Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
+4
Eyquem
Rotor
py
adeline
8 participants
Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
C'est donc l'Ours d'Or de cette année. Je n'avais pas vu "A propos d'Elly", mais une amie, qui avait adoré, m'avait donné très envie de le voir. J'aurais donc vu "Une séparation" avant, ça me donne bien envie de voir l'autre film. C'est très fort. Ce n'est pas l'histoire psychologique de la séparation d'un couple, avec déchirements amoureux et drames de la jalousie. C'est en effet l'histoire d'un couple qui se sépare, histoire qui ouvre et clôt le film, mais le couple n'est pas le centre du film. Le centre du film, c'est le procès qu'intente un autre couple au père, accusé d'avoir provoqué la fausse-couche de la femme qui venait s'occuper de son propre père atteint de la maladie d'Alzheimer. Le couple qui se sépare est bourgeois, cultivé, apparemment peu croyant. La femme qui s'occupe du grand-père est très croyante, le couple est pauvre, vient d'un milieu populaire, traditionnel, conservateur. Le film parle de cette différence de classe et de situation, le rapport différent à la religion, les a priori qui détruisent, l'incompréhension. Le couple qui se sépare a une fille de onze ans, au regard calme, profond, à la fois fragile et solide. Le couple de la femme qui fait la fausse-couche a déjà une petite fille de cinq ans, mutine et forte. J'ai un peu pensé, de très loin et pas de la même manière, mais une sorte de force similaire s'en dégage, à M/Other, de Nobuhiro Suwa. Ce n'est pas la même manière de filmer, du tout, c'est plus classique, mais il y a peut-être le même genre de forte présence auprès des êtres. Le film rend justice à tous ses personnages, même si je regrette qu'il ne bascule jamais du côté du deuxième couple qui reste l'élément étranger, perturbateur, qui précipite la séparation, rendant l'homme et la femme, qui sont toujours vus comme le père et la mère de Termeh, leur fille, incapables de trouver un accord non pas sur leur vie à eux, mais quant à l'attitude à adopter dans le déroulement de l'action en justice. Comment être parent, c'est toute la question du film. Le père ne veut pas partir à l'étranger à cause de son propre père, la mère veut partir pour sa fille, l'aide-soignante fait tout pour le bien de sa petite fille, croyant fermement que ses mauvaises actions rejailliront sur elle, le mari de l'aide-soignante voit dans la fausse-couche de sa femme la perte d'un fils.
La manière de filmer, le montage sont sobres, la narration construit plusieurs points de vue, et on est emporté très près des personnages, avançant dans la compréhension de la situation et de leurs motivations presque à leur rythme. Les acteurs impressionnent d'autant plus que le film n'est pas bavard, et fonctionne essentiellement sur les regards, les non-dits.
La manière de filmer, le montage sont sobres, la narration construit plusieurs points de vue, et on est emporté très près des personnages, avançant dans la compréhension de la situation et de leurs motivations presque à leur rythme. Les acteurs impressionnent d'autant plus que le film n'est pas bavard, et fonctionne essentiellement sur les regards, les non-dits.
adeline- Messages : 3000
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
J'ai été très impressionné par le soin donné à rendre "justice" à chaque personnage, c'est-à-dire leur donner une épaisseur aussi humaine que possible.
En tombant plus tard sur une pub pour le film où l'on voit la citation "un thriller haletant" (de mémoire), j'ai réalisé ce qui m'avait déragé malgré tout dans la narration et le montage: la volonté de tenir en haleine le spectateur autour de l'intrigue policière sans lui faire confiance sur sa capacité à s'intéresser au fond du film très bien décrit par Adeline.
Je prends l'exemple qui m'a le plus marqué et ennuyé:
L'essentiel de l'effet de suspens est produit par une ellipse (est-ce le bon terme?) dans le montage qui masque jusque dans les dernière minutes du film une scène cruciale pour la compréhension du conflit entre les deux familles (la cause de la fausse-couche).
Ce procédé qui joue sur l'effet de surprise et de rebondissement plutôt que sur le délicieux suspens hitchockien, gâche franchement le plaisir par sa grossièreté.
