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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

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Message par Largo Mar 19 Juil 2011 - 17:44

Ah, j'suis bien curieux de découvrir A propos d'Elly.

A noter que dans les Cahiers, N. Azalbert se sert justement de cette fameuse ellipse pour défendre le film :

"Le film tout entier tourne autour d'un plan absent, un plan aveugle, capital dans la reconstitution des faits, laquelle ne pourra s'établir qu'après coup dans un éprouvant procédé de maïeutique. Plutôt que de montrer la réalité des faits ("les faits, rien que les faits"), cet usage de l'ellipse permet de libérer la parole contradictoire de tous les protagonistes autour pour mieux faire comprendre leurs - et tout le monde bien sûr a les siennes"

J'ai envie de dire : ça se défend Smile
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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011) - Page 2 Empty Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Borges Ven 22 Juil 2011 - 10:22

vu le film; impressionnant, du côté de la pensée, moins du côté du cinéma...


partons de cette ellipse...



chez Deleuze, l’ellipse est liée essentiellement à la petite forme, ASA’ : on ne connaît de la situation que ce que l’action en révèle ; la situation n’est pas donnée au départ, elle se construit et déconstruit, pas à pas, d'action en action, d'indice en indice, fragmentairement ; les actions ne dévoilent jamais que des parties de la situation.


"On va de l'indice à la situation en ellipse, laquelle situation en ellipse va nous précipiter en A' c'est-à-dire à une nouvelle action."

Pour définir cette figure, géométrique et rhétorique, Deleuze utilise un terme qu’il n’aime pas beaucoup : manque. "L'ellipse c'est un manque, étymologiquement".



Si l’ellipse est la figure privilégiée de construction géométrique et rhétorique de la petite forme, il est bien entendu évident qu’il n’existe pas de récit sans ellipse, comme dirait Lacan. Au cinéma, dès qu’il y a raccord, il y a ellipse, quelque chose se perd, du temps, de l’espace. Ce manque est la possibilité du raccord ; il faut bien couper, pour raccorder. Il y a raccord là où il y a manque, que le raccord crée tout en visant à le cacher ; le plus souvent, classiquement.



Je vais pas insister sur la petite forme, suffit juste de rappeler que le film policier, le récit à énigme, en est un genre exemplaire.

F renvoie à trois genres pour déterminer sa manière de faire du cinéma, sa manière cinématographique, comme disent certains : le policier, le théâtre, le documentaire.

Il y a toujours une énigme dans ses films, un litige, une affaire de justice ; ils sont construits comme des enquêtes, qu’on qualifie parfois de métaphysiques, ce qui n’aide pas tellement.


Dans le récit policier, la zone de non-savoir est relative ; l’auteur sait ce qui s’est passé, c'est une espèce de dieu intellectuel et ludique qui s'amuse à fabriquer des devinettes, des défis. Parfois ce dieu prend la forme d'un destin.

Le récit est un jeu, une ruse, une manipulation, un art de la diversion.

Rien de tel chez AF ; s’il y a bien une enquête, cette enquête n’est pas menée par un détective, une espèce d’incarnation finie de dieu, animé par désir de vérité, plus ou moins pur, mais par les acteurs même du drame ; ils sont les seuls à chercher à faire-vrai ; et ce qu'ils cherchent c'est moins une vérité factuelle, objective, que la vérité de leur être, qui se dit et se cache dans le langage, et la relation à l'autre.

Dans "une séparation", le faire-vrai n'est pas une opération neutre, la volonté de savoir d’un sujet désireux de vérité : la vérité est liée au désir ; le sujet de la vérité est aussi un sujet de désir ; et ce qu'il désire n'est pas nécessairement la vérité, en tous les cas, pas les faits ; la vérité pour le désir c'est jamais les faits.

Pour s'en rendre compte, suffit de regarder la femme bourgeoise qui au début du film dans une scène à la richesse extraordinaire (qui cite Bergman et parle de la mort de dieu) demande le divorce.

la question est : veut-elle vraiment divorcer ?

