'originalité, l'indépendance, ce côté irréductible, artisanal, cette bizarrerie... OK c'est l'anti-Rozier, mais c'est plutôt le bon ennemi, un peu. C'est pas Besson. Ou alors, c'est le pire ennemi sous son meilleur jour.

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 19:55

C'est clair que c'est facile d'être indépendant, irréductible et artisanal quand cette "posture" (qui fait tant l'admiration de Luchini - dans son hommage consultable sur dailymotion, avec son habituel baratin sur la beauté de la "langue") est assurée par une noblesse "naturelle", héréditaire, qui ne songerait pas un seul instant à se compromettre, à se "salir" avec l'argent, les industrieux, le divertissement de "masse" pour les "vulgaires".
L'ennemi sous son "meilleur jour"? Je dirais plutôt sous son jour naturel. la "langue" de Perceval, son principal usage, c'est de passer au tamis de la distinction l'homme commun (vulgaire) et l'homme cultivé, raffiné, sensible aux choses de "l'art".

Alors oui, d'accord, Rohmer rentrait de ses tournages chaque soir en prenant le train, et pas en limousine. C'était un homme simple. Mais ne confondons pas simplicité avec humilité: on ne précise pas qu'il avait son compartiment réservé en first class, rien ne l'aurait plus répugné que d'être mêlé à la plèbe suante.

On parle de "raffinement", de "simplicité", d'artisanat. Y a en effet différentes façons d'être un artisan, et à juste titre, tu cites Rozier: c'est pas la même famille, clairement.

Mate un peu un extrait de "dame tartine" (toujours sur dailymotion), tu te délecteras du dialogue entre les deux pimbèches se promenant sur l'esplanade Pompidou: "c'est beau, s'il n'y avait pas tous ces gens crasseux assis par terre qui gâchent le paysage".


Restent les œuvres. De bien belles œuvres. A part son premier, je fous presque tout à la poubelle, en ce qui me concerne.

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 20:04

le problème est qu'il n'est pas comme tu voudrais qu'il soit ? tu devrais te réjouir il est mort et ses films ne resteront peut être pas.
le monde sera débarrassé de lui et tu pourras sortir ta queue d'entre tes jambes pour y faire pousser des fleurs, en mai peut être

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Message par Borges Lun 1 Fév 2010 - 20:13






Je crois au contraire que, comme la musique, le cinéma jouit du privilège - ou du fardeau - d'un classicisme constitutif. Et pour des raisons exactement opposées. La musique, parce que nous l'avons vu, bon gré mal gré idéalise. Lui, parce qu'il en est incapable, se trouvant du fait de sa nature même condamné à coller au réel. Il n'a pas à se détacher des apparences, étant donné qu'elles constituent son bien essentiel, comme l'a magistralement, montré André Bazin dans la première section "Ontologie" de son recueil Qu'est ce que le cinéma ?. Là, Bazin, au sein du petit monde des théoriciens du film, a créé sa révolution à la Copernic. Le cinéma n'a pas besoin de nous mener au-delà de la perception commune, puisque c'est par la reproduction fidèle de celle-ci, dans son "objectivité" maximale, qu'il accède à l'être, en tant qu'art autonome. Paradoxalement, l'art sera d'autant plus grand et plus authentique chez lui qu'il y aura copie pure et simple, et non volonté d'interprétation. Cette inversion du rôle de la réalité et de l'artiste, contraire de celle qu'opère le peintre moderne, peut introduire à sa façon dans l'oeuvre une dimension transcendantale, ne serait-ce que par la conscience particulière et toute nouvelle qu'elle nous donne de la forme du Temps.






très simplement, trop simplement, même si le coeur n'y est pas du tout


Ca ressemble à du Hegel (cf esthétique) : la musique est le moins sensible, le moins matériel des arts, il s’adresse au sens le plus idéel, l’oreille ; dans la musique, presque pas de matière ;

mais, après, c'est du grand n'importe quoi ;

