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Message par Largo Lun 27 Sep 2010 - 11:52

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Message par Largo Ven 12 Nov 2010 - 15:43

Sociologie du cinéphilepar Olivier Alexandre [12-11-2010]


La sociologie française a longtemps entretenu un rapport malheureux avec le cinéma. De ce point de vue, il aura fallu attendre les années 2000 pour qu’une véritable inflexion s’opère sous l’effet d’une triple impulsion : l’avènement d’une nouvelle génération de chercheurs tentant de prolonger les travaux de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, l’écho grandissant des « cultural studies » dans le monde académique hexagonal et l’élaboration du modèle original, conçu loin des séminaires parisiens, de « l’expertise culturelle ». La tentative de Laurent Jullier (Professeur d’études cinématographiques à Paris III) et de Jean-Marc Leveratto (Professeur de sociologie de la culture à Metz II) de penser à nouveaux frais la question consacrée de la cinéphilie appartient à ce dernier courant.

Portrait du cinéphile en expert
Il convient d’emblée de dissiper un contresens fréquent à l’égard de cette approche. Dans la continuité de leurs précédents travaux, les deux auteurs mobilisent la notion « d’expert » en son sens originel [1]. Loin de définir une catégorie restreinte de population, distinguée sur la base d’un degré supérieur de savoirs et de compétences, le terme désigne ici toute personne qui « éprouve », qui « fait l’essai de ». C’est donc bien d’une sociologie de l’expérience qu’il est question, développée dans un esprit pragmatiste. Ce cadre théorique explique que le « plaisir cinématographique » serve d’axiome de base à l’analyse. De cet apparent truisme découle toute l’originalité de l’ouvrage. À rebours de l’historiographie traditionnelle, dont les travaux d’Antoine de Baecque restent à ce jour la meilleure référence, les deux chercheurs contestent en effet la réduction de la cinéphilie à sa conception savante [2]. L’affirmation d’une pratique ritualisée germanopratine et champs-élyséenne de la salle dans l’après seconde guerre mondiale ne constitue qu’un chapitre de son histoire. Elle n’est ni son introduction, ni son modèle. Ce faisant, les auteurs en appellent au principe épistémologique de « l’anthropologie symétrique » : ne plus penser « cinéphilie ordinaire » et « cinéphilie savante » dans un rapport de subordination de l’une à l’autre mais sur un pied d’égalité. Dès lors, l’amour du cinéma se confond avec l’histoire même des images animées, déclinable en quatre périodes successives : la naissance du rapport d’affection au cinéma (années 1900 et 1910), sa phase de normalisation (les années 1930), son institutionnalisation (la décennie charnière comprise entre 1950 et 1960) et sa récente domestication. L’identification de cette dernière période, correspondant à une privatisation du rapport aux images sous l’effet du développement de l’équipement audiovisuel, appelle une seconde précision quant à la perspective adoptée : pas plus qu’il ne se résume aux pratiques savantes, l’amour du cinéma ne se réduit à la fréquentation des salles obscures. En ressuscitant de la sorte un cinéma naguère enterré par Serge Daney, Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto ouvrent un vaste champ d’exploration, allant des techniques de consommation (salle, télévision, DVD, ordinateur, écrans nomades) aux récentes mutations des pratiques (séquençage, diffusion d’un rapport analytique aux images sur la base de la généralisation de l’enseignement secondaire et universitaire, développement de l’amatorat critique via les nouveaux espaces d’expertise ouverts par Internet). Dans cette univers de la cinéphile 2.0, les distinctions classiques (films d’auteur/film commercial, salle/télévision, Paris/province, forme/fond, espace masculin de la salle vs. espace féminin du salon, etc.) cèdent le pas à un hétéroclisme participatif et relativiste. Star Wars, les « nanars », les clips, les pastiches circulant sur Youtube ou le dernier film d’auteur primé au festival coréen de Pusan composent indifféremment la consommation active des spectateurs, qui sautent d’un objet filmique à l’autre, avec pour seule fin le plaisir tiré de ses pérégrinations.

Anthropologie de l’activité cinéphilique
En plus d’une description de cette refonte des lignes de partage esthétiques, l’ouvrage apporte d’importants éléments de compréhension de l’activité cinéphilique. Toute pratique cinéphile est une « technique du corps », au double sens donné à cette expression par Marcel Mauss et Michel Foucault. Le cinéma est à la fois vecteur de conduites mimétiques, un foyer d’affects constamment renouvelé, une source de savoirs sur le monde et sur soi. Ce processus complexe, dynamique, qui n’exclut pas un raffinement des usages dans le temps, a pour guide la recherche de la « qualité », entendue comme catégorie subjective de valorisation des objets filmiques. Sur cette base, les auteurs procèdent à une série de requalifications infirmant l’héritage intellectuel de l’École de Francfort. La consommation, le marché et ses différents satellites (presses fandom, « genres », stars, multiplexes, télévision, sites Internet, forums et coteries amateurs) sont réhabilités en tant que ressources d’actions cinéphiliques, que la quête du plaisir incline à optimiser.

