When the Bough Breaks (Ji Dan - 2011)
When the Bough Breaks (Ji Dan - 2011)
J'ai regardé hier soir un documentaire chinois, qu'on trouve sur le net uniquement avec son titre anglais When the Bough Breaks, Quand la branche casse. Il était passé à Rotterdam et à New York.
La réalisatrice, ancienne journaliste, retrouve une famille pauvre qu'elle avait rencontrée en 2004 pour la filmer sur une plus longue période. Le père vit en triant des déchets, il lui manque une jambe, la mère l'aide comme elle peut. Les trois enfants, des jeunes adultes, vivent dans une école pour migrant. Ils ne savent pas comment ils pourront continuer à payer l'inscription à cette école, et mettent en place des stratégies compliquées et douloureuses pour que l'un d'eux au moins puisse poursuivre sa scolarité jusqu'à l'université. Le film est composé de longues discussions tendues entre les membres de cette famille sur la bonne décision à prendre, le père qui s'y oppose, la sœur aînée qui pousse le jeune frère à aller dans telle meilleure école gratuite pour les dix meilleurs au concours d'entrée, la jeune sœur qui la soutient ou non. Les thèmes, c'est l'éclatement de la famille, le respects des aînés et des ancêtres, les stratégies pour sortir de la pauvreté la plus grande.
Ça n'est pas très bien, mais les si grandes faiblesses ne sont pas sans intérêt, paradoxalement. Le film est filmé et monté très platement. Il n'y a aucune tension dans la narration, dans la progression du récit. La durée n'est pas très bien rendue, il n'y a pas de rupture, de moments de tension. A part quelques plans d'ensemble parfois marquants (le grand terrain vague derrière la masure de la famille, bordé à l'horizon par d'énormes immeubles blancs et modernes, qui donne une idée du no man's land que la Chine semble à certains endroits être devenue, un paysage où rien, absolument rien n'est laissé à l'homme en partage - image que j'avais vue dans les incroyables photos que Baldanders avait posté sur enculture : http://enculture.free.fr/viewtopic.php?p=25591#25591), les scènes sont surtout composées de plans moyens ou rapprochés sur les personnages discutant entre eux, les séquences s'étirant parfois à la limite du supportable (notamment une scène où le père, assez ivre, engueule tout le monde, sans qu'on arrive bien à comprendre quelle est la réalité de l'engueulade…), et toujours le même débat, le même enjeu revient. Si ce n'est que le film est assez pénible à regarder, sans émotion esthétique, affective, intellectuelle, il en reste malgré tout l'impression qu'il dit quelque chose de la répétition et de l'enfermement dans lesquels se trouve cette famille alors que l'horizon de la scolarité semble se refermer.
Ce qui m'a surtout frappée, c'est que ce film est pratiquement semblable à d'autres documentaires chinois que j'ai vus dans les deux dernières années. Cette assertion ne vaut que par ce qu'elle vaut, comparer entre eux des films vus parce qu'ils semblent construits à partir d'une même réalité. Je pense à Last Train Home de Lixin Fan, à Pétition, la cour des plaignants, de Zhao Liang. Il y a aussi 1428 de Haibin Du, et Bachelor Mountain de Guangyi Yu, qui sont voisins sur certaines impressions formelles.