Le mari et la fille ne le croient pas au début ; à la fin, on ne semble plus en douter ; mais entre temps, elle a changé ; c'est comme si le récit, sa rencontre avec l'autre couple et le comportement de son mari, l'avaient transformée en cette femme qu'elle jouait simplement à être. Au début, sa demande de divorce, est une demande d'amour ; c’est une stratégie ; elle fait croire qu’elle veut s’en aller, pour être décidée ; à un moment, elle se met à pleurer en racontant qu’après une dizaine d’années de mariage son mari n’a rien fait pour la retenir.

Le premier plan du film est un hommage à Bergman, à "scènes de la vie conjugale"; superbe rapprochement, synthèse disjonctive. Quoi de plus éloigné en effet de la situation iranienne que la situation suédoise, quant à la monstration du couple, de l'amour, du sexe ; dans le cinéma iranien en un sens, il n'est jamais question que de la séparation des corps, des couples ; je dis bien dans le cinéma ; c'est ce que nous dit ce plan, interfilmiquement ; un seul corps nu dans le film, celui du père malade... sa place dans le film est essentiel, au point de vue du récit, socialement, mais aussi au point de vue de la construction du film, et de la pensée : la maladie d'Alzheimer, c'est l'incarnation même de la séparation ; une incarnation existentielle d'un monde fait de trous, de vides, de manques, un monde sans continuité, une incarnation existentielle de l'ellipse. S'il y a des événements sans témoins, il y a aussi des témoins sans événements... à qui rien n'arrive ; cette idée est aussi mise en scène, pensée, depuis l'embryon. Ils ne peuvent témoigner de rien ; rien raconter de ce qui leur est arrivé.


j'ai écrit plus haut : "elle fait croire qu’elle veut s’en aller, pour être décidée ; à un moment, elle se met à pleurer en racontant qu’après une dizaine d’années de mariage son mari n’a rien fait pour la retenir."

la femme veut être décidée ; c'est l'idée que développe Badiou dans son texte sur "identification d'une femme" (Antonioni) : je cite, parce que cela me semble essentiel : "le processus de l'identification d'une femme dans l'amour relève, quant à l'homme, d'une capacité de "décision" qui le plus souvent lui fait défaut. On croit qu'une femme est une énigme tant que l'on croit qu'il s'agit de la connaître. Mais il s'agit de la décider. C'est le défaut de décision qui fait que tout devient énigme, et entraîne la disparition de la femme."

Que la décision soit au centre du film, la dernière scène le montre merveilleusement ; là encore, il ne s'agit pas d'ellipse, de ruse, d'artifice. AF ne nous soustrait pas artificiellement le choix de la fille, le père ou la mère, ou peut-être aucun des deux, en insistant uniquement sur le fait que la fille a décidé, a pris une décision... Il dit : l'essentiel est de se décider à la décision. Là on pourrait agencer ce film à celui de KR, qui se termine aussi sur une décision, même si dans ce cas, l'objet est nommé.

(film sur la décision ; faut revenir dessus)

(notons, pour ceux qui regardent dans les coins, la présence de la photo d'un chef indien dans l'appartement du couple bourgeois ; on la voit souvent. Que fait-elle là ? Les usa sont probablement la destination rêvée par la mère ; l'anglais est très présent... ce chef indien est-il une critique de ce choix ? N'oublions pas les relations usa-iran )




Que veut la femme ?

Divorcer, partir à l’étranger, échapper à la situation iranienne, en sauver sa fille (le film dialogue pas mal avec l'horrible "jamais sans ma fille" ; elle dit plusieurs fois qu'elle ne quittera jamais l'Iran sans sa fille)

c'est ce qu'elle veut, mais c'est pas son désir, le désir que met en scène le film, dans le calcul de ses énigmes ; film sur la séparation, sur la décision, mais aussi film remarquable sur le désir dans ses liens avec le langage :

