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Godard : "Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout.”

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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 16:31

C'est dans ton propos lui-même, je ne fais que relever:


Pour bien signifier que, pour lui (comme finalement pour les discours les plus classiques sur l'art), ce qui fait "art" est dans l'objet et non hors de l'objet [tu ne fais que dire cela depuis le début!], Woot machine un "argument" tournant autour de la définition du ready mate, "argument" censé établir que, puisque la "valeur" d'art (ou définition comme art) du RM ne provient que d'éléments extérieurs à l'objet lui-même, cela "prouve" en quelque sorte, par opposition, que dans ce qu'il convient de nommer "objet d'art", la "valeur d'art" (ou définition comme art) est interne à l'objet lui-même:

   " Si ce qui en fait de l'art n'est pas sa forme (sensible) elle même, vu que les autres objets du même type, ayant la même forme, en dehors du contexte de l'art restent des objets non artistique, on peut en conclure que c'est quelque chose d'extérieur à sa forme qui fait, ici, art. "

C'est donc bien, dis-je, que Woot fait sienne, et la considère comme une donnée, d'évidence, pure, perceptuelle, expériencielle (sous le seuil critique et n'ayant pas même à être interrogée) une vision de l'art dans laquelle la seule condition authentique pour qu'il y ait "l'art" est une expérience sensible, "une forme visible", un "objet", "donné dans l'espace", et "fabriqué par une main d'artiste".

["Si, dans un rm, ce qui en fait de l'art n'est pas sa forme (sensible- elle-même), on peut en conclure que c'est quelque chose d'extérieur à sa forme qui fait, ici, art"

---> Ce qui veut dire que, dans les autres cas (tout ce qui ne serait pas un rm), ce qui en fait de l'art est sa forme sensible elle-même, et que c'est quelque chose d'intérieur à sa forme qui fait, ici, art]



Ton discours est de pied en cap fondé sur les oppositions les plus classiques de l'opinion courante et de la métaphysique de la "présence", de la "pureté", de "l'origine": interne/externe, sensible/intelligible, intuition/concept, matière/forme, expérience/concept.


Je n'ai pas dit que tu t'attaquais à duchamp. Puisque dans le précédent commentaire je soulignais déjà que tu t'attaquais à une tendance généralisée (art "conceptuel") dans les musées, expos, etc, qui trouvait sa source dans les ready-mate de duchamp, devenus pratique courante dans les lieux "institutionnels" de l'art. Même si chez Duchamp ça venait inquiéter la distribution institutionnelle entre "art" et "non art", peu importe, puisque l'objet de ton "interrogation", c'est: peut-on encore parler "d'art" s'agissant d'un objet dans lequel la dimension "art" n'est pas sa forme (sensible - elle-même), mais quelque chose d'extérieur à sa forme.
Et tout ton propos consiste à rappeler constamment que le problème de "l'art conceptuel" est qu'il a substitué à l'expérience sensible de "l'objet lui-même" du conceptuel, du commentaire, en important dans le contexte de "l'art" un objet utilitaire qui n'est pas de l'art etc. C'est un problème pour toi, parce que tu penses que "l'art", c'est d'abord et essentiellement l'expérience sensible d'un objet qui a sa forme (ou finalité) esthétique en lui-même, que c'est quelque chose d'intérieur à sa forme qui fait "art".

On tourne en rond.

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Message par wootsuibrick Mar 4 Aoû 2015 - 16:53

Tu lis ma phrase à l'envers, je fais le partage que tu donnes, mais j'en conclu que c'est depuis l'extérieur de l'objet que l'art vient, vu que la forme (sensible) des ready mades et des objets hors du contexte de l'art est la même. Il n y a donc pas d'objet sensible en soi qui ferait art, mais plutôt une extériorité de l'objet, c'est-à-dire le regardeur, qui ferait oeuvre.
Mon problème ce n'est donc pas que je considère que l'objet sensible artistique existe en soi, mais que je considère que l'objet sensible sans art, existe en soi. Ce qui du point de vue de la crp est faux. On ne peut pas objectiver sans avoir prélevé dans un agrégat de sensations qui forment un phénomène, phénomène lui même n'apparaissant que par nos capacités réceptives... donc l'objet (dont on parle ici, c'est à dire un objet empirique) est une construction d'abord intuitionnée puis visualisée par l'entendement, mais n'existe pas en soi, seul hors du temps.


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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 16:53

syndic des dockers a écrit: Puisque dans le précédent commentaire je soulignais déjà que tu t'attaquais à une tendance généralisée (art "conceptuel") dans les musées, expos, etc, qui trouvait sa source dans les ready-mate de duchamp, devenus pratique courante dans les lieux "institutionnels" de l'art. Même si chez Duchamp ça venait inquiéter la distribution institutionnelle entre "art" et "non art".

On tourne en rond.

J'ai du mal à percevoir cette "tendance généralisée" dans la production artistique, et encore moins dans les "lieux institutionnels". Si on prend une expo générale(en fait une sorte de "salon")  comme "Un-Scene III" au Wiels qui présente les tendances de l'art belge (enfin pas tout à fait, plutôt bruxelloises et européennes), seuls deux des 13 artistes présentés  ont une démarche proche du Ready Made où t la contestation de cette distribution institutionnelle est directement traduite dans un procédé de production d'objets et fait l'oeuvre (Kasper Bosman et Hedwig Houben, peut-être aussi Béatrice Balcou), pour le reste on retrouve plutôt un fort cloisonnement entre disciplines,  peinture, photographie et arts appliqués avec des références lointaines de Duchamp (Hockney ou Bacon pour la peinture... de manière intéressante le Web 2.0, Google et Facebook créent un climat où une représentation du corps à la Bacon prend d'emblée une signification évidente, et une tentative de retour au Bauhaus et de contestation de l'humanisme du Corbusier pour la photo et les arts appliqués, d'ailleurs pas inintéressante non plus). Il y a clairement une forme de recul historique et philosophique vis-à-vis de courants comme Fluxus ou les Nouveaux Réalistes et aussi Duchamp.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 4 Aoû 2015 - 17:28, édité 11 fois

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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 16:54

Tony le Mort a écrit:

J'ai du mal à percevoir cette "tendance généralisée" dans la production artistique, et encore moins dans les "lieux institutionnels".

C'est Woot qui parle de cette tendance généralisée, pas moi:


[...] c'est ce que le milieu a cru avoir acquis de la "révolution" duchampienne. Ensuite ce que je ressens à l'encontre de ça ne se lit surement pas dans ce que j'écris, car je ne suis pas capable de l'organiser, de sortir d'un vague sentiment... Mais sache que mes positions habituelle sont conflictuelles, avec mes potes qui rejouent le jeu duchampien non pas à partir de ce que tu nommes une "inquiétude", mais juste selon les catégories dans lesquelles l'institution permet de rejouer ce geste... c'est à dire dans un parfait académisme.


Les quelques "potes" de Woot (avec qui ses positions sont "conflictuelles"), ils "rejouent le jeu duchampien" selon les catégories dans lesquelles l'institution permet de rejouer ce geste, c'est à dire dans un parfait académisme.
Les "potes" de Woot, c'est juste quelques mecs, dans son discours (alors quel intérêt d'en parler)? Ou bien c'est le "milieu", ce qu'il a cru avoir acquis de la "révolution" duchampienne, et ses potes rejouent ce jeu selon les catégories dans lesquelles l'institution permet de rejouer ce geste?

