Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
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Borges
Largo
adeline
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Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Livres et films favoris de raz
L’art de la guerre, sun tzu
Une saison en enfer,
Essai sur le don (MMauss)
Les chants de maldoror
Pierres, roger caillois
L’aurore (murnau)
L’homme d’aran
(flaherty)
L’armée des ombres
Les maîtres fous
Johnny s’en va-t-en guerre, trumbo
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Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
les chants de la bêtise vertueuse
(08:06:20) Zahad_le_rouge: de mise en scène, évidemment, il n'est pas question
(09:38:03) Zahad_le_rouge: il est bien, l'article de Fromafog, sur Mandrin
(09:38:56) Zahad_le_rouge: c'est dur de le lire, au début, parce qu'il faut bien l'admettre, RAZ a fait un film de droite, et à lire ça sans avoir vu Mandrin, ça ne produit aucun sens, ça paraît impossible quand on a vu ses autres films
(09:39:27) Zahad_le_rouge: et pourtant, pourtant, Antoine Basile Mouton a raison...
(09:39:28) Zahad_le_rouge:
(09:39:48) Zahad_le_rouge: http://fromafog.blogspot.com/2012/02/les-chants-de-mandrin-rabah-ameur.html
(10:47:14) Baldanders: Pourquoi "de droite", Zad ?
(11:05:32) Zahad_le_rouge: j'essaierai de trouve rle temps d'une bafouille bientôt
(11:05:51) Zahad_le_rouge: mais ce qu'écrit ABM le dit plutôt bien
(11:05:57) Zahad_le_rouge: si c'est pas droite, c'est gauche molle
(11:06:33) Zahad_le_rouge: c'est ce que je t'écrivais dans le mail, la révolution c'est faire des marchés et distribuer des tracts, un tapis acheté, un exemplaire des Chants de mandrin offert
(11:06:51) Zahad_le_rouge: "C'est, finalement, un film capitaliste"
(11:06:54) Zahad_le_rouge: écrit ABM
(11:07:10) Zahad_le_rouge: "Finalement, ce sont les mêmes fêtes qu'à droite, mais pas la même musique qu'on écoute, ni les mêmes noms qu'on cite ("Voltaire : excellent choix!"). Tout est pose, et Mandrin n'est rien de plus qu'une autre idole, une idole bon ton, un Papa meilleur que les Papas des autres."
(11:07:25) Zahad_le_rouge: le "Voltaire ! excellent choix!" c'est textuellement dans le film, hein
(11:07:26) Zahad_le_rouge: sic
(11:07:57) Zahad_le_rouge: pareil quand le premier exemplaire des Chants de Mandrin est tiré, j'ai halluciné en voyant le nom de l'éditeur imprimé sur la couverture
(11:07:58) Zahad_le_rouge: "RAZ"
(11:08:00) Zahad_le_rouge: voilà
(11:08:03) Zahad_le_rouge: RAZ le patron
(11:08:14) Zahad_le_rouge: c'est à lui
(11:08:25) Zahad_le_rouge: Mandrin lui appartient
(11:08:51) Zahad_le_rouge: on peut pousser plus loin
(11:09:02) Zahad_le_rouge: la complainte de Mandrin n'a historiquement pas d'auteur
(11:09:06) Zahad_le_rouge: à ma connaissance
(11:09:11) Zahad_le_rouge: on ne sait pas qui l'a écrite
(11:09:37) Zahad_le_rouge: RAZ décide que l'auteur est un Marquis
(11:09:42) Zahad_le_rouge: qu'il ne peut pas en être autrement
(11:09:49) Zahad_le_rouge: c'est un aristocrate
(11:09:53) Zahad_le_rouge: un lettré
(11:10:01) Zahad_le_rouge: et c'est une déclamation tragique
(11:10:17) Zahad_le_rouge: que le peuple a sottement converti en chant à danser et à boire
(11:10:53) Zahad_le_rouge: tellement de choix consternants
(11:11:20) Zahad_le_rouge: je ne comprends pas quelle mouche a piqué RAZ, je ne comprends pas ses choix, je ne comprends pas son film
(11:11:36) Zahad_le_rouge: son compter qu'il est d'une laideur confondante, son film
(11:11:44) Zahad_le_rouge: refus absolu cu plan large
(11:11:49) Zahad_le_rouge: *du plan large
(11:11:56) Zahad_le_rouge: découpage à la va-comme-je-te-pousse
(11:12:27) Zahad_le_rouge: on raccorde un gros plan de face avec un gros plan de trois-quart du même personnage
(11:12:33) Zahad_le_rouge: tout semble être fait au pif
(11:12:42) Zahad_le_rouge: hormis quelques plans
(11:12:46) Zahad_le_rouge: des plans signature
(11:12:55) Zahad_le_rouge: des plans où soudain RAZ se dit je dois "faire un plan"
(11:12:58) Zahad_le_rouge: fair eune image
(11:13:00) Zahad_le_rouge: une belle image
(11:13:18) Zahad_le_rouge: la longue marche à contre-jour par ex
(11:13:24) Zahad_le_rouge: voilà, j'ai fait mon plan contemplatif
(11:13:30) Zahad_le_rouge: c'est reparti pour un tunnel de gros plans
(11:13:40) Zahad_le_rouge: sans chair
(11:13:53) Zahad_le_rouge: il n'y a qu'un gros plan qui soit incarné, mais il est vulgaire et bête
(11:13:59) Zahad_le_rouge: c'est le gros plan sur un corsage
(11:14:46) Zahad_le_rouge: les nichons qui gonflent et dégonflent d'une femme hahannante
(11:15:08) Zahad_le_rouge: mais il faut voir la manière dont le film les traite, les femmes
(11:15:14) Zahad_le_rouge: il s'en contrefout, le film
(11:15:17) Zahad_le_rouge: elles sont la réocmpense
(11:15:26) Zahad_le_rouge: du guerrier
(11:16:44) Zahad_le_rouge: enfin bref
(11:16:51) Zahad_le_rouge: ça m'énerve
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
raz n'est ni capitaliste, de gauche, de droite, du centre, islamiste... Il n' a jamais dit qu'aucune chose : soyez libres, ne dépendez de personne; son idéal, c'est l'idéal punk, son impératif : "montez votre groupe, créez vos réseaux, vos montages". Y a pas d'indépendance esthétique, créatrice sans indépendance économique, sans subversion des modèles dominant de la fabrication des films (producteur, distributeur...); dès son premier film, il a compris que pour faire un film librement fallait avoir sa structure... politique de l'auteur, dans sa dimension la plus concrète, la plus évidente, et en même temps déconstruction ironique de tout ça (la patron, le chef, le boss...). Le personnage de raz, c'est le même que celui de "gracieuse", de "sports de filles".
