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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011) - Page 3 Empty Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Invité Jeu 4 Aoû 2011 - 10:41

j'ai vu A propos d'Elly moins politique et à mon avis beaucoup mieux filmé qu'Une séparation en tous cas le décor, l'histoire, le côté un peu intimiste correspondent d'avantage à ce que j'attends du cinéma.

Je le conseillerais plutôt qu'Une séparation pour une question de légèreté ( relative ) et de construction scénaristique assez réussie.

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Message par Invité Jeu 4 Aoû 2011 - 10:58

je trouve l'ellipse beaucoup plus intéressante dans ce film car elle n'augure rien du résultat, tragique et assez beau, alors que dans Une séparation on sait ce que donnera cette opposition de classes.

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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011) - Page 3 Empty Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Largo Jeu 18 Aoû 2011 - 22:54

http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/08/18/meme-des-censeurs-du-regime-en-iran-ont-adore-le-film_1560941_3246.html#ens_id=1561014

L'accueil réservé au film ne cesse de m'étonner...
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Message par Borges Ven 9 Sep 2011 - 7:46

Tony le Mort a écrit:
adeline a écrit:J'ai pensé à Ashgar Farhadi, à qui l'on a reproché ses ellipses, et qui ne cherche pas non plus à affronter directement la censure.

Je ne réagis pas sur le centre de ton propos à double titre.

1) si c'est à "Une Séparation" que tu fais allusion, il en m'a pas semblé du tout elliptique quant à ce qui pourrait susciter la censure. ll me semble qu'il fasse au contraire une critique frontale d'une sorte d'indifférence de l'état au racisme de classe en Iran (en même temps le but de tout état est peut-être d'entretenir cette indifférence et définir la société par cette indifférence, plus ou moins subtilement),;et de manière intéressante, une critique beaucoup plus implicite et indirecte de la religion, notamment lors de la séquence où c'est le père "éclairé" qui demande à sa bonne de jurer sur le coran, alors qu'elle était sur le point d'avouer qu'elle avait avorté.
La religion dans ce film est toujours montrée comme un impératif mal compris, peut-être un néant, mais avant tout quelque chose dont l'intériorisation échoue, elle est aussi liée à une forme de domination politique qui s'exerce aussi à travers la critique des intérêts sociaux particuliers, qu'elle transforment en objet d'une interprétation. Le film ne franchit jamais toute à fait la frontière qui lie la critique de la religion à la critique d'une loi. Mais il montre que la référence publique à l'islam comme source de la morale permet au système judiciaire d'évacuer l'idée de jugement et de serment. Au contraire du serment religieux, l'enquête bureaucratique est permanente, et est produite par la reconnaissance de la faute (ce que la fille du couple bourgeois a très bien vu: son père fait l'aveu de sa culpabilité dès le début), elle ne porte que sur la mise à jouer des raisons de la violence, mais ne juge pas pas le tort.
Je m'éloigne du sujet, mais il n'y pas d'ellipse sur ce qui est politique dans le film: la mort du père qui sert à donner au film un prétexte mélodramatique est complètement évacuée , et le film se concentre de plus en plus de l'engrenage judiciaire dans lesquels les deux familles tombent d'abord, puis finissent se complaisent, dans l'espoir que leur appartenance sociale et leur intérêt de classe, puisqu’ils sont contradictoire, puissent être directement convertis en source de la reconnaissance de leur bon droit au moyen d'un procès. Ce que j'aime bien dans le film, c'est qu'il montre de manière très subtile, à la fois symbolique et réaliste, que le père de la famille prolétarisée prend plus rapidement conscience que son antagoniste de la bourgeoisie intellectuelle que justement le but du système judiciaire iranien est de ne surtout pas trancher cet antagonisme de classe, qu'il n'y aura qu'une enquête mais pas de jugement (il n'est pas seul, la femme -assez chiante mais honnête- de couple bourgeois est très proche de lui sur cela). Comme il pète un câble immédiatement après, et replonge dans la violence conjugale, il ne peut pas exploiter cet avantage (il y a un côté fassbinderien pour le coup assez intéressant). Tu fais allusion à des critiques qui qualifient d'ellipse justement la part d'irrésolution que le film arrive à montrer au sein du système qu'il critique.

2) Mais en fait le rapprochement entre l'esprit de la Ruche et une Séparation me semble pas mal vu justement à propos de la représentation de l'enfance. Le personnage de la petite fille de la bonne est très proche de celui du film d'Erice (elles comprennent toutes les deux des dictatures qui semblent du même ordre, car elles sentent que l'ordre social est tellement kafkaïen qu'il n'est pas moins ésotérique pour les adultes que les enfants), mais le sens de l''expérience de l'enfance du personnage est inversé; l'une traverse la prison comme s'il s'agît d'un spectacle (la scène étrange où elle croise le regard d'un détenu visiblement pédophile, et arrive à s'en dégager sans finalement beaucoup de douleurs) tandis que celle d'Erice transforme l'expérience de l'émerveillement cinématographique, l'intersection de la terreur et de le poésie, en pressentiment d'un rapport à la morale et à la mort qui puisse être d'ordre objectif.
Les deux films se répondent : la petite fille d'une Séparation monte l'escalier et regarde à travers la porte de l'appartement de la famille bourgeoise de la même manière qu'Anna Torrent marche, va au cinéma, regarde l'écran. Je pense (mais je suis pas sûr) que dans les deux films il y a une sorte de fugue, et que c'est l'enfant qui décide du retour juste avant que les adultes ne s'inquiètent. Toutes deux perçoivent que qui oppose l'appropriation d'un monde déjà parcouru, déjà perçu comme répétitif (elles comprennent dès le début que le système social qui les entoure a la prétention de déterminer la mémoire qu'elles auront à acquérir), à sa critique. Ces deux films ne sont politiques que par le fait de montrer que le régime, tout aussi bien qu'eux, doit placer les enfance à l'extérieur de l'ordre qu'il instaure, et que les enfants qui ont conscience de la pauvreté de leur propre imaginaire sont fatalement amenés dans un tel système une conscience du caractère construit de l'ordre, mais c'est déjà beaucoup.
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Message par Invité Ven 9 Sep 2011 - 14:20