Le film était suffisamment réussi et riche pour se passer de ce genre d'artifice.
Je pense que c'est aussi l'autre conséquence de ce choix, qui est de déséquilibrer un peu plus le traitement des personnages, puisqu'on veut nous mettre à la place du couple bourgeois à qui l'information est caché.
En tombant plus tard sur une pub pour le film où l'on voit la citation "un thriller haletant" (de mémoire), j'ai réalisé ce qui m'avait déragé malgré tout dans la narration et le montage: la volonté de tenir en haleine le spectateur autour de l'intrigue policière sans lui faire confiance sur sa capacité à s'intéresser au fond du film très bien décrit par Adeline.
Je prends l'exemple qui m'a le plus marqué et ennuyé:
L'essentiel de l'effet de suspens est produit par une ellipse (est-ce le bon terme?) dans le montage qui masque jusque dans les dernière minutes du film une scène cruciale pour la compréhension du conflit entre les deux familles (la cause de la fausse-couche).
Ce procédé qui joue sur l'effet de surprise et de rebondissement plutôt que sur le délicieux suspens hitchockien, gâche franchement le plaisir par sa grossièreté.
Le film était suffisamment réussi et riche pour se passer de ce genre d'artifice.
adeline a écrit:Le film rend justice à tous ses personnages, même si je regrette qu'il ne bascule jamais du côté du deuxième couple qui reste l'élément étranger, perturbateur.
Je pense que c'est aussi l'autre conséquence de ce choix, qui est de déséquilibrer un peu plus le traitement des personnages, puisqu'on veut nous mettre à la place du couple bourgeois à qui l'information est caché.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Si quelqu'un s'y connait en Persan, le titre original du film peut dire des choses aussi.
Il semblerait que ça soit quelque chose du genre "La séparation de Nader et Simin".
Contrairement au titre français qui joue sur l'ambiguité (de quelle séparation parle-t-on, du couple, de l'enfant ou plus généralement des classes sociales?), on se recentre sur le couple Nader et Simin.
Le fait que la famille de l'aide ménagère soit traitée un peu plus à distance, comme élément perturbateur, serait alors une démarche volontaire du réalisateur.
Il semblerait que ça soit quelque chose du genre "La séparation de Nader et Simin".
Contrairement au titre français qui joue sur l'ambiguité (de quelle séparation parle-t-on, du couple, de l'enfant ou plus généralement des classes sociales?), on se recentre sur le couple Nader et Simin.
Le fait que la famille de l'aide ménagère soit traitée un peu plus à distance, comme élément perturbateur, serait alors une démarche volontaire du réalisateur.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Curieux que tu parles d’ellipse, car le spectateur assiste à la scène de conflit entre Nader et la femme de chambre.
Pour ma part, c'était entièrement clair dès le début le problème de la responsabilité. Et justement, une des qualités de ce cinéma est d'arriver presque à faire douter alors que tout a été montré.
Sinon, superbe film en effet, et d'une grande finesse de regard. Et psychologiquement, c'est assez parfait, pas une goutte de pathos ne vient alourdir le récit.
Et j'ai adoré le plan final, sa retenue, sa sobriété, son imperméabilité.
Pour ma part, c'était entièrement clair dès le début le problème de la responsabilité. Et justement, une des qualités de ce cinéma est d'arriver presque à faire douter alors que tout a été montré.
Sinon, superbe film en effet, et d'une grande finesse de regard. Et psychologiquement, c'est assez parfait, pas une goutte de pathos ne vient alourdir le récit.
Et j'ai adoré le plan final, sa retenue, sa sobriété, son imperméabilité.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Je ne pensais pas à cette scène mais
- Spoiler:
- celle où la femme de chambre essaie de traverser la rue pour rejoindre le pépé, coupée juste avant l'accident qui sera révélé seulement vers la fin dans un ultime coup de théâtre.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Difficile de te répondre sans entrer dans le détail du scénario. Mais il me semble que ton "spoiler" indique en réalité toute la complexité de la plainte portée par la femme, qu'elle la justifie.