La même combinaison de l'aristocrate et du prolétaire
seuls les simples d'esprit pensent que gracieuse cherche un mec; son cheval n'est pas le symbole du mec, du sexe, mais du moyen d'expression, des conditions de création du désir, de ce qui permet à une puissance d'agir de s'exprimer, de ne pas être séparée de ce qu'elle peut, d'elle-même; faut cela pour ne pas sombrer; on le comprend mieux si on rapporte ce personnage à celui de SB, dans "sans toit ni loi", à qui gracieuse fait penser; le refus abstrait de tout, la négation absolue de tout ne peut mener qu'à la mort; il ne faut pas renoncer au désir, plutôt ne jamais renoncer sur son désir; éthique de la continuité, dirait l'autre; mais le désir n'est rien, s'il ne s'agence pas, se combine pas; sans son cheval gracieuse n'est rien, mais il lui faut aussi quelqu'un à qui montrer, se montrer, se rendre visible; quelqu'un qui puisse l'admirer; il faut le visible; RAZ aborde ce problème depuis la diffusion, la distribution; créer, c'est bien, mais communiquer ses oeuvres c'est un autre problème; il faut qu'elles soient vues; la reproduction mécanique ne suffit pas, faut aussi que ces oeuvres reproduites puissent atteindre leur destinataire, tout le monde en droit; le destinataire d'une vérité est nécessairement universel.
-"Revendiquons hautement l’aristocratisme, la formulation oxymorique complète de notre posture étant d’être un aristocratisme prolétaire. Où « aristocratisme » désigne ceci que les vérités, les exceptions, sont effectivement portées par des minorités, comme chez D/G et « prolétaire » qu’elles sont de l’ordre du labeur, de l’oeuvre, et que cette oeuvre est universellement destinée."
(Badiou)
ce qui rejoint sa définition même du cinéma : art populaire, art de masse.
C'est de ça qu'il s'agit dans le film.
RAZ dit que ses personnages sont moins des contrebandiers que des guerriers; ce sont des contrebandiers guerriers : Mauss et Sun tzu.
La même combinaison de l'aristocrate et du prolétaire
seuls les simples d'esprit pensent que gracieuse cherche un mec; son cheval n'est pas le symbole du mec, du sexe, mais du moyen d'expression, des conditions de création du désir, de ce qui permet à une puissance d'agir de s'exprimer, de ne pas être séparée de ce qu'elle peut, d'elle-même; faut cela pour ne pas sombrer; on le comprend mieux si on rapporte ce personnage à celui de SB, dans "sans toit ni loi", à qui gracieuse fait penser; le refus abstrait de tout, la négation absolue de tout ne peut mener qu'à la mort; il ne faut pas renoncer au désir, plutôt ne jamais renoncer sur son désir; éthique de la continuité, dirait l'autre; mais le désir n'est rien, s'il ne s'agence pas, se combine pas; sans son cheval gracieuse n'est rien, mais il lui faut aussi quelqu'un à qui montrer, se montrer, se rendre visible; quelqu'un qui puisse l'admirer; il faut le visible; RAZ aborde ce problème depuis la diffusion, la distribution; créer, c'est bien, mais communiquer ses oeuvres c'est un autre problème; il faut qu'elles soient vues; la reproduction mécanique ne suffit pas, faut aussi que ces oeuvres reproduites puissent atteindre leur destinataire, tout le monde en droit; le destinataire d'une vérité est nécessairement universel.
-"Revendiquons hautement l’aristocratisme, la formulation oxymorique complète de notre posture étant d’être un aristocratisme prolétaire. Où « aristocratisme » désigne ceci que les vérités, les exceptions, sont effectivement portées par des minorités, comme chez D/G et « prolétaire » qu’elles sont de l’ordre du labeur, de l’oeuvre, et que cette oeuvre est universellement destinée."
(Badiou)
ce qui rejoint sa définition même du cinéma : art populaire, art de masse.
