Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
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Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
« Et ouvertement je vouais mon cœur à la terre grave et souffrante, et souvent, dans la nuit sacrée, je lui promis de l’aimer fidèlement jusqu’à la mort, sans peur, avec son lourd fardeau de fatalité, et de ne mépriser aucune de ses énigmes...»
(Hölderlin, La Mort d’Empédocle).
Borges- Messages : 6044
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
« En attendant il me paraît souvent
Que dormir serait mieux que d’être ainsi sans compagnon
Et que de persévérer ainsi ? Et que faire dans l’attente, et que dire
Je ne sais ; et à quoi bon des poètes en un temps de détresse ?
Mais ils sont, dis-tu, comme les prêtres sacrés de Dionysos,
Qui de pays en pays erraient en la Nuit sacrée ».
(«Hölderlin, "Pain et vin » )
la lecture de " pourquoi des poètes?" de Heidegger est bien entendu indispensable pour saisir cette nuit sacrée (la nuit du monde) et certainement quelque chose du cinéma de K et P
Borges- Messages : 6044
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
cette idée du sommeil qui égalise n'est pas très joyeuse : "durant le sommeil, qui est l'image de la mort, tous les hommes sont égaux".
mais l'égalité du même sommeil, c'est peut-être pas la même chose que l'égalité dans le sommeil
Borges- Messages : 6044
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
Borges a écrit :
cette idée du sommeil qui égalise n'est pas très joyeuse
et c'est très bien pour la tonalité sinistre du film qui n'est pas sans rappeler la deuxième partie du Policier
Invité- Invité
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
Les interviews de E.Perceval et Klotz dans le numéro papier des Spectres sont riches et bien affûtées, mais je ne comprends pas pourquoi la question de l'engagement politique s’absorbe à un tel point à leurs yeux et à ceux des rédacteurs dans une idée de filiation à rechercher et à assumer (qui serait du même ordre quand elle vaut par rapport à Daney, Deleuze et Pasolini, et par rapport à l'idée d'homme dont la politique garantit l'intégrité). Intéressant de voir par exemple comment Klotz parle de la séparation entre son itinéraire et celui de Carax, lui aussi inscrit dans la trace de Daney.
1: j'ai l'impression d'une déformation heideggerienne dans la manière de poser le problème de l'engagement politique, où la gauche telle qu'elle était articulée par Rivette ou Godard est mise dans la même position que Parménide chez Heidegger. On évite certes l’historicisme en soulignant la différence existant entre hériter d'une question, et se la poser dans les mêmes termes que ceux dont on l'a hérité. Mais surtout on transforme peut-être aussi la question de départ. Chez Heidegger, la pensée qui articule le rapport de l'homme à l'être a pas un sens, ni deux, mais en acquiert 4, et le fait de privilégier un de ces 4 sens plutôt qu'un autre induit automatiquement un jugement sur l'authenticité de la culture actuelle. Finalement la question est développée à travers les deux derniers sens, non pas "qu'est ce que la pensée?", "comment l'homme est appelé à penser par l'être?", mais: "comment notre culture saisit l'être et est saisie elle-même par l'être, et comment le prix qu'elle accorde à la pensée et l'indice de ces deux saisies"
Ces références empêchent peut-être de répondre à la question initiale, ou de créer une communauté qui n'est pas obligée de se reconnaître dans ce pli ou dans cette filiation. Après tout la sensibilité est aussi déterminante dans ce qui nous oriente, ou pas, dans cette radicalité. Il faut créer une communauté de pensée plus large que cette sensibilité pour avoir un poids politique. Mais il y a une différence: chez Heidegger, la notion d'appel prime sur celle de filiation, tandis que l'appel me semble absent dans le point de vue du numéro des Spectres: il s'agît d'empêcher une tradition qui est aussi une idée de l'homme de mourir; mais celle-ci n'est pas pensée comme active et possiblement inédite dans le présent. Il est vrai que dire une telle chose est plus facile à dire qu'à faire en période de réaction politique et de montée des égoïsmes. Mais j'ai l'impression que le cinéma de Klotz ne permet pas vraiment la convergence avec des gens qui seraient moins touchés par cette conscience de ce qui disparaît dans l'époque, tout en étant capables de critique et d'engagement politique. Bien sûr ni ce cinéma ni les Spectres ne peuvent effectuer et assumer seuls cette convergence, mais au moins la rechercher. J''ai l'impression que le discours des Klotz ne parvient pas à représenter quelque chose de plus que sa propre légitimité. Mais je le dis en ayant conscience de l'importance et de la rareté de cette légitimité politique et esthétique, de sa force et de son mérite: "la Blessure" est un film qui compte beaucoup pour moi, à la fois pour son contenu, sa forme, et les réactions qu'il a suscitées chez d'autres, que j'ai vues, que j'ai du mal à analyser et à comprendre.
