Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
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Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Borges a écrit:à BC, et à deleuze, aussi;
ah le bougre, il serait allé chercher des éléments de sa théorie chez Deleuze ! Si c'est ça, je suis un peu déçu.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
beau film dans l'ensemble, assez inégal ; déjà à 80 ans il suscite une légère condescendance.
Oliveira, 101 ans je crois, nous étonne encore.
L'un est profond, l'autre pas.
Oliveira, 101 ans je crois, nous étonne encore.
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Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
J'aime Godard, mais la vérité plus encore; et ici il faudrait la dire; pas toute, les mots y manquant, mais la dire, même si elle doit heurter l'amour; après tout le cinéphile se doit aussi à la vérité; le problème est que tous le savent, mais ne peuvent pas le dire, ne veulent pas; fétichisme encore; on le sait bien, mais tout de même; oui, tout de même, c'est Godard, et nous avons besoin de croire que...
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
A 101 ans, on ne peut qu'étonner. Chaque jour qui passe est un étonnement.
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
je n'ai ni ton amour pour Godard, ni ton amour pour la vérité : je préfère la fiction, qui jamais ne se peut dire toute entière, qui échappe à toute appropriation.
c'est vrai que je suis sorti sonné de film socialisme, mais c'était parce que j'étais enfermé dans le noir, et qu'une voix connue reconnue, me prenais à témoin, de l'enfermement des images dans un cadre ...
c'est vrai que je suis sorti sonné de film socialisme, mais c'était parce que j'étais enfermé dans le noir, et qu'une voix connue reconnue, me prenais à témoin, de l'enfermement des images dans un cadre ...
Dernière édition par ferrare le Dim 23 Mai 2010 - 22:02, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Godard a beau dire ;: "qu'est qu'on peut mettre dans un livre ? un livre", j'entends sa plainte : " qu'est ce qu'on peut mettre dans un film ? un film".
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
ferrare a écrit:je n'ai ni ton amour pour Godard, ni ton amour pour la vérité : je préfère la fiction
mais il n'y a de vérité que de la fiction, et de fiction que de la vérité, et c'est ça l'amour de godard
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Il y a au moins une leçon de cinéma dans la première partie sur le bateau, c'est la puissance dramatique du cadrage. Dans cette partie, il y a une myriade d'embryons narratifs, à la limite chaque plan non documentaire est l'embryon d'une fiction. Mais l'embrayeur n'est pas l'action contenue dans le plan, visuellement ou sonorement. Ce qui embraye ces récits (qui finalement ne vienent pas), c'est le cadrage en tant que tel, une certaine qualité dramatique de la composition du plan. Et ceci, AVANT TOUT MONTAGE !
Bon, ok, on est en terre hérétique (et moi, en pleine contradiction par rapport à ce que j'affirmais sur la « méfiance » de Godard face aux images). On devrait savoir que le montage prime. Que, sans montage, pas de cinéma, d'accord. Que Koulechov, d'accord. Que « Montage, mon beau souci », d'accord. Mais peut-être que le plan prime aussi. Il faudrait peut-être réévaluer la force dramatique de sa composition plastique. Réévaluer l'importance de cette effrayante notion : la beauté. Est-ce que ça se fait, ça, d'un point de vue théorique ?
Politiquement, Godard est incroyablement pessimiste. C'est sensible dans la différence qualitative entre la première partie critique (sur le bateau) et la seconde programmatique (dans le gararge). Tous ces types très intelligent qui dissertent sur la résistance et dont la voix est systématiquement recouverte par des bruits parasites. Rien à faire, le message ne passe pas. Et Badiou qui fait un exposé sur la géométrie, inaudible et face à un amphithéâtre vide. Et les perroquets et les chats (très drôle). Et les mises en relation des plans océaniques et des gesticulations des vacanciers : impitoyable pour le genre humain.
À côté, la séquence du garage paraît très pauvre, y compris cinématographiquement. Seul le gamin a droit à quelques beaux plans. Comme si Godard devait se forcer pour s'intéresser aux autres personnages. Je repense à la formule de Gramsci sur le pessimisme de la raison et l'optimisme de la volonté. On dirait que c'est ce que Godard s'efforce de mettre en pratique. Mais est-ce convaincant ? Le coup du « avoir 20 ans » comme programme politique, c'est typiquement 1960. Pertinence zéro en 2010. J'aurais préféré qu'il ose un « avoir 6 ans » comme programme politique, ça aurait été plus cohérent avec son intérêt pour le gosse et son désintérêt pour les autres.
Ce problème avec le programme, autrement dit avec le débouché politique, tient aussi à cette réplique : « 2 m, 1 n », explicitée plus loin dans le film comme : deux aiment, un : haine, « deux » étant l'aspiration amoureuse de l'humanité et « un », l'aspiration hégémonique de l'état. Mais avec ça, avec ce rabattement de la question sur la sphère copulative (avec toutes les connotations du mot), je crois que Godard passe à côté du collectif et reconduit seulement le un de l'individu sur le plan à peine élargi du couple. Il affirme d'ailleurs directement l'impossibilité de passer du deux au trois – le deux passe directement au quatre sans passer par le trois. Déclaration de foi en l'immanence, certainement, puisque le trois, chiffre de la Trinité, est aussi le chiffre de la transcendance. Mais quatre, ce n'est jamais que deux couples additionnée, c'est une position d'équilibre quand le trois, la ternarité, est une position dynamique.
L'ambivalence du dernier plan est bien du Godard. Est-ce qu'on doit lire : NO COMMENT. ou bien NO. COMMENT ?
(Sur un plan, Godard compare Les cheyennes, de John Ford, aux juifs victimes de la shoah. Ça me fait bien plaisir car ça fait un moment que je suis persuadé que c'était bien l'intention de Ford. Quand la demie tribu est enfermée dans Fort Robinson, sous commandement d'un officier allemand à la réthorique digne de Nuremberg (An order is an order !), il y a un plan incroyable de Dolorès del Rio regardant à travers une vitre couverte de givre : elle est d'abord éclairée par la lampe d'un soldat mais le soldat s'éloigne et elle se retrouve dans la pénombre et on bascule dans Nuit et brouillard. Poignant.)
Bon, ok, on est en terre hérétique (et moi, en pleine contradiction par rapport à ce que j'affirmais sur la « méfiance » de Godard face aux images). On devrait savoir que le montage prime. Que, sans montage, pas de cinéma, d'accord. Que Koulechov, d'accord. Que « Montage, mon beau souci », d'accord. Mais peut-être que le plan prime aussi. Il faudrait peut-être réévaluer la force dramatique de sa composition plastique. Réévaluer l'importance de cette effrayante notion : la beauté. Est-ce que ça se fait, ça, d'un point de vue théorique ?