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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 17:08

Je ne veux pas parler à sa place et ne connaît pas le contexte de la discussion, mais la nuance qu'établit Woot entre rejouer la révolution duchapienne à partir de l "inquiétude" à laquelle elle répondait (qui est historique, liée à la crise de la première guerre mondiale et à l'épuisement de la notion d'avant-garde   - et à la "séparation" sociologique des artistes qui en est le résultat-, et éventuellement commensurable aux peurs actuelles) ou bien à partir des catégories (d'ordre esthétique, peut-être même en train de basculer dans l'iconographie, et reconnues au moins par une partie du milieu artistique et académique) qu'elle a instituées, est importante et ne permet déjà pas de parler de "tendance généralisée", étant donné qu'elle en distingue au moins deux à l'intérieur d'un retour ou d'un rapport de filiation à Duchamp.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 4 Aoû 2015 - 17:23, édité 1 fois

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Message par Borges Mar 4 Aoû 2015 - 17:23

Hi Jerzy;

je crois qu'il faudra aller très lentement dans cette discussion, parce qu'il y a des points dans ton argumentation que je ne comprends pas.  Je vais peut-être me répéter, comme toi, sans peut--être s'y plaire, mais si on peut se comprendre, ce sera de la répétition utile, comme disait l'autre.

-Oui, nous sommes d'accord, ce que je dis, c'est que pour Kant tout objet ne peut pas être l'occasion d'une expérience esthétique pure; pour Kant, il y a des objets, dans la nature, et dans l'art, pratiquement tous,  qui ne sont pas susceptibles d'un jugement esthétique pur…Il ne dépend pas du sujet de transformer tout objet en objet esthétique; c'est ce que je veux dire…On ne peut pas généraliser, transposer analogiquement, ce que dit de la beauté naturelle à l'œuvre d'art (œuvre d'un art).

-On doit éviter de confondre beauté et art : pour Kant, il n' y a pas de débat pour savoir si telle ou telle chose est ou non de l'art, il le dit clairement : une œuvre d'art, c'est ce qui a été  produit par une liberté, ce qui a été produit par un homme libre, un homme qui ne bosse pas pour de l'argent. Une œuvre d'art se définit donc par la subjectivité qui est à son origine, et non pas par la subjectivité réceptrice; c'est pourquoi un outil ne sera pas de l'art, jamais, aucune subjectivité esthétique ne pourra en faire une expérience esthétique pure; on produit des outils en vue d'une fin utilitaire, et en tant qu'ils ont été produits en vue de cette fin, ils ne pourront jamais en être séparés. La fin leur colle à la forme, et notre sensibilité n'y pourra rien, ne pourra par les en détacher.  Pour que je puisse juger esthétiquement, de manière pure, je ne dois en aucune manière savoir quelle peut la finalité objective (interne, perfection, ou externe, utilité) de la chose. Si je sais ce que doit être la chose (perfection) pour être ce qu'elle prétend être, y a pas de jugement esthétique pur, par exemple, une église, un homme… un homme sans bras, ne peut pas être beau, par exemple, idem, avec les outils (utilité) : jamais je ne pourrais dire qu'une pissotière est belle, parce que je sais qu'une pissotière a été faite pour pisser.  Kant donne même l'exemple d'un artefact déterré dont on ne sait pas immédiatement à quoi il peut servir, mais dit-il on peut toujours imaginer une fin…(Pas le courage d'aller vérifier). Bref, Pour Kant, il y a d'emblée, avant tout jugement subjectif,  des étants qui ne peuvent pas faire l'objet d'une expérience esthétique pleine…sans parler des oeuvres qui provoquent le dégoût, et font vomir (cf economimesis de Derrida).

-Ce que je comprends de ce que dit woot (il me corrigera si je me trompe), c'est qu'avec Duchamp, se produit dans le domaine de l'art, une transformation essentielle : des objets qui jusque là n'étaient pas considérés comme des œuvres d'art, du simple fait d'être choisis, élus, par un artiste, et placés dans un contexte artistique, changent de nature, deviennent des œuvres d'art. Qu'on le veuille ou non, nous vivons dans un monde où tout n'est pas de l'art, ou tout ne peut pas être de l'art, sans quoi tout le serait; toute chose, non plus, ne pouvait pas, même en possibilité, ou en puissance, être dite belle chez Kant.  Le beau comme l'art sont des espaces et des expériences de la distinction, de la différence, de la hiérarchie.  Bref, ce qui se passe avec duchamp, c'est que les conditions de possibilité d'une perception esthétique ne sont plus subjectives, elles deviennent institutionnelles. Ce sont les institutions qui construisent le cadre a priori de perception de l'objet artistique; tout ce que Kant avait tenté de mettre de côté  devient essentiel : on n'a plus affaire à une expérience désintéressée, c'est-à-dire, située hors du monde, de la société, de l'histoire…mais à une mise en évidence des conditions du voir et du sentir artistique. La question de Kant n'était pas tellement "qu'est-ce qui est beau?" que "Qui a le droit d'émettre des jugements esthétiques purs, qui a le droit de parler universellement de manière légitime en se basant sur son seul sentiment?" Sa réponse, c'est cette énigmatique subjectivité désintéressée, qui n'est la subjectivité de personne. Avec Duchamp, l'art n'est plus l'œuvre d'une liberté, ce n'est plus une opération, l'opération d'un savoir-faire, une poïésis.  Ce n'est plus le sujet qui décide de ce qui peut être considéré comme une œuvre d'art, mais l'espace d'exposition, le champ artistique, en gros, comme dirait Bourdieu. Duchamp, c'est la création d'un nouvel horizon pour la constitution du regard esthétique. On ne peut même plus parler d'esthétique, en fait, si l'esthétique est une détermination subjective des œuvres d'art. L'esthétique est dépassée, cette  approche de l'art que Heidegger fait remonter à Platon, le premier  à avoir jugé les œuvres selon l'effet qu'elles produisent sur les récepteurs, ou risquent de produire. Duchamp est inséparable du musée, ou des lieux d'exposition, qui opèrent la mise à distance, la neutralisation, qu'opérait pour kant la subjectivité désintéressée. Le musée opère l'époché, si on veut, même si on n'est pas du tout dans l'expérience sans concept, sans savoir au sens de kant…suffit de voir le film de Wiseman, national gallery, pour  se rendre compte de l'importance du discours qui vient toujours se glisser entre le spectateur et le tableau, l'œuvre, qui disparaît sous les commentaires. Mais chez Kant même, le savoir était nécessaire; ce n'est qu'en matière de fleur sauvage que l'homme sans culture et l'homme cultivé se valent, aucun des deux ne sachant la fin des fleurs, leur finalité, la finalité de la beauté que la nature met à notre disposition,  pour la simple et bonne raison, que nous ignorons tous les intentions divines. Tout le monde peut juger une tulipe sauvage, mais pas une tulipe sauvage peinte, représentée…

-La question n'est plus ontologique, platonicienne, "qu'est-ce que l'art?" mais "où et quand y a-t-il art?"  