Voir When the Bough Breaks, Last Train Home ou Pétition, c'est, à quelques différences près, regarder le même film. Un réalisateur sans équipe avec du petit matériel suit durant de longues années une famille pauvre. Dans un cas, la famille a migré pour de la campagne vers la ville pour faire valoir une plainte judiciaire (Pétition), dans l’autre les parents ont migré de la campagne vers la ville pour pouvoir assurer à leurs enfants une bonne scolarité au village, et les enfants veulent les rejoindre et travailler à leur tour (Last Train Home), dans le dernier, on ne connaît pas les raisons de la migration, mais ses conséquences, la situation de la famille et la difficulté à s’ouvrir des horizons de vie. Dans les trois cas, la distance du réalisateur à la famille est marquante : très proche, la caméra est plaquée aussi bien au propre qu’au figuré sur la réalité qu’elle filme. Le réalisateur, ou la réalisatrice, filme la famille et la connaît depuis si longtemps qu’il ou elle devient un acteur de l’histoire (prise à partie directe par les enfants de la caméra en tant qu’on agit pour elle, intervention du réalisateur dans l’histoire même, l’un des personnages se confiant à lui et le chargeant d’annoncer la nouvelle à un autre personnage, aide financière ou autre reprochée à la réalisatrice lorsque la caméra tourne, la scène étant gardée au montage). Autant de choses qui me choquent mais surtout m’intriguent, car elles sont souvent sans doute simplement gommées dans les autres documentaires. Ce qui est étrange, c’est l’impression, malgré les différence de forme, tant dans la construction du récit, plus ou moins bien maîtrisé, que dans la manière de filmer, plus ou moins respectueuse, plus ou moins intéressante, de voir exactement le même film car les trois ne réussissent semble-t-il pas à transformer en autre chose la réalité qu’ils filment, sans pour autant se donner comme ligne esthétique de la rendre telle qu’en elle-même. On sent en effet à chaque fois de lourdes maladresses démonstratives, une volonté de signifier tout, de démontrer la réalité, plutôt que de la montrer simplement, si tel était enfin leur désir.
Je ne connais pas du tout l’état du cinéma en Chine, encore moins réellement celui du documentaire, mais c’est quand même quelque chose de marquant, que j’ai rarement ressenti, cette impression d’une même manière de faire faisant ressentir trois films comme un même objet.
La réalisatrice, ancienne journaliste, retrouve une famille pauvre qu'elle avait rencontrée en 2004 pour la filmer sur une plus longue période. Le père vit en triant des déchets, il lui manque une jambe, la mère l'aide comme elle peut. Les trois enfants, des jeunes adultes, vivent dans une école pour migrant. Ils ne savent pas comment ils pourront continuer à payer l'inscription à cette école, et mettent en place des stratégies compliquées et douloureuses pour que l'un d'eux au moins puisse poursuivre sa scolarité jusqu'à l'université. Le film est composé de longues discussions tendues entre les membres de cette famille sur la bonne décision à prendre, le père qui s'y oppose, la sœur aînée qui pousse le jeune frère à aller dans telle meilleure école gratuite pour les dix meilleurs au concours d'entrée, la jeune sœur qui la soutient ou non. Les thèmes, c'est l'éclatement de la famille, le respects des aînés et des ancêtres, les stratégies pour sortir de la pauvreté la plus grande.
Ça n'est pas très bien, mais les si grandes faiblesses ne sont pas sans intérêt, paradoxalement. Le film est filmé et monté très platement. Il n'y a aucune tension dans la narration, dans la progression du récit. La durée n'est pas très bien rendue, il n'y a pas de rupture, de moments de tension. A part quelques plans d'ensemble parfois marquants (le grand terrain vague derrière la masure de la famille, bordé à l'horizon par d'énormes immeubles blancs et modernes, qui donne une idée du no man's land que la Chine semble à certains endroits être devenue, un paysage où rien, absolument rien n'est laissé à l'homme en partage - image que j'avais vue dans les incroyables photos que Baldanders avait posté sur enculture : http://enculture.free.fr/viewtopic.php?p=25591#25591), les scènes sont surtout composées de plans moyens ou rapprochés sur les personnages discutant entre eux, les séquences s'étirant parfois à la limite du supportable (notamment une scène où le père, assez ivre, engueule tout le monde, sans qu'on arrive bien à comprendre quelle est la réalité de l'engueulade…), et toujours le même débat, le même enjeu revient. Si ce n'est que le film est assez pénible à regarder, sans émotion esthétique, affective, intellectuelle, il en reste malgré tout l'impression qu'il dit quelque chose de la répétition et de l'enfermement dans lesquels se trouve cette famille alors que l'horizon de la scolarité semble se refermer.