C'est sans doute pour le cinéaste (au-delà du procédé) une façon de trouver une raison au conflit. La victime devient la plaignante. Et le plaignant devient victime. Ainsi de suite chacun a ses raisons...
Sinon, j'ai essayé de réfléchir aux causes réelles de la séparation qui ne sont pratiquement pas évoquées. Le manque de communication ? L'absence d'amour du mari obstiné dans sa rigueur ? La fuite de la femme devant sa peur de vivre avec un Alzheimer ? Son impression d'avoir disparue aux yeux de son époux ?
Rien n'est dit entièrement sur le sujet. D'où ce plan final, très juste où les personnages sont séparés par la cloison. Obstinés chacun dans leur honneur (leur absence de compromission).
C'est sans doute pour le cinéaste (au-delà du procédé) une façon de trouver une raison au conflit. La victime devient la plaignante. Et le plaignant devient victime. Ainsi de suite chacun a ses raisons...
Sinon, j'ai essayé de réfléchir aux causes réelles de la séparation qui ne sont pratiquement pas évoquées. Le manque de communication ? L'absence d'amour du mari obstiné dans sa rigueur ? La fuite de la femme devant sa peur de vivre avec un Alzheimer ? Son impression d'avoir disparue aux yeux de son époux ?
Rien n'est dit entièrement sur le sujet. D'où ce plan final, très juste où les personnages sont séparés par la cloison. Obstinés chacun dans leur honneur (leur absence de compromission).
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Si le plan caché avait été montré dans la continuité de la scène, qu'est-ce que ça changeait à la complexité de la situation, de l'urgence des personnages, des rapports de force, etc. ? Rien je pense, sauf qu'on ajoute du piment, du plaisir aux spectateurs. C'est un peu déplacé.
Chapeau, parce que pour moi ce n'est pas clair du tout. Il me semblait même que le propos de Farhadi était de montrer qu'il n'y a pas un responsable mais une multitude, chacun a ses raisons comme tu dis, chacun a ses petites faiblesses.
Comment se formulle pour toi le problème de la responsabilité?
Rotor a écrit:Pour ma part, c'était entièrement clair dès le début le problème de la responsabilité.
Chapeau, parce que pour moi ce n'est pas clair du tout. Il me semblait même que le propos de Farhadi était de montrer qu'il n'y a pas un responsable mais une multitude, chacun a ses raisons comme tu dis, chacun a ses petites faiblesses.
Comment se formulle pour toi le problème de la responsabilité?
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Honnêtement, je ne sais pas.
Il m'est difficile de penser à ce que le film aurait pu être. D'autant que le procédé ne m'a absolument pas dérangé.
Sinon, la responsabilité est juridique. Coupable/non-coupable.
Mais d'un point de vue, plus complexe, on peut la tenir pour partagée. L'homme en manquant d'empathie a provoqué un drame. Il a préféré son père légumisé à une épouse, et au sort d'une travailleuse enceinte, ses soupçons. Si dans le film, il ne cesse de protester de son bon droit, c'est une façon de nier sa responsabilité qui est liée à son indifférence et son rigorisme. De choisir la loi, contre la compassion.
Mais la femme également a tort. Elle accuse sans comprendre. Elle craint des représailles au dépend de la justice que son époux attend.
Le film reste relativement ouvert sur les responsabilités. Et même le mensonge est au final recouvert par l'honnêteté.
Tout ce dont on peut être certain, c'est que les personnages se sont séparés et qu'ils ne se comprennent plus.
Mais le film a sûrement d'autres fenêtres d'explications, étant assez fin psychologiquement pour laisser recomposer les morceaux.
Il m'est difficile de penser à ce que le film aurait pu être. D'autant que le procédé ne m'a absolument pas dérangé.
Sinon, la responsabilité est juridique. Coupable/non-coupable.
Mais d'un point de vue, plus complexe, on peut la tenir pour partagée. L'homme en manquant d'empathie a provoqué un drame. Il a préféré son père légumisé à une épouse, et au sort d'une travailleuse enceinte, ses soupçons. Si dans le film, il ne cesse de protester de son bon droit, c'est une façon de nier sa responsabilité qui est liée à son indifférence et son rigorisme. De choisir la loi, contre la compassion.