"Le désir, c'est cette question qui interroge ce que l'Autre « veut » au-delà de ce qu'il montre, au-delà de ce qu'il dit, ou plutôt dans ses mots mêmes, car comment savoir vraiment ce qu'ils signifient ? Il n'y a pas de garantie au sens que je crois discerner dans ce qui m'est dit, comment savoir ce qu'il (elle) veut vraiment au-delà de ce qu'il (elle) me dit ? Cette énigme, c'est celle du désir de l'Autre (avec un grand A précisément pour marquer cette énigme), et c'est elle qui va orienter la quête de l'objet. Il y a bien l'objet du besoin, pour subsister, il y a l'objet de la demande, pour savoir si l'on est aimé, il y a l'objet du désir, pour interroger ce qui est en cause. L'Autre (avec un grand A), c'est autrui en tant qu'il résiste à la connaissance. Sa consistance de grand Autre tient à ceci que je ne le connais pas, que je reconnais qu'il y a en lui quelque chose qui m'échappe. Impossible de savoir s'il me trompe ou s'il dit la vérité, et malgré toute l'énergie que je déploie pour répondre à ce que je suppose être sa demande, son désir restera toujours pour moi une question "

(F Chaumon)



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Message par adeline Sam 23 Juil 2011 - 19:34

J'ai revu le film hier, et je me dis que l'ellipse finalement n'a pas tant d'importance que ça. Ce que tu écris, Borges, me conforte dans cette idée. Savoir dès le début ce qu'on apprend à la fin ne change rien à la force du film. Je dis ça pour répondre à la critique de Libé :
Azoury a écrit:Tour à tour, ceux qui étaient vus comme les bons se transforment en monstre et, en distribuant les cartes de ce jeu de dupe, le cinéaste se transforme en virtuose du retournement de situation. Le problème est que cet art du triple salto dramaturgique conduit à un lumbago moral, à une position gênante qui rappelle les heures problématiques d’un certain cinéma français : les Autant-Lara de sinistre mémoire, les films de procès d’André Cayatte où, après avoir versé une larme sur la veuve et l’orphelin et un peu d’acide sur les bourges, on finissait par renvoyer tout le monde dos à dos.
Je ne comprends pas qu'on compare Farhadi à Autant-Laura ou Cayatte. Comme tout le monde, j'ai pensé à Renoir, à cause du fameux "Sur cette terre il y a quelque chose d’effroyable, c’est que chacun a ses raisons." Ce qu'en dit Farhadi lui-même
A. Fahradi a écrit:Dans le cinéma classique, quand deux personnages s'affrontent, on sait tout de suite lequel est censé être bon et lequel mauvais. Alors que dans le cinéma moderne, comme chez Renoir, on doit choisir entre le bon et le bon, parce que « tout le monde a ses raisons »
Ce film me semble bien plus complexe, et ne fait pas que renvoyer les gens et leurs mauvaises actions dos à dos. Evidemment, la mise en scène n'est pas comparable à Renoir, mais elle n'est pas non plus si catastrophique qu'on puisse le critiquer pour absence de cinéma.

J'aime bien cette idée de décision, à propos de Nader et Simin. On dirait que Nader se croit dans une pièce de Corneille, et qu'il doit choisir comme le Cid entre son père et son amour. Et il se donne le beau rôle, d'ailleurs, en disant à sa femme qu'il la laisse libre et ne veut pas la retenir. Mais en fait, il lui demande de choisir pour lui, de décider à sa place. Comme tu le dis, Borges, il suffisait pourtant de la retenir, puisque c'était tout ce qu'elle attendait. Il fallait décider qu'il n'y avait pas de choix à faire.

La scène que je trouve la plus forte et la plus terrible dans le film est celle de la petite fille qui joue avec la bombonne à oxygène du grand-père. Elle comprend toutes les interrogations et le réflexions de Farhadi sur la morale de l'action et les intentions. La petite fille joue à tourner la petite vanne de la bombonne à oxygène du grand-père. Ça l'amuse, plus elle ouvre fort, plus le grand-père semble être au nirvana. La scène est très rythmée, regard innocent et amusé de la petite fille, en même temps très concentré, regard du grand-père, sourire, bulles de l'oxygène dans le mélangeur, deux fois, trois fois, le manège s'accélère, les yeux du grand-père s'ouvrent grand. Heureusement, avant l'overdose, la petite fille est appelée par sa mère, qui d'ailleurs, se fera reprendre par Nader le soir car le robinet de l'oxygène du grand-père était mal fermé.