C'est de ça qu'il s'agit dans le film.
RAZ dit que ses personnages sont moins des contrebandiers que des guerriers; ce sont des contrebandiers guerriers : Mauss et Sun tzu.
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
salut Borges,
as-tu enfin pu voir le film ?
as-tu enfin pu voir le film ?
parce que précisément j'ai l'impression qu'il passe un peu à côté de tout ça dans ce film. ou bien je n'ai pas compris...raz n'est ni capitaliste, de gauche, de droite, du centre, islamiste... Il n' a jamais dit qu'aucune chose : soyez libres, ne dépendez de personne; son idéal, c'est l'idéal punk, son impératif : "montez votre groupe, créez vos réseaux, vos montages". Y a pas d'indépendance esthétique, créatrice sans indépendance économique, sans subversion des modèles dominant de la fabrication des films (producteur, distributeur...); dès son premier film, il a compris que pour faire un film librement fallait avoir sa structure... politique de l'auteur, dans sa dimension la plus concrète, la plus évidente, et en même temps déconstruction ironique de tout ça (la patron, le chef, le boss...).
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Stéphane Pichelin a écrit:salut Borges,
as-tu enfin pu voir le film ?
Salut SP; oui, je l'ai vu.
je pense que les critiques adressées au film ne savent pas du tout ce que signifie capitalisme;
Le problème c'est pas le marché libre, c'est que le marché n'a rien de libre, ne fonctionne pas en tant que libre; le marché libre est une idée, une idéologie, imposée par ceux qui le défendent en théorie, politiquement, et qui s'en exceptent, à ceux qui le subissent; comme le dit chomsky : reagan fut le plus grand défenseur du marché libre et le président le plus protectionniste depuis les années 1930; ce n'est pas une contradiction, mais la vérité du fonctionnement du prétendu capitalisme depuis 3 siècles; la discipline du marché ne vaut que pour les faibles, à moins que le jeu ne soit truqué en faveur des forts, généralement à la suite d'une intervention de l'état de grand ampleur.
For those who are interested in the real world, a look at the actual history suggests some adjustment -- a modification of free market theory, to what we might call "really existing free market theory." That is, the one that's actually applied, not talked about.
And the principle of really existing free market theory is: free markets are fine for you, but not for me. That's, again, near a universal. So you -- whoever you may be -- you have to learn responsibility, and be subjected to market discipline, it's good for your character, it's tough love, and so on, and so forth. But me, I need the nanny State, to protect me from market discipline, so that I'll be able to rant and rave about the marvels of the free market, while I'm getting properly subsidized and defended by everyone else, through the nanny State. And also, this has to be risk-free. So I'm perfectly willing to make profits, but I don't want to take risks. If anything goes wrong, you bail me out.
Free Market Fantasies: Capitalism in the Real World
Noam Chomsky
pensons au net, que les grands défenseurs du marché libre veulent rendre encore plus libre en le disciplinant; un marché est libre quand il est contrôlé par ceux qui échappent aux règles qu'ils édictent; il suppose un droit du plus fort, une souveraineté; c'est pour ça qu'on peut parler de dictature des marchés, mais en un sens non journalistique, médiatique, politique...
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
certains ont halluciné en lisant le nom de l'éditeur : RAZ; très sérieusement; on sent trop bien qu'ils dénoncent ce qu'ils rêvent d'être, mais ne supportent pas chez les autres.
Il ne s'agit pas du tout pour RAZ de poser en patron, en super auteur qui signe, s'approprie. Il s'agit d'édition, c'est autre chose; un éditeur n'est pas un auteur, et surtout cette signature, tout en bas, n'a rien de sérieux, elle est déconstruite par tous les écarts qui existent, qui sont construits, par la mise en scène, le récit, entre le texte (rimbaud et lautréamont) et le titre, les diachronies, du sens, des tons, des mots, par exemple " burlesque", qui indique le ton du film, sa poétique.
Dans "en vers burlesques" on entend le cinéma burlesque, il faut aussi retrouver le genre littéraire ( le burlesque, farce, plaisanterie)
Le burlesque
Le registre burlesque (mot qui vient de l’italien burlesco se qui signifie farce ou plaisanterie) est une technique dans la littérature qui consiste à adopter un vocabulaire et un ton grotesque pour une situation dramatique ou l’inverse. Dans la littérature française classique, le burlesque procède d’un décalage entre grandeur et petitesse.
l'écart de la situation (l'histoire de france) et du ton (une langue, un accent, un français contemporain, populaire; coup de génie de raz, inverse de celui de AK, il ne s'agit pas de faire parler la langue noble à des banlieusards, sur une scène théâtrale, mais de transporter des banlieusards dans la grande histoire et de les franciser ainsi, en leur donnant des racines fictives, un héritage de fiction, politiquement fondé : nous sommes les vrais descendants des révolutionnaires; si la france c'est la république, nous en sommes les fondements; l'inexistant de badiou)
la règle de lecture de cette image est déterminée par l'image même : c'est de la poésie burlesque; comme est burlesque, jean luc nancy...
non pas la politique de l'auteur, raz, mais la poétique du film : "vers burlesques"
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Stéphane Pichelin a écrit:Les chiants de Mandrin.