Mais la femme également a tort. Elle accuse sans comprendre. Elle craint des représailles au dépend de la justice que son époux attend.
Le film reste relativement ouvert sur les responsabilités. Et même le mensonge est au final recouvert par l'honnêteté.
Tout ce dont on peut être certain, c'est que les personnages se sont séparés et qu'ils ne se comprennent plus.
Mais le film a sûrement d'autres fenêtres d'explications, étant assez fin psychologiquement pour laisser recomposer les morceaux.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
En essorant la salade, il me vient à l'esprit cette chose: le plan caché que je décris dans le spoiler, s'oppose au plan, à peu près clairement montré, de Nader qui repousse la femme de ménage sur le palier.
On montre pour l'un, on cache pour l'autre. On se met à la place de l'un plus facilement qu'à celle de l'autre. Il n'y a pas de symétrie dans le traitement des personnages. Il y a bien les personnages principaux, les héros d'un côté et les éléments perturbateurs (expression d'Adeline), prétexte à l'action de l'autre.
J'arrête, je radote, je disais déjà la même chose à la fin de mon premier message...
On montre pour l'un, on cache pour l'autre. On se met à la place de l'un plus facilement qu'à celle de l'autre. Il n'y a pas de symétrie dans le traitement des personnages. Il y a bien les personnages principaux, les héros d'un côté et les éléments perturbateurs (expression d'Adeline), prétexte à l'action de l'autre.
J'arrête, je radote, je disais déjà la même chose à la fin de mon premier message...
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Sauf que tu fais une lecture très "lutte des classes" d'un film qui semble au contraire reporter son questionnement sur un noeud de problèmes nettement plus obscur.
Tu connais Sang et or ? Sur un scénario de Kiarostami ? Ta vision sociale semblerait plus indiquée pour ce film.
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18360342&cpersonne=11778.html
(La BA est assez fausse comparée au film. Elle accentue certains aspects qui n'existent pas et oublie le coeur du projet. Mais si tu ne connais pas, ça te donnera une certaine coloration.)
Sinon, tu essores souvent de la salade à 22h30 ? Tu n'as pas comme moi une secrétaire pour te faire à manger ?
Tu connais Sang et or ? Sur un scénario de Kiarostami ? Ta vision sociale semblerait plus indiquée pour ce film.
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18360342&cpersonne=11778.html
(La BA est assez fausse comparée au film. Elle accentue certains aspects qui n'existent pas et oublie le coeur du projet. Mais si tu ne connais pas, ça te donnera une certaine coloration.)
Sinon, tu essores souvent de la salade à 22h30 ? Tu n'as pas comme moi une secrétaire pour te faire à manger ?
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Une lecture lutte des classes, ah bon? Pourtant, peu m'importe que le héros soit le bourgeois ou le prolétaire, que l'on cuisine soit-même ou que l'on ait une cuisinière . D'ailleurs dans le contexte iranien, on peut même dire que le couple bourgeois du film est révolutionnaire, et le couple prolétaire réactionnaire.
Non, mon problème, ma lutte, mon combat, c'est cette ellipse, plus maladroite qu'odieuse (ou allez, si, odieuse parce que pas à la hauteur du reste du film).
Non, mon problème, ma lutte, mon combat, c'est cette ellipse, plus maladroite qu'odieuse (ou allez, si, odieuse parce que pas à la hauteur du reste du film).
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Allons donc en Iran discuter avec le réalisateur pour lui demander une version "Spectre" de son film.
En tout cas, ce n'est pas tous les jours qu'un récit aussi précis sort en salle. J'en ai déjà parlé avec plusieurs personnes, toutes ont apprécié et sont sorties avec des souvenirs. Et personnellement, j'y repense depuis trois jours, ce qui m'arrive rarement.