Pierre angulaire de la démonstration, le caractère essentiellement hédoniste de la cinéphilie pourrait toutefois être discutée. La focalisation sur le plaisir pousse en effet les deux auteurs à minorer la noble tradition de la cinéclastie et de l’ascèse cinéphilique. Or, l’acrimonie de la critique polémiste (de François Truffaut à Louis Skorecki) ou la gravité d’une certaine frange du cinéma moderne (de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet à Philippe Garrel) tendent à nuancer la thèse de l’ouvrage. Une plus grande attention portée à l’acidité de la critique ordinaire (la virulence de certains commentaires postés sur les sites spécialisés ou les soirées « pizzas-bières » organisées autour d’un film dont la médiocrité est le prétexte de joutes verbales typiques d’un mode de sociabilité post-adolescent) mettrait également à l’épreuve le modèle défendu par les deux auteurs. Plus globalement, on pourra regretter que le parti pris de « l’anthropologie symétrique » ne soit pas parfaitement respecté, en raison d’une asymétrie non pas tant argumentative (« cinéphilie ordinaire » et « savante » étant traitées à part égale dans l’ouvrage) que normative. Certains pages du livre témoignent en effet d’une agressivité plus ou moins latente à l’encontre de la « cinéphilie savante », qui pourrait se justifier dans l’espace de la critique ordinaire, mais qui dessert l’analyse sociologique en situant le propos sur un terrain particulièrement abrasif. L’entreprise en tout point louable d’exploration de la cinéphilie tend ainsi occasionnellement en une requalification vengeresse, motivée par la position de surplomb de la cinéphilie instituée. Poussé jusqu’à son terme, ce geste reviendrait à renverser la hiérarchie traditionnelle des valeurs cinéphiliques, au profit d’une nouvelle gradation tout aussi arbitraire que la précédente.

Les savants et le populaire
Un même esprit polémique habite certaines références à l’œuvre de Pierre Bourdieu. Les auteurs se rattachent en cela dans la tradition du populisme sociologique, incarnée dans les années 1970 par Michel de Certeau, consistant à remettre en cause les thèses de La distinction au motif d’une meilleure prise en compte de la complexité des pratiques ordinaires. L’assouplissement et la raréfaction des modèles déterministes réalisés sur cette base en sociologie de la culture depuis quarante ans se sont avérés historiquement opportuns en raison de la dissipation du sentiment de la « classe pour soi » et de la redistribution des hiérarchies culturelles, qui ont rendu plus ténues les frontières de la légitimité éponyme. Néanmoins, au moment de célébrer le trentième anniversaire de l’œuvre maîtresse de Pierre Bourdieu, ce flou ne doit pas occulter la différence de nature entre l’approche défendue jadis par le sociologue de la reproduction et celle adoptée par Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto. Le premier ambitionnait une macrosociologie politique du culturel, basée sur l’identification systématique des liens de causalité entre stratification sociale et styles de vie (programme de recherche qui a notamment servi de canevas aux enquêtes sur les pratiques culturelles des Français dirigées depuis plusieurs années par Olivier Donnat). Les seconds visent une anthropologie culturelle axée sur l’attachement entre acteurs et objets en situation, s’inscrivant dans le sillage du pragmatic turn de la sociologie française opéré dans le courant des années 1980 [3]. Une fois précisée cette nuance, les deux modèles se révèlent moins rivaux que complémentaires, ce qui situe l’intérêt de Cinéphiles et cinéphilie au-delà des clivages théoriques traditionnels.

par Olivier Alexandre [12-11-2010]

http://www.laviedesidees.fr/Sociologie-du-cinephile.html

Je sais pas si ça en intéresse certains...
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Message par Eyquem Lun 27 Déc 2010 - 12:48

A propos du dernier Nobel de la paix :

If Liu Xiaobo's politics were well-known, most people would not favour him for a prize, because he is a champion of war, not peace. He has endorsed the invasions of Iraq and Afghanistan, and he applauded the Vietnam and Korean wars retrospectively in a 2001 essay. All these conflicts have entailed massive violations of human rights. Yet in his article Lessons from the Cold War, Liu argues that "The free world led by the US fought almost all regimes that trampled on human rights … The major wars that the US became involved in are all ethically defensible." During the 2004 US presidential election, Liu warmly praised George Bush for his war effort against Iraq and condemned Democratic party candidate John Kerry for not sufficiently supporting the US's wars
...
Liu has also one-sidedly praised Israel's stance in the Middle East conflict. He places the blame for the Israel/Palestine conflict on Palestinians, who he regards as "often the provocateurs".

Liu has also advocated the total westernisation of China. In a 1988 interview he stated that "to choose westernisation is to choose to be human".

http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/dec/15/nobel-winner-liu-xiaobo-chinese-dissident
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Message par Largo Lun 24 Jan 2011 - 12:41

En Italie, c'est plus "penser sans discuter", c'est penser sans lire :

« Chers amis, je vous envoie la page de La Repubblica de ce matin [jeudi 20 janvier, NDLR], où il y a la terrible nouvelle de la décision du président de la Région de Vénétie, Luca Zaia (Ligue du Nord) d'interdire dans les bibliothèques et dans les écoles la diffusion et la lecture des livres des auteurs qui, en 2004, ont signé l'appel pour Battisti. Mais pas seulement ça. Des bibliothécaires ont témoigné avoir reçu l'ordre depuis des mois d'enlever de la distribution aux lecteurs des livres considérés comme “pas éducatifs”. Des dizaines d'écrivains comme Roberto Saviano, Andrea Camilleri, Gian Antonio Stella, Marco Travaglio, (moi), et maintenant les signataires de l'appels pour Battisti comme Tiziano Scarpa, Massimo Carlotto, Wu Ming, Valerio Evangelisti, Giorgio Agamben ont déjà disparu de plusieurs bibliothèques de la région. Ils sont dans les catalogues, mais impossible de les prendre en lecture. Ce “projet” fasciste est né dans ma ville, Venise, où il y a le Palais de la Région et où l'attaché de la Culture à la Province de Venise, un ex-fasciste pas trop ex, a lancé l'idée lundi dernier.

“La Vénétie est l'image de ce que sera le post-Berlusconi :
quelque chose de bien pire et dangereux.”

Tiziano Scarpa et moi, nous sommes déjà intervenus avec des articles sur le Corriere del Veneto (le supplément pour la Vénétie du Corriere della Sera). La Vénétie est devenue depuis longtemps l'atelier où expérimenter une nouvelle forme de “démocrature”. C'est de ma région que partent toujours les lois les plus racistes, intolérantes. C'est ici que le pouvoir expérimente ce à quoi il peut arriver. Et, chaque fois, il arrive toujours un peu plus loin, il ose toujours un peu plus. Inutile de vous dire ce que signifie l'interdiction des livres. Fahrenheit 451, vous vous souvenez ? Bon, en Italie on y est. La Vénétie est l'image de ce que sera le post-Berlusconi : quelque chose de bien pire et dangereux. Et tout ça se passe dans l'indifférence presque totale d'un pays habité par des gens devenus idiots après une trentaine d'années de télévision berlusconienne.
Ceci est un appel à l'aide, mes chers amis, et je vous dis aussi de faire attention. Car ce virus italien peut, un jour, arriver en France, même si je suis sûr que les racines de la démocratie françaises sont bien plus fortes que celles de la démocratie italienne, qui n'a plus rien de démocratique. »
Roberto Ferrucci



Ecrivain, journaliste, traducteur du français, Roberto Ferrucci est né à Venise en 1960. Il fait partie des écrivains très engagés contre Silvio Berlusconi et ce qu’il appelle « la berlusconisation de la société » italienne (lire notre reportage en avril 2010 (Télérama n°3143). Il publie notamment dans le Corriere della Sera, Il Manifesto et Il Fatto Quotidiano. Il est l’auteur de romans, de nouvelles, de biographies, et a fait paraître en 2008 Ça change quoi (traduit aux éditions du Seuil en 2010), récit dans lequel il raconte et dénonce la violente répression policière qui a marqué, en juillet 2001, les manifestations altermondialistes de Gênes lors du sommet du G8. Une réflexion qu’il a poursuivie dans Sentinements subversifs, paru en novembre dernier en français, aux éditions MEET.
.

Roberto Ferrucci est invité au festival Entre les lignes, ce week-end au Channel, à Calais.

(ici)

Article de Courrier International ici
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Message par careful Lun 24 Jan 2011 - 14:49

un peu, bcp de condescendance en champ contrechamp : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20101118.BIB5962/alain-badiou-fait-son-cinema.html
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Message par adeline Lun 24 Jan 2011 - 17:22

Il est hallucinant cet entretien Shocked

C'est peu dire que l'interviewer est une nullité absolue, mais Badiou est presque pire que lui !

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Message par wootsuibrick Lun 24 Jan 2011 - 17:35

j'adore cette question...
En revanche, je me demande - et je vous demande - pourquoi un art de l'œil est devenu un art de masse ? Quelle est sa séduction spécifique ?
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Message par careful Lun 24 Jan 2011 - 19:36

adeline a écrit:Il est hallucinant cet entretien Shocked

C'est peu dire que l'interviewer est une nullité absolue, mais Badiou est presque pire que lui !

Exactement.
J'ai un peu halluciné, même en cherchant entre les lignes.
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Message par careful Lun 24 Jan 2011 - 21:49

Aussi démonstratif dans:

Benoît Hamon et ...Gang of Four.

Revue de textes - Page 9 2777021638194959265069141764406069146230921734763n

source: Federico Pellegrini.
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Message par Largo Mar 1 Fév 2011 - 11:25

"59% des Français pensent ainsi qu'il y a trop d'immigrés en France"

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/01/31/les-francais-sont-sans-illusions-sur-les-elus-et-leurs-promesses_1473206_823448.html
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Message par careful Mar 1 Fév 2011 - 12:23

soit 10% de plus qu'en 2009.

C'est une bonne moyenne.
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Message par Largo Mar 1 Fév 2011 - 12:45

Ouais, qui a dit que la croissance était en berne ?
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Message par Invité Mar 1 Fév 2011 - 13:00

pas trop faire confiance aux sondages... Suspect

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Message par Largo Mar 1 Fév 2011 - 13:25

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Message par Largo Dim 17 Avr 2011 - 13:33

Je sais pas si vous avez trop suivi la polémique médiatique autour de Bertrand Cantat/Trintignant au festival d'Avignon, mais voici la lettre de W. Mouawad (le metteur en scène qui avait choisi Cantat pour sa pièce), adressée à sa fille :

Aimée, ma petite chérie
Wajdi Mouawad 16 avril 2011 Théâtre


Je t'écris, malgré tes trois ans, tant est grand le besoin de m'adresser à toi pour te raconter comment le silence a su me garder. Ces mots te parviendront plus tard. Aujourd'hui, où tu t'extasies dès lors que tu aperçois un toboggan, tu ne te soucies que de jouer. Le matin tu me reconduis à la porte me disant: «Papa au théyatavec Antigogne Éclèt et Dézanil».

T'écrire, c'est conjurer la peur que j'ai de mourir avant d'avoir eu avec toi quelques conversations. La vie est faite pour parler infiniment avec ses amis et quelques fois avec ses parents. Une seule conversation avec son père peut agir comme pont et comme ravin. Traverser pour se libérer. C'est peut-être cela un père: pont et ravin. N'être qu'un pont, c'est empêcher le ravin, garant de liberté; n'être qu'un ravin c'est empêcher sa traversée et retenir l'enfant sur sa propre rive. Considère alors cette lettre comme l'ombre de la conversation que nous aurions eue si ma mort devait nous séparer, une façon d'avoir en ta possession mes mots. Je ne voudrais pas que ma fille ait un jour à se dire: «Mon père a écrit sa vie durant sans me donner de mots qui soient des mots de lui à moi». Cela si je devais mourir avant le temps.

Mais si l'impensable devait survenir, si tu devais mourir avant moi et que je sois précipité dans l'inimaginable douleur de vivre sans te voir grandir, alors tous ces mots seront vains.

Aujourd'hui pourtant je me tiens aux côtés de celui qui ôta la vie à la femme qu'il aimait. Cette mort, bien qu'il n'ait pas eu l'intention de la donner, il la donna violemment en se servant de ses mains. Cette femme qu'il aimait était la fille d'un père. Par conséquent, tu aurais pu être elle comme elle fut à cet instant toutes les femmes. Je t'aime plus que tout; pourtant, je me tiens aux côtés de cet homme. Pour ma part, après la mort et l'amour, je tiens la justice comme l'espace pacificateur auquel je me dois de me rallier coûte que coûte, si je veux faire barrage à la barbarie de la vengeance que j'exècre plus que tout tant elle a déchiré le pays qui m'a vu naître; et dès l'instant où cet homme a comparu devant la justice, qu'il a reconnu son crime, que sa sentence fut donnée puis purgée, je l'ai considéré comme mon égal. En tout point. Il aurait pu être mon frère. J'aurai pu être lui. Et si c'est mon frère qui te tue, malgré la chute et le désastre, je me refuse, pour ma part, le droit de prononcer les mots de Caïn; et si je suis moi-même ton propre assassin, je ne voudrais pas être jeté aux orties des humains. Mon fardeau serait infini, mais si je décide de vivre et de faire face à ma propre horreur alors la vie, toute la vie devrait m'être accordée. Malgré tout, malgré tout. C'est ce malgré tout qui, à mes yeux, rend l'humanité sublime.

Cet homme, dans l'aujourd'hui dont je te parle, est libre pour avoir purgé sa peine tel que les institutions judiciaires l'ont décidé. Il demeure à jamais celui qui tua, mais il est devenu aussi celui qui fit face à la justice. Il est donc multiple. Dans sa multiplicité, il est mon ami, il est aussi un artiste et parce que son art correspondait le mieux à l'aventure artistique dans laquelle je suis plongé, j'ai choisi de l'inviter à prendre la part la plus humble du spectacle, non pas celle du héros mais celle du choeur, et de faire face à sa vie tant ces trois pièces, si tu les lis, racontent son désastre. L'art est miroir des souffrances et des douleurs.

Ai-je bien fait?

Il n'existe pas de réponse universelle à cette question. Il n'existe que des jugements moraux. L'un dira oui, l'autre dira non. Il ne s'agit pas d'avoir raison, mais de choisir. Soit tu choisis le symbole de l'homme qui tua une femme et tu lui interdis la scène, mais alors tu dois savoir que tu le soumets à une seconde peine. Tu sacrifies la justice au profit du symbole. Est-ce juste? Est-ce juste de condamner deux fois un homme pour un seul crime?

Si, par contre, tu choisis de défendre la justice, défendre l'idée qu'un homme ne peut pas être puni deux fois pour le même crime, alors tu mets en souffrance ceux et celles qui ne pourront pas accepter le symbole affiché. Est-ce juste? Est-ce juste de sacrifier le symbole au profit de la justice? Voilà devant quelle question, pendant que tu glissais sur ton toboggan, une partie du monde de ton père s'est retrouvée.

Je te laisserai le plaisir de lire tout ce qui aura été dit, sache seulement que devant la déferlante d'opinions, aussi respectables les unes que les autres, ton père a choisi le silence comme seule élégance possible. Ton père s'est tu; non pas parce qu'il n'avait rien à dire, mais parce que dans cet espace en équilibre entre justice et morale, où il n'y avait pas de réponse mais des choix, rien ne pouvait être plus audible sinon le silence qui garde et sauvegarde les vérités et évite de rajouter la violence à la violence que ton père engendra lui-même sans le vouloir.