bien sûr, ce n'est pas tout à fait juste et je cède à mon goût pour le calembour (goût qui ne doit pas grand chose à Lacan et tout à Lapointe). mais le film m'a quand même distillé un indicible ennui. pas indicible par son énormité mais par un côté vague, un peu insaisissable. apparemment, je n'ai pas été sensible à sa beauté. je suis resté tout du long spectateur du spectacle, en dehors, enfermé dehors. incapable d'adhérer à ce qui m'était présenté. ces Mandrins ne m'ont pas concerné.
il y a d'abord des raisons directement politiques à ce désintérêt. la bande qu'on voit est faite de marchands. ils n'arrêtent pas de le revendiquer. leur première ambition est d'instaurer un marché libre. bien sûr, ils le font contre les fermiers généraux qui sucent le sang de la population. c'est certainement historique, la revendication principale de Mandrin et de ses hommes. mais ça a un drôle de parfum aujourd'hui. les marchands règnent. et ils ne cessent pas d'affirmer que la cris est due aux "charges" et aux règlementations. que tout irait mieux avec moins d'impôts et un marché plus libre. la revendication de Mandrin, c'est celle de l'actuelle Bourgeoisie - qui n'en a jamais eu d'autre. mais cette revendication, dans notre temps d'effondrement, se marrie bien avec celle d'une moralisation du marché. il y aurait les capitalistes immoraux, les traders, équivalent moderne des fermiers généraux, et des capitalistes vertueux, industriels, et se contentant de la plus-value qui sort des ateliers dont ils sont propriétaires. de la même façon qu'il y a pour les Mandrins une noblesse vertueuse avec laquelle il faudrait s'associer - non, avec laquelle il FAUT s'associer comme condition du succès, par exemple parce qu'elle contrôle partiellement la parole publique. en somme, ce que ces Mandrins proposent, c'est ce qu'on appelait à un moment la collaboration de classes. face à l'adversité, l'avant-garde des opprimés doit s'allier à la frange éclairée des dominants - Thibault avec Hollande, pour faire un saut dans le temps.
au même titre, je n'aime pas que la seule Mandrinette soit écartée des jeux de l'amour quand ses camarades masculins peuvent s'y livrer joyeusement. il faut donc qu'une femme choisisse entre aimer et se battre, choix auquel les hommes échappent. je n'aime pas non plus que l'absence de chef soit déclarée alors que Bélissart est visiblement le grand guide de tout le petit groupe. chef ou leader, je ne vois pas bien la différence. ou plutôt, je la vois dans la capacité des subordonnés à épouser complètement la figure de leur chef, non à se plier à ses ordres mais à les devancer même. mais là, on sort en même temps d'un problème purement politique. ça vaut mieux. parce que, encore une fois, il ne fait guère de doute que tout ce qui précède relève d'une représentation réaliste des Mandrins, qui se voulaient marchands, étaient des révolutionnaires de l'Ancien Régime, probablement peu féministes et incapables d'imaginer une organisation démocratique (encore que leur fonctionnement "pirate" était sûrement un progrès par rapport à l'absolutisme royal).
le problème, c'est que le projet avoué de RAZ n'est pas de donner une leçon d'histoire. c'est plutôt de prendre position face à cette histoire. Les chants de Mandrin, c'est le film de RAZ dans lequel il y a une plaquette des Chants de Mandrin signée RAZ. c'est son cinéma qui veut ça. Wesh wesh, Bled n°1 ne fonctionnent pas sur autre chose. le premier geste de son cinéma, c'est toujours d'annoncer que c'est du cinéma, un artifice, une position subjective dans laquelle lui-même se trouve physiquement. mais justement, sa présence physique est très différente dans ces deux premiers films et dans Les chants de Mandrin. ce que j'ai aimé dans ces films, c'est qu'il n'était présent que comme transmetteur ou lien, raccord d'un personnage à l'autre, d'une situation à l'autre. la fiction, celle de son personnage, était au service de séquences quasi autonomes et documentaires ; documentaires même quand il s'agissait de décrire une situation fictionnée puisque cette situation était donnée dès le départ comme fiction et que ce qui venait à l'écran était le document des acteurs en jeu. mais dans Les chants de Mandrin, ça ne e passe plus du tout comme ça. Bélissart n'est pas le lien ou le raccord entre les différents personnages, il est le point central du film, celui par qui transitent tous les rapports entre les personnages. dans ce sens, il est réellement le chef de la troupe, le régulateur de tous ses échanges internes.
finalement, le projet du film ne me semble que très superficiellement émancipateur. on est très loin du free jazz que RAZ revendique. la référence n'est pourtant pas idiote : Bled n°1 a déjà quelque chose de Hard bop. mais il lui faudrait réécouter, par exemple, le concert des Coltrane au Japon. faire la différence entre les coulées de pure harmonie de John et Alice (piano si debussiste) et les efforts désespérés de Pharoah Sanders pour être à la hauteur. sur ce film, RAZ est plus près de Sanders que des deux autres.
hello SP
je crois qu'une bonne règle générale consisterait à voir un film non pas depuis ce qu'on sait, ou croit savoir, mais plutôt depuis ce qu'on peut apprendre, penser...avec et contre lui...
-une question intéressante pour moi serait par exemple de savoir ce que nous permettent de penser les films de raz de la justice, du droit: son personnage dans ses deux premiers films était un délinquant, là nous retrouvons des délinquants, mais dans des horizons juridiques, moraux, politiques, très différents...RAZ lui-même rapproche les contrebandiers du 18ème siècle des gars des cités, qui inventent une nouvelle économie, informelle...