En tout cas, ce n'est pas tous les jours qu'un récit aussi précis sort en salle. J'en ai déjà parlé avec plusieurs personnes, toutes ont apprécié et sont sorties avec des souvenirs. Et personnellement, j'y repense depuis trois jours, ce qui m'arrive rarement.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Hello à tous,
Je ne comprends pas trop le problème, Py, autour de l'ellipse.
Le film repose sur des secrets, qu'il s'agit de percer. C'est très proche d'une esthétique de la nouvelle ou du fait divers. Tout tourne autour de la question "Qu'est-ce qui s'est passé ?" : le spectateur a le sentiment d'avoir tout vu et pourtant il a rien vu, il lui manque plein de pièces.
Pourquoi se focaliser sur l'ellipse concernant la femme enceinte ? On peut en dire autant alors de celle qui nous cache longtemps (SPOILER) le fait que le mari a tout entendu de la conversation entre la prof et la femme enceinte.
Oui, le film repose sur des surprises, des révélations ; mais je vois pas bien ce qu'il y a de condamnable moralement dans ce choix, qui justifie que tu parles de procédés "odieux".
Je ne comprends pas trop le problème, Py, autour de l'ellipse.
Je trouve pas que le plan de la chute dans l'escalier soit clairement montré. On voit le mari pousser la femme et fermer la porte, le plan est furtif parce qu'à ce moment-là, l'important, c'est de savoir ce qui est arrivé au grand-père, enfermé dans la salle de bains.py a écrit:le plan caché que je décris dans le spoiler, s'oppose au plan, à peu près clairement montré, de Nader qui repousse la femme de ménage sur le palier.
Le film repose sur des secrets, qu'il s'agit de percer. C'est très proche d'une esthétique de la nouvelle ou du fait divers. Tout tourne autour de la question "Qu'est-ce qui s'est passé ?" : le spectateur a le sentiment d'avoir tout vu et pourtant il a rien vu, il lui manque plein de pièces.
Pourquoi se focaliser sur l'ellipse concernant la femme enceinte ? On peut en dire autant alors de celle qui nous cache longtemps (SPOILER) le fait que le mari a tout entendu de la conversation entre la prof et la femme enceinte.
Oui, le film repose sur des surprises, des révélations ; mais je vois pas bien ce qu'il y a de condamnable moralement dans ce choix, qui justifie que tu parles de procédés "odieux".
Eyquem- Messages : 3126
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Votre film réunit trois choses apparemment difficiles à concilier : l'écriture théâtrale, le documentaire et le récit policier…
En effet, on peut penser de prime abord que ces trois aspects ne peuvent pas coexister. Comment peut-on avoir à la fois une approche théâtrale et documentaire ? Ou faire un documentaire et une histoire « à énigme » ? Essayer de mêler les trois peut nuire à la cohérence d'un film. Dans beaucoup de films iraniens « hyperréalistes », on sent que les réalisateurs ont cherché à éviter le côté narratif. Ils ont peut-être raison, parce qu'on peut se dire que dans la vraie vie, il n'y a pas ce genre de suspense. On a par ailleurs du mal à fondre théâtre et réalité : la plupart des films qui revendiquent le réalisme fuient la théâtralité. Comment mélanger ces trois ingrédients, et parvenir à un produit pur ? Ce fut un travail très délicat mais je ne voulais pas me priver de la potentialité de chacun de ces trois éléments. Pour qu'aucun ne prenne l'avantage sur les deux autres, j'étais un peu comme quelqu'un qui fait du mixage et doit doser le volume de chaque piste sonore. C'est sans doute la raison pour laquelle mes films se distinguent sensiblement de ceux des autres cinéastes iraniens.
je n'ai pas encore vu le film;
dans positif, il y a aussi un entretien intéressant...
la question du jugement...