Si le grand-père était alors mort de trop d'oxygène, la petite fille aurait-elle été coupable ?


Ce que Farhadi en dit :
A. Farhadi a écrit:Ce n'est pas l'action qui m'intéresse mais l'intention première qui a poussé à agir. Dans la mesure où cette intention est impalpable et difficile à appréhender, tout ce que l'on appelle « la morale » commence à se fragiliser. Les instruments et les critères de la morale ne nous permettent plus aujourd'hui de juger les gens : certains vous jugent sur vos actions, d'autres sur vos intentions, mais personne n'arrive à percevoir l'ensemble.

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Message par Borges Dim 24 Juil 2011 - 11:57


Azoury dans Libé a écrit:Tour à tour, ceux qui étaient vus comme les bons se transforment en monstre et, en distribuant les cartes de ce jeu de dupe, le cinéaste se transforme en virtuose du retournement de situation. Le problème est que cet art du triple salto dramaturgique conduit à un lumbago moral, à une position gênante qui rappelle les heures problématiques d’un certain cinéma français : les Autant-Lara de sinistre mémoire, les films de procès d’André Cayatte où, après avoir versé une larme sur la veuve et l’orphelin et un peu d’acide sur les bourges, on finissait par renvoyer tout le monde dos à dos.


Azoury, quel con, encore un ; AF ne verse de larmes sur personne, son truc c'est pas de renvoyer tout le monde dos à dos, mais de renvoyer chacun à son propre choix ; mais les idiots, même critiques, veulent toujours que l'on décide pour eux ; si Azoury est du côté des pauvres, il ne tient qu'à lui de le montrer, prouver, d'agir... qu'il ne compte pas sur un film pour régler imaginairement ses tourments de belle âme...


C'est même pas marrant de discuter ce genre de conneries...





« Une séparation » est un film politique ; mais que veut dire « film politique »...

On peut partir dans le dernier recueil de Rancière du texte consacré à « Straub et quelques autres » ; après avoir défini, à sa manière, constante, ce que peut-être une politique du cinéma : « une affaire de justice et une pratique de justesse », Rancière consacre une longue analyse à un épisode, qu’il juge central, de "De la nuée à la résistance » ; ce choix est décidé, justifié, par plusieurs raison, dont la coupure intervenue dans la politique, en 1979 (date de la sortie du film) : la fin de la décennie gauchiste, qui marque aussi l’arrêt d'une certaine forme de cinéma militant (groupes Medvedkine, Vertov…)

Le film de H/S marque le début d’un cinéma politique post-brechtien (chez H/S, Pavese prend la succession de Brecht) où les différences, les conflits ne trouvent plus à se résoudre dans la relève d’une politique ; il y a de l’injustice, nous le savons, mais ce que peut être une solution juste fait défaut ; de cette impossibilité à relever les différends témoigne le dialogue du père et du fils dans le film... Les deux ont raison, et tort ; aucune action ne tranche, aucune action ne donne définitivement raison à l’un ou l’autre… (je simplifie, bien entendu… et surtout je ne suis pas tellement d'accord avec cette lecture de cet épisode du film… mais c'est pas ici le lieu…)

Dans le paradigme brechtien : "la forme fragmentaire et la confrontation dialectique des contraires visaient à aiguiser un regard et un jugement propre à élever le niveau de certitude soutenant une adhésion à une explication du monde, l’explication marxiste…"


Dans le régime postbrechtien, cette explication du monde fait défaut dans le monde, et le cinéma ne peut pas y recourir, comme si de rien n'était...

Dans « film politique », il faut entendre le mot politique en deux sens :

- selon le contenu, "politique" désigne ce dont parle le film, conflit, injustice… situation de souffrance ; citons, par exemple, dans quelques films très récents, dont il est question ailleurs sur le forum, la situation faite à l’Indien dans Meek’s, les injustices du film de Malick, depuis l’injustice absolue et métaphysique faite à tout homme, à tout vivant (image du dinosaures blessé) jusqu’aux injustices sociales (ségrégation "raciale", pauvreté, chômage, éducation...)