Par ailleurs: le rapport Heidegger/cinéphile n'est pas anodins ni illégitime. Un des premiers commentateur Heidegger en France était justement critique de cinéma et même cinéaste: Fondane, mais il venait d'une sorte de gauche anarchisante du surréalisme, qui ne se cherchait pas de maître (même s'il était proche de Chestov qui en a été d'une certaine façon un pour lui). Il croyait au cinéma comme genre neuf, qui puisse assumer dans la modernité une rupture avec l'histoire.
2: cette question de fidélité à l'héritage, on a à mon sens tort de penser qu'elle permet de distinguer un cinéma radical et honnête, d'un cinéma du milieu, mou et révisionniste, en tout cas en France.
Parce que le cinéma du milieu est lui aussi travaillé par cette question de fidélité ou de connaissance respectueuse d'un patrimoine. 20 ans avant de faire "the Artist", Michel Hazanavicius avait filmé "le Grand Détournement". Singulier chemin: d'abord il portait au cœur de l'esprit Canal+ l'idée que la parole se suffit à elle-même (à travers les doubleurs qui réalisent vraiment la singularité de l’œuvre, lui donnent un souffle et une distance) pour porter une critique (ou plutôt une réforme) du spectacle, puis il finit par triompher globalement, dans un court moment, en simulant un vieux rapport qui unit la masse au cinéma, en jouant sur la disparition de cette parole. Mais ce ressort est aussi présent dans un film comme "la Question Humaine", où il s'agit de reprendre un témoignage avant la perte de contemporanéité avec les témoins directs. Il y a la même idée d'anticipation et de conjuration de la disparition d'une parole qui compte. Mais pour ceux qui l'ont prononcé la première fois, cette parole n"était pas une norme ou fixer une direction, plutôt un combat, elle ne peut être véritablement norme que pour justement ceux qui n'en sont que l'héritier, ceux justement qui risquent de l'oublier.
1: j'ai l'impression d'une déformation heideggerienne dans la manière de poser le problème de l'engagement politique, où la gauche telle qu'elle était articulée par Rivette ou Godard est mise dans la même position que Parménide chez Heidegger. On évite certes l’historicisme en soulignant la différence existant entre hériter d'une question, et se la poser dans les mêmes termes que ceux dont on l'a hérité. Mais surtout on transforme peut-être aussi la question de départ. Chez Heidegger, la pensée qui articule le rapport de l'homme à l'être a pas un sens, ni deux, mais en acquiert 4, et le fait de privilégier un de ces 4 sens plutôt qu'un autre induit automatiquement un jugement sur l'authenticité de la culture actuelle. Finalement la question est développée à travers les deux derniers sens, non pas "qu'est ce que la pensée?", "comment l'homme est appelé à penser par l'être?", mais: "comment notre culture saisit l'être et est saisie elle-même par l'être, et comment le prix qu'elle accorde à la pensée et l'indice de ces deux saisies"
Ces références empêchent peut-être de répondre à la question initiale, ou de créer une communauté qui n'est pas obligée de se reconnaître dans ce pli ou dans cette filiation. Après tout la sensibilité est aussi déterminante dans ce qui nous oriente, ou pas, dans cette radicalité. Il faut créer une communauté de pensée plus large que cette sensibilité pour avoir un poids politique. Mais il y a une différence: chez Heidegger, la notion d'appel prime sur celle de filiation, tandis que l'appel me semble absent dans le point de vue du numéro des Spectres: il s'agît d'empêcher une tradition qui est aussi une idée de l'homme de mourir; mais celle-ci n'est pas pensée comme active et possiblement inédite dans le présent. Il est vrai que dire une telle chose est plus facile à dire qu'à faire en période de réaction politique et de montée des égoïsmes. Mais j'ai l'impression que le cinéma de Klotz ne permet pas vraiment la convergence avec des gens qui seraient moins touchés par cette conscience de ce qui disparaît dans l'époque, tout en étant capables de critique et d'engagement politique. Bien sûr ni ce cinéma ni les Spectres ne peuvent effectuer et assumer seuls cette convergence, mais au moins la rechercher. J''ai l'impression que le discours des Klotz ne parvient pas à représenter quelque chose de plus que sa propre légitimité. Mais je le dis en ayant conscience de l'importance et de la rareté de cette légitimité politique et esthétique, de sa force et de son mérite: "la Blessure" est un film qui compte beaucoup pour moi, à la fois pour son contenu, sa forme, et les réactions qu'il a suscitées chez d'autres, que j'ai vues, que j'ai du mal à analyser et à comprendre.