-dans le film il est fait allusion plusieurs fois à la torture, à la roue... sa disparition, comme le montre foucault dans "surveiller punir" est un moment essentiel...
-on s'étonne de la présence du marquis, notons ceci, avec foucault encore : "entre l' illégalisme d'en bas et ceux des autres castes sociales, il n'y avait ni tout à fait convergence, ni opposition foncière. D'une façon générale les différents illégalismes propres à chaque groupe entretenaient les uns avec les autres des rapports qui étaient à la fois de rivalité, de concurrence, de conflits d'intérêts, et d'appui réciproque, de complicité : le refus par les paysans de payer certaines redevances étatiques ou ecclésiastiques n'était pas forcément mal vu par les propriétaires fonciers ; la non-application par les artisans des règlements de fabrique était encouragée souvent par les nouveaux entrepreneurs; la contrebande — l'histoire de Mandrin accueilli par toute la population, reçu dans les châteaux et
protégé par des parlementaires le prouve — était très largement soutenue.
Mais dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, le processus tend à s'inverser. D'abord avec l'augmentation générale de la richesse mais aussi avec la grosse poussée" démographique, la cible principale de l'illégalisme populaire tend à n'être plus en première ligne les droits, mais les biens : le chapardage, le vol tendent à remplacer la contrebande et la lutte armée contre les gens de
finances. Et dans cette mesure les paysans, les fermiers, les artisans se trouvent souvent en être la principale victime.
(surveiller, punir)
"Je me demande si le travail pénal n'a pas été orchestré précisément pour constituer entre les délinquants et les ouvriers cette mésentente si importante pour le fonctionnement général du système. Ce que redoutait la bourgeoisie, c'est cette espèce d'illégalisme souriant et toléré qu'on connaissait au 18ème siècle. Les châtiments étaient d'une grande sauvagerie, mais il n'en demeure pas moins vrai que certains criminels étaient tolérés par la population. Il n'y avait pas de classe autonome de délinquant. Quelqu'un comme mandrin était reçu par la bourgeoisie, par l'aristocratie, tout comme par la paysannerie dans les lieux qu'il traversait et protégé par tout le monde. A partir du moment où la capitalisation a mis entre les mains de la classe populaire une richesse investie, sous forme de matières premières, de machines, de machines-outils, il a fallu absolument protéger cette richesse. Car la société industrielle exige que la richesse soit directement entre les mains non de ceux qui la possèdent, mais de ceux qui permettent d'en tirer du profit en faisant travailler. "
pour y arriver il a fallu moraliser le peuple, campagne de christianisation : "il a fallu constituer le peuple en sujet moral, donc le séparer de la délinquance, donc séparer nettement le groupe des délinquants, les montrer comme dangereux non seulement pour les gens riches, mais aussi pour les gens pauvres (...) D'où la naissance de la littérature policière et l'importance dans les journaux des faits divers, des récits horribles de crimes"
(dits et écrits 1, 1611)
on peut ajouter que ce partage est maintenant d'autant plus facilement accepté par le bon peuple que le délinquant c'est le mauvais étranger...
"une vieille retraitée tuée pour dix euros...", c'est le modèle, le paradigme de la séparation; c'est comme si le film tentait de retourner à une époque où ce partage n'avait pas encore lieu; réunir les délinquants et le bon vieux peuple de france...pour la joie et la beauté de leurs rêves
dans son texte sur le tournage du film JLnancy raconte que raz et lui ont beaucoup parlé de spinoza pendant le tournage du film, la seule trace que je retrouve de spinoza dans le film, c'est ce mot "joie"...
Dernière édition par Borges le Lun 27 Fév 2012 - 16:04, édité 2 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Dans la littérature française classique, le burlesque procède d’un décalage entre grandeur et petitesse.
Si mes informations sont exactes, Les Chants est sorti en France dans 27 salles, alors que Intouchables est sorti dans 482 salles. Mais il semblerait que, même compte tenu de cet écart, il marche moins bien...
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
balthazar claes a écrit:Dans la littérature française classique, le burlesque procède d’un décalage entre grandeur et petitesse.
Si mes informations sont exactes, Les Chants est sorti en France dans 27 salles, alors que Intouchables est sorti dans 482 salles. Mais il semblerait que, même compte tenu de cet écart, il marche moins bien...
hello BC
la longue scène de la rencontre du marquis et du colporteur semble presque une discussion avec "intouchables"...
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
J'ai trouvé le film épatant. À la question de savoir où il se place politiquement, je ne sais pas si on peut réellement répondre de manière univoque, et je crois que c'est justement l'une de ses forces. Tout y est burlesque, second degré, insaisissable et surprenant. À partir du moment où l'imprimeur est nommé comme Cynan, il m'a semblé évident que le film n'était nullement à prendre au pied de la lettre, et que chaque scène est réalisée avec un sourire en coin, celui qu'à RAZ à un moment, manière de dire au spectateur qu'avant tout, il s'agit de critiquer et penser ce que le film met en scène. Sachant que toute cette incertitude confère à la dernière scène, l'"happening" de la création de la Complainte de Mandrin une force incroyable, à la hauteur du chant de la fin de BNO.