Ce n'est pas Woot mais Kant qui veut une expérience esthétique pure, et qui tente de la saisir hors du monde, hors de l'existence mondaine, empirique, politique, sociale, dans un plaisir éprouvé par personne à l'occasion d'un truc qui n'existe pratiquement pas (cf Derrida). C'est Kant qui identifie l'expérience esthétique (sensible) à une expérience de la forme, c'est à la forme que l'on se plaît, à rien d'autre, pas à la couleur, à la matière, au contenu, qui d'ailleurs est absent dans le cas de la nature…

-Woot ne m'a jamais paru conservateur en matière d'art, il admire duchamp, dont il parlait déjà, si je me souviens bien, à l'époque du forum des Cahiers; Ferry est un kantien pur; n'oublions pas Wink
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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 17:23

Tony le Mort a écrit:Je ne veux pas parler à sa place et ne connaît pas le contexte de la discussion, mais la nuance qu'établit Woot entre rejouer la révolution duchapienne à partir de l "inquiétude" à laquelle elle répondait (qui est historique, liée à la crise de la première guerre mondiale et à l'épuisementde la notion d'avant-garde   -et à la "séparation" sociologique des artistes qui en est le résultat-, mais éventuellement commensurable aux peurs actuelles) ou bien à partir des catégories (d'ordre esthétique, peut-être même en train de basculer dans l'iconographie, et reconnues au moins par une partie du milieu artistique et académique) qu'elle a instituées, est importante et ne permet déjà pas de parler de "tendance généralisée", étant donné qu'elle en distingue au moins deux à l'intérieur d'un retour ou d'un rapport de filiation à Duchamp.

Tendance généralisée dans le milieu institutionnel de l'art. Et Woot n'a jamais parlé d'autre chose ici que de ce petit milieu, et des tendances qui y prédominent. En prenant comme exemples ses "potes" dont il critique les conceptions.

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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 17:30

Mais c'est Woot qui convoque Kant et qui essaye depuis le début de tracer une ligne claire entre "art" et "non-art", art en tant qu'expérience esthétique (au sens de sensible) et art qui aurait dégradé cette expérience dans le commentaire "conceptuel" se passant de l'objet sensible lui-même, etc!

Moi, je me demande juste: quel rapport avec Kant? Qui justement parle moins, concernant la question du "beau" (c'est woot, qui fait intervenir l'analytique du beau, là encore, mais pourquoi?), de l'objet sensible "en lui-même" que du jugement du sujet sur l'objet?



Enfin bon, je te lis (avec profit), mais je laisse tomber cette non-conversation...

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Message par Borges Mar 4 Aoû 2015 - 17:36



Duchamp :

"j’ai peur du mot “création”. Au sens social, ordinaire, du mot, la création, c’est très gentil mais, au fond, je ne crois pas à la fonction créatrice de l’artiste. C’est un homme comme un autre, voilà tout. C’est son occupation de faire certaines choses, mais le businessman fait aussi certaines choses, comprenez-vous ? Le mot “art”, en revanche, m’intéresse beaucoup. S’il vient du sanskrit, comme je l’ai entendu dire, il signifie “faire”. Or, tout le monde fait quelque chose et ceux qui font des choses sur une toile, avec un cadre, s’appellent des artistes. Autrefois, on les appelait d’un mot que je préfère : des artisans. Nous sommes tous des artisans, en vie civile, ou en vie militaire, ou en vie artistique."



Kant :

"L’art est distingué de la nature, comme le faire l’est de l’agir ou causer en général et le produit ou la conséquence de l’art se distingue en tant qu’œuvre du produit de la nature en tant qu’effet. En droit on ne devrait appeler art que la production par liberté, c’est-à-dire par un libre-arbitre, qui met la raison au fondement de ses actions (...) quand on nomme simplement une chose une œuvre d’art, pour la distinguer d’un effet naturel, on entend toujours par là une œuvre de l’homme.  L’art, comme habileté de l’homme, est aussi distinct de la science (comme pouvoir l’est de savoir), que la faculté pratique est distincte de la faculté théorique, la technique de la théorie (comme l’arpentage de la géométrie).  L’art est également distinct du métier; l’art est dit libéral, le métier est dit mercenaire. On considère le premier comme s’il ne pouvait obtenir de la finalité (réussir) qu’en tant que jeu, c’est-à-dire comme une activité en elle-même agréable; on considère le second comme un travail, c’est-à-dire comme une activité, qui est en elle-même désagréable (pénible) et qui n’est attirante que par son effet (par exemple le salaire), et qui par conséquent peut être imposée de manière contraignante.”


Dernière édition par Borges le Mar 4 Aoû 2015 - 17:43, édité 1 fois
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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 17:42

Ce qui me semble intéressant dans l'esthétique de Kant est pour moi très différent de la distinction "analytique du beau/analytique du sublime", il tient dans le fait que l'idée de contenu iconographique à la fois conditionné par une interprétation métaphorique historiquement située; et "trans-historique" pris dans son sens littéral, telle qu'elle est pensée par Warburg et Panosfsky est sans doute directement dérivée de celle de schème qui est apparemment un concept aride et fonctionnel (Ginzburg l'a bien décelé, mais Panofsky le dit à moitié dans "la Renaissance et ses Avant Courriers", quand il parle du néo-platonisme de Botticelli, de manière d'ailleurs un rien ironique et moqueuse, le comparant à la psychanalyse, cela a quelque chose d'un auto-portrait). C'est proche du mouvement de Kracauer qui rappelle que les paralogismes transcendentaux sont déjà le théâtre d'une lutte dialectique, sans doute plus réelle que celle du déploiement de l'esprit ou de la lutte pour la reconnaissance de Hegel.


Dernière édition par Tony le Mort le Mar 4 Aoû 2015 - 17:52, édité 5 fois

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Message par Borges Mar 4 Aoû 2015 - 17:45

Tony : je dois bien dire que là, la non-conversation atteint une limite qui risque de la transformer en conversation Wink
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Message par wootsuibrick Mar 4 Aoû 2015 - 17:54

retour au point de départ :

Lire Derrida au sujet du Parergon, en mai, a fait revivre le souvenir que j'ai de l'analytique du beau... là j'ai le sentiment d'être un peu plus dans mon élément naturel... mon écosystéme, on va dire... Je crois être capable (par exemple) de discuter du "sans fin" et de la différence entre perfection et beauté, sans être totalement ridicule.

Je peux par exemple me risquer à dire que le parergon le plus visible d'un ready made non aidé, est le lieu même de sa monstration (le musée, la galerie d'art, la reproduction visuelle dans un livre destiné à l'amateur d'art), et/ou la médiation textuelle, donc les possibilités de lecture offertent par une certaine histoire de l'art... Vu que l'idée d'art n'est pas dans ce cas-ci directement liée à la forme visible, une forme qui serait donnée dans l'espace à la manière d'un objet d'art fabriqué par une main d'artiste... 
Le risque ici est évidemment le statut pris par le discours, qui spécule à partir d'une absence/présence d'art dans ce qui est donné par l'expérience et le sensible, l'intuition : un objet commun, pelle, tire-bouchon etc., a priori à l'origine de sa production non destiné à l'art.

C'est surtout le Parergon qui m'a intéressé au départ.
Et il m'a semblé que le parergon d'un ready-made, c'est le musée, l'institution elle-même.
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Message par Borges Mar 4 Aoû 2015 - 18:12

Là, woot, je crois qu'il y a malentendu chez toi à propos de cette notion de par-ergon; le musée ne peut pas être le parergon d'un ready made; sans lui, il n'existerait pas. Le musée est la condition d'existence artistique du ready made. Le par-ergon, c'est ce qui est jugé classiquement, ordinairement, comme ne faisant pas partie de l'oeuvre, inessentiel, secondaire, négligeable, accidentel... C'est l'exclu du système de sens, de valeur, ce que l'on croit pouvoir mettre de côté car jugé supplémentaire, en trop; chez Derrida il remplit la même fonction, le même rôle, que l'écriture, par exemple; Derrida s'est toujours intéressé à la mise en évidence, en valeur de ces exclus du système, ni dedans ni dehors, comme le titre d'une oeuvre par exemple. Le musée n'est pas un à côté de l'oeuvre... ce que l'on peut dire c'est que l'objet ready made avant sa transformation en oeuvre d'art était un parergon de l'oeuvre d'art, le parergon du champ artistique...
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Message par wootsuibrick Mar 4 Aoû 2015 - 18:19

Par musée/institution comme parergon du ready made j'entend : une peinture hors ou dans un musée, ce qui peut la délimiter comme oeuvre, la séparer d'un papier peint par exemple... c'est son cadre. Le musée, l'institution n'est pas nécessaire pour la séparer du non-art qui est hors de sa forme visible.
Le ready made, lui, pour être séparé du non-art a besoin de l'institution... dont on ne sait pas trop si elle est dans ou hors du ready made, pour faire simple.