Rohmer oppose la musique qui idéalise par essence, bien que je ne sache pas du tout ce que cela peut vouloir dire idéaliser dans ce cas ; idéaliser une chose c’est pas de l’idéalisme, ni allemand ni transcendantal ; et je ne vois pas non plus le rapport entre le classicisme et l’idéalisme ; chez Hegel par exemple, le classicisme c’est la Grèce, rapport harmonique de la forme et du contenu, alors que la musique, c’est le romantisme-chrétien, l’esprit de l’intériorité chrétienne qui dit adieu au sensible (les grecs n'avaient pas une idée du divin aussi spirituelle que les chrétiens, pour eux il était encore dans la nature, de la nature... )

le cinéma de son côté serait le moins idéaliste, parce qu’il colle au réel, il n’a pas à se détacher des apparences, et c’est parce que il ne peut pas se détacher des apparences, du réel, qu’il serait ontologique, ontologique, parce qu'il donne la perception commune,

mais c’est tout à fait une grosse erreur ;

parce que ce dont nous parle ici Rohmer, c’est pas de l’être, mais de l’étant, l’être ne se donne pas dans la perception commune, c’est pas du commun, c’est pas un étant, l’être c’est rien ; l’être de la table, c’est pas la table, c’est pas sa couleur, c’est rien de la table, rien dans la table, je peux l’examiner empiriquement tant que je veux; dans la table je n’aurais jamais l’être, pourtant sans l’être de cette table, jamais je ne pourrais me conduire à l’égard de cette table comme l’étant qu’elle est ;

je dois avoir compris ce qu’est une table pour la voir, la saisir…

l’être de la table, c’est pas la table ; Heidegger appelle ça la différence ontologique ; ça marche mieux avec un « roi », « un fou », par exemple, quand on modifie les horizons de perception de ces deux phénomènes ; tout le malheur de Lear, réside dans le fait qu’il n’est plus perçu par certain en tant que roi; le sens de l’être de la royauté a changé, il n'a plus rien de mystique, de divin, de cosmique, de naturel, au sens fort du mot; pour les ennemis de lear, lear n'est qu'un vieux fou qui a fait la connerie de se délier de ce qui faisait sa puissance, ses territoires, son armée... rien là de mystique, de divin; le roi ne tient son autorité que de sa puissance réelle, d'aucune transcendance; bref, deux conceptions de l'être, deux modes de perception de la royauté... l'être du roi a changé, l'homme est le même, c'est toujours lear


( lear ne comprend rien à ce qui lui arrive; son problème, c'est "je suis roi, comment ces gens peuvent-ils se comporter avec moi de la sorte?" la réponse est simple, l'être de la royauté a changé)

pour la folie, et le changement des horizons de sa perception, voir Foucault, si l’étant « fou » peut-être le même son être varie, chez les Grecs, au MA, à l’époque classique, chez Freud… dans les œuvres de Hölderlin…

Donc,

la table que je vois n'est pas l'être de la table, mais je ne peux la voir en tant que table que parce que je comprend l'être de la table, donc si je filme une table, je ne peux la filmer que depuis la précompréhension de son être, ce qui fait que je ne filmerai pas une table comme je filmerai un homme, à moins que...

le sens de l’être qui ouvre le rapport à l’étant varie, historiquement, historialement,

bêtement, au cinéma, on dira qu ’on ne comprend pas l’être d’un Noir dans le cinéma de WCgriffith comme on le comprend dans le cinéma de spike lee, par exemple ;

je ne peux filmer l’étant que depuis la compréhension de son être , qui est antérieure, on peut dire transcendantale…(dans la lecture heideggerienne de kant)


Chez WCG l’être-Noir, et donc l'être-Blanc, n’est pas le même que chez Spike lee, cela veut dire que l’on ne filme pas objectivement, mais depuis des horizons de sens ;

mieux Heidegger nous dit le sens de l’être, n’est pas dans la perception commune, mais dans les œuvres d’art, dans la création, dans la pensée…

le cinéma dans ce cas ne rendrait pas le réel, mais le dévoilerait, il l’arracherait à la perception commune, et à ses modes de voilements (oubli, ignorance, on dit…lieux communs...il est dans le destin de l'être d'être toujours recouvert, autrement dit les inventions deviennent des lieux communs...)