- Le deuxième sens de ce terme politique bien entendu concerne la forme, c'est la stratégie propre d’une démarche artistique, « une manière d’accélérer ou de ralentir le temps, de resserrer ou d’élargir l’espace, d’accorder ou de désaccorder l’action et le regard, d’enchaîner et désenchaîner l’avant et l’après, le dedans et le dehors… »

On connaît tous ça, les partages du sensible, etc., mais si on veut penser la politique du film, c’est depuis là qu’il faut le faire…

Quelle est la politique du film, de Fahradi ?

Son sujet, c’est la justice, et l’injustice ; sa relation au spectateur est de l’établir en juge, en critique, ce que ne semble pas vouloir le con de Libé ; je ne suis pas là pour décider pour toi, dit AF ; c’est à toi de juger ; c’est à toi de décider.

Le dernier plan du film dit la morale du film : décidez…


(Kiarostami dit la même chose ; je construis des problèmes ; je ne donne pas les solutions. Ce qui ne veut pas dire qu’il a la solution, et se la réserve ; on n’est pas à "Questions pour un champion" ; ce ne sont pas des questions pour l’entendement, comme dirait Hegel-Deleuze.)


Si la dernière scène du film dit sa morale politique, la première donne l’espace où toute décision s’effectue, s’actualise.

Le mot important dans le film, celui qui dit la manière cinématographique, et l’éthique de AF, est prononcé dès la première scène, si on ne tient pas compte du générique, qui pose le problème de la copie, et de l’identité : c’est le mot « situation » .

Un mot de Sartre, et de Badiou.

Au juge (hors champ, le juge c’est le spectateur), la femme dit qu’elle ne veut pas que sa fille grandisse dans cette situation ; de quelle situation parlez-vous, demande le juge. C’est la questio n; comme dirait Sartre, toute liberté est en situation, aucune situation n’est objectivement, factuellement déterminante.

Je ne suis décidé par la situation que si j’ai décidé de la situation ;

que font les personnages du film ?

Presque tous : ils font de la situation la puissance déterminante de toutes leurs actions ; on agit pour les autres, pour le père, la fille, le mari chômeur, en fuyant sa propre liberté ;

les personnages sont le plus souvent dans la mauvaise foi ; et leurs raisons ne sont que des fuites.

Le dernier plan nous rappelle à l’essentiel ; il y a des points constitutifs de décision, de choix : "Théoricien de la liberté, Sartre, écrit Badiou, a toujours imaginé des situations où la complexité infinie des nuances, le chaos apparent du monde se laissent ramener à la pureté duelle d’un choix, qui réduit la mouvance subjective à une décision sans garantie ni causalité… » (Logique des mondes, 426)

« L’égalité c’est que chacun soit renvoyé à son choix, non à sa position. C’est ce qui lie la vérité politique à l’instance de la décision, laquelle s’établit toujours dans des situations concrètes, point par point. »

(Logique des mondes, 35)

Un point dualise l’infini.


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Message par adeline Mar 26 Juil 2011 - 8:45

Hello Borges,

j'ai revu le "Cinéaste de notre temps" sur Kiarostami, hier soir. Kiarostami, comme Farhadi, construit des problèmes sans donner les solutions, mais il y a une grande différence pourtant entre les deux. Kiarostami dit qu'il veut donner à réfléchir au spectateur. Il ne sait pas plus que lui, il ne sait pas mieux que ses acteurs, le hasard est pour beaucoup dans ses films, et il cherche avant tout, c'est d'une grande évidence dans Close up, à faire réfléchir le spectateur.

On dirait que Farhadi, d'après ce que tu en dis, place le spectateur en juge de la situation, du film, des personnages. Il chercherait à construire des problèmes que les spectateurs seraient en position de résoudre. Est-ce vraiment cela ? Je n'en suis pas sûre. Est-ce que Farhadi ne renverrait pas plutôt les spectateurs à leurs propres choix ? Ne donnant pas la réponse de la fille à la fin du film, il laisse le spectateur dans sa situation, en instance de décider.