(comparer avec le malick)
En effet, on peut penser de prime abord que ces trois aspects ne peuvent pas coexister. Comment peut-on avoir à la fois une approche théâtrale et documentaire ? Ou faire un documentaire et une histoire « à énigme » ? Essayer de mêler les trois peut nuire à la cohérence d'un film. Dans beaucoup de films iraniens « hyperréalistes », on sent que les réalisateurs ont cherché à éviter le côté narratif. Ils ont peut-être raison, parce qu'on peut se dire que dans la vraie vie, il n'y a pas ce genre de suspense. On a par ailleurs du mal à fondre théâtre et réalité : la plupart des films qui revendiquent le réalisme fuient la théâtralité. Comment mélanger ces trois ingrédients, et parvenir à un produit pur ? Ce fut un travail très délicat mais je ne voulais pas me priver de la potentialité de chacun de ces trois éléments. Pour qu'aucun ne prenne l'avantage sur les deux autres, j'étais un peu comme quelqu'un qui fait du mixage et doit doser le volume de chaque piste sonore. C'est sans doute la raison pour laquelle mes films se distinguent sensiblement de ceux des autres cinéastes iraniens.
je n'ai pas encore vu le film;
dans positif, il y a aussi un entretien intéressant...
la question du jugement...
(comparer avec le malick)
Borges- Messages : 6044
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Borges a écrit :
je n'ai pas encore vu le film;
Moi non plus et ça n'est pas la bande annonce complètement tarte qui va m'en donner l'envie ( ni vous non plus plus du reste, cela dit entre nous ! ).
Invité- Invité
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Oui, mais la bande-annonce ne rend pas justice au film. Tout comme une quatrième de couverture peut parfois desservir un livre.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Hello,
j'ai repensé à l'ellipse dont tu parles py, et ce que tu dis à la suite de ma "critique" sur la légère inégalité de traitement entre les deux couples à mon avis ne colle pas. Car ce que l'ellipse cache n'est pas quelque chose qui "condamnerait" Razieh, comme la manière violente dont Nader la repousse le condamne, mais au contraire un accident dont elle est la victime. Je ne pense pas qu'il y ait là dans l'ellipse une idée condamnable. Voici ce qu'il raconte quelque part :
L'idée, c'est le point de vue ; le rapport entre vérité, point de vue et justice.
j'ai repensé à l'ellipse dont tu parles py, et ce que tu dis à la suite de ma "critique" sur la légère inégalité de traitement entre les deux couples à mon avis ne colle pas. Car ce que l'ellipse cache n'est pas quelque chose qui "condamnerait" Razieh, comme la manière violente dont Nader la repousse le condamne, mais au contraire un accident dont elle est la victime. Je ne pense pas qu'il y ait là dans l'ellipse une idée condamnable. Voici ce qu'il raconte quelque part :
"Un éléphant se retrouve au milieu d'une pièce pleine de gens et plongée dans l'obscurité. Tout le monde est invité à le toucher pour deviner de quoi il s'agit. Celui qui touche une patte a l'impression d'avoir affaire à la colonne d'un temple, celui qui palpe une oreille pensera à une feuille d'arbre tropical, celui qui touche sa trompe vous dira qu'il s'agit d'un saxophone. Mais : "Si on allume la lumière, tout le monde s'accorde pourtant sur le fait que c'est un éléphant.""
L'idée, c'est le point de vue ; le rapport entre vérité, point de vue et justice.
adeline- Messages : 3000
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Mon propos initial est un peu confus, je vous en demande pardon car j'ai mélangé sur un même plan deux idées différentes:
La première, que ma chère ellipse était un peu trop énorme, dans le genre scénario policier à la "whodunit" et gâchait l'équilibre fragile que veut atteindre Farhadi (cf. l'extrait cité par Borges). Là est ma condamnation (car c'est assez grisant de se donner la force de s'indigner et le pouvoir de condamner de telles broutilles, ah ah!)
La deuxième, que cette même ellipse renforce le sentiment du spectateur d'être dans la subjectivité de Nader. Rien de bien condamnable là-dedans (si ce n'est qu'on aura plutôt tendance à se mettre du côté de Nader, ce qui n'est pas sympa pour la pauvre Razieh), c'est même plutôt cohérent.
Pour résumer, je dirais que l'information cachée n'est donc bien sûr pas traître à la cause de Razieh, elle est traître à la cause de Farhadi, celle de vouloir donner de la grâce à son film.