Le cinéma s’il est art, donc mode d’advenue de la vérité, serait un mode de dévoilement…pas un enregistrement ; de toute manière s’il était enregistrement, tout le monde filmerait les pommes de la même manière ; il n’y aurait pas de différence d’horizon de sens de l’être, donc pas de différence entre le cinéma japonais, et le cinéma français, pas de différence entre avatar et « le nouveau monde »

Donc, simplement Rohmer dans ce passage semble confondre être et étant ; nous voyons l’étant, mais ce qui nous permet de le voir , l’être, cela nous échappe, et pourtant sans l’être pas d’étant ; parfois on utilise la métaphore de la lumière, on ne voit pas la lumière qui seule nous permet de voir les choses qui sont dans la lumière

« La lumière », c’est le travail du metteur en scène, de l’artiste ; c’est pour ça que l’on ne filme pas un genou chez rohmer comme un réalisateur d’un match de foot ; l’être du genou dans ces deux cas est différent, ni maud ni claire ne jouent au foot ; Heidegger y était très bon.


Mais reste la question "qu'est-ce qu'un ballon de foot"?
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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 20:21

ccamille a écrit:le problème est qu'il n'est pas comme tu voudrais qu'il soit ? tu devrais te réjouir il est mort et ses films ne resteront peut être pas.
le monde sera débarrassé de lui et tu pourras sortir ta queue d'entre tes jambes pour y faire pousser des fleurs, en mai peut être

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Je ne me réjouis nullement de sa mort: je salue la perte d'un homme cultivé, raffiné, lettré, qui a offert au cinéma fraaançais de grands moments de fraicheur, de spontanéité, de juvénilité, de grâce.
Je te dis, j'ai vu tous ses films. Je parle donc de ce qui restera de Rohmer: tout ça, à usage d'un certain public, qui s'y reconnaît tant. Qui trouve qu'il n'y a rien de plus beau et de plus frais que ces fins marivaudages entre galants esprits pour savoir si, in fine, il faut ou ne faut pas effleurer le genou de Claire.

Rohmer, l'homme, se contentait d'être lui-même. C'est pas qu'il faisait de la "résistance" au commerce, au box-office et tout ça, c'est juste que ça lui aurait jamais traversé la tête de s'adresser à des "êtres (ontologiquement parlant, donc, et en confondant "être" et "essence", comme Bazin, et le "transcendantal" avec la "transcendance") préoccupés par de viles considérations matérielles.
De là à en faire le "hérault" de l'indépendance et de la liberté, je pense que Christophe Honoré serait d'accord: pour les "belles personnes" de préférence.


Dernière édition par Simon Cussonaix le Lun 1 Fév 2010 - 20:26, édité 2 fois

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 20:22

Simon Cussonaix a écrit:Bien sûr. Comme si ça pouvait être désolidarisé du reste, alors que la "vision du monde" de Rohmer (réactionnaire, élitaire, fondée sur une étanchéité radicale entre les classes sociales perçues quasi comme des "races" hétérogènes), ça transpire à chaque plan, à chaque dialogue, derrière les jeunes filles en fleurs et les Jean-Hughe de bonne famille causant sentiment amoureux la bouche en cul de poule sous la charmille.

hum, Rohmer a quand même couché avec sa caméra des "pays chauds"..

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 20:34

attendons le ravitaillement en nouvelles munitions, Borges-Cussonaix, la livraison du spécial Rohmer des cahiers.
Au plaisir

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 20:48

ccamille a écrit:attendons le ravitaillement en nouvelles munitions, Borges-Cussonaix, la livraison du spécial Rohmer des cahiers.
Au plaisir

il est pas déjà sorti en 2004?

Dans un numéro des cahiers de fin des années 60, début 70, je sais plus trop, j'avais lu un entretien assez houleux et tendu entre les Cahiers et Rohmer. Vaudra que je retrouve et éventuellement que je poste ça par ici..

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Message par Invité Lun 1 Fév 2010 - 21:47