Politiquement, Godard est incroyablement pessimiste. C'est sensible dans la différence qualitative entre la première partie critique (sur le bateau) et la seconde programmatique (dans le gararge). Tous ces types très intelligent qui dissertent sur la résistance et dont la voix est systématiquement recouverte par des bruits parasites. Rien à faire, le message ne passe pas. Et Badiou qui fait un exposé sur la géométrie, inaudible et face à un amphithéâtre vide. Et les perroquets et les chats (très drôle). Et les mises en relation des plans océaniques et des gesticulations des vacanciers : impitoyable pour le genre humain.
À côté, la séquence du garage paraît très pauvre, y compris cinématographiquement. Seul le gamin a droit à quelques beaux plans. Comme si Godard devait se forcer pour s'intéresser aux autres personnages. Je repense à la formule de Gramsci sur le pessimisme de la raison et l'optimisme de la volonté. On dirait que c'est ce que Godard s'efforce de mettre en pratique. Mais est-ce convaincant ? Le coup du « avoir 20 ans » comme programme politique, c'est typiquement 1960. Pertinence zéro en 2010. J'aurais préféré qu'il ose un « avoir 6 ans » comme programme politique, ça aurait été plus cohérent avec son intérêt pour le gosse et son désintérêt pour les autres.
Ce problème avec le programme, autrement dit avec le débouché politique, tient aussi à cette réplique : « 2 m, 1 n », explicitée plus loin dans le film comme : deux aiment, un : haine, « deux » étant l'aspiration amoureuse de l'humanité et « un », l'aspiration hégémonique de l'état. Mais avec ça, avec ce rabattement de la question sur la sphère copulative (avec toutes les connotations du mot), je crois que Godard passe à côté du collectif et reconduit seulement le un de l'individu sur le plan à peine élargi du couple. Il affirme d'ailleurs directement l'impossibilité de passer du deux au trois – le deux passe directement au quatre sans passer par le trois. Déclaration de foi en l'immanence, certainement, puisque le trois, chiffre de la Trinité, est aussi le chiffre de la transcendance. Mais quatre, ce n'est jamais que deux couples additionnée, c'est une position d'équilibre quand le trois, la ternarité, est une position dynamique.
L'ambivalence du dernier plan est bien du Godard. Est-ce qu'on doit lire : NO COMMENT. ou bien NO. COMMENT ?
(Sur un plan, Godard compare Les cheyennes, de John Ford, aux juifs victimes de la shoah. Ça me fait bien plaisir car ça fait un moment que je suis persuadé que c'était bien l'intention de Ford. Quand la demie tribu est enfermée dans Fort Robinson, sous commandement d'un officier allemand à la réthorique digne de Nuremberg (An order is an order !), il y a un plan incroyable de Dolorès del Rio regardant à travers une vitre couverte de givre : elle est d'abord éclairée par la lampe d'un soldat mais le soldat s'éloigne et elle se retrouve dans la pénombre et on bascule dans Nuit et brouillard. Poignant.)
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Sur un plan, Godard compare Les cheyennes, de John Ford, aux juifs victimes de la shoah.
en général, chez godard les indiens, ce sont plutôt les palestiniens;
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Il y a au moins une leçon de cinéma dans la première partie sur le bateau, c'est la puissance dramatique du cadrage. Dans cette partie, il y a une myriade d'embryons narratifs, à la limite chaque plan non documentaire est l'embryon d'une fiction. Mais l'embrayeur n'est pas l'action contenue dans le plan, visuellement ou sonorement. Ce qui embraye ces récits (qui finalement ne vienent pas), c'est le cadrage en tant que tel, une certaine qualité dramatique de la composition du plan. Et ceci, AVANT TOUT MONTAGE !
Bon, ok, on est en terre hérétique (et moi, en pleine contradiction par rapport à ce que j'affirmais sur la « méfiance » de Godard face aux images). On devrait savoir que le montage prime. Que, sans montage, pas de cinéma, d'accord. Que Koulechov, d'accord. Que « Montage, mon beau souci », d'accord. Mais peut-être que le plan prime aussi. Il faudrait peut-être réévaluer la force dramatique de sa composition plastique. Réévaluer l'importance de cette effrayante notion : la beauté. Est-ce que ça se fait, ça, d'un point de vue théorique ?
Bonjour Stéphane,
tu parles de "plan" et de "composition", "composition plastique". Je me souviens d'un mot de Godard, je crois que c'était un entretien avec Sollers après la sortie de Je vous salue Marie, ou quelque chose au début des années 80 il me semble, il disait en substance, que le cadrage n'était plus son beau souci, qu'il avait enfin réussi à s'en débarrasser, et qu'il avait mis un certain temps avant de comprendre que seule "la mise au point" était importante dans un plan.
Quand j'avais entendu ça j'avais pas trop compris, ce que ça pouvait vouloir dire, au-delà du point de vue strictement technique.
Un peu plus récemment, il est revenu assez souvent dans ses propos sur cette idée qu'il a peut-être pris dans je sais plus quelle situation de Sartre, et qui à mon avis aujourd'hui est devenu lieu commun en esthétique : c'est l'histoire de Cézanne qui peint ses pommes "sans intention", "tandis que Téchiné, lui..."
Il dit aussi : aujourd'hui tout le monde fait du sous-Antonioni, etc.
Je me demande si ça rejoint pas un peut l'opposition qu'il faisait, cadrage/mise au point, qu'on pourrait alors grossièrement associer à esthétisme/esthétique.
Cela dit, dans la première partie du film, le régime d'image est tout nouveau, on avait jamais vu ça dans ses films, pareil pour le montage il me semble. (Tandis que la deuxième partie, dans l'histoire qu'elle "raconte", fait beaucoup penser à la dernière d'Eloge de l'amour, au-delà même des couleurs saturées quand on voit en contre champ le tableau de Renoir que l'enfant est en train d' "accueillir" ; quant à la troisième partie, elle est relativement classique). Et comme y a pas de "mise au point" possible avec un appareil photo : les images pixellisées, "bruitées", ce serait peut-être un retour au "cadrage", celui de raoul coutard dans le mépris par exemple.