Par ailleurs: le rapport Heidegger/cinéphile n'est pas anodins ni illégitime. Un des premiers commentateur Heidegger en France était justement critique de cinéma et même cinéaste: Fondane, mais il venait d'une sorte de gauche anarchisante du surréalisme, qui ne se cherchait pas de maître (même s'il était proche de Chestov qui en a été d'une certaine façon un pour lui). Il croyait au cinéma comme genre neuf, qui puisse assumer dans la modernité une rupture avec l'histoire.
2: cette question de fidélité à l'héritage, on a à mon sens tort de penser qu'elle permet de distinguer un cinéma radical et honnête, d'un cinéma du milieu, mou et révisionniste, en tout cas en France.
Parce que le cinéma du milieu est lui aussi travaillé par cette question de fidélité ou de connaissance respectueuse d'un patrimoine. 20 ans avant de faire "the Artist", Michel Hazanavicius avait filmé "le Grand Détournement". Singulier chemin: d'abord il portait au cœur de l'esprit Canal+ l'idée que la parole se suffit à elle-même (à travers les doubleurs qui réalisent vraiment la singularité de l’œuvre, lui donnent un souffle et une distance) pour porter une critique (ou plutôt une réforme) du spectacle, puis il finit par triompher globalement, dans un court moment, en simulant un vieux rapport qui unit la masse au cinéma, en jouant sur la disparition de cette parole. Mais ce ressort est aussi présent dans un film comme "la Question Humaine", où il s'agit de reprendre un témoignage avant la perte de contemporanéité avec les témoins directs. Il y a la même idée d'anticipation et de conjuration de la disparition d'une parole qui compte. Mais pour ceux qui l'ont prononcé la première fois, cette parole n"était pas une norme ou fixer une direction, plutôt un combat, elle ne peut être véritablement norme que pour justement ceux qui n'en sont que l'héritier, ceux justement qui risquent de l'oublier.
Dernière édition par Tony le Mort le Dim 19 Aoû 2012 - 10:37, édité 6 fois
Invité- Invité
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
=> pour complèter le massage précédent
Je n'ai pas vu "Low Life". Si l'Arenberg existait encore, j'aurais pu probablement le voir cet été pendant leur cycle Ecran Total. Il y a maintenant un nouveau cinéma, au même endroit, monté je crois avec l'aide du patron de Fortis, qui montre presque les mêmes choses que l'Arenberg. Mais justement pas Low Life. Par contre, si j'ai bien compris c'est lui qui a montré en avant première le film de étudiante en cinéma qui se plaignait de la drague à chaud à Bruxelles (pour aller vite: ce film sert un discours politique préoccupant sur Bruxelles censée être dangereuse car multiculturelle et comble de malheur pas partout riche, j'étais surpris qu'une nouvelle salle de cinéma possède une sorte d'exclusivité sur ce film)
A Bruxelles, seul peut-être le Nova pourrait le montrer, sinon il sera impossible de le voir en public dans cette ville. Le Nova avait montré "la Blessure", l'Arenberg" la "Question Humaine" (et "En avant Jeunesse" de Pedro Costa)
Je n'ai pas vu "Low Life". Si l'Arenberg existait encore, j'aurais pu probablement le voir cet été pendant leur cycle Ecran Total. Il y a maintenant un nouveau cinéma, au même endroit, monté je crois avec l'aide du patron de Fortis, qui montre presque les mêmes choses que l'Arenberg. Mais justement pas Low Life. Par contre, si j'ai bien compris c'est lui qui a montré en avant première le film de étudiante en cinéma qui se plaignait de la drague à chaud à Bruxelles (pour aller vite: ce film sert un discours politique préoccupant sur Bruxelles censée être dangereuse car multiculturelle et comble de malheur pas partout riche, j'étais surpris qu'une nouvelle salle de cinéma possède une sorte d'exclusivité sur ce film)
A Bruxelles, seul peut-être le Nova pourrait le montrer, sinon il sera impossible de le voir en public dans cette ville. Le Nova avait montré "la Blessure", l'Arenberg" la "Question Humaine" (et "En avant Jeunesse" de Pedro Costa)
Invité- Invité
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
Attaque de Klotz sur Bonello, considéré comme esthétisant, nombriliste et précieux.