Petite précision, à propos des "ménagères", cf plus haut. C'est pas qu'il suggère qu'en regardant la télé scolaire tout en faisant le ménage, elles aient l'occasion d'être un peu "cultivées". C'est pire: c'est carrément la question de l'intelligence qui est en jeu.
Le passage précis (qui suscite d'ailleurs un certain remous dans la salle), vers 3'06", c'est que, vu que la télévision scolaire correspondait rarement aux horaires des enseignants, et vu qu'à l"époque il n'y avait qu'une seule chaine et pas de magnétoscope, il était d'usage de dire que la télévision scolaire n'était vue que par les concierges, cad, les femmes, et plus précisément, les ménagères, qui restaient à la maison et faisaient marcher leur poste tout la journée, ce qui a contribué -peut-être- à rehausser leur niveau intellectuel.
Bien sûr, c'est juste un trait d'esprit un peu "piquant", de la part de Rohmer. Du moins, c'est le genre de choses dont il suppose naturellement qu'on peut se gausser gentiment, entre personnes cultivées et de bonne compagnie, à la cinémathèque de Chaillot.
Bien sûr aussi, on veillera à ne pas confondre la ménagère au niveau intellectuel bas de plafond, avec les charmantes et pétillantes Reinette et Mirabelle en robe d'été, l'une villageoise (artiste et sensitive), l'autre citadine faisant villégiature à la campagne, et qui n'ont pas besoin d'allumer le poste de télé pour guetter la sublime (kantienne?) heure bleue, ce moment magique de grâce silencieuse où les oiseaux de la nuit sont allés se coucher, alors que les oiseaux du matin ne sont pas encore réveillés.


And now, something completely different:

clip. Très frais, très récréatif, très émoustillant. Les premières secondes sont très bergmaniennes, on peut le dire: un peu "cris et chuchotements" (succession de plans fixes avec en fond sonore le tic-tac d'une montre). C'est après que ça se gâte, mais bon, se masser les seins après le bain, c'est smart.
On notera cependant que si Kant appréciait surtout la fanfare de Koënigsberg, ce qui se défend parfaitement, Rohmer témoignait d'un goût relativement discutable quand il s'agit de quitter le monde de la "grande musique" pour la musique dite "légère".
Qu'importe. Un grand moment de cinéma en liberté:


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Message par wootsuibrick Mar 2 Fév 2010 - 10:00

c'est pas du nanar volontaire ce clip?
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Message par Borges Mar 2 Fév 2010 - 14:43

un truc bête, quand on y pense, l'opposition musique/cinéma de Rohmer laisse penser que la musique est étrangère au cinéma...

(que devient alors la fameuse impureté?)


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Message par Invité Mar 2 Fév 2010 - 22:17

wootsuibrick a écrit:c'est pas du nanar volontaire ce clip?

Of course. , c'est volontaire. Par exemple.
Les séquences musicales dans Perceval, c'est involontaire. Par exemple.

C'est "les vacances de Hegel", dirait Magritte. Le grand homme s'amuse avec des choses "simples".
C'est "récré".
Mais ce qu'on fait à l'heure de la récré, ça dit aussi quelque chose sur là où on place la séparation entre le "sérieux" et le "pas sérieux". Rohmer est reconnu pour sa "légèreté" aérienne, sa façon d'être sérieux en ne se prenant pas trop au sérieux.
Mais quand il décide de s'amuser vraiment, on voit bien les cloisons étanches entre ce qui est noble et ce qui vulgaire, entre le sérieux et le trivial, le pur et l'impur, la femme intouchable et distinguée qu'on veut séduire par les mots et la "souillon" (d'un niveau intellectuel "plume d'oie" comme dit la chanson) qu'on veut juste niquer: la Rosette de "Pauline à la plage", celle qui n'a jamais de nom propre, même au générique.

Pareil pour la musique: Rohmer se fait une telle "idée" sociologiquement marquée de la musique "sérieuse" que quand il aborde une autre forme de musique, c'est invariablement de la merde. lol. Comment est-ce diantre possible? On n'imagine pas Rohmer écouter les Allman brothers, ou Miles Davis, par exemple.

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Message par Eyquem Jeu 4 Fév 2010 - 19:17

Simon Cussonaix a écrit:la "souillon" (d'un niveau intellectuel "plume d'oie" comme dit la chanson) qu'on veut juste niquer: la Rosette de "Pauline à la plage", celle qui n'a jamais de nom propre, même au générique.
Pour revenir sur la question de la langue, dans "Pauline", le nom de ce personnage est aussi un surnom, Louisette, et elle ponctue ses phrases de "ça va-t'y ?" ou de "Dame non !" qui paraissent incongrus en 1983 dans la bouche d'une jeune fille. Assez poussif comme sociolecte.