Dernière édition par wootsuibrick le Mar 4 Aoû 2015 - 18:25, édité 1 fois
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Message par wootsuibrick Mar 4 Aoû 2015 - 18:22

Borges a écrit:
Là, woot, je crois qu'il y a malentendu chez toi à propos de cette notion de par-ergon; le musée ne peut pas être le parergon d'un ready made; sans lui, il n'existerait pas. Le musée est la condition d'existence artistique du ready made. 
j'ai posté avant de te lire,
merci par l'éclaircissement...
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Message par Invité Mar 4 Aoû 2015 - 18:55

Juste ceci, encore. Puis basta cosi. lol

wootsuibruick a écrit:Tu lis ma phrase à l'envers, je fais le partage que tu donnes, mais j'en conclu que c'est depuis l'extérieur de l'objet que l'art vient, vu que la forme (sensible) des ready mades et des objets hors du contexte de l'art est la même. Il n y a donc pas d'objet sensible en soit qui ferait art, mais plutôt une extériorité de l'objet, c'est-à-dire le regardeur, qui ferait oeuvre. [...]

Non non.
Tu as progressivement et subrepticement changé les données de ton problème. Car ce n'est pas du tout ce que signifaient tes interventions précédentes.
Tu distinguais l'objet d'art traditionnel, défini par toi comme un objet sensible, produit par la main de l'artiste et dont la valeur "art" est interne à sa forme, bref qui est en soi un objet d'art, et un rm de Duchamp qui, je te cite, "n'est pas en soi un objet d'art" puisque c'est un objet utilitaire qui a été vidé de sa finalité et qui ne doit sa valeur "art" qu'à la décision de l'artiste de le transplanter dans le contexte institutionnel de "l'art" (musée, exposition...) où il n'avait pas sa place.
Dès lors, raisonnes-tu, si ce qui en fait "de l'art" n'est pas sa forme sensible (en elle-même), contrairement à l'objet d'art (reconnu comme tel par l'institution de "l'art) - preuve en est que d'autres objets du même type en dehors de ce contexte restent des objets non-artistiques - on peut en conclure que c'est quelque chose d'extérieur à sa forme qui fait, ici, art.


Le ready made étant souvent un objet fabriqué à l'origine dans un but utilitaire, n'étant plus à l'endroit où il aurait pu être utile, se trouve donc vidé de sa fonction, de sa finalité. Le contexte dans lequel il se trouve vidé de sa fonction étant celui de l'art, cet objet à l'origine non destiné à l'art se trouve à être présenté comme une oeuvre d'art. Et vu que les autres objets manufacturés, de même nature, à l'extérieur du contexte de l'art ne deviennent pas tous, du même coup, oeuvre d'art, il s'agit bien de ce seul objet choisit par l'artiste qui se pose comme art.
Si ce qui en fait de l'art n'est pas sa forme (sensible) elle même, vu que les autres objets du même type, ayant la même forme, en dehors du contexte de l'art restent des objets non artistique, on peut en conclure que c'est quelque chose d'extérieur à sa forme qui fait, ici, art.
[...]
L'objet utilitaire devenu ready made rend du coup lisible la structure de légitimation d'un objet d'art, car il n'est pas en-soit un objet d'art. Il rend lisible comme producteurs de "signes artistiques" le contexte de l'art et le fait qu'un discours, ou l'acte seul de le choisir, donc la seule présence d'un nom d'artiste et d'une histoire autour de l'artistique rend sa présence dans un lieu destiné à l'art possible. Le discours et le contexte qui entoure l'objet deviennent donc les principales sources de sa dimension artistique.

Tu gardes donc bien, comme mesure ou étalon de cet objet qu'est le rm, la définition "institutionnelle" de l'objet d'art (qui est "en soi" un art, ou encore "ce qui en fait de l'art est sa forme [sensible] elle-même"), puisque c'est bien depuis cet étalon ou mesure que tu déduis que ce qui fait "art" dans le cas du rm "n'est pas en soi de l'art" et "est bien quelque chose d'extérieur à sa forme [sensible] elle-même".

Ton raisonnement est parfaitement circulaire, puisqu'il suppose que "l'objet d'art" continue bel et bien à être défini, comme mesure à partir duquel doit se comprendre ce qui fait "art" dans le rm, comme intérieur à sa forme sensible elle-même: c'est ta base pour définir l'art, et elle n'est nullement inquiétée ou remise en question par ta définition de cet objet qu'est le rm, qui finalement la confirme en étant simplement son opposé (un objet dans lequel ce qui fait "art" est extérieur à sa forme): si "l'objet d'art" est "d'art" parce qu'il l'est "en soi" (intérieur à sa forme [sensible] elle-même), alors ce qui fait "art" dans le rm - qui "n'est pas en soi un objet d'art", est "extérieur à sa forme". Et réciproquement, peut-on dire, puisque l'un se définit simplement comme l'opposé de l'autre.

Tu dis maintenant que je t'ai lu à l'envers: que tu fais le partage que je donne, mais pour en conclure à présent que c'est depuis l'extérieur de l'objet que l'art vient, qu'il soit rm ou non! Tu essaies de rétro-pédaler en m'expliquant à présent que je n'avais pas compris: que tout ton raisonnement visait à établir qu'"il n'y a donc pas d'objet sensible en soi qui ferait art; que ce qui fait "art" dans tous les cas est une extériorité de l'objet; que c'est le regardeur qui fait oeuvre".  

Mais ce n'est pas ce que tu disais auparavant: auparavant, tu dégageais la teneur en "art" du rm précisément en l'opposant à une définition de "l'objet d'art" dans laquelle, à l'inverse, "ce qui fait 'art' est sa forme (sensible) elle-même" !

Et c'est bien ce qui te posait problème, dans les termes mêmes où tu commentes, en donnant pour exemple certains de tes amis qui sont dans l'art contemporain, l'appauvrissement que représente "l'art conceptuel" dans le milieu institutionnalisé de l'art.
Tu présentes cette tendance comme un appauvrissement, voire une annulation, du geste inaugural de Duchamp, mais ce geste, tu n'as fait au fond que le définir dans ce jeu d'oppositions circulaire entre un objet où l'art est intérieur à sa forme sensible elle-même et un objet où l'art est extérieur à sa forme sensible elle-même. Dans le deuxième cas, la conception nouvelle de "l'objet d'art" représentée par le rm de Duchamp, a bel et bien "engendré" à te lire ce que tu dénonces comme la réduction de "l'art" à "l'artiste et l'institution", et on ne voit pas bien - en suivant ta description du rm de Duchamp - en quoi ce qu'ont fini par en faire tes quelques amis artistes est fondamentalement différent de la substitution, à l'objet d'art, d'un discours et du contexte entourant ce discours, substitution à l'origine de laquelle tu places peu ou prou Duchamp:


L'objet utilitaire devenu ready made rend du coup lisible la structure de légitimation d'un objet d'art, car il n'est pas en-soit un objet d'art. Il rend lisible comme producteurs de "signes artistiques" le contexte de l'art et le fait qu'un discours, ou l'acte seul de le choisir, donc la seule présence d'un nom d'artiste et d'une histoire autour de l'artistique rend sa présence dans un lieu destiné à l'art possible. Le discours et le contexte qui entoure l'objet deviennent donc les principales sources de sa dimension artistique.