Cette complainte, je la connais par cœur. Elle était chantée d'une manière incroyablement horrible par Guy Béart sur un disque vinyle qu'avait mon père "Les plus belles chansons de France".
http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I10334731/guy-beart-la-complainte-de-mandrin.fr.html
Elle a aussi été chantée par Yves Montand, à la Yves Montand.
Mais l'interprétation du film est la plus belle qui soit. C'est une complainte terrifiante, qui me faisait pleurer à chaque fois que je l'entendais quand j'étais petite.
Deux choses m'ont gênée. C'est la grande violence du film, qui est pratiquement uniquement du fait des brigands. J'ai envie de les sauver, d'expliquer cette violence en disant qu'elle est montrée de manière critique par RAZ, et que dans Wesh Wesh et BNO la violence était le fait des mauvais, la police, les terroristes. Mais je ne sais pas si ça marche. L'autre chose gênante, ce sont les belles images. Les chevaux en contre-jour par exemple, ce balais très léché, très étrange. Ou encore les gros plans sur les tissus et les colliers des femmes, en lumière rasante et tamisée, qui nous transportent soudain dans le bordel de Bonello. On dirait que ça n'a pas sa place à côté du reste des plans, et pourtant, s'ils sont là, ça doit être pour une bonne raison.
J'ai aussi pensé aux Monty Python, je crois vraiment que le XVIIIe siècle de RAZ est un siècle très imaginaire, sorti du feuilleton télé des années 70, joué avec l'accent de notre époque.
Cette complainte, je la connais par cœur. Elle était chantée d'une manière incroyablement horrible par Guy Béart sur un disque vinyle qu'avait mon père "Les plus belles chansons de France".
http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I10334731/guy-beart-la-complainte-de-mandrin.fr.html
Elle a aussi été chantée par Yves Montand, à la Yves Montand.
Mais l'interprétation du film est la plus belle qui soit. C'est une complainte terrifiante, qui me faisait pleurer à chaque fois que je l'entendais quand j'étais petite.
Deux choses m'ont gênée. C'est la grande violence du film, qui est pratiquement uniquement du fait des brigands. J'ai envie de les sauver, d'expliquer cette violence en disant qu'elle est montrée de manière critique par RAZ, et que dans Wesh Wesh et BNO la violence était le fait des mauvais, la police, les terroristes. Mais je ne sais pas si ça marche. L'autre chose gênante, ce sont les belles images. Les chevaux en contre-jour par exemple, ce balais très léché, très étrange. Ou encore les gros plans sur les tissus et les colliers des femmes, en lumière rasante et tamisée, qui nous transportent soudain dans le bordel de Bonello. On dirait que ça n'a pas sa place à côté du reste des plans, et pourtant, s'ils sont là, ça doit être pour une bonne raison.
J'ai aussi pensé aux Monty Python, je crois vraiment que le XVIIIe siècle de RAZ est un siècle très imaginaire, sorti du feuilleton télé des années 70, joué avec l'accent de notre époque.
adeline- Messages : 3000
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
salut Adeline,adeline a écrit:manière de dire au spectateur qu'avant tout, il s'agit de critiquer et penser ce que le film met en scène.
oui, c'est précisément la question que j'en étais venu à poser.
mais je ne crois pas qu'on puisse penser ça en faisant abstraction de la position que RAZ se donne sur le film, que ce soit à travers son perso ou son acronyme : nom d'éditeur, d'accord, mais quel nom d'auteur ? un seul, il me semble : JLCynan. le réalisateur et le philosophe, et personne d'autre. comment prendre cette inégalité ? (peu importe si elle est désignée comme burlesque. burlesque n'est qu'un mot, et dans ce cas une représentation. que produit-elle ? pas nécessairement du burlesque.)le problème est l'horizon sur lequel on reçoit le film - ou sur lequel on le pense réalisé
comment prendre aussi l'inégalité de "nous" et des "autres" : d'un côté les contrebandiers, de l'autre les gendarmes, tous aussi organisés le uns que les autres ? au contraire, par exemple, de M : les flics et le syndicat du crime, Lohman et Schränker. la "bonne" violence des contrebandiers, qui laisse la conscience tranquille, contre la "mauvaise" violence des gendarmes ?
et puis, encore une fois, la question sexuelle : les plans "à la Bonnello" sur les seins de la bonne amie du guerrier au repos ; et la solitude de la guerrière ?
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
salut Borges,Borges a écrit:
-une question intéressante pour moi serait par exemple de savoir ce que nous permettent de penser les films de raz de la justice, du droit: son personnage dans ses deux premiers films était un délinquant, là nous retrouvons des délinquants, mais dans des horizons juridiques, moraux, politiques, très différents...RAZ lui-même rapproche les contrebandiers du 17ème siècle des gars des cités, qui inventent une nouvelle économie, informelle...
juste une question : qu'y a-t-il de nouveau dans l'économie informelle d'après toi ?
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
On peut toujours faire la comparaison avec le téléfilm sur Toussaint Louverture qui est passé à la télé ces jours-ci. Tout y tourne autour de l'homme providentiel, sa supériorité, son destin bigger than life, son sacrifice. Tout y est "authentique", il n'y a pas de légende, pas de mystère. D'abord l'ascension, le grand homme s'impose naturellement et grimpe au premier rang ; puis la chute, lorsqu'il ne voit plus le proche mais uniquement le lointain, des siècles en avance, et poursuit son œuvre émancipatrice, indifférent à son échec personnel. Un procédé : des flash-backs en cascade, exprimant l'idée qu'on a là un destin qui est un tout et qui se révèle dans chacune de ses parties. Ça ressemble à n'importe quel biopic : de tout temps et de quelque manière qu'on l'examine, le héros fut convoqué par son destin. Ça ne sert donc à rien de le prendre en exemple, il est une pièce unique, d'une autre espèce que le commun.