Le nom complet, c'est Rosette Quéré.
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Message par Borges Jeu 4 Fév 2010 - 19:33

Là, je crois que vous faites fausses route (avec ces histoires de sociologisme; ce ne serait de toute manière pas conforme à la morale de Rohmer, à sa politique...); la fille du conte d'hiver est une simple coiffeuse, mais c'est aussi un génie, comme le dit Cavell; à un moment du film, après qu'elle se soit aventurée dans un coin plein d'"Arabes" et d'"Africains", elle rentre dans le salon de coiffure tenu par l'un de ses mecs, et alors qu'elle referme la porte on peut voir une affiche "mesurez votre intelligence"; tout le film peut être lu comme une réflexion sur les liens de l'intelligence à l'éducation; ce conte d'hiver, comme j'ai déjà dit, c'est l'anti "la dentellière", en un sens; on peut même voir rohmer tenter cette question : "bien parler est-ce être intelligent"; et il semble répondre non, pas plus qu'avoir lu des livres; le philosophe est con, livresque; Cavell, j'ai déjà dit, dit que félicie est un génie au sens d'Emerson; et ce génie n'a rien à voir avec la classe, l'éducation...c'est la puissance d'une singularité qui vit la pensée dans la vie, faisant du platon sans l'avoir lu, ou du pascal...
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Message par Invité Jeu 4 Fév 2010 - 22:57

Je ne vois pas bien la contradiction.

Le "génie", chez Rohmer comme chez d'autres, justement ne se déduit pas du "socius" ou de "l'éducation": c'est une manifestation "naturelle" ou "pure" qui est de l'ordre de l'exception échappant de toute origine à la norme sociale. Voilà pourquoi la norme n'a pas à être discutée; le monde avec ses catégories et ses hiérarchies est tel qu'il doit être et demeurer. La notion de "génie" prise dans cette acception constitue ici bien plutôt un facteur de promotion de l'ordre "naturel" contre la notion de "progrès social", d'émancipation par la culture et l'éducation.

Délier la question de "l'intelligence" et celle de "l'éducation" n'est donc pas pour lui un problème, dans la mesure également où son cinéma neutralise en permanence toute représentation trop marquée (au sens de réaliste, "crédible") des schèmes sociaux: quelles que ce soient leurs conditions, tous ces personnages sont mus par des préoccupations et des motivations d'une classe "aisée" et "privilégiée" (l'amour, les sentiments, le beau, le bien, etc), exactement de la même manière que dans le roman pastoral des marquis s'entretiennent avec des bergères sur des pâturages abstraits et partagent univoquement le langage de l'aristocratie, où tout du moins un langage transparent les uns pour les autres. Dans cet univers idéel, les obstacles rencontrés ne sont jamais matériels, ce ne sont pas des questions d'argent, de travail ou d'origine sociale.

Cela n'interfère nullement, bien au contraire, avec une représentation très codée et normée des types sociaux, dans la mesure même où tous les écarts de types sont neutralisés par leur participation sans reste à ce même univers de codes et de signes. On pourrait alors croire alors que le monde rohmérien est un monde où tout le monde a matériellement sa place à stricte égalité, puisque nulle barrière n'empêche une champouineuse d'aimer un intellectuel raffiné, etc. Mais non, puisque de "matière" sociale, il n'y en a pas, pas plus que d'interaction sociale: tous et toutes, éduqués ou non-éduqués, pauvres ou riches, sont du même moule idéel sublimé; chacun actualise dans son "monde d'essences" spécifique des modes d'existences dématérialisés et conformes à leur catégorie, ainsi délivrés de tout souci pour la subsistance, de la contrainte de toute interaction transformatrice avec leur environnement, uniquement préoccupés de leur salut spirituel. C'est un monde où les enjeux sont strictement individuels, personnels et privés.
Et quand ce sont des personnage d'extraction modeste, comme Rosette la marchande dans "Pauline", c'est un stéréotype s'exprimant dans un verbe typé qui n'existe que littérairement, comme une caricature de la manière dont parlerait un personnage de la classe "laborieuse".

Le cinéma de Rohmer regorge certes de "beaux parleurs" ridicules dont "l'éducation" n'assure aucun privilège, plutôt empêtrés ou empêchés d'accéder au vrai "naturel' (essentiellement placé du côté de "l'éternel féminin" déjouant les tentatives de séduction par le langage, et le plus souvent puisé dans les figures idéalisées et stéréotypées de la littérature courtoise susmentionnée).