Largo a écrit:http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/08/18/meme-des-censeurs-du-regime-en-iran-ont-adore-le-film_1560941_3246.html#ens_id=1561014

L'accueil réservé au film ne cesse de m'étonner...

Moi aussi, mais c'est vrai que le personnage du juge d'instruction, très télévisuel, très "derrickien" est assez problématique: apparemment il tire parti de l'hypocrisie du système pour se montrer 'humain' (en fait il enquête de manière un peu sadique à charge et à décharge sur tous le monde, plaignant et accusés compris, et fait de la bureaucratie un efficace outil d'anamnèse...ce qui n'est pas sans rappeler certains traits du système judiciaire américain). Les flics du film sont aussi étonnamment placides et débonnaires (la scène ou l'un d'eux lève le bras en même temps que le père menotté qui dit au revoir à sa fille, serre à demi volontairement le poing et lui sourit).
C'est intéressant de penser que des réalisateurs comme Kiarostami ou Panahi ont plus d'emmerdes en esquivant ou en décentrant la représentation directe du pouvoir dans leurs films que Farhadi qui le montre assumant tranquillement son hypocrisie, et en fait le sujet central du film.

Bizarrement cela me fait penser à une interview où les Straub traitaient Fassbinder de petit bourgeois réactionnaire à propos de je en sais plus quel film (dans le sens où pour lui critiquer le système et montrer la défait du prolétariat étaient la même chose...pas si faux. Je crois que c'était "Maman Küsters": http://www.derives.tv/spip.php?article102). L'emboîtement des positions est assez proche finalement, avec Kiarostami dans la position des Straub et Farhadi dans celle de Fasbinder. D'un côté la critique des Straub étaient légitimes parce qu'ils ont fait eux-même Machorka-Muff ou Non-Réconcilliés, où ils arrivent à tenir un parti formaliste mûri, rigoureux et ouvert, tout en montrant une société fermée qui appartient au pouvoir. Mais en même temps auprès de leur public, cette même exigence, si elle est reprise telle quelle non plus dans la création du film mais dans sa consommation, peut à son tour servir de justification à un esthétisme insulaire. Ou pire, l'idée d'interpréter l'histoire comme un processus où il faut à tout prix trouver un camps qui aurait raison, et s'identifier à ce camps, ce qui remplace l'analyse (malheureusement un tel travers dans beaucoup des discours des "intellectuels" ayant reçu une formation philosophique sur l'histoire: tans les anciens 68ards tournés réacs que ceux qui se définissent comme "communiste". Rémy Bac est aussi ridicule que Milner. Moins justement et heureusement chez les historiens).
En fait la charge subversive du film existe, mais en tient pour le spectateur qu'au moment de la vision, dans le travail que fait le spectateur pour surmonter la durée des plans et l'hiératisme de la mise en scène, et trouver finalement le film plus familier à lui même que d'autre plus accessibles. Mais ce travail n'est pas répétable ailleurs qu'au moment de la première vision je crois. Il est exemplaire mais sans reprise.


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Message par Guillaume Mer 21 Sep 2011 - 9:23

Largo a écrit:Finalement, Farhadi fait pas tant que ça l'unanimité. Sur Facebook :

"A propos d'Elly", ignoble manipulation qui met clairement à nu le système Farhadi. Usage malhonnête de l'ellipse et du non-dit pour une odieuse prise en otage du spectateur. Je comprends désormais tout le mal que certains disaient sur "Une séparation"...
(Viggy Shirvanian)


D'ailleurs, de l'utilisation de l'ellipse dans Une Séparation :
A lire ici

Guillaume

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Message par adeline Mer 21 Sep 2011 - 17:17

Bienvenue Guillaume !

J'étais justement tombé sur ton texte tout à l'heure, je m'apprêtais à faire un lien.
À propos de ce que tu mets en note, j'avais aussi publié un texte sur Vol spécial sur le site des Spectres : http://www.spectresducinema.org/?p=1639

Wink

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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011) - Page 3 Empty Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Guillaume Jeu 22 Sep 2011 - 10:08

Ah parfait... Je change le lien. Ca me semble plus synthétique pour aborder la dite polémique.
Et merci pour l'accueil !

Guillaume

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Une séparation (Asghar Farhadi - 2011) - Page 3 Empty Re: Une séparation (Asghar Farhadi - 2011)

Message par Largo Jeu 22 Sep 2011 - 10:36

Salut Guillaume !
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