La première, que ma chère ellipse était un peu trop énorme, dans le genre scénario policier à la "whodunit" et gâchait l'équilibre fragile que veut atteindre Farhadi (cf. l'extrait cité par Borges). Là est ma condamnation (car c'est assez grisant de se donner la force de s'indigner et le pouvoir de condamner de telles broutilles, ah ah!)
La deuxième, que cette même ellipse renforce le sentiment du spectateur d'être dans la subjectivité de Nader. Rien de bien condamnable là-dedans (si ce n'est qu'on aura plutôt tendance à se mettre du côté de Nader, ce qui n'est pas sympa pour la pauvre Razieh), c'est même plutôt cohérent.
Pour résumer, je dirais que l'information cachée n'est donc bien sûr pas traître à la cause de Razieh, elle est traître à la cause de Farhadi, celle de vouloir donner de la grâce à son film.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
je ne comprends pas tous ces développements sur un film que vous n'aimez pas et dont vous triturez la chair pour en rendre un jus détestable.
Jean Douchet les amis : L'ART D'AIMER
Jean Douchet les amis : L'ART D'AIMER
Invité- Invité
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Moi aussi j'ai vraiment aimé, c'est un film incroyablement fort. Je ne vois pas de problème à critiquer un film que l'on aime.
adeline- Messages : 3000
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
j'en suis le premier surpris car ce n'est pas ce qui se dégage du fil de la discussion.
Mais bon l'enthousiasme ne se manifeste pas chez tous pareil.
Tant mieux si vous l'aimez et c'était le sens de ma remarque : il vaut justement mieux critiquer les films qu'on aime.
Mais bon l'enthousiasme ne se manifeste pas chez tous pareil.
Tant mieux si vous l'aimez et c'était le sens de ma remarque : il vaut justement mieux critiquer les films qu'on aime.
Invité- Invité
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
py a écrit:
Pour résumer, je dirais que l'information cachée n'est donc bien sûr pas traître à la cause de Razieh, elle est traître à la cause de Farhadi, celle de vouloir donner de la grâce à son film.
Fini par avoir vu le film, et je comprends l'objection certes mineure de Py. Je m'attendais à aller voir "un thriller haletant", et c'est vrai que ce n'est pas du tout ça et que l'ellipse réintroduit un semblant de suspens dans un film où la tension découle plutôt des cas de conscience et des conflits entre ces personnages tous tiraillés entre leurs aspirations, leurs principes, leurs responsabilités, leurs croyances...
C'est assez fort, cette manière de faire tenir ces 4 personnages face à face, coexistant les uns contre les autres sans qu'on soit jamais tentés de sauver l'un ou condamner l'autre. La frontalité du premier et du dernier plan dit d'emblée la distance irrémédiable entre les protagonistes et pourtant il aura fallu 2h de nouveaux conflits, de brouilles et de fragiles compromissions pour comprendre que cette distance-là ne peut jamais être tout à fait anéantie. Le dialogue peut tenter de la réduire, mais rien ne peut la faire sauter.
On ressent très fortement sur les personnages cette chape de plomb des principes, des certitudes, des valeurs...tout ce qui nous constitue et qui nous raidit dans la confrontation à l'autre.
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
À vrai dire, le fait de présenter le film comme un thriller haletant vient de la communication choisie par le distributeur. C'est incroyable d'ailleurs, la manière dont les distributeurs, pour des histoires de marketing plus que pour d'autres raisons, orientent les attentes des spectateurs et les discours sur les films. Bref, parler de thriller, c'est de l'idiotie.