Ce n'est pas un cinéma réaliste, bien sûr, et cela ne le prétend pas: contes et proverbes. ça ne touche pas à des vérités ou à un ordre social temporels, dont les hiérarchies seraient interrogées et remises en cause. Dans cet univers littéraire indifférencié, les manants et les nantis peuvent à loisir s'entrecroiser et commercer idées, sentiments, passions, etc: ça ne concerne pas le monde social réel et ses clivages. C'est justement cet aspect "évaporé" du cinéma de Rohmer qui atteste en contrepoint que chez lui, le monde social réel correspond à un ordre intangible, intouchable, et que les hiérarchies qui le régissent sont de nature, chacun à sa place. La ménagère passe le plumeau devant sa télé et peut éventuellement voir "son niveau intellectuel rehaussé", le cinéphile cultivé peut, lui, aller voir à la cinémathèque un prêtre et un philosophe s'entretenir sur la pensée de Pascal, et c'est très bien ainsi.

Le monde social réel qui est concerné par le cinéma de Rohmer, auquel Rohmer s'adresse dans ses contes et proverbes, c'est le public de ses spectateurs, et ces spectateurs appartiennent au même tissu socio-culturel homogène: professeurs, étudiants, gens cultivés, lettrés, etc, cad disposant d'une éducation au sens d'un capital symbolique fort. On ne voit pas tellement un fraiseur-tourneur aux usines Renault se déclarer admirateur du cinéma de Rohmer, quand bien même c'est un génie au sens de Cavell.
Rohmer peut disserter à l'envi sur le fait que l'intelligence, ce n'est pas d'avoir lu des livres ou de bien parler (pour qui en douterait): les codes que son cinéma mobilise sont tels que le contenu d'un tel message est destiné, essentiellement, tout comme le cinéma de Godard dont les préoccupations sont apparemment très éloignées, à une tranche délimitée de la société qui est celle du public des "cinéphiles cultivés". Quant aux "contenus" que son cinéma véhicule, ils promeuvent un l'ordre de l'intimité, de la quête personnelle privée, du destin privé, donc préservés de tout concernement collectif, de toute interaction sociale, comme je le suggère plus haut. Pour tout cela, c'est un cinéma très sociologiquement marqué - je n'ai jamais avancé qu'il donnait dans le "sociologisme": sociologiquement marqué au sens où il peut être envisagé d'un point de vue sociologique, par son dédain même du sociologisme au profit de la pérennisation d'un ordre social existant et de ses clivages "naturels".


Dernière édition par Simon Cussonaix le Ven 5 Fév 2010 - 1:07, édité 9 fois

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Message par Eyquem Jeu 4 Fév 2010 - 23:24

'soir Jerzy
de la même manière que dans le roman pastoral les marquis s'entretiennent avec des bergères sur des pâturages abstraits et partagent univoquement le langage de l'aristocratie, où tout du moins un langage transparent les uns pour les autres. Dans cet univers idéel, les obstacles rencontrés ne sont jamais matériels, ce ne sont pas des questions d'argent, de travail ou d'origine sociale.
d'ailleurs, quitte à micropinailler, les bergers des pastorales ne sont pas, à l'origine, des bergers, mais des nobles en exil. En tout cas, dans L'Astrée.

Cette citation :
Ces bergers ne sont pourtant pas roturiers : ce sont d'anciens nobles qui ont choisi un jour, "d'un mutuel consentement", de renoncer à toute ambition et de "s'acheter par cette douce vie un honnête repos" [Rohmer a repris cette réplique du roman telle quelle]. Ils ne sont bergers que pour n'être pas courtisans ou chevaliers, exemptés, par la grâce oisive de cette condition, des tourments du métier comme des soucis des affaires. Comme le dit bien Jacques Ehrmann, "ce n'est pas un état civil, c'est un état métaphysique". Ni riches ni pauvres, ni serfs ni seigneurs, ils pratiquent, si l'on peut dire, un degré zéro de l'existence sociale qui les laisse entièrement vacants et disponibles pour d'autres occupations et d'autres "tyrannies".
(G Genette, Figures I, "Le serpent dans la bergerie")

A ce titre, c'est un topos de la pastorale de renverser la hiérarchie habituelle : ce sont les bergers qui exercent le plus grand pouvoir de fascination par leur art de vivre heureux, plutôt que les nymphes ou les chevaliers et les druides, situés au-dessus d'eux dans la hiérarchie "sociale" du lieu, et encore trop compromis dans les intrigues politiques, les rivalités et les soucis des affaires.
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Message par Invité Jeu 4 Fév 2010 - 23:34

Oui, voilà. ça le dit mieux.