Leurtillois- Messages : 131
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
borges :
mais il n'y a de vérité que de la fiction, et de fiction que de la vérité, et c'est ça l'amour de godard
c'est surtout ce que, toi, tu en penses.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
stéphane
Il y a au moins une leçon de cinéma dans la première partie sur le bateau, c'est la puissance dramatique du cadrage
hitch va se retourner dans sa tombe : c'est le découpage qui prime !
stéphane
À côté, la séquence du garage paraît très pauvre, y compris cinématographiquement.
?????????
une des qualités du film à mon sens est d'être parfaitement équilibré. godard perd d'ailleurs un peu de hargne, il s'apaise et c'est tant mieux.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Stéphane Pichelin a écrit:
Politiquement, Godard est incroyablement pessimiste. C'est sensible dans la différence qualitative entre la première partie critique (sur le bateau) et la seconde programmatique (dans le gararge). Tous ces types très intelligent qui dissertent sur la résistance et dont la voix est systématiquement recouverte par des bruits parasites. Rien à faire, le message ne passe pas. Et Badiou qui fait un exposé sur la géométrie, inaudible et face à un amphithéâtre vide. Et les perroquets et les chats (très drôle). Et les mises en relation des plans océaniques et des gesticulations des vacanciers : impitoyable pour le genre humain.
Dans Le Mépris tout est encore traduction avec entre autre le personnage de l'interprète qui est là pour traduire les propos en italien, en allemand (le personnage de l'interprète qui est d'ailleurs devenu un personnage qu'on retrouve maintenant régulièrement au cinéma.). Sauf à la fin un peu comique où Camille se retrouve seule avec le producteur avant de dernier accident et où ils arrivent plus à communiquer. A contre courant de ce qu'il a sans doute lui même apporté au cinéma, depuis un certain nombre de films, Godard ne livre presque plus de travail de traduction (via personnage d'interprète ou sous-titres), en particulier de l'allemand (c'était déjà le cas dans Allemagne année neuf zéro). Je ne sais pas vraiment pourquoi (la fameuse langue qui est passée dans les images, comme il dit pour l'italien?) mais cela contribue en tout cas à mon avis à l'incompréhension pour nombre de spectateurs.
À côté, la séquence du garage paraît très pauvre, y compris cinématographiquement. Seul le gamin a droit à quelques beaux plans. Comme si Godard devait se forcer pour s'intéresser aux autres personnages.
Mais il y a un refus des personnages justement, pour ne pas basculer du côté séries TV, Godard dit qu'il a filmé les "acteurs" comme des statues dans cette partie !
Le coup du « avoir 20 ans » comme programme politique, c'est typiquement 1960. Pertinence zéro en 2010. J'aurais préféré qu'il ose un « avoir 6 ans » comme programme politique, ça aurait été plus cohérent avec son intérêt pour le gosse et son désintérêt pour les autres.
Le cinéma de Godard est entièrement traversé par cette question du "avoir 6 ans" et c'est encore le cas dans son dernier film il me semble. C'est particulièrement amusant de voir dans Le Mépris qu'il parvient à transformer l'enfance des personnages inspirée de Hawks, comme il avait écrit dans son scénario, en une sorte d'idéalisme politique (la scène dans la villa où Paul sort sa tirade sur l'argent qui à son époque pourri les rapports entre adultes, et je crois quelqu'un lui reproche avec condescendance de se comporter comme un enfant, un peu comme quelqu'un de droite qui répond à quelqu'un de gauche qu'il vie dans un rêve et pas dans la réalité, on a tous connu ça je pense ) alors que si les personnages de Hawks étaient de grands enfants, ça n'avait pas grand chose à voir avec un quelconque idéalisme (et sûrement pas politique, le mec dans sa villa hollywoodienne étant probablement pas capable de voir la différence entre un pauvre et un riche, ou même de voir la pauvreté).
]Ce problème avec le programme, autrement dit avec le débouché politique, tient aussi à cette réplique : « 2 m, 1 n », explicitée plus loin dans le film comme : deux aiment, un : haine, « deux » étant l'aspiration amoureuse de l'humanité et « un », l'aspiration hégémonique de l'état. Mais avec ça, avec ce rabattement de la question sur la sphère copulative (avec toutes les connotations du mot), je crois que Godard passe à côté du collectif et reconduit seulement le un de l'individu sur le plan à peine élargi du couple. Il affirme d'ailleurs directement l'impossibilité de passer du deux au trois – le deux passe directement au quatre sans passer par le trois. Déclaration de foi en l'immanence, certainement, puisque le trois, chiffre de la Trinité, est aussi le chiffre de la transcendance. Mais quatre, ce n'est jamais que deux couples additionnée, c'est une position d'équilibre quand le trois, la ternarité, est une position dynamique.
c'est pas très clair, je trouve.
Dernière édition par JM le Lun 24 Mai 2010 - 9:43, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Leurtillois a écrit:
Et comme y a pas de "mise au point" possible avec un appareil photo : les images pixellisées, "bruitées", ce serait peut-être un retour au "cadrage", celui de raoul coutard dans le mépris par exemple.
En fait c'est la très basse définition qui rend comme ça, non ? Donc il faudrait peut-être rapprocher ces images avec ce qu'il dit dans l'entretien médiapart de façon assez ironique, sur la haute définition du numérique et la peinture, les impressionnistes faisant alors de la "basse peinture française". Après faut voir si ces images peuvent vraiment évoquer le pointillisme ou si c'est pure ironie de Godard, moi je penche plutôt pour l'ironie car même ses plans moins crades reprenant des scènes de la vie de tableaux impressionnistes (comme la barmaid) sont pas vraiment agréables et ne transmettent rien. Mais tout est aussi biaisé par les lumières d'aquarium de l'intérieur du bateau. C'est plus une question de technique j'ai l'impression, car je crois pas qu'il ai jamais reproché à Renoir, Manet ou d'autres de peindre des petits-bourgeois qui s'amusent.
Je crois qu'on a pas encore tout à fait trouvé ce qu'il se passe dans cette première partie au niveau de ces images mais on s'en rapproche petit à petit.