Et cette substitution, à "l'objet d'art", d'un objet "qui n'est pas en soi de l'art" mais qui ne fait "art" que par le discours et le concept devenus les "principales sources de sa dimension artistiques", tu fais mine à présent de considérer que ça t'engage à soutenir qu'"il n y a donc pas d'objet sensible en soit qui ferait art", alors que tu soutenais juste le contraire: en opposant le rm ("qui n'est pas en soi de l'art", où "ce qui fait art est extérieur à sa forme") à l'objet d'art où "ce qui fait 'art' est sa forme (sensible) elle-même".

Ce que tu semble déplorer puisque tu déplores bel et bien la stérilité institutionnelle de "l'art conceptuel" qui selon toi résulte de ce renversement (" On a fini par appeler la tendance de l'art qu'a engendré Duchamp, via le ready made, l'art conceptuel"] ; puisque tu te demandes avec scepticisme que peut bien vouloir dire un "art" ayant "soi-disant" opéré une "mise à distance de ce qu'on appelle esthétique", ce que peut bien vouloir dire "l'art" "s'il n'existe plus d'abord dans l'esthétique mais dans l'idée, ['s'il] est plus producteur de concepts que de percepts"...
Cela, tu le déplores bel et bien, puisque tu as une "position conflictuelle" par rapport à la "croyance de certains de mes amis du milieu de l'art contemporain" (et à leur pratique "qui te fait bien rire"):

On a fini par appeler la tendance de l'art qu'a engendré Duchamp, via le ready made, l'art conceptuel.
Qu'est ce que ça veut dire art conceptuel?
Conceptuel comme vous dites vous les philosophes, c'est votre affaire.
Mais les Kosuth et consort, ont jugé eux que dans leur art se jouait plus des idées, des concepts... que des formes sensibles. Donc soit-disant une mise à distance dans la forme de leurs productions artistiques de ce qu'on appelle l'esthétique, c'est à dire la stimulation produite par des formes sensibles.
Ainsi... si l'art n'existe plus d'abord dans l'esthétique mais dans l'idée, qu'il est plus producteur de concepts que de percepts... qu'est ce que ça veut dire ?
Que dans le champ même de l'art le discours peut se passer de la forme (sensible) ?
D'où la croyance de certains de mes amis du milieu de l'art contemporain au fait que le discours seul peut suffire, ou même que la forme de l'institution seule peut suffire. En gros l'objet d'art comme forme (sensible) ne serait pas nécessaire à l'art, mais juste contingent... Le statut des objets qu'ils produisent ne serait dés lors plus de nature esthétique, mais juste de la documentation servant de base à un discours .


Il y a tout simplement ici une énorme contradiction, que tu escamotes:

comment, d'un côté, tu peux dénoncer l'impasse dans laquelle s'est installée la tendance de l'art (conceptuel) qu'a engendré Duchamp, cette croyance de certains de tes amis, qui te fait bien rire, "au fait que le discours seul peut suffire ou que la forme de l'institution seule peut suffire", et qui aboutit à une "production d'objets" qui n'est plus "dès lors de nature esthétique, mais juste de la documentation servant de base à un discours", et, de l'autre, soutenir à présent comme un acquis positif que "c'est depuis l'extérieur que l'art vient" (ce que le rm a permis de comprendre) et qu'"il n'y a donc pas d'objet sensible en soit qui ferait art"?

je fais le partage que tu donnes, mais j'en conclu que c'est depuis l'extérieur de l'objet que l'art vient, vu que la forme (sensible) des ready mades et des objets hors du contexte de l'art est la même. Il n y a donc pas d'objet sensible en soit qui ferait art, mais plutôt une extériorité de l'objet, c'est-à-dire le regardeur, qui ferait oeuvre.

Tu as bel et bien subrepticement changé les données de ton problème en faisant à présent passer comme un acquis positif ce que tu n'as cessé de présenter comme un effet déplorable.








wootsuibrick a écrit:[...]
[...] Mon problème ce n'est donc pas que je considére que l'objet sensible artistique existe en soit, mais que je considére que l'objet sensible sans art, existe en soit. Ce qui du point de vue de la crp est faux. On ne peut pas objectiver sans avoir prélevé dans un agrégat de sensations qui forment un phénomène, phénomène lui même n'apparaissant que par nos capacités réceptives... donc l'objet (dont on parle ici, c'est à dire un objet empirique) est une construction d'abord intuitionnée puis visualisée par l'entendement, mais n'existe pas en soit, seule hors du temps.



Donc:

- Du point de vue de la CRP, l'objet sensible n'existe pas en soi? Vraiment?

-Le phénomène n'apparaît que par nos "capacités réceptives": ?

( La réceptivité, ce n'est pas une "capacité", c'est simplement l'opération passive de percevoir des objets par les sens dans l'espace et le temps. Le phénomène, c'est le sens même du mot, c'est ce qui apparaît. Apparaître = être perçu. Dire "il n'apparaît que par nos capacités réceptives", cela voudrait-il dire que si nous le percevions pas, il n'existerait pas? Je crains que oui, sous ta plume, puisque tu écris que chez Kant l'objet sensible n'existe pas en soi, pas plus que l'objet empirique... La chose en soi et le phénomène ne sont pas deux choses différentes: le phénomène, c'est ce que nous percevons de la chose en soi, et nous ne percevons que spatio-temporellement. Un tronc d'arbre que je perçois est une chose en soi, simplement cette chose en soi (= qui existe indépendamment de moi, à ne pas confondre avec "noumène" - je n'y reviens plus) n'apparaît pas à mes sens intégralement sous toutes ses dimensions à la fois (avant et arrière, dessus et dessous, intérieur et extérieur, etc), cad hors de l'espace et du temps qui sont les formes de la perception, même s'il existe comme chose en soi en dehors de ces formes.)

- L'objet empirique est une construction d'abord intuitionnée?

(Un objet empirique intuitionné, au sens de K, c'est un objet reçu par nos sens (ou: dont nous faisons l'expérience par les sens qui lui donnent une forme perceptible. Ce sont les formes de la perception, espace et temps, qui donnent au phénomène sa forme de phénomène, et non un "agrégat de sensations" [relatif à une matière brute non informée] qui à te lire "forment un phénomène".
L'objet empirique est donc intuitionné par la sensibilité réceptrice avant d'être "construit" (cad synthétisé) par les catégories de l'entendement. C'est la "construction" de l'objet empirique, pas "l'objet empirique intuitionné", qui "n'existe pas en soi comme objet empirique".  ---> Intuitionner un objet empirique qui n'existe pas en soi, seul hors du temps?? C'est justement parce qu'il existe en soi, hors du temps, qu'il peut être intuitionné (empiriquement perçu) dans le temps. C'est sa permanence de chose existant hors de moi, et donc des formes de la sensibilité, qui est la condition chez K. de la détermination du temps lui-même.)




Spoiler:


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Message par Borges Mar 4 Aoû 2015 - 18:58

wootsuibrick a écrit:Par musée/institution comme parergon du ready made j'entend : une peinture hors ou dans un musée, ce qui peut la délimiter comme oeuvre, la séparer d'un papier peint par exemple... c'est son cadre. Le musée, l'institution n'est pas nécessaire pour la séparer du non-art qui est hors de sa forme visible.
Le ready made, lui, pour être séparé du non-art a besoin de l'institution... dont on ne sait pas trop si elle est dans ou hors du ready made, pour faire simple.