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Message par Invité Mar 26 Juil 2011 - 9:48

borges a écrit :



.vu le film; impressionnant, du côté de la pensée, moins du côté du cinéma...





pas très encourageant. le film semble tout eclipser sauf l'ellipse....

bon je vais y aller puisque le vent semble pousser le forum vers l'iran comme un seul homme, jusqu'à la prochaine fois ...

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Message par Borges Mar 26 Juil 2011 - 9:51

hello slimfast, s'il était aussi impressionnant du côté du cinéma, ce serait un 5 étoiles; il en vaut, selon moi, 3.5; ce qui est bien...
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Message par Invité Mar 26 Juil 2011 - 9:57

je me laisse fléchir, on verra.
tu es simplement du côté de la pensée, moi du cinéma.
ça pourrait tourner ... (j'en doute).
question : les étoiles, t'y crois vraiment ou tu te paies ma tête ?

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Message par py Mar 26 Juil 2011 - 10:18

adeline a écrit:On dirait que Farhadi, d'après ce que tu en dis, place le spectateur en juge de la situation, du film, des personnages. Il chercherait à construire des problèmes que les spectateurs seraient en position de résoudre. Est-ce vraiment cela ? Je n'en suis pas sûre. Est-ce que Farhadi ne renverrait pas plutôt les spectateurs à leurs propres choix ? Ne donnant pas la réponse de la fille à la fin du film, il laisse le spectateur dans sa situation, en instance de décider.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la différence, Adeline.
En tous cas, est-ce que Farhadi a ce pouvoir, avait-il cette intention, de placer le spectateur dans telle out telle attitude? ça me donne plutôt l'impression qu'il y a des spectateurs juges (qui se retrouveront bien embarrassés pour rendre leur jugement) et des spectateurs non juges ravis de cette indécision.
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Message par Invité Mar 26 Juil 2011 - 13:43

je viens de relire le topic et je n'ai rien appris sur le film ; on parle beaucoup de la "fabula", comme dit Rancière, qui pourrait être n'importe quel contenu, une histoire par exemple racontée par un protagoniste sur laquelle on s'inventerait des images, oui ça veut dire ça, non ça veut pas dire ça ?!? mais pas du tout du contenant : si les personnages sont filmés seuls, ou en groupe, chez eux ou à l'extérieur, si ça zoume ou panote, bref la forme.

je n'arrive pas à être comme vous et m'attacher au petit bout de la lorgnette, les péripéties( surtout que je ne suis pas concerné directement par ce qui se passe en Iran, et que donnerait de plus que je m'enflamme pour telle ou telle signification d'ailleurs fausse très certainement ? ).

seule la forme m'intéresse : elle rend compte de l'évolution d'un cinéaste, de celle du cinéma de son pays, au final de son pays.

j'adore le parti pris critique fondateur aux cdc : critiquer un film sans jamais le raconter. evidemment quand on s'appelle Rivette, Godard, Truffaut et Chabrol et que l'on est en recherche de son propre cinéma c'est tout naturel bref.

il y a un critique américain que j'adore, c'est Thom Andersen. c'est complètement réflexif : il ne parle que de son exérience de la vision des films.



sur ce je vais aller voir ce film qu'il faut impérativement avoir vu.


Wink

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Message par Invité Mar 26 Juil 2011 - 14:05

sic itur ad astra

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Message par Invité Mar 26 Juil 2011 - 22:06

voila ce film : naïveté, image sale, champ/contre-champ disons par euphémisme assez mal maitrisé, j'ai compté un mouvement de caméra intéressant et une idée de scénario.
et puis ce fétichisme du remplissage sonore et visuel du plan. c'est insupportable : faites les taire !
ce sont des gens qui ne lisent jamais, qui ne mangent jamais, qui ne vont jamais dans leur lit non plus ? c'est pour édifier les masses ? censure oh ma censure ! il vaut mieux porter le voile avec classe et s'instrumentaliser l'un l'autre comme dans un vieux japonais
quand à la structure du film, assez années soixante : grandes séquences très cadrées à l'intérieur pour faire monter la pression, puis trajet feutré en voiture pour la faire descendre.
non pas une once d'esthétisme.... allez voir Deep End vous verrez autre chose.