Dans Les Chants... l'homme historique, le grand capitaine est déjà mort, il ne reste que quelques fidèles qui tentent de publier son testament, un peu de mémoire menacée d'extinction. C'est purement badiousien au sens où la seule question qui se pose est celle de la fidélité à l'événement. On n'a même pas essayé de montrer les grandes heures, on les révélera peut-être d'autant mieux en montrant ce qui persiste.
Certains accusent le film d'être inachevé, de manquer de consistance. L'impression qu'il rend est parfois celle d'un rêve plein de coupures où le repérage devient impossible. L'obscurité cerne les résistants, grignote leur espace. Mais ça correspond à la dynamique de cette histoire. C'est ce qui leur arrive, et la flamme de leur joie affirmative en ressort d'autant plus, présence intermittente. D'ailleurs la pure flamme est plutôt ici du côté du mal, elle crée l'obscurité ; lui préférer des ciels bas et lourds où personne ne s'attend à ce qu'il se passe quelque chose.
Dans Les Chants... l'homme historique, le grand capitaine est déjà mort, il ne reste que quelques fidèles qui tentent de publier son testament, un peu de mémoire menacée d'extinction. C'est purement badiousien au sens où la seule question qui se pose est celle de la fidélité à l'événement. On n'a même pas essayé de montrer les grandes heures, on les révélera peut-être d'autant mieux en montrant ce qui persiste.
Certains accusent le film d'être inachevé, de manquer de consistance. L'impression qu'il rend est parfois celle d'un rêve plein de coupures où le repérage devient impossible. L'obscurité cerne les résistants, grignote leur espace. Mais ça correspond à la dynamique de cette histoire. C'est ce qui leur arrive, et la flamme de leur joie affirmative en ressort d'autant plus, présence intermittente. D'ailleurs la pure flamme est plutôt ici du côté du mal, elle crée l'obscurité ; lui préférer des ciels bas et lourds où personne ne s'attend à ce qu'il se passe quelque chose.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Borges, tu as raison, le film parle du droit, est à prendre du point de vue du droit. Mais il y a deux façons de le faire. Soit du point de vue du droit qu'il représente ou auquel il se réfère : droit d'Ancien Régime ou droit contemporain. Ou bien du point de vue du droit qu'il produit. Il y a un droit des figures dans le film, et aussi un droit à être ou ne pas être figuré. C'est celui là qui m'intéresse, que j'essaie de creuser. Jusqu'à des découvertes que je n'attendais pas.
Je reprends des choses que j'ai déjà dites mais en y ajoutant.
La centralité de Bélissart. Je l'ai déjà affirmée plusieurs fois. Ce que fait Bélissart :
-il tire le déserteur des mains des gendarmes
-il le sauve et le soigne : il est médecin-guérisseur (les mains du roi sont des mains de guérisseur)
-il accueille, interroge et « adoube » le colporteur
-il accueille, interroge et « adoube » le marquis
-il missionne le colporteur
-il est à la tête de l'expédition pour le sauver
-il décide et négocie l'impression des Chants de Mandrin
-il complète la Complainte de Mandrin quand le marquis défaille (oui, Adeline, mes larmes d'enfant aussi à l'écoute de cette complainte.)
Comme l'a dit Largo, Bélissart est un patriarche.
D'une façon plus subjective, Bélissart est aussi le plus beau de la bande, plus viril que le jeune déserteur, moins bestial que son grand compagnon. Et cette beauté, c'est aussi celle du réalisateur. Ça, que le corps de Bélissart, corps centralisant et régulant toutes les relations du groupe, soit aussi le corps du réalisateur ne peut pas être anodin, surtout si on prend en compte les rapports de perméabilité que RAZ organise entre filmique et pro-filmique. Témoin, évidemment, son acronyme en nom d'éditeur des Chants de Mandrin. Mais ce n'est pas le seul nom pro-filmique à s'introduire dans le film. Il y a aussi celui de Cynan. Comme je l'ai déjà dit, le réalisateur et le philosophe. Mais aussi le marchand (c'est un rôle de l'éditeur après tout) et l'imprimeur.
La centralité de Bélissart. Et son exceptionnalité : quand ses hommes s'envoient en l'air, lui n'en fait pas partie. Il est exonéré de tout rapport à l'érotisme, n'apparaît même pas à l'image à ce moment. Mais cette absence a à voir avec l'attirance universelle qu'il provoque. Bélissart phallique (je laisse au lacanien de l'assistance le soin de développer ça).
On comprend que ce n'est pas la même chose pour la Mandrine qui reste à garder les chevaux (incompatibilité de la monte guerrière et de la féminité).
Mais les jeux de l'amour sont aussi une lumière rasante sur une poitrine de femme palpitante et ornée du bijou que lui offre son homme – plan d'un grand machisme, d'autant plus efficace que la plupart des hommes ont dû soigneusement apprendre son attrait (sous-vêtement Aubade, etc...).