Comme je disais,  Derrida ne prend pas à son compte le partage oeuvre/non-oeuvre, ergon/parergon, il tente de le penser, de le déconstruire; derrida s'est toujours intéressé à ces gestes de partage, d'exclusion... par exemple, l'exclusion de l'écriture (par Platon et toute la tradition métaphysique...). Ce qui l'intéresse, c'est le statut "indécidable" de certaines choses, de certaines concepts : ni ceci ni cela : le pharmakon à la fois remède et poison, le parergon à la fois dedans et dehors, l'écriture pour rousseau à la fois nécessaire et dangereuse... Un cadre à lui seul ne pourrait jamais séparer le tableau de son contexte, ou  s'il peut le séparer, il ne peut pas le constituer en oeuvre d'art; le vrai cadre, ce sont les cadres de la perception qui nous commandent de le voir en tant qu'oeuvre d'art, en tant que peinture... Le cadre matériel, c'est une limite empirique, et elle existe pour chaque chose, toute chose a un bord qui la sépare du reste, c'est sa forme; sans dé-limitation, pas d'existence (cf les analyse du concept de limite, péras, par Heidegger).  Il ne suffit pas de tracer une limite pour opérer un partage de valeur, tu constitues l'objet dans son individualité, mais pas dans dans sa valeur, dans son statut, dans son être-tel...Le problème du parergon, dans le cas du cadre, c'est : "Est-ce que le cadre fait partie ou pas de l'oeuvre?" C'est une variation de la question générale de l'essence, de l'être.
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Message par wootsuibrick Mer 5 Aoû 2015 - 3:20

syndic des dockers a écrit:Juste ceci, encore. Puis basta cosi. lol
" est une construction d'abord intuitionnée puis visualisée par l'entendement, mais n'existe pas en soi, seule hors du temps."

je suis d'accord pour ce qui est de l'emploi approximatif,
et ma phrase est très mal construite,
mais ta conclusion est rapide (lapidaire), 
c'est la construction (qui fait la lisibilité de l'objet comme appartenant au monde des activités humaines) qui dans ma phrase n'existe pas en soi, hors du temps,
cette construction c'est l'objet pelle, ou l'objet urinoir, ou la voiture, c'est pas la voiture en soi hors du fait qu'elle est un moyen de transport pour nous.
Puis j'aurais tendance à faire une distinction objet/chose. L'objet comme étant ce qui est lisible, la chose ce qui l'est pas. 

donc oui arrêtons cette discussion vu que je vois que ton seul objectif, tout en précisant le vocabulaire avec légitimité, et en dénonçant la confusion... est d'aller encore plus loin en concluant d'un contresens dont il n'est juste pas question dans le texte.
évidemment mon emploi de "capacité réceptive" dit juste, le fait que nos sens sans qu'on ait à les mettre en action sont des capacités... un sourd dans cette approximation n'est pas capable d'entendre, alors qu'il faudrait dire qu'il ne peut pas entendre.


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Message par Invité Mer 5 Aoû 2015 - 3:38

Edité, hélas, une dernière fois, avec ajout tartinesque conséquent. Et c'est bel et bien assez, en ce qui me concerne.

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Message par wootsuibrick Mer 5 Aoû 2015 - 4:16

syndic des dockers a écrit:
Ce que tu semble déplorer puisque tu déplores bel et bien la stérilité institutionnelle de "l'art conceptuel" qui selon toi résulte de ce renversement (" On a fini par appeler la tendance de l'art qu'a engendré Duchamp, via le ready made, l'art conceptuel"] ; puisque tu te demandes avec scepticisme que peut bien vouloir dire un "art" ayant "soi-disant" opéré une "mise à distance de ce qu'on appelle esthétique", ce que peut bien vouloir dire "l'art" "s'il n'existe plus d'abord dans l'esthétique mais dans l'idée, ['s'il] est plus producteur de concepts que de percepts"...
Cela, tu le déplores bel et bien, puisque tu as une "position conflictuelle" par rapport à la "croyance de certains de mes amis du milieu de l'art contemporain" (et à leur pratique "qui te fait bien rire"):
Cette pratique me fait rire parcequ'elle ne met plus rien en crise, qu'elle est juste mondanité... elle devrait prétendre à la philosophie ou à la sociologie, mais elle n'ose pas franchir le pas. Ou alors elle devrait faire du lieu de l'exposition, ou de l'institution une pièce de théâtre (ce qu'a tenté une amie)... voire comme fluxus se contenter de la vie (ce qui était faux). 

J'ai eu un échange avec une chercheuse en art qui parlait d'art transgénique, avec une histoire de souris luminescente fabriquée en labo.
Cette souris est morte assez vite et n'a pas pu être exposée comme oeuvre d'art, ce qui a fait conclure que l'oeuvre était ce qui en restait... c'est à dire la presse, les reproductions de son image dans les journaux, toute production tournant autour de cette histoire. 
J'aurais tendance à penser que c'est aussi et surtout la parole de l'artiste elle-même qui fait oeuvre ici. Elle cadre tout acte reproduisant l'image de cette souris morte, et fait autorité dans ce sens, vu que des chercheurs en art, l'académie l'approuve en la relayant. Mais elle la relaie tout en ne voyant pas en quoi elle fait elle-même, cette parole, le cadre de lecture, car la presse, le flux médiatique autour de la souris ne s'est au départ pas spontanément présenté en lui-même comme participant à la vie de l'oeuvre elle même...
Dans le même genre, mais en plus radical, à La Réunion, un artiste aurait plusieurs fois appelé la préfecture pour revendiquer les éruptions volcaniques.


Dernière édition par wootsuibrick le Mer 5 Aoû 2015 - 6:22, édité 1 fois
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Message par wootsuibrick Mer 5 Aoû 2015 - 6:01

wootsuibrick a écrit:
syndic des dockers a écrit:
Tu dis maintenant que je t'ai lu à l'envers: que tu fais le partage que je donne, mais pour en conclure à présent que c'est depuis l'extérieur de l'objet que l'art vient, qu'il soit rm ou non! Tu essaies de rétro-pédaler en m'expliquant à présent que je n'avais pas compris: que tout ton raisonnement visait à établir qu'"il n'y a donc pas d'objet sensible en soi qui ferait art; que ce qui fait "art" dans tous les cas est une extériorité de l'objet; que c'est le regardeur qui fait oeuvre".  

Mais ce n'est pas ce que tu disais auparavant: auparavant, tu dégageais la teneur en "art" du rm précisément en l'opposant à une définition de "l'objet d'art" dans laquelle, à l'inverse, "ce qui fait 'art' est sa forme (sensible) elle-même" !

Et c'est bien ce qui te posait problème, dans les termes mêmes où tu commentes, en donnant pour exemple certains de tes amis qui sont dans l'art contemporain, l'appauvrissement que représente "l'art conceptuel" dans le milieu institutionnalisé de l'art.
Tu présentes cette tendance comme un appauvrissement, voire une annulation, du geste inaugural de Duchamp, mais ce geste, tu n'as fait au fond que le définir dans ce jeu d'oppositions circulaire entre un objet où l'art est intérieur à sa forme sensible elle-même et un objet où l'art est extérieur à sa forme sensible elle-même. Dans le deuxième cas, la conception nouvelle de l'objet d'art" représentée par le rm de Duchamp, a bel et bien "engendré" à te lire ce que tu dénonces comme la réduction de "l'art" à "l'artiste et l'institution", et on ne voit pas bien - en suivant ta description du rm de Duchamp - en quoi ce qu'ont fini par en faire tes quelques amis artistes est fondamentalement différent de la substitution, à l'objet d'art, d'un discours et du contexte entourant ce discours:

d'accord,
je dois expliciter le fait que vu que ce qui fait l'objet d'art chez duchamp est extérieur à la forme sensible, ce que j'oppose à la définition (croyance) d'avant cette révolution (les objets d'art non rm)... l'essence de l'art n'est pas dans la forme sensible, sinon cette exception qu'est le ready made ne serait pas possible.
c'est une exception qui déplace les croyances en rendant possible une perception de l'oeuvre moins naïve.