Ce qui m'a surtout frappée, c'est que ce film est pratiquement semblable à d'autres documentaires chinois que j'ai vus dans les deux dernières années. Cette assertion ne vaut que par ce qu'elle vaut, comparer entre eux des films vus parce qu'ils semblent construits à partir d'une même réalité. Je pense à Last Train Home de Lixin Fan, à Pétition, la cour des plaignants, de Zhao Liang. Il y a aussi 1428 de Haibin Du, et Bachelor Mountain de Guangyi Yu, qui sont voisins sur certaines impressions formelles.
Voir When the Bough Breaks, Last Train Home ou Pétition, c'est, à quelques différences près, regarder le même film. Un réalisateur sans équipe avec du petit matériel suit durant de longues années une famille pauvre. Dans un cas, la famille a migré pour de la campagne vers la ville pour faire valoir une plainte judiciaire (Pétition), dans l’autre les parents ont migré de la campagne vers la ville pour pouvoir assurer à leurs enfants une bonne scolarité au village, et les enfants veulent les rejoindre et travailler à leur tour (Last Train Home), dans le dernier, on ne connaît pas les raisons de la migration, mais ses conséquences, la situation de la famille et la difficulté à s’ouvrir des horizons de vie. Dans les trois cas, la distance du réalisateur à la famille est marquante : très proche, la caméra est plaquée aussi bien au propre qu’au figuré sur la réalité qu’elle filme. Le réalisateur, ou la réalisatrice, filme la famille et la connaît depuis si longtemps qu’il ou elle devient un acteur de l’histoire (prise à partie directe par les enfants de la caméra en tant qu’on agit pour elle, intervention du réalisateur dans l’histoire même, l’un des personnages se confiant à lui et le chargeant d’annoncer la nouvelle à un autre personnage, aide financière ou autre reprochée à la réalisatrice lorsque la caméra tourne, la scène étant gardée au montage). Autant de choses qui me choquent mais surtout m’intriguent, car elles sont souvent sans doute simplement gommées dans les autres documentaires. Ce qui est étrange, c’est l’impression, malgré les différence de forme, tant dans la construction du récit, plus ou moins bien maîtrisé, que dans la manière de filmer, plus ou moins respectueuse, plus ou moins intéressante, de voir exactement le même film car les trois ne réussissent semble-t-il pas à transformer en autre chose la réalité qu’ils filment, sans pour autant se donner comme ligne esthétique de la rendre telle qu’en elle-même. On sent en effet à chaque fois de lourdes maladresses démonstratives, une volonté de signifier tout, de démontrer la réalité, plutôt que de la montrer simplement, si tel était enfin leur désir.
Je ne connais pas du tout l’état du cinéma en Chine, encore moins réellement celui du documentaire, mais c’est quand même quelque chose de marquant, que j’ai rarement ressenti, cette impression d’une même manière de faire faisant ressentir trois films comme un même objet.
adeline- Messages : 3000
Re: When the Bough Breaks (Ji Dan - 2011)
je crois que je ne comprends pas vraiment ton interrogation du dernier paragraphe.
sur google il y a quantité de réponses sur le cinéma chinois, évidemment au filtre de google...
j'ai entendu tout a l'heure que la famille de l'ancien premier ministre chinois s'était enrichie durant son mandat. aussitôt la Chine a piraté les sites des 4 journaux américains qui avaient investigué le plus.
tout ça pour dire que la frontière chinoise est imperméable.
sur google il y a quantité de réponses sur le cinéma chinois, évidemment au filtre de google...
j'ai entendu tout a l'heure que la famille de l'ancien premier ministre chinois s'était enrichie durant son mandat. aussitôt la Chine a piraté les sites des 4 journaux américains qui avaient investigué le plus.
tout ça pour dire que la frontière chinoise est imperméable.
Invité- Invité
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