Sur la mise au point plutôt que le cadre, je t'encourage à revoir Notre Musique dans lequel il y a cette scène ou Olga décide de rejoindre le réel, l'action plutôt que le récit, la fiction, à partir du "j'en ai rien à foutre". Ici, Godard fait clairement de ce basculement une question de "mise au point", de "myopie du réel" comme dirait BC.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
je sais pas encore par où entrer dans le film
(peut-être parce que je ne suis pas très affecté, touché par lui, le trouvant même déplaisant; comme si le discours n'allait pas avec les agencements d'images, les montages, comme si le film datait d'une époque lointaine, du 19ème siècle, dans sa morale, dans sa politique; tony le mort qui dit rarement des choses censées dit quelque chose d'intéressant sur la conception "nationaliste" des nations chez godard; mais quand il parle de Husserl, c'est assez triste; politiquement, en 1935 (cf derrida, de l'esprit) husserl a dit des choses horribles, d'un racisme primaire, sur les tziganes, les papous, les indiens... )
vous parliez des perroquets; deux perroquets, les couleurs (bien entendu, celle de la nature), mais aussi le couple, le deux de l'amour, ce sont deux perroquets visiblement amoureux, mais le perroquet c'est aussi l'animal de la répétition (chez une des constantes références de Godard, Malraux, par exemple, qui adorait les chats, qui ici n'ont pas grand chose à voir avec la dialectique et Chris Marker); la répétition, dans la nature, qui annonce la répétition, dans l'art, (après tout godard est un perroquet), dernière image sur le fbi et l'interdiction de la reproduction; ce couple de perroquets, comme dirait derrida, va par pair, comme les souliers, mais après les couples sont plus complexes, ils ne vont plus par espèce, comme dans l'arche de noé, il y a le combat du taureau et de l'homme, l'âne et le lama (jésus et le dalai?)...
(peut-être parce que je ne suis pas très affecté, touché par lui, le trouvant même déplaisant; comme si le discours n'allait pas avec les agencements d'images, les montages, comme si le film datait d'une époque lointaine, du 19ème siècle, dans sa morale, dans sa politique; tony le mort qui dit rarement des choses censées dit quelque chose d'intéressant sur la conception "nationaliste" des nations chez godard; mais quand il parle de Husserl, c'est assez triste; politiquement, en 1935 (cf derrida, de l'esprit) husserl a dit des choses horribles, d'un racisme primaire, sur les tziganes, les papous, les indiens... )
vous parliez des perroquets; deux perroquets, les couleurs (bien entendu, celle de la nature), mais aussi le couple, le deux de l'amour, ce sont deux perroquets visiblement amoureux, mais le perroquet c'est aussi l'animal de la répétition (chez une des constantes références de Godard, Malraux, par exemple, qui adorait les chats, qui ici n'ont pas grand chose à voir avec la dialectique et Chris Marker); la répétition, dans la nature, qui annonce la répétition, dans l'art, (après tout godard est un perroquet), dernière image sur le fbi et l'interdiction de la reproduction; ce couple de perroquets, comme dirait derrida, va par pair, comme les souliers, mais après les couples sont plus complexes, ils ne vont plus par espèce, comme dans l'arche de noé, il y a le combat du taureau et de l'homme, l'âne et le lama (jésus et le dalai?)...
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
quelque chose d'intéressant sur la conception "nationaliste" des nations
chez godard
Oui mais c'est pas très nouveau, il me semble ?
l'âne et le lama (jésus et le dalai?)...
bien vu.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Borges a écrit:vous parliez des perroquets; deux perroquets, les couleurs (bien entendu, celle de la nature), mais aussi le couple, le deux de l'amour, ce sont deux perroquets visiblement amoureux, mais le perroquet c'est aussi l'animal de la répétition (chez une des constantes références de Godard, Malraux, par exemple, qui adorait les chats, qui ici n'ont pas grand chose à voir avec la dialectique et Chris Marker); la répétition, dans la nature, qui annonce la répétition, dans l'art, (après tout godard est un perroquet), dernière image sur le fbi et l'interdiction de la reproduction; ce couple de perroquets, comme dirait derrida, va par pair, comme les souliers, mais après les couples sont plus complexes, ils ne vont plus par espèce, comme dans l'arche de noé, il y a le combat du taureau et de l'homme, l'âne et le lama (jésus et le dalai?)...
et la belle chouette (?) qui occupe le premier plan dans la troisième partie, ça peut aussi bien évoquer la monnaie grecque qu'Athena, ou encore la métaphore animale d'Eisenstein dans "Le Grève" (passage qu'on retrouve dans l'un des épisodes des HdC). Toujours les signes parmi nous.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
oui, c'est aussi l'animal de hegel, après celui d'athena : l'oiseau qui ne s'envole qu'au crépuscule, le penseur vient toujours après l'événement
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Burdeau a écrit:La première partie de Film Socialisme se déroule sur un paquebot pendant une croisière et s'intitule «Des choses comme ça». Jean-Luc Godard y reprend quelques-unes de ses obsessions – l'argent, l'oubli, l'Europe, la guerre. Il m'a semblé qu'il y faisait surtout le point sur la situation, la seule qui importe: la situation de l'image. Je parlerai donc en priorité de cela.
S'il s'est bien embarqué sur une véritable croisière, les ports où Godard fait halte ne sont pas ceux de la Méditerranée sans être en même temps autre chose: les ports – et les portes – de l'image. Film Socialisme est d'abord un voyage au pays des manières et des techniques actuelles de filmer. Ce n'est pas tellement une affaire de style: Godard ne transige pas avec l'aveuglante clarté du sien, et pas une fois la caméra ne bouge (à la demi-exception d'un zoom sur livre de poche). C'est une affaire de visibilités.
Des plans éblouissants de ponts et de cabines, qu'on dit filmés avec la fonction vidéo d'un appareil photo (peut-être le même que celui avec lequel Monte Hellman a tourné Road to Nowhere, déjà annoncé à Venise), alternent avec d'autres dont le tremblé pourrait être celui d'une mini-DV ou d'un téléphone portable.
La mer, la piscine, les néons
Il y a tout ce qui brille, le lustre et le brillant des ponts, des pièces d'or... Il y a la mer, dont la sombre humeur ouvre magnifiquement le bal, juste après que deux perroquets criards ont brièvement fait les messieurs Loyal. Il y a les couleurs saturées de la boîte de nuit, quelques descentes en ascenseur sur un fond vert, le rouge scintillant d'une cravate qui claque au vent et celui, passé, moche, qui bave au flanc d'un porte-avion vidéo de très ancienne génération.
Embrassés plein écran puis par la fenêtre d'un ordinateur de lit, il y a deux chats semblant dialoguer dans une langue qui n'est pas toute de miaous. Il y a des machines à sous, des téléphones portables, des appareils photo, des écrans géants. Des flashes et des clic-clac, dans l'image et de l'image. Il y a tout, y compris une boule à facettes, une messe et un menu de DVD.