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Message par Invité Mer 27 Juil 2011 - 9:29

finalement la seule à connaître toutes les confidences faites aux personnages et aux spectateurs ( qui en savent plus, ou moins, ou rien du tout ) c'est la femme pauvre au tchador, extrêmement belle du reste lorsqu'elle est filmée frontalement en gros plan dans la salle de classe face à la femme riche ( qui se donne des airs d'Ava Gardner, lol ) pour moi la plus belle scène du film à cause du léger recadrage arrière de la caméra qui nous fait justement comprendre que nous sommes dans la salle de classe, puis Ava Gardner qui efface le tableau ou a dessiné l'enfant pauvre ( c'est chargé de symboles ).

je donne un exemple : lorsqu'elle elle fait entendre son bébé qui bouge à sa fille c'est une ficelle scénaristique pour nous faire savoir, en secret, dans la confidence, avant les autres personnages du film qu'elle est enceinte.

et tout le film est bâti sur ce jeu des confidences faites, à faire , ou en suspens.

heureusement que ce jeu là est mené par les deux personnages que sont la femme pieuse et la jeune fille tout aussi éprise de vérité et de pureté ( chacune pour sa propre participation à sa part de scénario ).

ainsi la morale peut être sauve et le film non caviardé.

ps que personne ne dise que le pépé sous oxygène n'est pas non plus une exigence scénaristique.

j'ai dit la scène que je préférais je dis ma trouvaille de scénario favorite. c'est lorsque les deux familles se séparent après que le transaction n'ait pu avoir lieu il y a un gros trou dans le pare brise de la voiture, on sait qui a fait le coup, mais alors l'air pénètre dans l'habitacle ( et dans la salle ) ou alors s'installe un souffle de liberté dans un silence recueilli ( mimétisme ).


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Message par Invité Mer 27 Juil 2011 - 13:32

Azalbert défend assez mollement le film dans les cdc. C'est vrai que le film donne à voir froidement et sans éclat. Bref, il fait de Termeh la fille instrumentalisée par ses parents, la figure centrale du film. Ok. Mais il termine comme ça : "A l'unité perdue ( celle de la société, du couple, des parents, de l'individu ) répond la perte de l'innocence et la mort de l'enfance " ( c'est pas très heureux, Razieh a fait une fausse couche, mais bon ). Il continue : "Voici peut être la seule vérité qui se dégage d'Une séparation car le cinéma n'est pas là pour nous bercer d'illusions" ( il a sans doute toujours été vieux ) " mais pour nous faire devenir adulte ".

Mais que signifie donc ce nous ? En quoi un film peut il déborder vers nous ? En quoi vais-ressentir ce que ressent tel personnage ? Par ce qu'il a les menottes je vais savoir ce qu'est porter des menottes ?!?

Personnellement il n'y a qu'une chose qui m'élève et me fait devenir adulte
c'est la beauté, où qu'elle se niche. (Pas là ).

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Message par Invité Jeu 28 Juil 2011 - 5:43

La beauté, la beauté... Chais pô... C'est vrai la beauté, s'tu veux, la beauté, ça fait plaisir, pis ça repose. La laideur, ben, comment dire, c'est anxiogène et ça fatigue.
Mais sinon, t'ois, j'dirais bien, des fois, que "la beauté sans force hait l'entendement parce qu'il exige d'elle ce qu'elle n'est pas en mesure d'accomplir"...


Azalbert, vache de nom bizarre, non? ça fout les jetons, quelque part....

Allez, le suppo, etc.