La critique d'Une fameuse gorgée de poison, seule critique négative croisée jusqu'à présent :
Plus que sur une séparation, le film porte sur la distance. Distance au sein d'un couple, distance entre les hommes et les femmes, distance entre les enfants et les adultes, entre l'Iran et le reste du monde, entre la parole et la vérité, etc... En ce sens, le film est bien construit. MAIS il n'y a pas une seconde de cinéma là-dedans. Qu'est-ce que le film m'enseigne de plus que si j'avais lu son scénario ? Rien ! Tout est joué d'une même note, tout le temps. Les acteurs sont sans surprise. L'image est moche. Le cadre est approximatif. Les quelques essais de représentation de cette distance ont déjà été vus mille fois (deux personnages de part et d'autre d'une vitre). La seule chose, peut-être, c'est le rapport au voile, qui agit comme une contrainte (dans le cinéma iranien agréé, les femmes doivent garder leur voile même pour faire la vaisselle) plutôt stimulante. Alors qu'est-ce que c'est que ce film ? Rien de plus qu'un Usual Suspect version world-cinéma. Une machine à tricher, qui voudrait nous faire croire que personnages et spectateurs vont réfléchir ensemble à la résolution d'un problème, mais qui révèle seulement à la fin l'élément clef de cette réflexion, de telle sorte que le problème n'existe plus, n'a jamais existé. Bernés, gavés d'idées fausses, soûlés de réflexions sans objet, nous rentrons chez nous en nous disant : il nous a bien eus. C'est ça le cinéma ?
Cette critique rejoint la réserve de Py. Je ne suis pas du tout d'accord avec asketoner, mais c'est bien au sein d'un si énorme consensus d'entendre une lourde critique.
Mais si on s'intéresse un peu à Farhadi, et à son cinéma, cette critique de roublardise ne tient pas.
La critique d'Une fameuse gorgée de poison, seule critique négative croisée jusqu'à présent :
Plus que sur une séparation, le film porte sur la distance. Distance au sein d'un couple, distance entre les hommes et les femmes, distance entre les enfants et les adultes, entre l'Iran et le reste du monde, entre la parole et la vérité, etc... En ce sens, le film est bien construit. MAIS il n'y a pas une seconde de cinéma là-dedans. Qu'est-ce que le film m'enseigne de plus que si j'avais lu son scénario ? Rien ! Tout est joué d'une même note, tout le temps. Les acteurs sont sans surprise. L'image est moche. Le cadre est approximatif. Les quelques essais de représentation de cette distance ont déjà été vus mille fois (deux personnages de part et d'autre d'une vitre). La seule chose, peut-être, c'est le rapport au voile, qui agit comme une contrainte (dans le cinéma iranien agréé, les femmes doivent garder leur voile même pour faire la vaisselle) plutôt stimulante. Alors qu'est-ce que c'est que ce film ? Rien de plus qu'un Usual Suspect version world-cinéma. Une machine à tricher, qui voudrait nous faire croire que personnages et spectateurs vont réfléchir ensemble à la résolution d'un problème, mais qui révèle seulement à la fin l'élément clef de cette réflexion, de telle sorte que le problème n'existe plus, n'a jamais existé. Bernés, gavés d'idées fausses, soûlés de réflexions sans objet, nous rentrons chez nous en nous disant : il nous a bien eus. C'est ça le cinéma ?
Cette critique rejoint la réserve de Py. Je ne suis pas du tout d'accord avec asketoner, mais c'est bien au sein d'un si énorme consensus d'entendre une lourde critique.
Mais si on s'intéresse un peu à Farhadi, et à son cinéma, cette critique de roublardise ne tient pas.
adeline- Messages : 3000
Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)
Je pense que si on voyait l'accident, ça changerait la manière de percevoir Razieh, parce qu'on saurait dès le début qu'elle attaque le mari en justice tout en se doutant que la chute dans l'escalier n'est peut-être pas la cause de la fausse couche.Adeline a écrit:ce que l'ellipse cache n'est pas quelque chose qui "condamnerait" Razieh, comme la manière violente dont Nader la repousse le condamne, mais au contraire un accident dont elle est la victime
J'ai vu "A propos d'Elly" : PY, n'y va pas, y a une ellipse encore plus énorme ! lol
Eyquem- Messages : 3126
Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Sujets similaires
» Le Passé de Asghar Farhadi
» La fête du feu (Asghar Farhadi - 2006)
» Cannes 2011
» When the Bough Breaks (Ji Dan - 2011)
» Polisse (Maïwenn - 2011)
» La fête du feu (Asghar Farhadi - 2006)
» Cannes 2011
» When the Bough Breaks (Ji Dan - 2011)
» Polisse (Maïwenn - 2011)
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum