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Rohmer est mort : le reste est beauté

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Rohmer est mort : le reste est beauté - Page 5 Empty Re: Rohmer est mort : le reste est beauté

Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 11:24

-Oui, mais … il y a du génie, de l’invention, de la liberté, sans quoi, il y a pas d’historicité, ou plutôt de rupture avec l’ordre naturel de l’histoire ; ou plutôt, pour échapper à la norme empirique déterministe, il faut la nature (spontanéité), c’est pourquoi kant définissait le génie comme les règles données par la nature à l’art ; le génie n’est pas une affaire d’éducation… ça vient toujours d’ailleurs, comme tout événement, comme tout changement ; par définition ; la nature c’est pas seulement le refus de l’histoire, de l’émancipation, c’est aussi l’ordre de la liberté ; le génie c’est ce qui conteste l’ordre, et les hiérarchies, comme le fait félicie dans conte d’hiver, dans sa relation avec son boss et son philosophe ; tous deux la dominent, empiriquement, socialement, symboliquement, mais c’est elle le maître du jeu dans les jeux de pouvoir, les relations de force ; ils ont beau corriger ses fautes de français, il lui sont inférieurs, d’abord parce qu’ils sont amoureux, et ce être-amoureux renverse leur prétention à la domination ; « La champouineuse n’aime pas l’ intellectuel raffiné », du tout ; elle le trouve pas beau, elle n’aime pas son nez, elle ne voudrait pas avoir de gosse avec lui… elle le domine, le manipule, se joue de lui ; autrement dit, y a pas que l’éducation comme capital de domination, il y a aussi le capital physique, érotique, le charme…(comme dans ma nuit chez maud le philosophe malgré son savoir ne séduit pas, il est ridicule)…

cela dit, on doit bien reconnaître que toute cela est finalement démenti, parce que le véritable amour de félicie est un type de son milieu, de son genre ; ce que rohmer semble avoir contesté, revient ; on aime dans son milieu.

-N’oublions pas que les films de rohmer sont aussi des comédies, des morales, il y a une distance à l’égard de ses personnages, de leur style de vie, langage…du jugement, aussi…donc ?


-"l'éternel féminin" ?

-le mot nature, naturel a bien des sens ; est-ce un cinéma du naturel, de la nature, ou de la grâce, de ces moments de pures échappées à l’ordre du monde… ? c’est là que se joue l’inégalité…?
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Message par Invité Ven 5 Fév 2010 - 11:44

il lui sont inférieurs, d’abord parce qu’ils sont amoureux, et ce être-amoureux renverse leur prétention à la domination ; « La champouineuse n’aime pas l’ intellectuel raffiné », du tout ; elle le trouve pas beau, elle n’aime pas son nez, elle ne voudrait pas avoir de gosse avec lui… elle le domine, le manipule, se joue de lui ; autrement dit, y a pas que l’éducation comme capital de domination, il y a aussi le capital physique, érotique, le charme…(comme dans ma nuit chez maud le philosophe malgré son savoir ne séduit pas, il est ridicule)…

Même si je n'ai pas vu le film je ne saisi pas trop ce passage de ton dernier message Borges. L'amour comme mise en position d'infériorité sur l'objet de cet amour, j'ai déjà du mal comprendre ceci qu'il s'agisse d'un "renversement" de la domination ou pas, mais j'ai en plus l'impression que c'est contraire à ce qui est dit par ailleurs du cinéma de Rohmer.

Après, le "capital physique" dont tu parles, chez Rohmer n'est-il pas toujours établie suivant des "normes" douteuses, un peu à la manière des mac-mahoniens critiques (tel film est mauvais car telle actrice est moche, des choses comme ça) ?

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Message par Invité Ven 5 Fév 2010 - 12:23

Borges a écrit:
Le monde social réel qui est concerné par le cinéma de Rohmer, auquel Rohmer s'adresse dans ses contes et proverbes, c'est le public de ses spectateurs, et ces spectateurs appartiennent au même tissu socio-culturel homogène: professeurs, étudiants, gens cultivés, lettrés, etc, cad disposant d'une éducation au sens d'un capital symbolique fort. On ne voit pas tellement un fraiseur-tourneur aux usines Renault se déclarer admirateur du cinéma de Rohmer, quand bien même c'est un génie au sens de Cavell.
Rohmer peut disserter à l'envi sur le fait que l'intelligence, ce n'est pas d'avoir lu des livres ou de bien parler (pour qui en douterait): les codes que son cinéma mobilise sont tels que le contenu d'un tel message est destiné, essentiellement, tout comme le cinéma de Godard dont les préoccupations sont apparemment très éloignées, à une tranche délimitée de la société qui est celle du public des "cinéphiles cultivés". Quant aux "contenus" que son cinéma véhicule, ils promeuvent un l'ordre de l'intimité, de la quête personnelle privée, du destin privé, donc préservés de tout concernement collectif, de toute interaction sociale, comme je le suggère plus haut. Pour tout cela, c'est un cinéma très sociologiquement marqué - je n'ai jamais avancé qu'il donnait dans le "sociologisme": sociologiquement marqué au sens où il peut être envisagé d'un point de vue sociologique, par son dédain même du sociologisme au profit de la pérennisation d'un ordre social existant et de ses clivages "naturels".


