arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
Serge Tisseron écrit :
" l'aide que nous apporte les oeuvres dans la compréhension de nous-mêmes n'est pas explicative, elle est d'abord interpellative ! ".
Jean Louis Schefer : "
- Tu vas souvent au cinéma ?
- Je vais souvent dans le temps lui même : le cinéma est la seule expérience dans laquelle le temps m'est donné comme une perception. si ce que je retiens d'un film est improbable, soumis au caprice incessant de mon imagination, je suis peut-être sûr d'aller au cinéma comme à cause de ce temps nouveau dont je pourrais jouir. J'y vais donc souvent.
- Mais à ce film ou à tel autre que perçois-tu, que retiens-tu ?
- A travers des scénarios, des images QUI CAPTENT PLUS OU MOINS VITE UNE VIOLENCE DES SENTIMENTS AUTREMENT SANS DESTINATION? nous assistons certainement au spectacle encore incompréhensible de " l'homme visible ". Un homme dont l'âme, l'esprit, la pensée ne sont faits que des actions qu'il montre, en qui des conduites sont greffées comme des organes.
- Et l'homme ordinaire du cinéma ?
- C'est chacun de nous sans doute : celui dont les objets de plaisir deviennent des objets de savoir, non l'inverse. C'est un spectateur.
- Enfin, pourquoi vas-tu au cinéma ?
- Je ne sais pas ! Ou plutôt, j'ai cru comprendre ceci : je vais voir ce monde et ce temps qui ont regardé notre enfance.
Roland Bartthes :
Et celui ou cela qui est photographié, c'est la cible, le référent, sorte de petit simulacre, le spcectrum qui ajoute cette chose un peu terrible qu'il y a dans doute photographie : le retour du mort.
Est-ce conciliable ?
Invité- Invité
Re: arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
"je vais voir ce monde et ce temps qui ont regardé notre enfance. " Il dit aussi quelque chose comme : « le cinéma est la mémoire du temps que nous n’avons pas vécu"; le monde et le temps qui ont regardé notre enfance sans que nous les regardions au moment où ils nous regardaient... ce serait comme la mémoire de choses que nous n'avons pas regardées, vues, vécues...la mémoire de l'immémorial; c'est un peu la demande à la mère des enfants dans "tree of life" : "raconte nous une histoire d'avant notre naissance"; c'est ce que fait malick, raconter une histoire d'avant notre naissance, avant même la naissance de l'univers... ou quelque chose comme ça...qu'y avait-il avant le temps, avant l'espace... avant le monde...?
Dieu demande à Job : où étais-tu...? c'est peut-être ce que nous demande le cinéma; là on irait vers Cavell...le cinéma, c'est le monde sans nous...
(plus biographiquement, c'est avec la musique que j'ai ce sentiment; je suis très touché par les disques que les ados de mon enfance écoutaient, et que je n'écoutais pas...les gosses qui avaient quelques années de plus que moi... souvent en écoutant ces disques c'est comme si je vivais dans cette musique des choses que je n'ai pas vécues, vraiment... des disques qui ont écouté mon enfance...)
sinon, ce que dit JLS est très proustien (l'idée du traumatisme, de la peur, du meurtre en plus) l'art nous donne, redonne, ce que nous avons vécu sans l'avoir vécu...la trace est originaire, dirait un autre...nous ne vivons que ce que nous revivons sans l'avoir vécu...
Borges- Messages : 6044
Re: arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
Deleuze écrit :
[...] "comme le montrait Bergon, le souvenir n'est pas une image actuelle qui se formerait après l'objet perçu, mais l'image virtuelle qui coexiste avec la perception actuelle de l'objet. Le souvenir est l'image virtuelle contemporaine de l'objet actuel, son double, son "image en miroir". Aussi y a t'il coalescence et sission, ou plutôt oscillation, perpétuel échange entre l'objet actuel et son image virtuelle : l'image virtuelle ne cesse de devenir actuelle".
Cette "confusion" des "temps" est très belle, féconde et imaginative.
conclusion : "dans tous les cas, la distinction du virtuel et de l'actuel correspond à la scission la plus fondamentale du temps, quand il avance en ce se différenciant suivant deux grandes voies : faire passer le présent et conserver le passé".
ce qui ne me semble pas aller de soi, que pour le seul cinéma.
[...] "comme le montrait Bergon, le souvenir n'est pas une image actuelle qui se formerait après l'objet perçu, mais l'image virtuelle qui coexiste avec la perception actuelle de l'objet. Le souvenir est l'image virtuelle contemporaine de l'objet actuel, son double, son "image en miroir". Aussi y a t'il coalescence et sission, ou plutôt oscillation, perpétuel échange entre l'objet actuel et son image virtuelle : l'image virtuelle ne cesse de devenir actuelle".
Cette "confusion" des "temps" est très belle, féconde et imaginative.
conclusion : "dans tous les cas, la distinction du virtuel et de l'actuel correspond à la scission la plus fondamentale du temps, quand il avance en ce se différenciant suivant deux grandes voies : faire passer le présent et conserver le passé".
ce qui ne me semble pas aller de soi, que pour le seul cinéma.
Invité- Invité
Re: arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
Rancière ; sa détestation de Dumont et son amour d'Epstein.
"Les gros plans des visages de Rosetta et de L'humanite ne rapprochent pas de nous la souffrance et le visage humain" ( mais quand les rapprochent-ils alors ? ). "Ils exercent au contraire la fonction superbement décrite par jean Epstein et commentée par gilles deleuze : transformer une partie du corps humain en relief étrange ou animal monstrueux.
L'obstination butée de Rosetta " ( doit -on comprendre que Rancière s'obstine de façon butée contre Rosetta ? ) ", comme le rouge fatigué du visage de Domino " ( le flic de l'humanité ) "ne sont pas des propriétés révélatrices d'un état social donné à connaître dans sa cruauté. Il sont proprement le sujet de l'art, la présence brute, la "bêtise".
En cela, malgré les apparences" ( j'ai sur ma PAL un livre intitulé Fictions d'images ; essai sur l'attribution de propriétés fictives aux images de films ) "ils relèvent de la tradition esthétique bien plus que les élégantes variations par lesquelles Rhomer réajuste incessamment les scénarios et les codes des intrigues sentimentales classiques à l'observation des nouveaux types et comportements sociaux ".
On a envie de dire oui, mais aussi : et alors ?
"Les gros plans des visages de Rosetta et de L'humanite ne rapprochent pas de nous la souffrance et le visage humain" ( mais quand les rapprochent-ils alors ? ). "Ils exercent au contraire la fonction superbement décrite par jean Epstein et commentée par gilles deleuze : transformer une partie du corps humain en relief étrange ou animal monstrueux.
L'obstination butée de Rosetta " ( doit -on comprendre que Rancière s'obstine de façon butée contre Rosetta ? ) ", comme le rouge fatigué du visage de Domino " ( le flic de l'humanité ) "ne sont pas des propriétés révélatrices d'un état social donné à connaître dans sa cruauté. Il sont proprement le sujet de l'art, la présence brute, la "bêtise".
En cela, malgré les apparences" ( j'ai sur ma PAL un livre intitulé Fictions d'images ; essai sur l'attribution de propriétés fictives aux images de films ) "ils relèvent de la tradition esthétique bien plus que les élégantes variations par lesquelles Rhomer réajuste incessamment les scénarios et les codes des intrigues sentimentales classiques à l'observation des nouveaux types et comportements sociaux ".
On a envie de dire oui, mais aussi : et alors ?
Invité- Invité
Re: arrêt sur image ; ou pourquoi aimons nous le cinéma ?
en fin de compte et après avoir vu 7h58 ce samedi-là je vois beaucoup de vrai dans ce que dit Rancière et qui rejoint Deleuze : l'image virtuelle phagocyte l'objet réel, le personnage, le portraiturant, le rendant immatériel et ouvrant ainsi la schize du temps.
Invité- Invité
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