Ce que j'arrive à reconstruire à partir de tes corrections, 
c'est que :
Mon erreur a été de parler d'extériorité et d'intériorité, de l'oeuvre en soi et du non oeuvre en soi,
dichotomie qui rend la lecture facile, mais fausse. 
Vu qu'il y a ready made, il y a objet sensible. Sans la forme sensible comme point de départ, on se serait juste contenté d'une histoire parlant de ready made; la mise en crise de la notion d'art par Duchamp vient bien du fait qu'il y a d'abord objet sensible. Le paradoxe c'est que cet objet sensible n'est pas lisible à partir des catégories traditionnelles (à l'époque ou naissent les ready made de Duchamp), comme étant de l'art.
Avant l'existence du ready made (avant son entrée dans le monde de l'art), sur sa forme même, ce n'était absolument pas le ready made, pourtant cette forme même est bien présente dans l'espace du musée, et sans elle il n y aurait qu'une histoire extérieure à la réalité du monde de l'art. Monde de l'art qui est d'abord un monde d'objets sensibles, esthétiques. 
Ainsi, à partir du moment ou cet objet sensible est rentré dans le musée, qu'on ne s'est pas contenté d'un texte à son sujet, qu'est ce qui se passe?
L'objet a été choisit, retiré du monde extérieur à l'institution de l'art, il a été retiré du monde auquel il était au départ destiné. Il l'a été en tant qu'objet unique, signé par un artiste. Son existence dans un musée est une expérience possible, elle crée son aura d'objet unique, c'est un volume posé sur un socle. 

Que dit cet objet unique qui contredirait mon partage dichotomique ?

Il dit que la forme sensible de l'objet ready made est là, en soi, mais que vu que cette forme est la même que celle d'objets non investit de l'aura de ce ready made là, il se passe quelque chose qui ne peut pas se contenter de la forme sensible elle même, ce, bien que cette forme sensible resiste à une réduction à un pur signe institutionnel (comme la chose résiste à une réduction à un objet de représentation).
C'est là ce qui fait que l'idée d'objet d'art, ici, a affaire à l'idée de non objet d'art ; ce qui résiste est une forme sensible qui existe tel quel en dehors de l'institution. 
Il y a tension entre ces deux idées. Le ready made n'est pas une représentation d'un objet utilitaire, il est l'objet utilitaire tout en ne l'étant pas, car l'institution (dans sa lecture la plus commune) le pose comme objet appartenant à un monde du non utilitaire. 
Lorsque l'inquiétude s'évapore, il n'est donc pas l'objet non utilitaire non pas parcequ'il ne l'est plus, c'est plus radical, il ne l'est pas par définition, décret. On pourrait presque dire que c'est bien alors (lorsque l'inquiétude s'évapore) un objet de représentation, mais que ce qui se représente sur lui est l'institution elle-même. Comme pour le 4'33 de John Cage, ce que produit la lecture du ready made, c'est alors une ouverture explicite... le lieu de la (re)présentation devient lui même (re)présentation, le spectateur/regardeur devient producteur de l'oeuvre. Le point de départ de la lecture bien qu'étant toujours l'espace destiné à la forme de l'oeuvre comme oeuvre sensible (la scène où sont installés les musiciens, le socle et l'objet posé dessus), la lecture se fait aussi en prenant en compte (comme signe de l'oeuvre) ce qui entoure ce point de départ, ce qui rend le fait que l'oeuvre ait lieu possible... c'est à dire la salle de concert entière en elle-même, l'activité (sonore) qui s'y produit malgré le fait qu'aucun musicien ne joue, et du côté du ready made, le musée, l'institution elle-même.
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Message par Borges Mer 5 Aoû 2015 - 11:37

Triste spectacle et stérile,  une fois de plus; à moins que ces vaines discussions ne vous conduisent à lire ou relire, avec autant de passion que vous mettez à vous auto-expliquer, alors qu'il faudrait plutôt s'expliquer (avec) les textes,  les auteurs dont vous causez...

"objet sensible" : sensible peut avoir deux sens : objet des sens, de la sensation (première critique) ou objet de la sensibilité (troisième critique), plaisir, etc.

Dites vous une chose, aucun de nous ne peut décider qu'un objet est une oeuvre d'art ou pas une oeuvre d'art; c'est un performatif qui nécessite un certain pouvoir, une certaine légitimité conférée par un champ artistique. Je peux décider que mon bureau est une oeuvre d'art, dans mon coin,  mais ce serait, analogiquement à la 3è critique, un simple jugement d’agrément (cette soupe est bonne), un truc privé. Ce qui ne serait pas du tout le cas, si cela venait d'une "autorité" du monde de l'art.  

La faculté de juger dont cause Kant dans sa troisième critique est un pouvoir, une puissance, une force... Urteils-kraft;  il serait bien plus intéressant de se demander ce que cela signifie et de poser la question : qui a le pouvoir de juger qu'un objet est une oeuvre d'art de nos jours, ce qui n'est pas la même chose que de déclarer une fleure sauvage belle. Kant s'était posé la question des fondements de la légitimité d'un jugement esthétique pur nécessaire et à prétention universel. Autrement dit : "qui a le droit de dire " ceci est beau et pas ceci", sans que ce jugement ne soit une simple affaire personnelle?"

Nous venons toujours au monde dans un monde où certains objets sont constitués pour nous, par d'autres (artistes, critiques, collectionneurs, responsables d'expositions, directeurs de musée, discours juridiques...) comme étant des objets artistiques. A partir de là, il y a discussions : "c'est pas de l'art", "c'est de l'art", "c'est moche," " ah moi je trouve pas", "mon fils de deux ans, il fait aussi bien"

Nos discussions n'ont plus rien à avoir avec l'esthétique kantienne (le plaisir comme critère du beau). Devant un tableau, personne n'oserait encore dire "c'est beau", de peur d'avoir l'air con, sans éducation, sans culture...surtout si on en manque réellement; y a que les amateurs de cinéma qui osent encore des "c'est jouissif"...ou "c'est un film d'une beauté formelle à couper le souffle", "sublime plus que sublime"...

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Message par molécule Mer 5 Aoû 2015 - 12:11

Borges a écrit:
Triste spectacle et stérile,  une fois de plus; à moins que ces vaines discussions ne vous conduisent à lire ou relire, avec autant de passion que vous mettez à vous auto-expliquer, alors qu'il faudrait plutôt s'expliquer (avec) les textes,  les auteurs dont vous causez...

"objet sensible" : sensible peut avoir deux sens : objet des sens, de la sensation (première critique) ou objet de la sensibilité (troisième critique), plaisir, etc.

Dites vous une chose, aucun de nous ne peut décider qu'un objet est une oeuvre d'art ou pas une oeuvre d'art; c'est un performatif qui nécessite un certain pouvoir, une certaine légitimité conférée par un champ artistique. Je peux décider que mon bureau est une oeuvre d'art, dans mon coin,  mais ce serait, analogiquement à la 3è critique, un simple jugement d’agrément (cette soupe est bonne), un truc privé. Ce qui ne serait pas du tout le cas, si cela venait d'une "autorité" du monde de l'art.  

La faculté de juger dont cause Kant dans sa troisième critique est un pouvoir, une puissance, une force... Urteils-kraft;  il serait bien plus intéressant de se demander ce que cela signifie et de poser la question : qui a le pouvoir de juger qu'un objet est une oeuvre d'art de nos jours, ce qui n'est pas la même chose que de déclarer une fleure sauvage belle. Kant s'était posé la question des fondements de la légitimité d'un jugement esthétique pur nécessaire et à prétention universel. Autrement dit : "qui a le droit de dire " ceci est beau et pas ceci", sans que ce jugement ne soit une simple affaire personnelle?"

Nous venons toujours au monde dans un monde où certains objets sont constitués pour nous, par d'autres (artistes, critiques, collectionneurs, responsables d'expositions, directeurs de musée, discours juridiques...) comme étant des objets artistiques. A partir de là, il y a discussions : "c'est pas de l'art", "c'est de l'art", "c'est moche," " ah moi je trouve pas", "mon fils de deux ans, il fait aussi bien"

Nos discussions n'ont plus rien à avoir avec l'esthétique kantienne (le plaisir comme critère du beau). Devant un tableau, personne n'oserait encore dire "c'est beau", de peur d'avoir l'air con, sans éducation, sans culture...surtout si on en manque réellement; y a que les amateurs de cinéma qui osent encore des "c'est jouissif"...ou "c'est un film d'une beauté formelle à couper le souffle", "sublime plus que sublime"...

Bonjour,

j'essaie de suivre cette discussion très compliquée, avec arguments et contre-arguments, justifications et contre-attaques, arguties millimétriques, et bien sûr je n'ai jamais rien compris à Kant et je ne crois pas tout comprendre tout ici.

Il me semble quand même que ce dernier post rejoint l'interrogation première de Wootsuibrick, qui avait surtout trait aux relations du monde de l'art (plastique) à prétention subversive et de l'institution toujours un peu conservatrice. Comme si les artistes (plastiques - ou en plastique, comme vous voulez) ne parvenait plus à subvertir le système qu'en le reproduisant strictement au même. Ce qui peut faire rire, mais jaune, sauf à se croire supérieur à ces artistes - ou à leur être réellement supérieur et à avoir trouvé le moyen d'une subversion effective.

Ce serait aussi une bonne question pour le cinéma.

Mais alors c'est moins une question métaphysique que politique. Et si elle doit reconduire à la métaphysique, je suppose qu'il y faut un certain travail d'élaboration et d'articulation.

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Message par wootsuibrick Jeu 6 Aoû 2015 - 4:50

Borges a écrit:


"objet sensible" : sensible peut avoir deux sens : objet des sens, de la sensation (première critique) ou objet de la sensibilité (troisième critique), plaisir, etc.

Dites vous une chose, aucun de nous ne peut décider qu'un objet est une oeuvre d'art ou pas une oeuvre d'art; c'est un performatif qui nécessite un certain pouvoir, une certaine légitimité conférée par un champ artistique. Je peux décider que mon bureau est une oeuvre d'art, dans mon coin,  mais ce serait, analogiquement à la 3è critique, un simple jugement d’agrément (cette soupe est bonne), un truc privé. Ce qui ne serait pas du tout le cas, si cela venait d'une "autorité" du monde de l'art.  
Je parle évidemment du rm de Duchamp à partir de son statut déjà constitué d'objet d'art. Mais je rediscute de sa vie d'objet (sensible et conceptuel)... Il est évident que c'est un objet des sens, le ready made choisit par duchamp existe comme volume posé, ou non, sur un socle (un fétiche, comme on a tendance à le dire? ou un document?), on ne peut pas se contenter de le penser comme un concept, un objet juste intellectuel, bien que ce soit aux yeux de l'histoire de l'art une de ses principales valeurs... et il remet en jeu la notion de plaisir lié traditionnellement à l'art (de son époque). Duchamp choisit des objets éloignés des canons de beauté pour faire ses rm : pelles, urinoirs, portes-chapeaux, housse de machine à écrire... Evidemment au vu de leur aura, due au cadre institutionnel, ce ne sont pas des objets dont on puisse dire qu'ils sont d'agrément, et ce, bien qu'a contrario face à un porte-chapeaux identique au rm (en terme d'objet sensible, dans le sens de la crp... même si on peut chipoter et dire que vu la différence de contexte, l'objet n'est pas, même sur le plan sensible, donné d'une manière identique) dans le couloir d'amis qui nous ont invité à boire une tasse de thé, se faire plaisir en repensant à Duchamp, c'est un jugement d'agrément...
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Message par Invité Jeu 6 Aoû 2015 - 9:56

J'ai un jour vu une oeuvre qui m'a rappelé l'urinoir de Duchamp, de l'artiste suédois Jacob Dahlgren, au musée d'art moderne d'Helsinki, le Kiasma.

Il s'agît d'un écran où sont projetés selon une alternance très rapide des motifs lumineux à rayures horizontales, très lumineux, le silence et le fond blanc pale désamorce l'aspect visuellement agressif de l'enchaînement d'images. Cela fait penser à un croisement entre les films de Stan Brackhage pour  l'impresssion de foisonnement à la fois organique et saccadé, la fragmentation du regard à partir d'un seul point de vue et Rothko pour la lumière. On s'attendrait au fauit que l'artiste donne une expliciation "matérielle" de son oeuvre, parle de rapport à la lumière, à l'espace (j'avais ainsi un prof de philo qui comparait le noir et la matérialité de Soulages à l'inconditionné kantien, Soulages "kantien" était le seul artiste véritable car il n'avait jamais eu de phase figurative, son point de vue était intéressant mais limité: aucune autre oeuvre d'art n'était légitime, la caution de Kant, à ce qui relève à la fois d'un absolu extérieur aux choses et d'une condition avec laquelle elles sont en rapport permanent , lui permettait de penser un art  non exposé au risque de mourir mais achevé,  ne consistant qu'en une seule oeuvre possible, sans même de possiblité d'une école), mais Dahlgren indique qu'il s'agît juste de la recréation des motifs de sa collection de t-shirts.
Il avait fait également un film (vidéo) visible quelques couloirs plus loin où il filmait les visiteurs du musée, en général agés et bourgeois, dans les couloirs du musée, attendant une directive incomplète et se mouvant quand-même dans l'espace, à la fois désoeuvrés et préoccupés. Le discours "pauvre" mais fétichiste de Dahlgren permettait de transformer le motif abstrait et physique en sous-perfomance à la lisière de l'art, de la mode et de la sociologie à la Vanessa Beecroft.
On ne savait dès lors plus si l'on était en face d'une oeuvre ou de la critique de cette oeuvre. Il y avait aussi une idée intéressante, qui faisait de la critique un moment d'une oeuvre, empêchant son achèvement, et permettait d'opposer ainsi critique et déconstruction. Chez Kant il y a je crois  cette idée de thématiser le phénomène pour l'opposer à ce qui est déjà une démarche de déconstruction: peut-on déconstruire ce qui est énoncé comme un canon (et plus tard  comme une tâche inachevable mais située historiquement par la science par Husserl - dans un article d'ailleurs traduit par Derrida), à côté de la critique? En effet ce type d'oeuvres rejoint une lecture possible de Kant où la finitude ne peut pas être en même temps présupposée par l'homme et "posée" par le transcendantal.

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Maintenant il copie un peu dans l'idée dup lat de moule et la fausse mégalomanie qui vise à la fois l'institution et l'auto-fiction de Broodthaers.

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