naturellement, mais en ce qui concerne le destinataire; cette "analyse" c'est du sociologisme (naturalisme) une confusion du fait et du droit, faut-il donc rappeler les analyses de Platon, reprise par Derrida, et Rancière : l'écriture circule, erre, n'importe qui peut en droit tomber sur un film de rohmer, et l'aimer... l'esthétique,c'est du politique, pas du policier....je ne vois pas pourquoi un ouvrier ne pourrait pas aimer le cinéma de rohmer; à moins de réduire l'être de cet ouvrier à ses conditions empiriques d'existence, à moins de nier sa liberté, ce qui serait assez étonnant de la part d'un sartrien-kantien, y a pas d'ouvrier ou de prof, dans ce cas, dans l'esthétique, c'est la leçon de kant, sinon pour un partage policier du monde qui distribue les goûts, les places, les temps, et affirme sous le mode de l'analyse les normes dominantes : "l'opéra c'est pas pour les ouvriers"; énoncé repris, intériorisé, "mais c'est pas pour nous, ça mon bon monsieur"...

faut quand même pas oublier, c'est juste du fait, qui gère la production et distribue la "culture populaire" aujourd'hui. Comme dans les autres secteurs industriels, c'est pas forcément non plus les "ouvriers" qui goûtent à ce qu'ils produisent.

Faudrait étudier un peu le mode de production des films de Rohmer, ça a pas encore été trop fait par ici, je crois..

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Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 12:39

Hello JM;

c'est la règle, en général, quand on aime qui ne vous aime pas, et quand un(e) riche aime un(e) pauvre, l'ordre social se renverse; combien de fictions ne racontent pas cette histoire? on peut penser à" l'ange bleu" où le prof est ramené à un état d'abjection par la "prostituée"... en pensant à l'une des références littéraires de Rohmer, on peut renvoyer aux malheurs du pauvre swann dans la Recherche, au fond, presque tous les amoureux de la Recherche aiment des femmes ou des hommes qui leur sont inférieurs "socialement", mais tous sont dominés par ces dominés...


le "capital physique" est de Bourdieu, mais il ne développe pas trop ce concept, c'est par exemple la beauté, ou les "talents" des sportifs...



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Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 12:41

[quote="JM"]

Après, le "capital physique" dont tu parles, chez Rohmer n'est-il pas toujours établie suivant des "normes" douteuses, un peu à la manière des mac-mahoniens critiques (tel film est mauvais car telle actrice est moche, des choses comme ça) ?

oui, ils avaient dit ça de Fellini; on en avait causé sur le forum des cahiers.


Dernière édition par Borges le Ven 5 Fév 2010 - 17:58, édité 1 fois
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Message par Borges Ven 5 Fév 2010 - 12:46

JM a écrit:
Borges a écrit:
Le monde social réel qui est concerné par le cinéma de Rohmer, auquel Rohmer s'adresse dans ses contes et proverbes, c'est le public de ses spectateurs, et ces spectateurs appartiennent au même tissu socio-culturel homogène: professeurs, étudiants, gens cultivés, lettrés, etc, cad disposant d'une éducation au sens d'un capital symbolique fort. On ne voit pas tellement un fraiseur-tourneur aux usines Renault se déclarer admirateur du cinéma de Rohmer, quand bien même c'est un génie au sens de Cavell.
Rohmer peut disserter à l'envi sur le fait que l'intelligence, ce n'est pas d'avoir lu des livres ou de bien parler (pour qui en douterait): les codes que son cinéma mobilise sont tels que le contenu d'un tel message est destiné, essentiellement, tout comme le cinéma de Godard dont les préoccupations sont apparemment très éloignées, à une tranche délimitée de la société qui est celle du public des "cinéphiles cultivés". Quant aux "contenus" que son cinéma véhicule, ils promeuvent un l'ordre de l'intimité, de la quête personnelle privée, du destin privé, donc préservés de tout concernement collectif, de toute interaction sociale, comme je le suggère plus haut. Pour tout cela, c'est un cinéma très sociologiquement marqué - je n'ai jamais avancé qu'il donnait dans le "sociologisme": sociologiquement marqué au sens où il peut être envisagé d'un point de vue sociologique, par son dédain même du sociologisme au profit de la pérennisation d'un ordre social existant et de ses clivages "naturels".


naturellement, mais en ce qui concerne le destinataire; cette "analyse" c'est du sociologisme (naturalisme) une confusion du fait et du droit, faut-il donc rappeler les analyses de Platon, reprise par Derrida, et Rancière : l'écriture circule, erre, n'importe qui peut en droit tomber sur un film de rohmer, et l'aimer... l'esthétique,c'est du politique, pas du policier....je ne vois pas pourquoi un ouvrier ne pourrait pas aimer le cinéma de rohmer; à moins de réduire l'être de cet ouvrier à ses conditions empiriques d'existence, à moins de nier sa liberté, ce qui serait assez étonnant de la part d'un sartrien-kantien, y a pas d'ouvrier ou de prof, dans ce cas, dans l'esthétique, c'est la leçon de kant, sinon pour un partage policier du monde qui distribue les goûts, les places, les temps, et affirme sous le mode de l'analyse les normes dominantes : "l'opéra c'est pas pour les ouvriers"; énoncé repris, intériorisé, "mais c'est pas pour nous, ça mon bon monsieur"...

faut quand même pas oublier, c'est juste du fait, qui gère la production et distribue la "culture populaire" aujourd'hui. Comme dans les autres secteurs industriels, c'est pas forcément non plus les "ouvriers" qui goûtent à ce qu'ils produisent.

Faudrait étudier un peu le mode de production des films de Rohmer, ça a pas encore été trop fait par ici, je crois..


oui, mais en droit (selon la structure d'essence du "texte", donc de toute idéalité liée à une inscription sensible, séparé de son origine, etc.) n'importe qui peut voir n'importe quel film, lire n'importe quel roman, livre, voir n'importe quel tableau...
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Message par Borges Mar 9 Fév 2010 - 17:09

Borges a écrit:
un truc bête, quand on y pense, l'opposition musique/cinéma de Rohmer laisse penser que la musique est étrangère au cinéma...

(que devient alors la fameuse impureté?)




"si j'en avais la compétence, j'aimerais me donner un corpus de films à analyser uniquement à partir des bandes-son : renverser la tendance habituelle qui est de laisser tomber le son, se donner, à l'inverse, le programme de ne pas voir les films, de les considérer uniquement en tant qu'objets musicaux et sonores."

(Rancière, et tant pis pour les gens fatigués, 452)
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Message par Borges Mar 9 Fév 2010 - 17:19

Borges a écrit:
Ces bergers ne sont pourtant pas roturiers : ce sont d'anciens nobles qui ont choisi un jour, "d'un mutuel consentement", de renoncer à toute ambition et de "s'acheter par cette douce vie un honnête repos" [Rohmer a repris cette réplique du roman telle quelle]. Ils ne sont bergers que pour n'être pas courtisans ou chevaliers, exemptés, par la grâce oisive de cette condition, des tourments du métier comme des soucis des affaires. Comme le dit bien Jacques Ehrmann, "ce n'est pas un état civil, c'est un état métaphysique". Ni riches ni pauvres, ni serfs ni seigneurs, ils pratiquent, si l'on peut dire, un degré zéro de l'existence sociale qui les laisse entièrement vacants et disponibles pour d'autres occupations et d'autres "tyrannies".

cela peut être la définition de la relation esthétique au monde, une manière de suspension, de mise entre parenthèse du monde : désintérêt...la métaphysique, c'est un désintérêt, au-delà de l'existence empirique; dés-intérêt, échappée à l'ordre de l'être...

cf l'analyse que fait rancière du rapport des ouvriers du 19ème siècle à la littérature romantique ; comment des êtres condamnés à avoir une place peuvent vivre la souffrance romantique des sans-place?

"la littérature et la culture, en un sens, c'est la capacité d'échanger une douleur contre une autre"


(Rancière, et tant pis pour..., 662)


"nous sommes toujours libres de décider, face à un écran, d'être :
-un enfant fasciné par le jeu des images,
-un salarié qui se détend,
-un spectateur critiques des ombres de l'écran
- ou un esthète visitant le musée du cinéma"

(idem, 455)
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Message par balthazar claes Jeu 11 Fév 2010 - 11:10

Borges a écrit:
Borges a écrit:
un truc bête, quand on y pense, l'opposition musique/cinéma de Rohmer laisse penser que la musique est étrangère au cinéma...

(que devient alors la fameuse impureté?)





Alors il répond, la musique, "fausse amie, vraie soeur" du cinéma. Musique étrangère au cinéma parce que trop proche, son usage est un piège, une facilité. Plus loin il met à part le cas Godard : parce que Godard est dans la citation, il cite le monde, il coupe et colle tout ce qui lui tombe sous la main, y compris la musique. Rohmer conclut que Godard est un "voleur", "Le cinéma, chez Godard, est un voleur. Il vole à la nature. Il vole à Dieu. Pourquoi pas à Beethoven ?" ; on sent là-dedans comme une pointe de rancune admirative.



La musique de film est un grand lénifiant, une huile qui lubrifie les rouages qui grincent. Or, le propre du temps cinématographique, précisément parce qu'il n'est pas soumis à la loi de la mesure et de l'harmonie, est de grincer. Il laisse chaque instant livré à lui-même alors que la note musicale n'a de sens que par rapport à celle qui la précède et celle qui la suit. C'est pourquoi la musique est pour le cinéma, la plus fausse des amies. (...) Toute image "colle" à la musique. Elle colle même trop bien : elle perd alors son ambivalence constitutive (...) Si le cinéma et la musique possèdent une affinité profonde, ce n'est pas dans cette alliance hypocrite qu'il convient d'en chercher la raison. Leur parenté les tiendrait plutôt à distance obligée l'une de l'autre et ne concerne que l'essence de leur profondeur respective.(...)

Disons, en termes schopenhaueriens, que les arts plastiques sont une "représentation" du monde, représentation qui suppose, aussi bien de la part de l'artiste que du spectateur, une opération intellectuelle, même pour les formes d'art les plus instinctives. Au cinéma, au contraire, du moins "ontologiquement", c'est la réalité brute qui nous est livrée directement. S'il y a représentation, elle est imputable au pouvoir de la machine, non à celui de notre esprit. Nous pouvons donc reprendre à son propos les termes employés par Wagner, lorsqu'il dit que la musique "parle un langage qui peut être compris de chacun immédiatement, car il n'est besoin pour cela de l'intermédiaire d'aucun concept."

Mais alors que la musique semble nous mener au-delà de l'Idée, dans un monde de la Volonté pure, le cinéma semble tout au plus capable de nous maintenir au ras des apparences. Ainsi en serait-il, sans doute, si l'art du film n'était en tout et pour tout, que technique d'enregistrement pur. Mais il va de soi que le génie de l'artiste doit prendre en charge le simple pouvoir de reproduction de la machine qu'il manie - pouvoir à l'égard duquel il devra toutefois observer un respect constant. Et c'est ce respect, qualité morale, qualité kantienne, qui lui permettra d'aller au-delà de l'apparence par la reproduction de la seule apparence, de trouver paradoxalement la chose en soi au sein du phénomène. Bref de nous dire quelque chose de plus sur l'être du monde que le plus sensible, le plus intelligent, le plus inventif des peintres. Quelque chose que seule la musique avait été jusqu'ici capable d'exprimer.

Il persiste et signe donc, si j'ai bien saisi, dans la confusion que vous lui imputez, quand il affirme que les arts plastiques relèvent de la "représentation", mais pas le cinéma ni la musique. Il est possible de répondre à l'argument de Wagner qu'on trouvera toujours quelqu'un à qui la musique de Wagner ne parle pas tellement, ne serait-ce que pour lui conseiller d'envahir la Pologne. Tout art est à la fois pris dans la représentation et dans le sensible.

Cela dit, on pourrait peut-être alors parler d'une erreur opératoire, d'une erreur à partir de laquelle tout un système est bâti, un système viable j'entends, c'est-à-dire permettant à celui qui l'emploie de bâtir une oeuvre. Une "erreur" qui en revanche ne marcherait qu'une fois ; qui empêcherait que la forme d'art élaborée à partir d'elle trouve une véritable postérité, une descendance ; une impasse esthétique en quelque sorte. L'oeuvre de Rohmer serait ainsi, et malgré les revendications de classicisme, un exemple de modernité terminale, un produit malade, vénéneux, issu de la dégénérescence.

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Message par balthazar claes Jeu 11 Fév 2010 - 11:20

Je garde de Rohmer l'image du prof. Son sujet n'est peut-être pas tant la fidélité que la relation pédagogique, celle qui suppose, à l'encontre des idées de Jacotot, que le maître doit savoir garder, retenir son savoir, le distiller avec parcimonie et à la juste mesure de l'élève. Et c'est pourquoi il est si essentiel de savoir se taire. C'est du moins ainsi que Rivette l'immortalise dans Out 1. Léaud vient interroger le prof Rohmer au sujet des Treize, référence essentielle pour Rivette, Rohmer, Truffaut, enfin le complot des jeunes Turcs. Et le prof refuse son aide, refuse d'entrer dans le délire de Léaud, tel le gardien des portes de la loi.