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Message par adeline Jeu 28 Juil 2011 - 18:55

Hello ici !

en fait, py, AF dans ses interviews parle beaucoup de jugement. Comment on juge, comment on est jugé. Je crois que la première scène place malgré tout le spectateur en position de juge, en tous cas, il est bien à la place du juge. Mais l'avant-dernière scène change cette place : le spectateur se retrouve du côté des parents et de Termeh, puis il est même, dans la dernière scène, à la porte du bureau du juge, avec les parents. C'est en sens que je dis que AF renvoie le spectateur à ses propres choix. Si le spectateur était à nouveau face à Termeh, en position de juge, et si le choix de Termeh était dit, le spectateur regarderait alors le couple depuis le choix de Termeh, qui est un jugement. Mais le regard de Termeh, qui est un regard de juge aussi pendant tout le film, en tout cas un regard qui critique, qui rappelle à l'ordre, qui déplie les événements pour le père, qui sait mieux aussi, puisqu'elle connaît les intentions de la mère, les dit au père, ce regard ne départage pas le couple. Donc, je ressens les choses comme si le spectateur finalement était mis face aux choix de Termeh, et non face au résultat de ce choix. Je ne sais pas si je suis plus claire.

Yep, slimfast, j'imaginais bien que ça ne pourrait pas te plaire. Les films dont on se méfie et qu'il "faut avoir vu", on ne devrait jamais aller les voir. Evidemment, je ne suis d'accord en rien avec ce que tu dis, mais tu es tout à fait cohérent, et parfaitement rohmérien, "le goût de la beauté" Wink

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Message par Largo Dim 31 Juil 2011 - 14:00

Finalement, Farhadi fait pas tant que ça l'unanimité. Sur Facebook :

"A propos d'Elly", ignoble manipulation qui met clairement à nu le système Farhadi. Usage malhonnête de l'ellipse et du non-dit pour une odieuse prise en otage du spectateur. Je comprends désormais tout le mal que certains disaient sur "Une séparation"...
(Viggy Shirvanian)

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Message par Eyquem Dim 31 Juil 2011 - 16:02

ignoble manipulation... Usage malhonnête... odieuse prise en otage...

un pauvre petit spectateur en sucre on dirait...
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Message par adeline Dim 31 Juil 2011 - 17:41

C'est qui, Viggy Shirvanian, Largo ? Je ne comprends pas. Je n'ai pas vu A propos d'Elly, mais admettons qu'on reproche la même chose à Une séparation, c'est un peu le sens de la critique de Asketoner, ça me laisse pantoise. Qu'on dise du film qu'il n'est pas le film de l'année que tout le monde vante, je comprends ; qu'on dise qu'il n'est pas cinématographiquement génial, je comprends ; qu'on n'aime pas, je comprends. Mais bloquer sur l'ellipse, accuser le film de manipulation, c'est un peu idiot, non ? À ce compte, on pourrait dire de beaucoup de films qu'ils sont d'odieuses manipulations du spectateur. Et puis, toute fiction ne prendrait-elle pas le spectateur en otage, etc. J'ai du mal à comprendre ce que Farhadi fait de si horrible pour l'accuser de manipulation.

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Message par Eyquem Dim 31 Juil 2011 - 22:18

MANIPULATION !!!

Dans "Psychose", Orson Welles nous cache jusqu'à la fin que lui et sa luge sont en fait une seule et même personne !!! C'est odieux !!! C'est une prise d'otage !!! Il faut qu'on nous libère tout de suite !!!!





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Message par Invité Dim 31 Juil 2011 - 22:25

Adeline a écrit :


C'est qui, Viggy Shirvanian, Largo ?





très certainement notre semblable ....

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Message par Largo Lun 1 Aoû 2011 - 10:46

Ah ah je suis d'accord avec vous c'est truc que personne reproche au ciné americain en général.

Viggy c'est un cinéphile très actif Wink
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Message par adeline Lun 1 Aoû 2011 - 17:53

Very Happy

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Message par careful Lun 1 Aoû 2011 - 17:57

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Message par Largo Lun 1 Aoû 2011 - 18:08

Ah bin tu vois, Eyquem, j'étais pas au courant jvais plus trop par là-bas Wink
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