Ton père

***

Wajdi Mouawad, dramaturge et metteur en scène

http://www.ledevoir.com/culture/theatre/321334/aimee-ma-petite-cherie
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Message par balthazar claes Dim 17 Avr 2011 - 15:40

Il était content, très content. Voilà qu'il nous parle du cinéaste danois Carl Theodor Dreyer et d'Ordet, un film sublime de 1955. Il voulait parler de sa passion pour le cinéma, des moments de grâce qu'il repère dans certains grands films. Il avoue en voir 150 par an. On parle de Murnau, de Buñuel, de Rossellini, de l'âge d'or du cinéma italien que les télévisions de Berlusconi ont assassiné. Notre président se montre incollable. Il avoue que c'est un plaisir qu'il partage avec son épouse. Je lui demande pourquoi ils n'habitent pas le palais de l'Elysée. "Il nous arrive d'y passer le week-end."

Je ne sais plus comment c'est arrivé, j'évoque L'Etranger de Camus. Le président essaie de citer la première phrase du roman :
"Maman est morte aujourd'hui ou hier..." Tout le monde s'y met, et on finit par la dire correctement : "Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas..." On rit, puis de nouveau on s'interroge sur la mégalomanie de Kadhafi.


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Message par Largo Dim 17 Avr 2011 - 16:24

Rien lu de ce type, mais ça fait jamais qu'un valet de plus. pig
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Message par Invité Lun 18 Avr 2011 - 10:10

Largo a écrit:Rien lu de ce type, mais ça fait jamais qu'un valet de plus. pig

Ben Jelloun, un des symboles de l'anti-racisme et de la sociale-démocratie des années 90. on vit une époque formidable. et je le dis sans ironie.

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Message par Largo Sam 30 Avr 2011 - 15:01

Je sais plus si ça a été posté, mais pour faire suite au texte d'Adeline, voici l'entretien de Comolli sur le blog "Cinéma Documentaire" :

Entre désir de liberté et obligation des contraintes, par Jean-Louis Comolli

Publié le9 avril 2011 parle passeur

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Entretien avec Georges Heck

Jean-Louis Comolli – Une remarque générale : la distinction entre ce qu’on appelle documentaire et ce qu’on appelle fiction, dans le cinéma contemporain, est en voie de devenir obsolète. Il y a un dépassement des genres, on est dans un entre-deux de plus en plus fertile. Du côté de Kiarostami, c’est majeur. Mais même avec Entre les murs de Cantet. Ou encore, plus troublant, avec le dernier film de Claire Simon, Les Bureaux de Dieu. Claire explore systématiquement cette zone intermédiaire. Il n’y avait rien de tout cela il y a 20 ou 30 ans. Quelque chose s’est passé dans le cinéma d’aujourd’hui, qui fait voler en éclats la fragile barrière posée depuis des lustres entre fiction et documentaire. On sort de ces catégories qui me semblent plutôt liées d’une part à l’exploitation des films, au commerce, qui a besoin d’étiquettes ; et d’autre part, à l’effondrement relatif de la dimension mythique du cinéma : la star est remplacée par le « people ». Le nouveau paradigme, ce n’est plus le rêve, la fiction avec un grand F ; c’est au contraire la « réalité », le rapport au « réel ». Je mets des guillemets car il s’agit sans doute d’un fantasme de « réel », de ce qu’on imagine être tel.

Ce qui me semble sûr, c’est que – cycliquement – le cinéma va à la rencontre de son contraire, son contraire complice, la « réalité ». Comme si cette réalité était elle-même exempte de corruption par le cinéma. Ou alors, comme Tati l’avait prévu, c’est précisément ce mixte de « réalité » et de « cinéma » qui devient « la réalité ». Disons que pour exister comme artifice nécessaire socialement, le cinéma a besoin de supposer l’existence à distance de lui d’un « réel ». Nous savons que le cinéma est là pour transformer le monde « réel » en monde filmé, c’est-à-dire organisé et représenté selon notre désir. Mais cette performance – celle de « l’usine à rêves » hollywoodienne – finit par s’user. Devenu autoréférentiel, le monde cinématographié perd de sa substance et de son opacité. Quelque chose de rebelle au cinéma revient battre à la porte des studios. Tournant en rond dans cette prison du studio, dans le cercle infernal des castings qui proposent toujours les mêmes têtes, les fictions finissent par paraître détachées du monde, flottantes, inexactes. Et, cycliquement, les cinéastes sortent dans les rues pour filmer autrement, filmer une réalité plus sauvage que le décor le mieux peint. Le rêve cinématographique a besoin de s’ancrer, de se lester d’une prise de monde, de maintenant, d’ici. Le réalisme n’est plus au cinéma l’effort pour imiter une réalité quelconque, mais au contraire la saisie du cinéma par les griffes du réel.
Artificiel par excellence, le cinéma a besoin non seulement de produire des « effets de réel », mais de paraître lui-même effet de ce réel. C’est comme si le spectateur de cinéma avait perdu un peu de son enfance, de sa capacité d’imaginer, et qu’il ait besoin d’une caution, d’une garantie que la fantaisie reste accrochée au monde réel. Le rêve appelle un « plus de réel ». Peut-être cet appel vient-il compenser ce qu’il y a de plus en plus virtuel, de plus en plus spectaculaire, dans ce que devient notre monde.

Je dirais qu’aujourd’hui je cherche au cinéma le contraire de ce que je vois dans les médias. Le monde tel que les médias non seulement le représentent, mais l’imposent, est un monde de la fausseté consensuelle, de la vanité exquise. Les plateaux de télévision et les magazines « people » (on y revient !) ont pris en charge la starification de la vie. Chacun sait que ce succès est à la mesure de la distance entre sa propre existence et celle des êtres représentés, qui ne sont plus des stars au sens ancien, celui de la rareté ou du talent, mais des stars si j’ose dire plus ordinaires, plus répandues, à qui il n’est plus demandé de grandes performances, et donc moins admirables. On apprend à désirer ce qu’on n’admire pas. Bref, cette version du monde sur écrans de masse est à la fois expurgée, consensuelle et mensongère. Il y a besoin d’un antidote. C’est au cinéma, paradoxe, que l’on peut aujourd’hui chercher à éprouver quelque de chose de moins faux, de moins futile.

Les Bureaux de Dieu (Claire Simon, 2008)

Georges Heck – Dans ce cas, le documentaire est-il réduit au simple rang de miroir, où il devient un outil, un levier, sans que pour autant il s’agisse de l’instrumentaliser ?

J-L.C. – Dans la bataille qui est en cours entre le monde réellement vécu et le monde médiatisé, le documentaire est du côté du monde réellement vécu. La lutte passe entre le journalisme et le cinéma. Les logiques de l’information et les logiques de la création cinématographique – auquel le documentaire appartient – sont radicalement opposées.

G.H. – Mais en même temps on constate quand même qu’il y a des pressions pour l’orienter vers le premier cas de figure.

J-L.C. – Aujourd’hui, les télévisions se sont alignées sur les modes de pensée du journalisme. Je rappelle le trio sacré : information-marchandise-spectacle. Dans le spectacle, information et marchandise se donnent la main. Il n’est pas rare d’entendre des responsables de France Télévisions dire de ceux qui font du documentaire qu’ils sont compliqués, qu’il est difficile de travailler avec eux, qu’ils ne sont jamais d’accord sur ce qu’on leur demande, etc. C’est tellement plus simple de travailler avec une agence de presse, qui est aux ordres et qui, mieux encore, pense de la même façon que la chaîne ! On met des images en support d’un commentaire et le tour est joué. J’appelle ça du journalisme audiovisuel sans ambition. Nous ne sommes plus au temps du Sang des bêtes.

Cette question est devenue centrale : les pratiques dites documentaires – dont je redis à quel point elles croisent désormais la fiction – sont ce qui résiste à l’hégémonie du journalisme dans les médias et dans le monde dit « d’informations » qui est le nôtre. Il y a là un fait politique. C’est proposer une politique réellement démocratique que de filmer des hommes ou des femmes qui ne sont ni des experts, ni des hommes politiques, ni des responsables, ni des chefs, qui sont des citoyens ordinaires, comme tout le monde. Pouvoir faire exister ces êtres de tous les jours comme personnages, c’est-à-dire faire apparaître leur dimension fictionnelle, c’est pour moi un enjeu politique. Autrefois, dans un avant de la télévision, il y avait les rencontres filmées par Hubert Knapp et Jean-Claude Bringuier, par Maurice Failevic, par d’autres. Rien du même ordre aujourd’hui.

G.H. – Cette question de rencontre avec la fiction, qui est plus qu’une porosité, trouble pas mal les acteurs de la pédagogie du cinéma qui se sentent assez perdus, parce que revient toujours le vieux terme d’objectivité qui semble toujours traîner là comme une sorte de cadre, étouffant finalement, mais pas du tout innocent, qu’on pose sur le documentaire, avec cette subjectivité qu’on dénie.

J-L.C. – Subjectivité ne veut pas dire faiblesse du point de vue. La subjectivité peut être quelque chose d’extrêmement aigu, qui découpe le monde avec un scalpel beaucoup plus subtil que l’objectivité qui y va au rouleau compresseur. Je me méfie de l’objectivité quand elle s’applique au domaine des médias. Dans les sciences, je la conçois. Mais dans les opinions, dans les récits, quels qu’ils soient, la requête d’objectivité est une manipulation. Il s’agit d’un credo produit par les maîtres, et chantonné par les sujets-journalistes. Seuls les maîtres ont avantage à affirmer que l’information est objective puisque c’est celle qu’ils déterminent. À la fois tout le monde le sait, le sait bien, et tout le monde feint d’y croire. Peut-être que ça arrange quelque chose du côté de nos angoisses, de croire qu’il y a de l’information objective, que l’information n’est pas une arme dans la guerre civile latente qui occupe toute société ?

Je crois qu’il faut ramener – et, surtout, avouer – du subjectif dans les médias, je crois que les journalistes sont des sujets, qu’ils doivent écrire au sens plein, qu’ils ne sont pas condamnés au rewriting. Sur Internet, dans les blogs, parfois, on tombe sur du style, et c’est plus intrigant. Il y a un plaisir de lire qu’on ne trouve plus beaucoup dans la grande presse. Il y a aujourd’hui sur Internet la possibilité d’une errance sans fin qui est à elle-même sa propre fin, et c’est de pouvoir glisser d’une signature, d’une subjectivité à une autre, d’entrer timidement dans l’intimité d’un(e) autre qui restera à jamais inconnu(e). Passer d’une parole à l’autre, d’une écoute à l’autre, c’est expérimenter notre singularité. L’ennemi reste l’uniformisation, la standardisation, le formatage précisément que pratiquent les médias de masse, télévisions en tête. Ces médias sont moins des outils d’information que des outils de conformation. Ils sont là pour conformer les manières de faire, de dire, d’écrire, de parler, de penser.

G.H. – Ce qui nous ramène à la question assez fondamentale de savoir ce que peut le cinéma dans tout ça, dans la société dans laquelle nous vivons. S’il ne dérange pas un peu les choses, à quoi sert-il ?

J-L.C. – La séance de cinéma d’une heure et demie (et parfois plus) reste une expérience vécue. Voir un film, c’est plonger dans un monde de sensations et de perceptions où le flottement du sujet s’expose à la contrainte du dispositif technique, aux conditions mêmes de l’expérience. Le sujet-spectateur est transporté dans un certain irréel, il est clivé par la représentation (le faux qui donne du vrai, l’artifice qui produit de l’innocence, etc.), il fait une expérience impossible dans la vie réelle. On ne peut pas dire que regarder « Thalassa » (par exemple) soit une forte expérience subjective. Appelons ça du tourisme audiovisuel (et pourquoi pas ?) mais du tourisme confortable, où il n’y a pas d’accrochage qui puisse déchirer tant soit peu le tissu conformiste du spectateur. Pourquoi ? Parce que tout est fait pour rassurer. Et le commentaire presque incessant en est le premier facteur. Le commentaire s’est substitué à l’expérience directe du spectateur. Il s’agit de guider, de canaliser, d’empêcher toute errance. Le cinéma est toujours du côté de l’école buissonnière. Les mauvais films comme les bons sont des terrains vagues ouverts à tous les jeux.

Dans un monde où les maîtres et leurs scénaristes, sans parler des policiers, rêvent de la robotisation des êtres humains, dans un monde ou la dé-subjectivation est à l’œuvre, il s’agit plus que jamais, avec des moyens de plus en plus efficaces, de réduire les subjectivités à la discipline, à la cohérence, afin de parvenir à l’idéal du « bon client », celui que l’achat désangoisse. Aplatir, mesurer, cadrer. Faire du sujet quelque de bien plat. Le cinéma, ça crée des plis, ça plisse le sujet. Le sujet sort de là un petit plus froissé qu’il n’était en entrant dans la salle.

G.H. – Ceux qui justement font œuvre de pédagogie ont parfois tendance à rejeter le documentaire, le considérant comme quelque chose de trop sérieux, ne parlant que des choses graves, tristes. Ils sont tellement conditionnés à être dans la distraction, dans l’oubli du quotidien. On est là dans un contre-pied radical.

J-L.C. – C’est l’aspect important de ce que tu dis : il faut considérer que la distraction, le divertissement, c’est précisément aujourd’hui ce qui évite de penser. Ce n’est pas : d’un côté on s’amuse, de l’autre côté, on est triste. C’est : d’un côté on s’amuse à ne pas penser et de l’autre côté, on pense un peu à ce qu’on est. Penser à ce qu’on est, je veux bien que ce soit triste, mais peut-être que ça donne aussi des choses plus vives, plus vivantes, et en tout cas plus utiles que de ne pas y penser. L’euphémisme du divertissement veut dire : évite de penser à ton sort. Le marché global n’a pas besoin de gens qui pensent, ou plutôt il a besoin de gens qui penseraient tous la même chose, c’est-à-dire exactement le contraire de la pensée. On peut rire, l’humour oui, évidemment, la dérision, l’ironie, bien sûr, tout ce que tu voudras. Mais si se divertir revient à ne pas penser, c’est que c’est l’arme majeure du maintien de l’ordre des maîtres.

G.H. – C’est comme l’on dit, le décervellement à l’œuvre. Ce n’est pas seulement les distraire, c’est enfoncer les gens dans le néant.

J-L.C. – Il y a quand même une contradiction. Je crois qu’il est impossible – encore – d’empêcher quiconque de penser. L’homme ou la femme les plus usés par leur travail, les plus « fatigués », qui disent avoir le plus besoin de distractions, n’ont pas renoncé, malgré les apparences, à la faculté de penser. Ce sont les programmateurs des télévisions qui croient que penser fatigue. La fatigue, au contraire, fait penser. Une fois de plus, l’autoritarisme s’emploie à disqualifier la pensée, à la présenter comme superflue, inutile, nuisible. « Casse-moi pas la tête ! ». Combien de vies cassées n’ont-elles pas répété la formule ? Tout le monde pense, bien sûr, même quand cette pensée revient à mépriser la pensée.
Les précisions du blog documentaire

1. Cet entretien est initialement paru dans le bulletin des Pôles régionaux du cinéma, édité par Georges Heck pour l’Association Vidéo Les Beaux Jours de Strasbourg. Il est reproduit ici avec l’aimable autorisation de George Heck et de Jean-Louis Comolli.

http://cinemadocumentaire.wordpress.com/2011/04/09/entre-desir-de-liberte-et-obligation-des-contraintes-par-jean-louis-comolli/
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Message par Eyquem Mer 27 Juil 2011 - 10:05

Le chiffre du jour :

"En 2009, les pouvoirs publics des pays en développement avaient remboursé l'équivalent de 98 fois ce qu'ils devaient en 1970.

Entretemps, leur dette avait été multipliée par 32."



Magie des emprunts qui servent à rembourser les intérêts de la dette...

C'est dans le Diplo de ce mois :
http://www.monde-diplomatique.fr/2011/07/MILLET/20796
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Message par Invité Mer 27 Juil 2011 - 10:10

cela s'appelle joliment, mon cher, le service de la dette.

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Message par Invité Sam 13 Aoû 2011 - 16:46

K. Bigelow, cinéaste phénoménologue, oscarisée, artiste indépendante et iconographe officielle du Pentagone, suite:


Le long-métrage, auquel participe le Pentagone, doit sortir juste avant la présidentielle de 2012.
Les concepteurs d'un film sur le raid des forces spéciales ayant abouti à la mort d'Oussama Ben Laden reçoivent une aide du Pentagone. Pourtant, aucune information confidentielle ne leur a été divulguée, a assuré, mercredi, la Maison-Blanche en réponse à des accusations républicaines. Le film doit être réalisé par Kathryn Bigelow, récompensée par l'oscar 2010 du meilleur film pour Démineurs, qui se déroule durant la guerre d'Irak.
La sortie de cet opus retraçant l'un des principaux succès du mandat de Barack Obama est programmée pour octobre 2012, un mois avant l'élection présidentielle au cours de laquelle le président démocrate briguera un nouveau mandat. L'élu républicain Peter King, président de la commission sur la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants, a réclamé, mardi, une enquête sur les contacts établis entre l'administration et l'équipe du film, se demandant s'ils ne compromettaient pas le travail des forces spéciales.
"Ridicules" (Maison-Blanche)
La Maison-Blanche a qualifié ces accusations de ridicules, ajoutant qu'aucune information classifiée n'était dévoilée. Dans un communiqué, Kathryn Bigelow et son scénariste Mark Boal ont souligné que l'histoire couvrirait trois présidences successives des États-Unis, celles de Bill Clinton, George Bush et Barack Obama, et ils ont assuré que leur film n'avait rien de partisan.
[…]

http://www.lepoint.fr/monde/controverse-autour-d-un-film-sur-la-mort-de-ben-laden-11-08-2011-1361588_24.php


Le prochain film de cette va-t-en-guerre fascinée par la virilo-burnitude couilleuse est provisoirement, et sobrement, intitulé "Kill Ben Laden". Super défoulant et super galvanisant. Aux avant-postes de la nouvelle croisade civilisationnelle. Faster, Pussycat! Kill! Kill! Et on stigmatise les videogames à la "call of duty" (jamais compris l'engouement pour ce genre de licence, qui aujourd'hui couvre 75% de la prod vidéo-ludique. Faut vraiment être un petit teigneux dopé à la gagne - façon "fdc", et stressé par sa vie de yuppie de merde, pour s'exciter là-dessus), alors qu'avec ou sans fps ça fait beau jeu que la modern warfare n'a pas eu lieu, comme dirait Dridri.

C'est le médiatique Breiwik qui va exulter dans sa cellule capitonnée. Va sûrement exiger que Bigelow soit nommée conseillère stratégique de son ministère de l'armée. Pft.




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Message par adeline Dim 21 Aoû 2011 - 13:26


http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/08/20/un-projet-de-film-sur-la-mort-de-ben-laden-accuse-de-servir-obama_1561712_3476.html

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Message par Eyquem Mer 26 Sep 2012 - 17:28

Je suis tombé sur ce bouquin : "Virginia Woolf - "Le cinéma" et autres essais"

Je ne connaissais pas ce texte de 1926, "Le cinéma", que Trafic a déjà publié, en 1996.

En anglais, il est disponible :
http://www.woolfonline.com/?q=essays/cinema/full

J'aime beaucoup la fin, où elle rêve de ce que le cinéma pourrait être et conclut :
How all this is to be attempted, much less achieved, no one at the moment can tell us. We get intimations only in the chaos of the streets, perhaps, when some momentary assembly of colour, sound, movement, suggests that here is a scene waiting a new art to be transfixed. And sometimes at the cinema in the midst of its immense dexterity and enormous technical proficiency, the curtain parts and we behold, far off, some unknown and unexpected beauty. But it is for a moment only. For a strange thing has happened—while all the other arts were born naked, this, the youngest, has been born fully-clothed. It can say everything before it has anything to say.
On dirait du Rancière quand elle dit que ce que le cinéma promet et pourrait être comme art, ce n'est pas encore dans une salle qu'on en a l'intuition, c'est déjà dans le chaos d'une rue, dans l'apparition colorée, fugitive, d'une forme de beauté inédite.
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Message par Invité Mer 26 Sep 2012 - 17:37

Pour cause, Rancière en est resté au cinéma muet, et est même en retard sur Epstein et Fondane...

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