C'est la fête. Dans cette première partie, la mer, la piscine, les néons sont bien sûr, comme dans les deux suivantes - " Quo Vadis Europa " puis " Nos humanités " - le feu, les avions et les oiseaux, autant de tentatives de trouver la bonne métaphore pour résumer ce qu'est devenue l'image à l'ère du numérique. Ce n'est toutefois pas le plus remarquable. De même qu'est secondaire la cruauté qu'on pourra répérer dans le regard que Godard porte sur la foule des voyageurs, même si cette dernière partage plus d'un trait avec celle qui arpente en ce moment la rue d'Antibes et la Croisette.
L'essentiel, nous l'avons dit: c'est la fête. La splendeur frappe, le chant et non la charge. Fête macabre dans la soute, au coeur de l'enfer de l'or et des sous? Célébration au royaume de ce que l'image est et de ce qu'elle peut, en 2010! Elle peut l'éclat et la rayure, l'eau et la pierre. Elle peut la ruine et le monument, la trace et l'oubli. Elle peut le léché et le crado. Elle peut le mouvement et l'arrêt: nombreuses sont les ponctuations photographiques. Elle peut le plat et le relief: fréquents sont les regards que nous adressent des sculptures.
L'image est russe, elle est arabe, elle est égyptienne. Elle écrit, elle calcule, elle dessine. Elle fait l'homme, elle fait la bête: nos deux chats, un lama, un âne et une chouette sont peut-être les vraies stars de Socialisme, les incarnations de l'espoir qui porte ce nom.
Les derniers mots: «no comment»
Godard n'est jamais allé aussi loin, à l'intérieur d'un film de fiction destiné à la salle, dans la combinaison des régimes d'images. Mieux qu'Eloge de l'amour et que Notre musique, qu'il surclasse aisément, Film Socialisme associe le romanesque avec l'encyclopédisme d'Histoire(s) du cinéma : le film est une première à cet endroit aussi.
Parmi tous les plaisirs à être assis, ce matin lundi 17 mai, parmi les rangs de l'Amphithéâtre Debussy, il y avait donc également celui de suivre une fresque en trois époques dont la manière sied moins à Hollywood ou à Cannes qu'à une leçon inaugurale au Collège de France (où Godard, rappelons-le, fut recalé). Le plaisir semble avoir été partagé. Mouftant peu, la salle est demeurée pleine ou quasi, accompagnant jusqu'à son terme la dépression que le cinéaste organise par paliers, depuis les hauteurs scintillantes de son paquebot jusqu'au noir qui fer la troisième partie. Les derniers mots seront «no comment»: haine godardienne du commentaire qui interdit l'image, mais aussi congé donné au public, à la fois martial et tendre.
Elle a retenu son souffle, la salle, lorsqu'un enchaînement d'arrêts sur images comme il s'en produit avec un DVD défectueux a fait croire à un incident de projection. Elle a sans doute saisi sa chance: ce film parlé en cinq langues au moins, français, anglais, allemand, italien, arabe, et pour lequel Godard a inventé une façon inédite de sous-titrer, par séries laconiques et drôles de trois mots dûment espacés, est à ce jour le seul méritant d'être présenté dans un festival qui se dit international.
Elle a même consenti à ce que l'ermite de Rolle se fasse porter pâle au prétexte d'un «problème de type grec», annulant par là même le rituel de la conférence de presse avec tarte à la crème, questions cons et réponses de sphinx.
Voir en toute chose la chance d'un film
Tous ont dû sentir que l'urgence était ailleurs. Film Socialisme n'est pas un Godard en colère, la mélancolie elle-même semble céder la place à un geste d'augure: il s'agit de fixer un cap, d'indiquer où ira bientôt le cinéma. J'ai parlé du propre et de l'impropre de l'image. J'ai parlé des téléphones mobiles et des ordinateurs. J'ai parlé d'un film évoquant un cours ou une émission (dans un coin, à plusieurs reprises, le logo d'une chaîne de télé).
Cela, n'est-ce pas précisément ce que décrivait la chronique intitulée Films Capitalisme à propos de Stone et de Guzzanti? N'est-ce pas un autre genre d'animation par ordinateur? Godard fut en effet précédé par d'autres, ces derniers jours. Le chinois Wang Xiaoshuai a montré Chongqing Blues en Compétition. L'allemand Christoph Hochhäusler a montré The City Below à Un Certain Regard. Deux films à l'ambition similaire, mais qui portent le souci d'être contemporain comme un fardeau, jamais comme une grâce. Seul Godard est capable de voir en toute chose la chance d'un film, aérobic de masse aussi bien que jeune garçon qui joue à la Russie.
On a l'habitude de reprocher aux cinéastes d'être formellement fascinés par ce qu'au fond ils dénoncent. Il ne s'agit pas de ça. Il s'agit de regarder la fascination en face. Il s'agit de cette vérité minimale: ce qui arrive au visible, ce qui arrive aux manières de rendre visible le visible, n'est jamais un frein pour le cinéma. C'est une requête, un nouveau possible qui se lève.
Il suffisait de lire le titre
Nous pouvons alors dire que pour l'instant nous n'avons vu que deux films contemporains: Film Socialisme et I wish I knew (Un Certain Regard), le documentaire de Jia Zhang-ke sur l'histoire récente de Shanghai. Godard, Jia: à quoi ressemblent les nouveaux possibles du cinéma? Loin de les virtualiser, le numérique et Internet ont emmené – ramené – ceux-ci du côté du documentaire: Godard fait le reporter en goguette sur un paquebot, Jia sillonne les rues, les ruines et les chantiers de Shanghai; chez les deux, les extraits de films agissent comme des preuves, des témoignages; on ne les voit pas surgir, c'est sans croche-pied qu'ils entrent dans la danse. Documentarisme total.
A une jeune femme reprenant l'antienne godardienne selon laquelle on ne compare pas le comparable, mais l'incomparable, un vieil homme à chapeau répond que c'est fini tout ça. Tout ça quoi? On ne saurait l'affirmer avec certitude: Film Socialisme est aussi un des films les plus opaques du maître. Risquons toutefois une hypothèse. Si cesse la nécessité de dérégler la raison de ce qui se compare selon la déraison de ce qui ne se compare pas, il se pourrait qu'il en soit fini d'une certaine violence du montage. Il y a moins de stridence dans Film Socialisme. Presque une douceur. Sage comme une image, le public de ce matin ne s'y est pas trompé.
