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Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Leurtillois Mar 25 Mai 2010 - 15:46

J'ai recopié ci-dessous la lettre de Jean-Paul Curnier adressée à JLG, sur le titre du film. Elle est à la fin de l'habituel bouquin sorti chez P.O.L ("Film socialisme - Dialogues avec visages auteurs").

Quelqu'un connaît Jean-Paul Curnier, je veux dire ce qu'il écrit ?

9 novembre 2009

Très cher Jean-Luc,

J’ai reçu votre lettre avec les images et les notes sur le film « Socialisme » en Juillet. Mais quelque chose d’autre m’a retenu aussi : il y avait là, dans cette enveloppe de votre envoi, quelque chose qui me touchait et me plongeait dans une réflexion rêveuse et dont j’étais incapable de dire avec assez de clairvoyance de quoi exactement il retournait.
Je me trouvais donc dans la situation de ne pouvoir vous dire mon enthousiasme pour ne pas traiter à la légère ce que je pressentais de votre projet. Quelque chose tonnait dans ma tête, emportant et déplaçant d’autres pensées encore mal formulées ; des choses anciennes et des sortes d’intuitions ; mais tout cela semblait attendre son terme, ou plutôt : son chemin. Alors, j’ai attendu, laissé passer du temps.
Alors, avec le temps, une chose s’est pour ainsi dire déposée dans mon esprit, que je pourrais commencer à décrire ainsi : de l’intitulé « film « Socialisme » » s’imposait à moi comme titre : « Film-Socialisme », mot (on ne peut plus) composé. Et ce titre annonçait ceci en quelque sorte : il n’y aura pas de représentation dans ce film, non plus ; ni du cinéma, ni du socialisme ni de ce que l’un et l’autre pourraient ou devraient être. Et pas non plus de ce qu’ils sont devenus.
« Mettre à l’œuvre » ce dont il s’agit, donc. Jusqu’à faire œuvre ; film et socialisme ensemble pour sortir le cinéma et le socialisme de l’emprisonnement qu’ils ont l’un et l’autre contracté et dont leurs noms sont restés entachés.
Mais "sauver" (je ne suis pas sûr de bien recopier ce mot) n'est pas suffisant. Il s’agirait plutôt ici de ramener à une certaine santé, nietzschéenne s’il en est – une santé politique, poétique, imaginaire, sensuelle et vitale – ce qui porte ces noms-là et qu’ils ont à un certain moment suggéré. Film et socialisme, autrement dit encore : cinéma, avenir, pensée, embrayage pour une réalité du monde. Et encore : pensée d’une politique du commun, du mouvement du commun dans la pensée, du commun de la pensée et comme horizon de la pensée individuelle, du commun du mouvement ; pensée d’une politique du mouvement, de l’élan vital. Politique de la poésie, en quelque sorte. Ce qui m’est venu du caractère proprement abrupt de ce titre – mais évidemment plus encore de ce que j’ai vu et lu dans le feuillet et dans les bouts montés (et là, Patti Smith qui toujours me bouleverse) – c’est la mise en axe d’une reprise du mouvement. Socialisme et cinéma, phares du siècle passé, ont encore la charge non pas d’être compris, reçus ou même commentés, mais d’inventer et de former à leur mesure les outils de leur réception, les moyens de leur perception, les moyens de leur compréhension. S’il faut au film la force d’inventer l’âme et les yeux, la mémoire, et l’acquiescement à l’existence pour être vu, il faut aussi à chaque acte se référant explicitement au socialisme la force de susciter l’invention du socialisme. De le susciter comme invention immédiate, urgente, qui subjugue la raison et redispose les moyens de son jugement, qui l’emporte sur elle comme aurait pur le dire Kant si l’on se réfère à son analyse « esthétique et politique » du peuple révolutionnaire de Paris en marche vers la République en 1789.
Là, seraient logés l’appel et la condition que nous adressent l’un et l’autre : dans la mise en œuvre et, par retour, la mise en mouvement d’une force insoucieuse de sa destination ; force d’affirmation de la possibilité d’un avenir non advenu. Une force qui ne communique rien, ne transmet rien, ne représente rien et ne se soumet à aucune forme de délégation mais qui agit et existe en tant que telle, une force tentatrice du devenir.
Cette volonté de répondre « en œuvres » à l’appel d’un possible encore indistinct est l’élan qui vise à outrepasser les bornes mentales, politiques, historiques, conventionnelles et anthropologiques du monde humain par amour de ce monde et stupéfaction heureuse devant la possible réalité du réel.
Que socialisme et cinéma se soient l’un et l’autre retrouvés comme épuisés d’avoir servi de si mauvaises mains et des âmes aussi incultes, c’est une chose assez certaine.
Il n’en demeure pas moins ceci : que ce qui donne cette impression si pesante d’épuisement n’est dû en fin de compte qu’à l’association d’une extraordinaire pauvreté d’ambitions dans l’usage de l’un et de l’autre avec une vulgarité sans retenue. Ce mélange laissant entendre que, tout bien pesé, il n’y avait pas grand chose d’autre à attendre de l’un comme de l’autre. Mais le lieu où se forme leur appel n’a pas été touché, c’est le chemin d’accès qui a été encombré. Cinéma-politique, film-socialisme : l’un et l’autre font silencieusement appel à la fabrication de formes. De formes qui leur sont propres et ne peuvent surgir que d’un engagement dans ce qui les constitue.
Vous voyez, l’association que vous formalisez, film-socialisme comporte déjà une fulgurance d’ouverture dans un champ que tout s’obstine à vouloir clôre et grillager. Je vois vos images, j’entends et lis et je suis à nouveau porté de l’autre côté du mur opaque, du grillage, je suis à nouveau « dans» le sujet.
Une question alors : ce film pourrait-il être un « moment » de socialisme ?
Sans aucun doute. Mais au sens où il n’y a de socialisme que comme réserve et ressource d’inconnu. Sans doute aussi comme vous le dites dans Notre musique, à propos de l’existence du communisme pendant les deux fois quarante cinq minutes du match Hongrie-Angleterre à Wembley en 1953. Un match que la grâce éperdument inventive du Honvéd a remporté sans qu’il puisse en être autrement. Puskas n’y était pas seul. Pas seul, justement et ne se « sentait » pas seul.
Et je pense de plus en plus que si le socialisme est la seule réponse convenable à la solitude de l’être humain – solitude terrible en elle-même – cette réponse s’impose d’autant plus au regard de l’accentuation et de l’exploitation sans pitié qu’en font le système marchant et la bêtise criminelle qui l’accompagne, le guide et le conforte.
Je revois vos images et vos indications écrites, j’entends les voix, je vois : j’imagine quelque chose comme ceci : un film de ce genre, venant de vous, serait le socialisme même en ce sens qu’il donnerait à rêver sur la possibilité que la réalité et l’illusion se soient donné rendez-vous au-delà de l’horizon des images qu’il inciterait à y aller voir, à péférer cela à toute chose, à tout abandonner pour cela ; séance tenante.
On peut imaginer que le socialisme soit d’abord ce qui permet de ré-inventer toujours le socialisme, le socialisme comme art donc ! C’est une bribe de conversation silencieuse avec vous que je vous relate ici, dans cette lettre.
Pardonnez-moi tout ce retard à vous faire signe.

bien à vous
avec toute mon amitié
Jean-Paul

Leurtillois

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Message par wootsuibrick Mar 25 Mai 2010 - 16:45

Leurtillois a écrit:Jean-Paul Curnier

encore dans le coup...
Je l'ai eu comme intervenant aux Beaux-Arts... Très cool comme gars. Il nous a montré du Duras, et du Godard....
Il apparaît dans Notre Musique.
wootsuibrick
wootsuibrick

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mar 25 Mai 2010 - 17:28

Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Jlgjlg10

Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 JLGJLGMerci Leurtillois pour la lettre de JPC.

Avant de revenir dessus,
je voudrais juste vous faire part d'un truc sans doute un peu raz des
pâquerettes à côté de ça. Je me demandais récemment quel objet pourrait
rester des films de Godard, auxquels ont pourrait éventuellement donner
une autre histoire, comme il le fait, lui, avec les choses qu'il
récupère dans les films d'autres cinéastes dans les HdC. Ma réponse
serait l'abat jour en forme de cône coupé, qu'on retrouve au moins dans
un plan de tout un tas de ses films y compris Film Socialisme (et depuis la fameuse scène de couple du
Mépris?).
Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 JLGJLG


Dernière édition par JM le Mar 25 Mai 2010 - 17:35, édité 2 fois

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Message par Invité Mar 25 Mai 2010 - 17:32

dans cette scène, votre honneur, c'est surtout l'allumé /éteint que l'on retient, pas vraiment la lampe car ça n'est pas le beau fixe entre eux, tu avais remarqué, ils se déchirent, il s'allument puis s'éteignent.
bel exemple de mise en scène fait à la va-vite et à la suite d'un pari : je crois qu'il avait parié 15 m' la scène en fait 21

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mar 25 Mai 2010 - 18:51

je crois que ce rancière est le best pour l'analyse de l'image mais qu'il ne comprend rien au cinéma : appliquer des concepts et les plaquer sur des images, qu'est ce que cela peut bien vouloir dire ?
il n'a aucune idée de ce qu'est la mise en scène dont il se moque, quand à l'évolution d'un personnage, ça le dépasse ....

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Largo Mar 25 Mai 2010 - 22:59

Toujours pas vu le film, mais merci à tous ceux qui apportent de l'eau au grand moulin godardien...

Ma petite goutte d'eau sur le mode "Le saviez-vous ?" :

- A Cannes, le film a été projeté avec des sous-titres pour le moins minimalistes en anglais, à la demande de JLG. Exemple : "Je n'aime pas la guerre, je préfère la paix". Traduction : "war. peace."

- Dans l'entretien des Inrocks, Godard raconte qu'Anne-Marie Mieville voudrait écrire sur sa tombe, si elle lui survit : "Au contraire".

Bonne nuit !
Largo
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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 9:10

«Jean-Luc Godard a mis un lama dans mon garage»
CINÉMA | Un des trois actes de Film Socialisme a été tourné au Garage Martin, à Perroy, près de Rolle, où habite Jean-Luc Godard. Le patron des lieux se réjouit de voir le film pour essayer de comprendre le sens du travail réalisé par le célèbre cinéaste chez lui.

©️ GÉRALD BOSSHARD | Jean-Jacques Martin, patron du garage viticole et atelier mécanique de Perroy, au bord de la route Suisse, a mis son garage à disposition du cinéaste Jean-Luc Godard, qui y a tourné un des trois actes de Film Socialisme. Ce qu’il a pu voir du tournage était plutôt troublant. Le cinéaste ne lui a pas expliqué pourquoi il avait choisi son garage. Comme un artiste peintre choisit une couleur?

YVES MERZ | 26.05.2010 | 00:02

Quand Jean-Jacques Martin a découvert que l’équipe de tournage avait mis de la paille sur une des places de lavage de son garage pour accueillir un lama et un âne, il a écarquillé les yeux. «Mais avec Godard, on pouvait s’attendre à tout», remarque-t-il un peu goguenard, deux ans après leur passage. «Je n’ai pas bien compris ce qu’ils faisaient. Nous n’avons pas reçu d’explication. Ils ne nous ont pas trop dérangés dans notre travail. Il fallait juste arrêter nos activités quand on entendait «Silence, on tourne!» Mais vu qu’ils mettent beaucoup plus de temps pour préparer les scènes que pour les filmer…»

Tournevis pour le cigare
En réalité, comme le relève le patron de ce garage viticole des années 30, rien n’a été déplacé. Les scènes ont été filmées dans le décor réel, avec beaucoup de discrétion, souvent en dehors des heures de travail. «A part bonjour, au revoir, j’ai eu très peu de rapports avec Monsieur Godard. Si, une fois. Il avait oublié son coupe-cigares, alors il m’a demandé un tournevis pour le percer.»

Jean-Jacques Martin ne saura sans doute jamais pourquoi le cinéaste rollois a choisi son garage pour tourner ce film. «Au départ, c’est le fils Musy, un preneur de son qui était mon voisin à Rolle, qui est venu repérer les lieux. Puis il y a eu le régisseur, qui a pris des photos. Ensuite, on m’a proposé des dates. Il n’y a pas eu de contrat, juste un arrangement à l’amiable, avec un dédommagement.»

Fabrice Aragno, le régisseur du tournage de Film Socialisme, n’a pas beaucoup plus d’explications à donner: «Parce qu’il n’y en a pas. Nous cherchions un garage qui fasse garage, pas avec des marques partout. Et comme Jean-Luc Godard connaissait l’existence de celui-ci, près de chez lui… On a tout filmé tel quel, avec la lumière naturelle.»

Pour Jean-Jacques Martin, cela restera un bon souvenir. «On ne voit pas tous les jours des actrices de cinéma au volant d’un tracteur.» Et l’occasion d’en faire un sujet de plaisanterie à l’heure de l’apéro: «J’espérais être invité à Cannes, mais même Godard n’y est pas allé, alors je me contenterai d’aller voir le film au cinéma. Il sort quand?»

Film Socialisme, de Jean-Luc Godard, est diffusé dès aujourd’hui dans trois salles de cinéma en Suisse romande: au Scala, à Genève, chez Pathé Les Galeries, à Lausanne, et au Bio, à Neuchâtel.

http://www.24heures.ch/vaud-regions/actu/jean-luc-godard-mis-lama-garage-2010-05-25

Jean-Jacques Martin : tout un programme ! Wink

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 14:58

Borges a écrit:[justify]On se croirait dans un manuel élémentaire de cinéma, le plan, la focale, la mise au point… le cadre…

Ouais, à croire que des types aussi affutés que Lang et Godard s'inquiètent de questions vraiment élémentaires. C'est dingue !
Et puis, tu aurais quand même pu noter la résonnance du duo Godard-Lang avec Le Mépris, non ?

D'accord on est des bricoleurs, des sauvages, des paysans itinérants... Forts ou faibles, fragiles ou solides. Ce qui est agaçant, c'est quand un épistémoflic vient nous coller des barbelés sur la prairie. Wink

Je vais organiser une grande manif fordienne avec un seul slogan :
"Ni Valance, ni Stoddard !
Doniphon ou Appleyard !"
Y'a des volontaires ?

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Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 15:23

JM a écrit:
Stéphane Pichelin a écrit:
Ce problème avec le programme, autrement dit avec le débouché politique, tient aussi à cette réplique : « 2 m, 1 n », explicitée plus loin dans le film comme : deux aiment, un : haine, « deux » étant l'aspiration amoureuse de l'humanité et « un », l'aspiration hégémonique de l'état. Mais avec ça, avec ce rabattement de la question sur la sphère copulative (avec toutes les connotations du mot), je crois que Godard passe à côté du collectif et reconduit seulement le un de l'individu sur le plan à peine élargi du couple. Il affirme d'ailleurs directement l'impossibilité de passer du deux au trois – le deux passe directement au quatre sans passer par le trois. Déclaration de foi en l'immanence, certainement, puisque le trois, chiffre de la Trinité, est aussi le chiffre de la transcendance. Mais quatre, ce n'est jamais que deux couples additionnée, c'est une position d'équilibre quand le trois, la ternarité, est une position dynamique.

c'est pas très clair, je trouve.

J'essaie d'être plus clair. C'est une question qui se trouve plusieurs fois dans le film, dans la première partie. Outre ces deux répliques (celle du "deux M et un N" et celle de l'espionne russe sur le deux comme aspiration de l'humanité et le un comme aspiration de l'Etat), il y a aussi la gamine qui compte sur ses doigts "a-b-b-a = 3" et une voix hors-champ la contredit "a-b-b-a = 4". Et aussi une voix hors-champ (voix d'enfant ?) appelant "L'esprit ! L'esprit !" Un rapport avec la théologie, ce ne serait pas étonnant.

Je ramène ça d'abord à la genèse des nombres chez je ne sais plus quel Grec (Platon ?) :
en premier, il y a le UN numéral. Mais si tu poses un UN, c'est qu'il y a un autre : p.e., LE fruit est seul mais UN fruit est en compagnie. Ainsi, le UN impliquant une compagnie engendre le DEUX. Mais les deux fruits forment un groupe, qui est une nouvelle unité numérale qui vient s'ajouter pour faire le TROIS. Autrement écrit, 1+1 = 2 et (1+1) = 3. Tous les autres nombres sont des composés de ces trois premiers et leur suite rejoint à l'infini le UN transcendant qui est l'Unique.
Là dedans, le QUATRE est 2 fois le DEUX empêché dans son développement vers le TROIS, c'est à dire vers l'Unique et la transcendance. Le DEUX et le QUATRE sont donc des nombres équilibrés (2 fois le même nombre) et maintenus dans l'immanence contre le TROIS transcendant.

Maintenant, la théologie chrétienne s'étant élaborée sur la philosophie platonicienne, le dogme trinitaire commun aux catholiques et aux protestants recycle le même raisonnement pour définir les trois personnes divines : le Père engendre le Fils comme le UN engendre le DEUX et l'Esprit procède du Père et du Fils comme le TROIS procède du UN et du DEUX (sur ce point, le dogme orthodoxe est un peu différent).
La transcendance est donc trinitaire/ternaire alors que l'immanence, la Création sans son Créateur, reste binaire.
Si on remplace la transcendance divine par la transcendance historique, on est tout près de la dialectique marxiste où le processus (de pensée ou d'Histoire) mène de la situation à sa négation puis à la négation de la négation.

Voilà pourquoi je parlais de Godard se tenant dans l'immanence contre la transcendance, jusqu'à ce que tes remarques sur l'"avoir 6 ans" et la lettre citée par Leurtillois me fassent envisager un sens inverse.

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 16:21

Envisager des processus complexes, justement, d'historicisation, de phénoménologisation, de dialectique, simplement comme des combinaisons mathématiques, c'est marcher sur sa tête, faire naître des réalités de son chapeau, penser à l'envers. Car c'est des processus dont se déduisent ces chiffres, et non de ces chiffres - pris ici comme des entités magiques - que se déduiraient les processus.
Ce n'est même plus un pythagorisme lacano-platonicien du nombre, nous sommes carrément dans la numérologie nostradamusienne.

Cet idéalisme mathématisant, ce goût pour des "théorèmes" censés, plus encore que "traduire", "engendrer" la "réalité des choses", les processus historiques, sont évidemment un trait récurrent de la "pensée de l'image" chez Godard. Parmi ses plus agaçants, voire crispants, en ce qui me concerne.

Quand il s'y adonne sans réserve: "schématisme" autologique, thésique, dogmatique, très éloigné des "schèmes" produits pas l'imagination transcendantale tels que Kant les concevaient, et qui, eux au moins, participaient par une face de la réceptivité de l'expérience sensible.

C'est ce même schématisme qui me gêne énormément dans ses montages "champ/contrechamp" binaires d'images arrêtées, censés révéler une signification cachée, refoulée ou tue, derrière la "manipulation des images" qu'il entend dénoncer. Mais, pour moi, ce qu'il parvient surtout à faire, en règle générale, c'est juste une manipulation d'images de plus, une sémiologie spectaculaire.
Godard, qui dénonce (dans le Fleischer) les "installations conceptuelles" et les "dispositifs" des étudiants-plasticiens du Fresnoy, comme figurations psychotiques de la pensée, est parfois plus proche de ces dernières qu'il ne l'imagine.



Et lui qui réclame constamment une attention à l'historicité, aux processus d'élaboration du sens, ses films (du moins de ces 15 dernières années) m'apparaissent bien souvent comme des mécaniques closes sur un "tout au langage" sans portes ni fenêtres, qui ne donnent jamais la clé pour partir des concepts vers les choses et cheminer des choses aux concepts.

Lui qui ne cesse de dire que l'image cinématographique c'est l'expérience du temps (et alors qu'il le refuse quand c'est Deleuze qui le montre), je vois pas mal de ses films comme organisant un refus de la temporalité, sa diachronie, au profit d'un "simultanéisme" ou synchronisme "cubiste" (collages, citations) qui ne communique finalement pas grand chose, peu intelligible. Et si on croit que ça communique, c'est alors par volontarisme subjectif laissé au spectateur (cultivé ou supposé tel), réintroduisant une téléologie du sens, en venant au secours d'un tel objet clos, plutôt anxiogène, par une recherche de correspondances au résultat assez aléatoire.



C'est pourquoi je trouve Godard bien plus intéressant quand il cherche à expliquer son travail. Pour moi, c'est là qu'est son travail: dans l'explication, le didactisme, l'analyse conceptuelle.

Quant à son travail donné ou présenté comme tel, comme "matériau", fait d'images et de sons, c'est assez bien un échec constant. Qui produit le contraire de ce qu'il vise. Et quand c'est une réussite, ou présenté comme tel, c'est le plus souvent en fonction d'un mal-vu ou d'un mal-entendu.

Bref, c'est comme des taches de Rorschah proposées à une clientèle "select", disposant d'un capital culturel fort, et on y met un peu ce qu'on veut. Chacun se fait son petit film, y cherchera une confirmation de ce qu'il avait déjà trouvé par ailleurs, en croyant participer à une aventure héroïque, néanmoins confidentielle, de l'esprit humain.

Et face à l'état habituel de sidération ou de perplexité où plonge généralement la contemplation du dernier "collage" godardien, on se raccrochera par où on peut: des considérations formalistes assez creuses, juste pour les diners en ville, l'invocation d'un sentiment esthétique difficilement qualifiable, proche du "sublime", parfois même entre le "sublime" et "l'ennui", un festival de couleurs chatoyantes ou primaires, un plan subreptice d'une beauté à couper le souffle, un montage hypnotique, des moments d'inspiration et de pure poésie alternant avec des passages plus laborieux, des moments précieux de fulgurance, de grâce indicible, un coup de dé, deux perroquets, trois poupées russes, quatre synthèses de tout ce qui vit, pense et se meut, cinq ratons laveurs, etc.

Le "grand public", dit "populaire" (qu'on décrira à l'occasion comme des pharisiens, ou des adorateurs du veau d'or se prosternant devant les produits de consommation de l'industrie de divertissement hollywoodienne, etc), le "prolétariat" tant concerné dans les spéculations de Godard, n'y verront et n'y entendront goutte, mais aucune importance, ça fait partie de la fétichisation de la marchandise Godard: son génie publicitaire y est aussi pour quelque chose - incluant la posture mélancolique du chercheur style génie pensant, mathématicien incompris;
et tout cela participe à l'édification d'une véritable icone de la culture populaire.
Il n'y a rien de plus chéri et prisé, dans le monde du spectacle autant que les films à gros potentiel commercial, que la figure tragique et biblique de l'artiste sans concession, solitaire, incompris, rejeté, puis reconnu, sur le fil, par la société dont il était le prophète.

On fera un jour à Hollywood un biopic sur Godard. "Un homme d'exception 2" (par Ron "da vinci code" Howard).

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Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 19:20

Salut,

Simon Cussonaix a écrit:

C'est ce même schématisme qui me gêne énormément dans ses montages "champ/contrechamp" binaires d'images arrêtées, censés révéler une signification cachée, refoulée ou tue, derrière la "manipulation des images" qu'il entend dénoncer. Mais, pour moi, ce qu'il parvient surtout à faire, en règle générale, c'est juste une manipulation d'images de plus, une sémiologie spectaculaire.
Godard, qui dénonce (dans le Fleischer) les "installations conceptuelles" et les "dispositifs" des étudiants-plasticiens du Fresnoy, comme figurations psychotiques de la pensée, est parfois plus proche de ces dernières qu'il ne l'imagine.

Je ne crois pas que Godard dénonce à proprement parler la "manipulation des images" tout en passant son temps à en manipuler, il n'est pas (ou plus) dans cette contradiction du postmodernisme là, au contraire de certains cinéastes qui se revendiquent plus ou moins de lui comme De Palma. Il me semble par contre que toi, comme beaucoup d'autres personnes, tu te contredis en affirmant que les films de Godard sont en même temps trop clos sur eux-mêmes et trop ouverts, et en critiquant les deux à la fois.

Ne mélangeons pas les "concepts" au sens des "créatif", des sémiologues petits-malins (cf Daney) et les "concepts" en philosophie. Godard travaille à partir des seconds, pas des premiers comme tu le précises au-dessous, au contraire des installations qu'il a vu au Fresnoy.

Et lui qui réclame constamment une attention à l'historicité, aux processus d'élaboration du sens, ses films (du moins de ces 15 dernières années) m'apparaissent bien souvent comme des mécaniques closes sur un "tout au langage" sans portes ni fenêtres, qui ne donnent jamais la clé pour partir des concepts vers les choses et cheminer des choses aux concepts.

Il y a cette phrase dans Notre Musique : "On parle toujours de la clé des problèmes, jamais de la serrure".

Lui qui ne cesse de dire que l'image cinématographique c'est l'expérience du temps (et alors qu'il le refuse quand c'est Deleuze qui le montre),

Sait-on vraiment précisément ce qu'il reproche à Deleuze ?

Qui produit le contraire de ce qu'il vise.

et qui vise quoi ? J'arrive vraiment pas à comprendre si tu reproches cette "téléologie du sens" à Godard ou aux spectateurs de ses films, ou aux deux ?

tu essayes de nous faire passer Godard pour Mylène Farmer, je crois que c'est un truc que tu aimes bien faire, j'ai déjà lu ça sous ta plume, il me semble. Ca me paraît pas très sérieux mais je te donnerai raison le jour où le service merchandising de Godard sera celui de la chanteuse.

A propos de chanteuse, j'ai lu un peu partout que les rares scènes avec Patti Smith étaient géniale mais je trouve pas. Je trouve même qu'on pourrait rapprocher un peu la manière dont il la filme de la manière dont Fleisher le filme dans ses "morceaux de conversations", tristesse.

PS : est-il possible que plutôt que d'éditer 50 fois tes messages en ajoutant et changeant de la matière, tu posts plutôt plusieurs messages parce que pour les lecteurs, pour rebondir sur quelque chose dont le contenu change toutes les 5 minutes, c'est pas évident. A moins que tes messages n'aient pas vocations à susciter la conversation, mais j'en doute fort.

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Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Empty Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)

Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 20:26

Je ne crois pas que Godard dénonce à proprement parler la "manipulation des images" tout en passant son temps à en manipuler, il n'est pas (ou plus) dans cette contradiction du postmodernisme là, au contraire de certains cinéastes qui se revendiquent plus ou moins de lui comme De Palma. Il me semble par contre que toi, comme beaucoup d'autres personnes, tu te contredis en affirmant que les films de Godard sont en même temps trop clos sur eux-mêmes et trop ouverts, et en critiquant les deux à la fois.

---> a) Il ne s'agit pas chez Godard en général de dénoncer "manipulation des images" au sens très pauvre (et intentionnel au sens de conscient) dont s'occuperait un De Palma, mais de la dénoncer au sens d'une homogénéisation des régimes d'image, de leur instrumentalisation dans une "téléologie du sens", justement. Je ne parle pas d'autre chose, ici. Je me soucie comme d'une guigne de contradictions postmodernistes, là.

b) Je ne me contredis nullement: je ne dis nulle part que chez Godard c'est trop ouvert, je dis au contraire que c'est presque toujours fermé, clos. On parle d'hétérogénéisation du temps de l'image, du temps du récit, du temps du son, de la musique, etc, bref de désynchronisation de la Grande Forme homogénéisante et téléologisante, qui permettrait d'ouvrir, de composer d'autres rapports, de sortir de la manipulation des images au sens précisé en a.
Je pense à l'inverse qu'il n'en est rien chez Godard: loin selon moi de rendre possible la composition d'autres rapports, de faire éclore d'autres régime de sens ou d'intensité entre image, son, texte, il en fait un nouveau type de "cliché" optique et sonore, tendant à une forme d'indifférenciation où un excès de sérialisation produit son contraire du côté du spectateur, qui mobilise de son côté une recomposition subjective du matériau pour entendre et voir l'homogénéisation manquante.
Un peu comme l'auditeur, en musique, d'une composition concrète de John Cage ou une composition sérielle de Webern. Steve Reich critiquait le principe de composition aléatoire, mathématique ou graphique, en disant que son processus n'était pas audible comme tel, et que l'auditeur tendait toujours à récréer une unité de perception absente en cherchant des scansions rythmiques qui n'y sont pas.

C'est un peu ce qui se passe dans le matériau de films de Godard de ces 15 dernières années, pour moi: il y a bien un processus articulant l'ensemble, se proposant selon des formes de dissociations perceptives censées ouvrir d'autres temps, d'autres zones de signification, mais la composition, toute en dispersions, séries, brisures, etc produit, au mieux, une sensation d'indifférenciation confuse, de dislocation hasardeuse, que le spectateur se met en devoir de "combler" par une surinterprétation homogénéisante des séries.

C'est donc en ce sens que je dis qu'il produit le contraire de ce qu'il vise.

Ne mélangeons pas les "concepts" au sens des "créatif", des sémiologues petits-malins (cf Daney) et les "concepts" en philosophie. Godard travaille à partir des seconds, pas des premiers comme tu le précises au-dessous, au contraire des installations qu'il a vu au Fresnoy.

---> Justement, c'est Godard qui dit qu'il ne faut pas mélanger, mais ça ne veut pas dire qu'il réussit à faire ce qu'il dit, cad "travailler" en cinéma à partir de "concepts" en philosophie. Donc, ne mélangeons pas, mais qui mélange, à la fin, quand le résultat se prête à dire tout et son contraire? A mon avis, toi, tu mélanges assez aisément, c'est un truc que tu fais sans forcément aimer ça, pour modifier une des tes expressions plus bas.

Et lui qui réclame constamment une attention à l'historicité, aux processus d'élaboration du sens, ses films (du moins de ces 15 dernières années) m'apparaissent bien souvent comme des mécaniques closes sur un "tout au langage" sans portes ni fenêtres, qui ne donnent jamais la clé pour partir des concepts vers les choses et cheminer des choses aux concepts.

Il y a cette phrase dans Notre Musique : "On parle toujours de la clé des problèmes, jamais de la serrure".

---> Belle formule, en l'occurrence, mais juste un jeu de mots sonore. Car on devine très bien ici que ce que j'entends par clef est aussi bien synonyme de serrure, au sens d'exposition philosophique d'un problème. C'est justement cette exposition claire qui manque le plus souvent chez Godard, et ça se dilue en "traits d'esprit" proto-nietzschiens ou aphorismes hiéroglyphiques donnant un sentiment de profondeur.
ça marche, à condition de ne pas y regarder de trop près, où de cultifier les phrases de Godard comme une midinette, ce qu'à l'instant tu fais très bien.


Sait-on vraiment précisément ce qu'il reproche à Deleuze ?

De faire des phrases. Et de ne pas comprendre ce qu'est concrètement le cinéma. Secondairement, d'avoir cherché selon lui à euphémiser la violence du montage Hitler/Golda Meir en recourant à des subtilités rhétoriques.

Qui produit le contraire de ce qu'il vise.
et qui vise quoi ? J'arrive vraiment pas à comprendre si tu reproches cette "téléologie du sens" à Godard ou aux spectateurs de ses films, ou aux deux ?

---> Voir points a et b.

tu essayes de nous faire passer Godard pour Mylène Farmer

---> Pourquoi Mylène Farmer? je pensais pas du tout à Mylène Farmer... T'as de ces références.



A propos de chanteuse, j'ai lu un peu partout que les rares scènes avec Patti Smith étaient géniale mais je trouve pas. Je trouve même qu'on pourrait rapprocher un peu la manière dont il la filme de la manière dont Fleisher le filme dans ses "morceaux de conversations", tristesse.

---> Je trouve pas du tout qu'il ait l'air triste dans les morceaux de conversation, qui font dans les 10h, et auxquels j'ai fait allusion à côté.

PS : est-il possible que plutôt que d'éditer 50 fois tes messages en ajoutant et changeant de la matière, tu posts plutôt plusieurs messages

---> Tout simplement: non.

parce que pour les lecteurs, pour rebondir sur quelque chose dont le contenu change toutes les 5 minutes, c'est pas évident. A moins que tes messages n'aient pas vocations à susciter la conversation, mais j'en doute fort.

---> Tu as raison de douter. J'ai horreur des conversations. Surtout les fausses conversations consistant à tronçonner le post de l'autre en tranches de mortadelles pour en fragmenter le sens. Mais puisque tu le fais sans grands scrupules, je mets mes scrupules de côté.

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Message par Invité Mer 26 Mai 2010 - 21:02

Ca c'est un autre problème, si tu n'aimes pas les discussions sur les forums et la forme éventuelle qu'elles peuvent prendre avec des individus idiots qui ne te comprennent pas, pourquoi ne pas publier uniquement tes textes sur ton blog, comme cela ils seront clos deux fois : une fois dans le contenu fignolé par corrections successives et une deuxième fois dans le territoire réservé de ton blog. Mais c'est une clé.

Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 NO-TRESPASSING

Je ne parle pas du DVD du film de Fleischer et des conversations "bonus" mais du film proprement dit.

Pour le reste, tu rabats apparemment un système selon toi clos sur lui-même de Godard sur les ouvertures possibles des spectateurs qui comprennent rien, ce qui ne me semble pas nécessairement intéressant, mais peut-être que tu n'as pas fondamentalement tort... ça c'est pour te faire plaisir et qu'on passe rapidement à autre chose que la dénonciation un peu goguenarde des "midinettes" de Godard dont je ferais partie et auxquelles tu viendrais ouvrir les yeux en tant que profonds abrutis que nous sommes..

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Message par Borges Jeu 27 Mai 2010 - 13:50

dans sa fameuse lettre c'est à ursula andress que truffaut comparait godard;
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Message par Invité Jeu 27 Mai 2010 - 14:58

Ca c'est un autre problème, si tu n'aimes pas les discussions sur les forums et la forme éventuelle qu'elles peuvent prendre avec des individus idiots qui ne te comprennent pas

---> Je n'aime pas la forme éventuelle de discussion qui s'annonce d'emblée sous la forme d'une mise au poing agressive comme ta réponse plus haut, pleine de suffisance dédaigneuse et hérissée de barbelés préventifs. J'y ai donc répondu sur un ton également pète-sec, cherchant ostensiblement à indisposer le locuteur.

Maintenant, loin de moi de penser que tu ne comprends pas tout, je pense au contraire que tu comprends trop bien ce que je dis plus haut, mais que ça te déplait profondément, d'où cette amusante réactivité très "tendue du slip".

, pourquoi ne pas publier uniquement tes textes sur ton blog, comme cela ils seront clos deux fois : une fois dans le contenu fignolé par corrections successives et une deuxième fois dans le territoire réservé de ton blog. Mais c'est une clé.

---> Parce que ce sont deux choses différentes, totalement différentes. Contrairement à ce que tu supputes hardiment, j'aime la communication et le dialogue - j'en suis même un éminent expert - quand elles sont possibles, uniquement.
Oui, je vois, tu n'aimes pas le fignolage et les corrections successives, je dois dire que ça ne m'étonne qu'à moitié, mais tu commets un contresens sur un point: tu sembles croire, déjà plus haut, que ces corrections successives auraient pour but de modifier le contenu, or par du tout, c'est juste par perfectionnisme dans le souci d'une musicalité phrastique livrant la serrure en même temps que la clé.
Un blog n'est pas un stalker et ne consiste pas à dire sous forme monologique ce qu'on refuserait, prétendument, de dire à d'autre, dans un contexte dialogique. ça a une autre fonction, non concurrentielle, c'est l'espace solitaire d'une écriture qui, comme toute forme d'écriture, s'adresse à autrui, tout en s'éloignant de la communication directe des débats et confrontations en tous genres. Il se fait que je tends désormais à privilégier cette autre approche de l'écriture - plus archaïque certes -, donc cet été, je compte bien produire beaucoup plus. Je prends donc cette incitation se voulant ironique pour ce qu'elle est, au profond: un encouragement généreux. Merci.

Maintenant, qui a peur du dialogue, et aussi sous sa forme "confrontation"? Avec plein de petits règlements préventifs et toute une petite législation prête à l'emploi? On peut se poser la question.




Je ne parle pas du DVD du film de Fleischer et des conversations "bonus" mais du film proprement dit.

Je parle des deux, donc peu importe.

Pour le reste, tu rabats apparemment un système selon toi clos sur lui-même de Godard sur les ouvertures possibles des spectateurs qui comprennent rien

---> C'est toi qui parles d'ouvertures, mais si ça n'ouvre rien, ce que je dis dans le passage concerné, ce ne sont pas des ouvertures. Et si ça ouvrait quelque chose, on le verrait, et on le saurait. En te lisant, notamment.

ce qui ne me semble pas nécessairement intéressant, mais peut-être que tu n'as pas fondamentalement tort...

---> ah quand même. Mais pourquoi ce "mais"? Manque de fignolage, sans doute.

ça c'est pour te faire plaisir et qu'on passe rapidement à autre chose que la dénonciation un peu goguenarde des "midinettes" de Godard dont je ferais partie et auxquelles tu viendrais ouvrir les yeux en tant que profonds abrutis que nous sommes..

---> OooOh, j'ai failli croire que c'était sincère. Déception, déception... Mais pourquoi ce conditionnel? De toute évidence, le ton outragé, au bord de la crise de nerf, de ta missive quasi-atomique, ne laisse que peu de doute à ce sujet. A propos, je comprends maintenant pourquoi tu pensais à Mylène Farmer: à cause de l'énumération que je faisais plus haut des lieux communs régulièrement entendus après projection de ce film (mais tu as pris ça apparemment pour une énumération de mes propres perceptions). C'était une référence, quasi un running gag, à l'inventaire de Prévert. Mais peut-être ne l'as-tu pas étudié à l'école...

Abrutis? Encore? Je ne prends personne pour un abruti profond, au contraire, le sentiment d'être moi-même pris pour un profond abruti, notamment dans la forme très intéressante de ta réponse, sans parler du contenu, qui est très riche, détermine non seulement la richesse du contenu de ma réponse, mais aussi sa forme.

Il faut dire qu'il y avait pas mal de contenu à débattre, dans ta réponse.

Merci
bien cordialement,
keep the control,
tenderly
&
lol

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Message par Invité Jeu 27 Mai 2010 - 15:38

La confrontation m'intéresse, c'est pour cela que j'essaye de l'orienter vers ce qu'elle peut avoir d'intéressant et non vers quelque impasse (à savoir, ici, que Godard a en effet un côté "aristocrate suicidaire", comme dirait Rancière, qui peut être déplaisant à certains).

Désolé si mon PS t'as gratté mais il est vrai qu'il est compliqué de répondre à un message qui change sans cesse.

Pour le film de Fleischer, il faut croire que nous avons des avis divergeant. Il y a un topic sur ce film sur le forum, je ne sais pas si tu le connais ? Puisque tu sembles avoir vu le DVD récemment, tu pourras peut-être rebondir sur ce que nous en avions dit (plutôt du mal) à l'époque là-bas ou ici.

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Message par Invité Ven 28 Mai 2010 - 12:51

Je n'imagine pas que le cinéma puisse avoir un rapport aux concepts autre qu'à travers des figures. N'est-ce pas un truisme que de dire que la saisie esthétique du réel ne se fait que dans l'écart que creuse la figure ? Alors si Godard pense faire autre chose, un cinéma proprement philosophique, producteur de concepts, j'ai bien peur qu'il se mette le doigt dans l'oeil. Mais sait-on jamais ce qu'on fait ?
Donc, Film Socialisme : un film comme un autre, esthétique et figural. Partant, le petit délire numérologique que j'ai relevé, s'il est bien dans le film, n'occupe pas la place d'un concept et n'en décrit aucun. Il marque juste une direction avec une unique fonction proclamative : moi, le réalisateur, je me situe face au réel (politique, spirituel) que la figure numérologique désigne. De l'antiphilosophie peut-être ? De la poésie sûrement.

On peut bien sûr être agacé par le contenu de la proclamation ou par la figure qui la porte. Mais qu'il s'agisse de figure et non de concept change notablement la question du « capital culturel » nécessaire selon Simon à la réception du film et dont le « prolétariat » serait privé. Que ce « prolétariat » soit privé qualitativement et quantitativement du capital culturel sur lequel, très probablement, Godard a bâti son film et que nous, petits lettrés, essayons de retrouver, c'est hors de doute. Mais le mode de transmission de l'information est la figure, avec ses capacités plastiques. C'est exactement comme Simon l'a dit : « il me semble que... je crois que... ça ressemble à... ». Autrement dit, on se retrouve face à Film Socialisme comme face à n'importe quelle oeuvre d'art, livré à notre subjectivité inquiétante car injustifiable et que nous venons absoudre ici avec des cris d'admiration ou de détestation et des montages plus ou moins burlesques pour essayer, officiellement, de comprendre le film dans sa facture ou dans sa signification – mais en vérité pour l'adopter, le dompter et nous l'approprier.
Moyennant quoi, ce n'est pas la culture qui permet de recevoir le film. La culture est au contraire ce qui empêche de le recevoir, prise cette fois non plus en termes de capital culturel mais d'assignation. Si le toujours semblable « prolétariat » n'a pas accès à un film comme Film Socialisme (pourtant si simple à recevoir, au moins dans sa première partie), ce n'est pas qu'il lui en manque les moyens, c'est qu'il est politiquement et culturellement assigné à une place où le film est à tous points de vue invisible. Matériellement car il ne sera pas projeté dans les salles populaires. Symboliquement car le prolétariat sait que ce n'est pas un film pour lui – cela, on le lui serine à longueur de temps, à la télé, à la radio, à l'école qui fait faire du rap aux mômes de banlieue, « parce qu'il faut bien se mettre à leur niveau », pendant que les gosses de famille captent l'héritage savant.

Je glisse ici un extrait du Temps scellé, de Tarkovski :

« Si longtemps a-t-on essayé de me convaincre que mes films ne servaient à rien, ni à personne, qu'ils étaient incompréhensibles, que ces aveux-là [des lettres de spectateurs] me réchauffaient le coeur, donnaient du sens à mon activité artistique, et confirmaient mon idée que le chemin emprunté ne l'avait pas été par hasard ni en vain. Un ouvrier de Leningrad, qui étudiait aussi dans une école du soir, m'a envoyé cette lettre : 'Je vous écris au sujet du Miroir. Ce film, je ne veux pas en parler : car je vis à travers lui. Savoir écouter, savoir comprendre, est une qualité suprême : et n'est-ce pas la base des rapports humains que cette capacité à entendre et à pardonner les gens pour leurs fautes involontaires, leurs échecs naturels ?... Si deux êtres, ne serait-ce qu'une seule fois, ressentent quelque chose d'une façon identique, ils pourront alors à jamais se comprendre, peu importe que l'un ait vécu au temps des mammouths et l'autre à celui de l'électricité ! Et Dieu veuille que les hommes comprennent et éprouvent de telles impulsions, les leurs et celles des autres.' »

Je ne sourirai pas à la naïveté de cette lettre comparée aux productions de l'université. Car, à capital culturel différent, le moteur est identique. Mais surtout, il s'agit d'un ouvrier proclamant son amour du film le plus compliqué d'un réalisateur réputé élitiste.
Dans des lettres suivantes, on trouve que 'le nombre de ceux qui vous veulent du bien et qui admirent votre talent est bien supérieur à celui qu'avancent les statistiques de la revue Sovietski Ekran. Je ne dispose pas de chiffres précis, mais personne dans le cercle de mes connaissances n'a jamais eu à remplir un de leurs prétendus questionnaires officiels...' ; et aussi 'Je n'ai pas l'habitude d'envoyer mes impressions à des auteurs de livres ou de films. Mais ceci est un cas particulier. C'est que votre film délivre de la chape de silence.'
Le prolétariat soviétique des années 70 n'était pas forcément beaucoup plus cultivé que le prolétariat français actuel (un peu tout de même, mais c'est moins une question de régime politique que d'époque). Mais il voyait en Tarkovski, maltraité par les autorités, un semblable en tribulations. Le réalisateur et le prolétariat partageaient la même assignation politique face au pouvoir, et par contagion, la même assignation culturelle contre le pouvoir.

Il existe une autre forme de cette censure au nom des capacités esthético-intellectuelles du « prolétariat » (du « peuple », du « grand public »), une censure plus subtile et plus efficace. C'est la confiscation de l'oeuvre d'un artiste par un cercle cultureux élitaire, avec l'assignation culturelle et politique qui en découle. C'est bien ce qui arrive à l'oeuvre de Godard. Lui-même en porte bien sûr une part de responsabilité, il s'est largement prêté au business-Nom qui l'entoure d'une espèce d'aura magique, du mana et de la sacralité qui frapperait un Père rejeté. Nul doute qu'il a su jouir de ce simulacre de sacrifice christique. GodArt ou Gode-ard, jusqu'à un certain point, c'est tout un.

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Message par Borges Ven 28 Mai 2010 - 12:57

nous avions parlé de choses comme ça, à propos de rohmer; un mystérieux tourneur-fraiseur fut alors évoqué
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Message par Invité Ven 28 Mai 2010 - 13:07

Borges a écrit:nous avions parlé de choses comme ça, à propos de rohmer; un mystérieux tourneur-fraiseur fut alors évoqué

Ah ? Quel message sibyllin, Borges !

Pour en revenir à la question du "plan-qui-se-suffit-à-lui-même" : tu as bien sûr raison, c'est au mieux une formule paradoxale, mauvaise en plus, mais qui n'a pas d'autre valeur que celle d'une interrogation.
Une interrogation renforcée par l'interview de Kiarostami sur France Culture mercredi soir, où il affirmait : "Je ne crois pas en général au montage. Pour mon dernier film, on s'est contenté de coller bout-à-bout des plans au fur et à mesure où ils étaient tournés."
On ne projette surement pas beaucoup Hitchcock à Téhéran !

PS : ce n'est pas possible de faire rentrer les noms des réalisateurs dans le correcteur d'orthographe du forum ? Ca 'énerve tous ces soulignements dans mes posts ! Mad

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Message par Invité Ven 28 Mai 2010 - 13:19

Oui, dans l'intervention de SC, j'ai bien sûr pensé à la discussion autour de Rohmer d'il y a quelques temps, où il occupait grosso-modo la même place, non pas d'un tourneur-fraiseur, mais du tourneur fraiseur face aux films de Rohmer.

Lui-même en porte bien sûr une part de responsabilité, il s'est
largement prêté au business-Nom qui l'entoure d'une espèce d'aura
magique, du mana et de la sacralité qui frapperait un Père rejeté. Nul
doute qu'il a su jouir de ce simulacre de sacrifice christique. GodArt
ou Gode-ard, jusqu'à un certain point, c'est tout un.

C'est qu'en même temps que se formait cette aura magique du nom propre aux artistes maudits, le cinéaste s'est rejeté de lui-même, dans ses films, de ce qui pourrait flatter la culture dans le sens du poil. Ce combat, c'est un des sujets du Mépris. Quand on voit le sort réservé à ses films, on peut dire que quelque part il a gagné en étant un exclu des circuits de la culture, "irrécupérable", mais comme tu le dis très justement cela ne s'accompagne malheureusement pas d'un regain d'adhésion par l'identification pour ses films parmi une marge grandissante de spectateurs. C'est le paradoxe,mais pas sûr qu'il soit plus dû à Godard lui-même, qu'au monde qui l'entoure.

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Message par Invité Ven 28 Mai 2010 - 13:31

Absolument.
On peut même se demander s'il ne souffre pas plus de son actuelle "consécration" à l'inverse du sens de ses engagements passés, qu'il souffrait-jouait de son exclusion antérieure.
En même temps, il l'a cherché un minimum, ne serait-ce que pour saisir le moyen de sortir de son isolement pour délivrer son "message" (les organisations politiques sont pleines de ce genre d'errances).
Le problème restant de dépoussiérer les films des déchets du Nom (ça a déjà été dit plus haut, non ?).

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Message par balthazar claes Ven 28 Mai 2010 - 13:34

Votre histoire de plan-qui-se-suffit-à-lui-même me fait penser à ce passage du cours dans Notre Musique.


C'est une petite paysanne sous le second empire ; et elle dit qu'elle a vu la Vierge. Alors on lui demande comment elle est, et Bernadette dit, "je sais pas dire". Alors la mère supérieure et l'évêque lui montrent des planches des grandes peintures religieuses, la Vierge de Raphaël, celle de Murillo, etc. Et Bernadette dit chaque fois : non, c'est pas elle. Et tout à coup, arrive la Vierge de Cambrai : une icône. Et Bernadette tombe à genoux : "c'est elle, Monseigneur". Pas de mouvement, pas de profondeur, aucune illusion : le Sacré.

Film Socialisme (Jean-Luc Godard) - Page 6 Vlcsnap-105195

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Message par Borges Ven 28 Mai 2010 - 14:33

oui, bien entendu toute chose qui se suffit à elle-même ne peut-être que de l'ordre du sacré, du divin, etc; cf les remarques de rancière sur le statut de l'icône, chez godard et gdh; elle est pas bête cette fille, sans capital culturel, elle confirme la supériorité de l'icône, comme donation de la pure présence; y a le beau texte aussi de marion, l'idole et la distance;
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Message par Borges Ven 28 Mai 2010 - 14:35

On ne projette surement pas beaucoup Hitchcock à Téhéran !

on n'y lit pas non plus lolita

n'oublions pas que godard dit avoir été le seul à découvrir le montage; avec peut-être pelechian
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Message par Borges Ven 28 Mai 2010 - 14:39

pour le nom, on se souviendra de barthes regrettant d'être devenu une frite; le réel, l'imaginaire, le symbolique
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