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Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 9:58

Le monde social réel qui est concerné par le cinéma de Rohmer, auquel Rohmer s'adresse dans ses contes et proverbes, c'est le public de ses spectateurs, et ces spectateurs appartiennent au même tissu socio-culturel homogène: professeurs, étudiants, gens cultivés, lettrés, etc, cad disposant d'une éducation au sens d'un capital symbolique fort. On ne voit pas tellement un fraiseur-tourneur aux usines Renault se déclarer admirateur du cinéma de Rohmer, quand bien même c'est un génie au sens de Cavell.
Rohmer peut disserter à l'envi sur le fait que l'intelligence, ce n'est pas d'avoir lu des livres ou de bien parler (pour qui en douterait): les codes que son cinéma mobilise sont tels que le contenu d'un tel message est destiné, essentiellement, tout comme le cinéma de Godard dont les préoccupations sont apparemment très éloignées, à une tranche délimitée de la société qui est celle du public des "cinéphiles cultivés". Quant aux "contenus" que son cinéma véhicule, ils promeuvent un l'ordre de l'intimité, de la quête personnelle privée, du destin privé, donc préservés de tout concernement collectif, de toute interaction sociale, comme je le suggère plus haut. Pour tout cela, c'est un cinéma très sociologiquement marqué - je n'ai jamais avancé qu'il donnait dans le "sociologisme": sociologiquement marqué au sens où il peut être envisagé d'un point de vue sociologique, par son dédain même du sociologisme au profit de la pérennisation d'un ordre social existant et de ses clivages "naturels".


naturellement, mais en ce qui concerne le destinataire; cette "analyse" c'est du sociologisme (naturalisme) une confusion du fait et du droit, faut-il donc rappeler les analyses de Platon, reprise par Derrida, et Rancière : l'écriture circule, erre, n'importe qui peut en droit tomber sur un film de rohmer, et l'aimer... l'esthétique,c'est du politique, pas du policier....je ne vois pas pourquoi un ouvrier ne pourrait pas aimer le cinéma de rohmer; à moins de réduire l'être de cet ouvrier à ses conditions empiriques d'existence, à moins de nier sa liberté, ce qui serait assez étonnant de la part d'un sartrien-kantien, y a pas d'ouvrier ou de prof, dans ce cas, dans l'esthétique, c'est la leçon de kant, sinon pour un partage policier du monde qui distribue les goûts, les places, les temps, et affirme sous le mode de l'analyse les normes dominantes : "l'opéra c'est pas pour les ouvriers"; énoncé repris, intériorisé, "mais c'est pas pour nous, ça mon bon monsieur"...

(cf critique de Bourdieu par Rancière; ce qui ne veut pas dire que bourdieu n'a pas raison, là où il a raison; un peu de rancière ne fait jamais de mal, quand il s'agit d'inclure tout le monde dans l'ordre de l'intime, de la pensée, de la psyché...Terminator n'est pas plus pour les "ouvriers" que Rohmer pour les gens "cultivés"... )

on ne peut pas programmer le destinataire d'un "texte";





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Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 10:00

Ces bergers ne sont pourtant pas roturiers : ce sont d'anciens nobles qui ont choisi un jour, "d'un mutuel consentement", de renoncer à toute ambition et de "s'acheter par cette douce vie un honnête repos" [Rohmer a repris cette réplique du roman telle quelle]. Ils ne sont bergers que pour n'être pas courtisans ou chevaliers, exemptés, par la grâce oisive de cette condition, des tourments du métier comme des soucis des affaires. Comme le dit bien Jacques Ehrmann, "ce n'est pas un état civil, c'est un état métaphysique". Ni riches ni pauvres, ni serfs ni seigneurs, ils pratiquent, si l'on peut dire, un degré zéro de l'existence sociale qui les laisse entièrement vacants et disponibles pour d'autres occupations et d'autres "tyrannies".

cela peut être la définition de la relation esthétique au monde, une manière de suspension, de mise entre parenthèse du monde : désintérêt...la métaphysique, c'est un désintérêt, au-delà de l'existence empirique; dés-intérêt, échappée à l'ordre de l'être...


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