L'hypothèse sera donc prospective, positive, un poil naïve peut-être. La nécessité est désormais l'invention d'un régime de coexistence pour tous les régimes du visible. Si les plans sont fixes, c'est que chacun fixe pour le documenter et l'épouser sans distance un certain mode de voir et d'être vu. L'image est passée dans les choses, elle appartient maintenant au grand livre des «choses comme ça». Cinéma-paquebot qui flotte dans leur grand bain: immense, souverain, hospitalier.
L'omniprésence de l'eau et des animaux nous le dit autrement: hormis celle de reprendre inlassablement l'Histoire du XXe siècle, le cinéma a la vocation historique d'accueillir les règnes et les espèces de l'image. Animal? Végétal? Minéral? Il doit penser l'Histoire du visible comme une Histoire naturelle.
Comme toujours avec Godard, il suffisait de lire le titre: faire politiquement du cinéma – vieille injonction du maître –, c'est peut-être à présent tenter un socialisme de l'image.
Trouvé ici : http://theballoonatic.blogspot.com/2010/05/no-comment.html#comments
Merci au Sébastien des commentaires
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Il m'a semblé qu'il y faisait surtout le point sur la situation, la seule qui importe: la situation de l'image. Je parlerai donc en priorité de cela.
-c'est sans doute, cela qui donne à ce film son côté déplaisant, "faire le point"; c'est la position dépressive; godard fait le point, il se retourne et se retrouve changé en statue de sel, il devient son propre golem;
-ne faites jamais le point disait deleuze, ici, rien, on est en mer, et on ne sort nulle part, on ne va nulle part, on est dans l'enfer d'une image sans dehors, dans la mauvaise répétition, des formules, des mots, des idées, tout est vide, triste, attristant; comparer la scène de la station service, avec celle pierrot le fou, où même celle de "je vous salue"; là, du burlesque, de la transcendance, là juste de la télé; l'époque a changé, oui, mais c'est pas une excuse; l'époque ça ne veut rien dire; pas une seule trace de joie dans ce film; c'est tristement triste; une énergie sans capacité de métamorphose; jm parlait des impressionnistes filmant la vie ordinaire, et les joies débiles des gens presque ordinaires; godard n'y réussit pas; c'est juste un regard sans point de vue, un regard à la cioran, dépressif, presque fasciste... enfin, il faut pas grand chose pour passer de socialisme à national-socialisme, et godard n'en est pas loin, avec ses débilités sur les nations, qui ne se traduisent pas l'une dans l'autre, qui ne semblent pas communiquer; avant, comme disait jm, il y avait de la traduction; là, plus de traduction; d'appel à traduire... à passer d'une langue, dans l'autre, à inventer donc une troisième langue; une troisième image; de cette incapacité à filmer, donc à penser, témoigne la reprise du mot de sarkozy avec l'afrique qui ne serait pas rentrée dans l'histoire; comment une idée on ne peut plus raciste peut-elle être répétée et juste jugée moralement? c'est un salaud, mais il est sincère, ou alors son idée est sincère; mais, je sais pas, ici, peut-être faut-il distinguer; sincère, parce qu'il dit ce qu'il pense, ou parce que ce qu'il dit est vrai? dans un premier cas, on aurait juste l'attitude des socialistes quand ils ont voulu regagner les classes dites populaires, le pen pose les bonnes questions mais apporte les mauvaises solutions... dans l'autre, on se souviendra qu'à l'époque de sartre, les salauds ne pouvaient pas être sincères, c'était même une de leur propriété essentielle;
-donc, un film sans trajet, sans ligne de fuite, comme on dit; un film qui fait le point, un film dépressif, sans joie, sans éternité, sans géométrie vraie, même la géométrie est pensée dans la figure du retour, de son retour...
-un film sans rien, sans horizon, sans personnage, sans baleine...sans carte, sans géographie, ou alors on va me sortir la géographie des images, plutôt que des lieux, mais on s'en tape des images; c'est pas ce qui manque... la situation des images n'intéresse personne...
« Partir, s'évader, c'est tracer une ligne. L'objet le plus haut de la littérature, suivant Lawrence : partir, partir, s'évader [...] traverser l'horizon, pénétrer dans une autre vie [...]. C'est ainsi que Melville se retrouve au milieu du Pacifique, il a vraiment passé la ligne d'horizon [...]. La ligne de fuite est une déterritorialisation. Les Français ne savent pas ce que c'est [...]. Fuir, c'est tracer une ligne, des lignes, toute une cartographie. On ne découvre des mondes que par une longue fuite brisée. La littérature anglaise-américaine ne cesse de présenter ces ruptures, ces personnages qui créent leur ligne de fuite, qui créent par ligne de fuite [...]. Tout y est départ, devenir, passage, saut, démon, rapport avec le dehors [...]. Le devenir est géographique. On n'a pas l'équivalent en France. Les Français sont trop humains, trop historiques, trop soucieux d'avenir et de passé. Ils passent leur temps à faire le point. Ils ne savent pas devenir, ils pensent en termes de passé et d'avenir historiques. »
(on peut dire ça, sans idéaliser les anglo-us, qui sont aussi cons que les autres, en général...)
quelle différence entre les images des hommes, femmes, gosses, et celles des animaux?
Un animal, même en image ne parle pas; c'est une image muette; d'où la fascination qu'ils exercent (image narcissique; complétude...); ce serait alors l'image qui ne prend jamais la parole, la moins nazie, fasciste, la plus proche de l'idéal d'une pensée, d'un cinéma, qui se méfie des mots, de leur incapacité, et de la violence de leur capacité à nommer, donc d'annuler l'image au profit du nom, des mots, du langage; à la fin, vient le prénom...la rupture de la filiation...
no comment
pas de comment
pas de moyen
pas de commen(Taire)
comment taire
no comment, c'est une émission d'euronews, des images sans commentaire;
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
La nécessité est désormais l'invention d'un régime de coexistence pour tous les régimes du visible.