Il est vrai que je suis parti au bout d'une demi-heure de son dernier film, qui me semblait sans enjeu (pas voulu voir la défiguration, j'ai l'impression que le film montrait que rien ne pouvait avoir lieu après la neutralisation de l'impact de cette mutilation. Lors de Tirésia, une amie, lectrice de Nicole Loraux, était tombée dans les pommes au moment de l'énucléation (mais je crois que c'était plutôt une jouissance anticipée, prise à la limite). Les pompiers étaient intervenus, le reste des spectateurs avait repris le spectacle. Du coup cela fait deux film de lui que je n'ai pas pu voi, pour des raisons opposées.
Mais dans le Pornographe, il y avait quand-même l'idée de cerner 68 à travers le point de vue des fils sur les pères, qui revient souvent dans la critique, mais peu à l'image.
Koltz c'est quand-même le point de vue des pères sur les fils, comme Garrel, où nous sommes absous d'avance par l'impossibilité de revivre 68 tut en comprenant la grâce. Mais il faut reconnaître que le propos d'Elisabeth Perceval excède cela: poser la jeunesse dans la filiation du "Diable Probablement" mais en filmant ce que Bresson ne croyait plus possible de dire. Mais c'est le fait d'assumer une une contrainte formelle depuis l'intérieur du cinéma qui lui permet de contourner cela.
=> quand même un déplacement, lié au fait que nous ne sommes pas si jeunes. Chez Koltz les pères voient depuis le point de vue de la new wave, whez Bonello, ils étaient vus comme remontant à une époque entre mai 68 et le punk
Il est vrai que je suis parti au bout d'une demi-heure de son dernier film, qui me semblait sans enjeu (pas voulu voir la défiguration, j'ai l'impression que le film montrait que rien ne pouvait avoir lieu après la neutralisation de l'impact de cette mutilation. Lors de Tirésia, une amie, lectrice de Nicole Loraux, était tombée dans les pommes au moment de l'énucléation (mais je crois que c'était plutôt une jouissance anticipée, prise à la limite). Les pompiers étaient intervenus, le reste des spectateurs avait repris le spectacle. Du coup cela fait deux film de lui que je n'ai pas pu voi, pour des raisons opposées.
Mais dans le Pornographe, il y avait quand-même l'idée de cerner 68 à travers le point de vue des fils sur les pères, qui revient souvent dans la critique, mais peu à l'image.
Koltz c'est quand-même le point de vue des pères sur les fils, comme Garrel, où nous sommes absous d'avance par l'impossibilité de revivre 68 tut en comprenant la grâce. Mais il faut reconnaître que le propos d'Elisabeth Perceval excède cela: poser la jeunesse dans la filiation du "Diable Probablement" mais en filmant ce que Bresson ne croyait plus possible de dire. Mais c'est le fait d'assumer une une contrainte formelle depuis l'intérieur du cinéma qui lui permet de contourner cela.
=> quand même un déplacement, lié au fait que nous ne sommes pas si jeunes. Chez Koltz les pères voient depuis le point de vue de la new wave, whez Bonello, ils étaient vus comme remontant à une époque entre mai 68 et le punk
Invité- Invité
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
http://www.debordements.fr/Penser-est-une-fete
에르완- Messages : 54
Re: Low Life (Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval 2011)
Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval ne réalisent plus de longs métrages depuis Low Life?
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