"désormais", c'est marrant ça; cette reprise de l'idée de rancière opposant le montage dialectique, à celui de la coexistence; mais c'est pas neuf, c'est vieux; déjà godard faisait ça dans les années 1980, c'est tout le système des "histoires"; alors que vient foutre ici ce "désormais"; ça fait un temps qu'on est dans le "désormais"; encore une idiote de plus chez un critique qui en peut beaucoup; on applaudit; en fait devant le montage de "film socialisme" soit on se dit, on est encore dans les années 1980, donc rien de neuf, soit on sort d'autres idées pour le penser que le vieux machin de la coexistences des régimes d'images sur un même plan; pas de choc, pas de dialectique, pas de jugement d'une image par l'autre... godard a-t-il même jamais fait ça? est-ce possible à faire? c'est impossible à croire, parce que ce ne sont pas seulement des images qui s'agencent, ce sont aussi des jugements d'images sur des images; quand aux images des bébés dansant sur une horrible musique succèdent celles de la peinture, du grand art, c'est un jugement des uns, par les autres; il suffit de mettre en rapport une image avec une autre pour que l'une juge l'autre (à ce degré de différence) parce que les images n'existent pas en dehors des mots, des valeurs, des idées, parce qu'une image est toujours image de quelque chose... il est donc vain d'opposer le régime dialectique, au régime de la coexistence sans idéologie, l'idéologie, c'est aussi ça; celle des années 1980, par exemple...
comparer les incomparables; ce qui ne peut pas être comparé, ce qui ne doit pas être comparé, par exemple x avec Hitler...
derrida dit "pardonner l'impardonnable, il n'y a que lui qui doive être pardonné; quel mérite à pardonner le pardonnable...?"
penser l'impensable... (différence et répétition), là où la pensée affronte sa propre impossibilité...
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
ferrare a écrit:stéphane
Il y a au moins une leçon de cinéma dans la première partie sur le bateau, c'est la puissance dramatique du cadrage
hitch va se retourner dans sa tombe : c'est le découpage qui prime !
Salut Ferrare,
j'ai vu une fois un court-métrage où le réalisateur avait dessiné tous les plans d'une séquence des Oiseaux (quand les enfants fuient l'école) en omettant tous les personnages, donc toute l'action. Il projetait ça avec la bande-son du film et c'était extrêmement prenant, une démonstration implacable que le montage prime... dans la pratique cinématographique d'Hitchcock.
Mais, voilà, Hitchcock est mort et j'ai pas pour habitude de me laisser emmerder par des cadavres. La suprématie du montage est une idée qui date des trois ou quatre premières décennies du cinéma. Elle est centrale dans l'histoire du cinéma. Est-elle une vérité absolue, intangible, révélée ? J'espère que non. Ou alors le cinéma est tragiquement limité dans son évolution.
Maintenant, je reviens sur le mot "beauté" qui est trop peu précis. Il faudrait plutôt parler du potentiel dramatique du plan considéré dans sa seule composition (composition statique ou incluant le mouvement sans inclure le récit ? que des questions, pas de réponse). Il y a un certain nombre de plans (pratiquement aucun des plans non mis en scène par Godard, mais beaucoup des plans mis en scène) qui m'ont paru se suffire à eux-mêmes du point de vue de la dynamique dramatique. D'autres réalisateurs ont pu me faire le même effet (les meilleurs à mon goût : Ford, Tarkovski, Bergman de 50 à 70...) mais jamais à ce point là. Peut-être parce que leurs plans étaient déjà parasités par un récit qui se déroulait, alors que ce n'est pas le cas dans Film Socialisme. Il faudrait que je revois Le miroir...
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Leurtillois a écrit:Il y a au moins une leçon de cinéma dans la première partie sur le bateau, c'est la puissance dramatique du cadrage. Dans cette partie, il y a une myriade d'embryons narratifs, à la limite chaque plan non documentaire est l'embryon d'une fiction. Mais l'embrayeur n'est pas l'action contenue dans le plan, visuellement ou sonorement. Ce qui embraye ces récits (qui finalement ne vienent pas), c'est le cadrage en tant que tel, une certaine qualité dramatique de la composition du plan. Et ceci, AVANT TOUT MONTAGE !
Bon, ok, on est en terre hérétique (et moi, en pleine contradiction par rapport à ce que j'affirmais sur la « méfiance » de Godard face aux images). On devrait savoir que le montage prime. Que, sans montage, pas de cinéma, d'accord. Que Koulechov, d'accord. Que « Montage, mon beau souci », d'accord. Mais peut-être que le plan prime aussi. Il faudrait peut-être réévaluer la force dramatique de sa composition plastique. Réévaluer l'importance de cette effrayante notion : la beauté. Est-ce que ça se fait, ça, d'un point de vue théorique ?
Bonjour Stéphane,
tu parles de "plan" et de "composition", "composition plastique". Je me souviens d'un mot de Godard, je crois que c'était un entretien avec Sollers après la sortie de Je vous salue Marie, ou quelque chose au début des années 80 il me semble, il disait en substance, que le cadrage n'était plus son beau souci, qu'il avait enfin réussi à s'en débarrasser, et qu'il avait mis un certain temps avant de comprendre que seule "la mise au point" était importante dans un plan.
Quand j'avais entendu ça j'avais pas trop compris, ce que ça pouvait vouloir dire, au-delà du point de vue strictement technique.
Un peu plus récemment, il est revenu assez souvent dans ses propos sur cette idée qu'il a peut-être pris dans je sais plus quelle situation de Sartre, et qui à mon avis aujourd'hui est devenu lieu commun en esthétique : c'est l'histoire de Cézanne qui peint ses pommes "sans intention", "tandis que Téchiné, lui..."
Il dit aussi : aujourd'hui tout le monde fait du sous-Antonioni, etc.
Je me demande si ça rejoint pas un peut l'opposition qu'il faisait, cadrage/mise au point, qu'on pourrait alors grossièrement associer à esthétisme/esthétique.
Cela dit, dans la première partie du film, le régime d'image est tout nouveau, on avait jamais vu ça dans ses films, pareil pour le montage il me semble. (Tandis que la deuxième partie, dans l'histoire qu'elle "raconte", fait beaucoup penser à la dernière d'Eloge de l'amour, au-delà même des couleurs saturées quand on voit en contre champ le tableau de Renoir que l'enfant est en train d' "accueillir" ; quant à la troisième partie, elle est relativement classique). Et comme y a pas de "mise au point" possible avec un appareil photo : les images pixellisées, "bruitées", ce serait peut-être un retour au "cadrage", celui de raoul coutard dans le mépris par exemple.
Salut Leurtillois,
ça me fait aussi penser à Lang qui disait qu'il y avait une chose sur laquelle il ne s'était jamais trompé, c'était dans le choix de la focale. Il en avait l'air très fier.
Invité- Invité
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
On se croirait dans un manuel élémentaire de cinéma, le plan, la focale, la mise au point… le cadre…
Pq tout le monde parle de plan, d’un coup, et plus d’image ; dites moi la différence ?
Un plan c’est plein d’images ?
Ça veut dire quoi un plan dans sa seule composition ?
(une composition, c'est déjà un montage, comme on dit aussi)
en dehors de ses éléments, de ce qu’il raconte, de l’action ; je vois pas alors en quoi, on peut parler de potentiel dramatique ; un drame, c’est une action d’un certain type ; ça veut dire quoi un plan qui se suffit à lui-même ? un plan qui se suffit à lui-même n’existe pas, ce serait alors le tout, et plus un plan ; quand il y a plan, il ne peut se suffire à lui-même, par lui-même, ou alors, on est dans une certaine logique esthétique (rancière, bien entendu) ; ici, ma question résonne avec l’opération qu’effectue godard sur les films de hitch, en extraire des images, arrêter le récit pour mettre en valeur un objet, comme porteur du pathique ; chez hich l’image doit disparaître pour le récit, c’est un cinéma de logique aristotélicienne ;
(là encore rancière, le texte que cite aussi ailleurs jm)
le plan ça n’existe pas, un plan, appelle l’autre, le contient, le rappelle, un plan, c’est une trace ; et l’important n’est pas dans le plan, mais entre les plans ; c’est un des lieux communs, qu’il faut avoir en tête quand on parle de godard ; ça ne se passe pas dans, mais entre ; bien entendu, comme le dit et le redit rancière, on peut arrêter un récit sur une image ; mais c’est du au triple fonctionnement de l’image ;
Rancière donc,
-image auto-effaçante ; comme dans le livre, je ne visualise pas les traits descriptifs, dans le récit, au cinéma, non plus ; le récit se fait, je le suis, sans m’arrêter à l’image, si je m’arrête à l’image, y a plus de récit ; si je me mets à tenter de visualiser la bête décrite par Kafka, à essayer de la dessiner, non plus ; je ne suis plus dans le roman… donc ici l’image s’efface d’elle-même en produisant le récit, la fiction ;
-l’image s’impose comme élément signifiant fort ; elle est un signifiant, donc, je cherche ce qu’elle signifie, ses sens, le mystère qu’elle cache ; le récit est le lieu où s’accomplit le mouvement d’élucidation du sens de l’image-signifiant…
-l’image déroute le récit, le rend vain ;
Le récit, la fiction, romanesque, et cinématographique, est fait « de la possibilité de glisser de manière continue et imperceptible entre ces trois fonctions, la possibilité de voir plus ou moins, la possibilité de lire plus ou moins (la possibilité de traiter ce que je vois comme devant être lu)
À Hollywood dans le cinéma classique, l’image accomplit ces trois fonctions dans une présupposé homogénéité ; le temps du récit, et celui de l’image coexistent tout le long ; le temps de l’image, et celui du récit, sont hétérogènes, au contraire, chez Godard, Straub, d’autres encore ;
Voit-on les ailes d’un moulin (l’ombre de hitch et de don quichotte) tournant à l’envers dans film socialisme ?
Pq tout le monde parle de plan, d’un coup, et plus d’image ; dites moi la différence ?
Un plan c’est plein d’images ?
Ça veut dire quoi un plan dans sa seule composition ?
(une composition, c'est déjà un montage, comme on dit aussi)
en dehors de ses éléments, de ce qu’il raconte, de l’action ; je vois pas alors en quoi, on peut parler de potentiel dramatique ; un drame, c’est une action d’un certain type ; ça veut dire quoi un plan qui se suffit à lui-même ? un plan qui se suffit à lui-même n’existe pas, ce serait alors le tout, et plus un plan ; quand il y a plan, il ne peut se suffire à lui-même, par lui-même, ou alors, on est dans une certaine logique esthétique (rancière, bien entendu) ; ici, ma question résonne avec l’opération qu’effectue godard sur les films de hitch, en extraire des images, arrêter le récit pour mettre en valeur un objet, comme porteur du pathique ; chez hich l’image doit disparaître pour le récit, c’est un cinéma de logique aristotélicienne ;
(là encore rancière, le texte que cite aussi ailleurs jm)
le plan ça n’existe pas, un plan, appelle l’autre, le contient, le rappelle, un plan, c’est une trace ; et l’important n’est pas dans le plan, mais entre les plans ; c’est un des lieux communs, qu’il faut avoir en tête quand on parle de godard ; ça ne se passe pas dans, mais entre ; bien entendu, comme le dit et le redit rancière, on peut arrêter un récit sur une image ; mais c’est du au triple fonctionnement de l’image ;
Rancière donc,
-image auto-effaçante ; comme dans le livre, je ne visualise pas les traits descriptifs, dans le récit, au cinéma, non plus ; le récit se fait, je le suis, sans m’arrêter à l’image, si je m’arrête à l’image, y a plus de récit ; si je me mets à tenter de visualiser la bête décrite par Kafka, à essayer de la dessiner, non plus ; je ne suis plus dans le roman… donc ici l’image s’efface d’elle-même en produisant le récit, la fiction ;
-l’image s’impose comme élément signifiant fort ; elle est un signifiant, donc, je cherche ce qu’elle signifie, ses sens, le mystère qu’elle cache ; le récit est le lieu où s’accomplit le mouvement d’élucidation du sens de l’image-signifiant…
-l’image déroute le récit, le rend vain ;
Le récit, la fiction, romanesque, et cinématographique, est fait « de la possibilité de glisser de manière continue et imperceptible entre ces trois fonctions, la possibilité de voir plus ou moins, la possibilité de lire plus ou moins (la possibilité de traiter ce que je vois comme devant être lu)
À Hollywood dans le cinéma classique, l’image accomplit ces trois fonctions dans une présupposé homogénéité ; le temps du récit, et celui de l’image coexistent tout le long ; le temps de l’image, et celui du récit, sont hétérogènes, au contraire, chez Godard, Straub, d’autres encore ;
Voit-on les ailes d’un moulin (l’ombre de hitch et de don quichotte) tournant à l’envers dans film socialisme ?
Borges- Messages : 6044
Re: Film Socialisme (Jean-Luc Godard)
Comme déjà dit, je n'ai rien à opposer à ça à part ma vision subjective du film que je ne trouve à appuyer sur aucun lieu commun.
plan-plan...
On m'a dit qu'il existe des appareils photos qui détectent les sourires. C'est fou, non ?
Rataplan...
Et puis la perspective...
plan !
plan-plan...
On m'a dit qu'il existe des appareils photos qui détectent les sourires. C'est fou, non ?
Rataplan...
Et puis la perspective...
plan !
Invité- Invité
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