Phallocratie patriarcale et sexiste.
Contrairement aux apparences, je ne suis pas du tout en train de dézinguer le film.
Attendons encore avant les conclusions.
Pour l'instant, continuons le relevé des figures du droit des figures.
« Eux » et « nous », j'en ai déjà parlé. L'opposition des contrebandiers et des gendarmes. Opposition totale et absolue, qui permet à Bélissart de préférer sans hésitation la vie d'un déserteur et futur mandrin à celle de trois gendarmes. Césure stricte de deux humanités étrangères l'une à l'autre. On ne peut même pas dir puérielemnt que ce sont les gendarmes qui ont commencé, puisqu'ils lui proposent de passer son chemin. On ne peut pas non plus dire que la césure n'est pas aussi stricte puisque le déserteur passe d'un camp à l'autre : filmiquement, ce n'est pas juste, le déserteur n'a aucune autre existence que celle de déserteur puis de mandrin, il n'est jamais gendarme à l'image.
Enfin, il y a le langage, le parler contemporain. Comment le qualifier ? Populaire ? Mais de quel peuple parle-t-on ? Banlieusard ? Mais Neuilly, celle de Sarkozy, est en banlieue et je ne pense pas qu'on y parle souvent comme ça. Ou bien vulgaire, mais sans y attacher aucune valence positive ou négative. L'important, de toute façon, c'est que cette façon de parler d'une part rattache le film historique à notre contemporanéité. D'autre part, comme le signalait Borges, elle est liée à l'origine sociale et géographique supposée des acteurs/protagonistes et il y a une revendication de participation de cette origine à l'Histoire nationale, une revendication d'appartenance à la nation.
Seulement, l'origine géographique des acteurs est bien plus homogène que ce qu'en laisse supposer le racisme de notre belle époque. Hors les « souchiens », tout ce beau monde est arabe ou maghrébin. Et même si ça fait chier Guéant et Sarko (et surtout si ça les fait chier), les arabes et les maghrébins, tout sombres de peau qu'ils puissent être, se considèrent comme faisant partie de la race blanche. Il n'y a que des blancs dans le film . Pas un noir, pas un chinois ou un vietnamien : que des blancs qui parlent français et qui clament leur appartenance à la nation française !
Tout ça, il faut le reconnaître, fait un étrange regroupement d'émancipateurs fondé sur une politique d'exclusion patriarcale, sexiste, raciste et meurtrière.
(J'en étais là, mais je sentais que quelque chose ne collait pas, que quelque chose me manquait pour que je puisse clore mes comptes avec ce film, au moins temporairement. Puis ce manque s'est cristallisé sur le dernier plan, très énigmatique : le marquis perdu dans ses jardins, avec derrière lui son château tout illuminé de lumières visiblement éléctriques et plus loin des phares de voiture traversant la nuit. Comme une relance, ou au moins un aboutissement très peu préparé dans le film. Nécessité de ne rien lâcher de ce que j'avais vu mais sentiment d'insuffisance. Continuer.)
La revendication des mandrins est celle d'un marché libre. Mais bien sûr le marché libre n'existe pas ; ou plutôt il n'existe que comme revendication de la Bourgeoisie immédiatement doublée de la régulation sévère des marchés pour protéger les intérêts de la même Bourgeoisie. Il faut gagner sur les deux tableaux, ça se comprend. Les mandrins sont des marchands et il leur faut gagner sur ces deux tableaux : revendiquer le marché libre et en même temps établir Bélissart, l'instance qui régule toutes les relations entre les membres du groupe.
Mais Bélissart est un héritier : il hérite de la place de Mandrin comme chef des contrebandiers. Mais les contrebandiers aussi sont des héritiers : ils héritent du nom de Mandrin et ils « continuent son oeuvre ». (Je ne me trompe pas, la phrase est bien textuellement dans le film, non ?) Mais ils n'héritent pas de la même façon. Bélissart hérite du chef, de la tête ; et les mandrins, du corps. Il y a continuité dynastique de Mandrin à Bélissart comme chef et continuité politique de Mandrin aux mandrins comme corps.
On se retrouve face à un autre point de droit, celui des 2 corps du roi, dont Kantorowicz a montré qu'il est à la base des conceptions modernes de l'état. Si le film s'achève sur la perdition du marquis, c'est que c'est sa fin logique : la noblesse a perdu sa position dominante au profit des marchands (que ce soit les mêmes qui se soient reconvertis n'entre pas ici en ligne de compte) et ce sont les marchands qui achèvent la constitution de l'état moderne, s'emparent du château.
Il faudrait aussi parler du filmage, ces suites de plans moyens sur des visages. Cette façon de filmer les choses et non leurs rapports – ou les rapports eux-mêmes comme des choses. Ce que le film raconte, c'est l'établissement d'un visage nouveau, d'une opacité étatique. Mais il le raconte comme ce qu'il a été : un moment révolutionnaire, moment où les marchands ont toujours nomadisé jusqu'à l'expulsion de la noblesse dans la nuit extérieure. Comme le dit BC, c'est l'événement qui intéresse RAZ. Et ce qu'il construit avec les mouvements actuels d'émancipation, je crois que ce n'est pas une identité (qu'il n'y a pas d'exemplarité de contenu chez les mandrins) mais la résonance de deux divergences. Vers burlesques.
Je reprends des choses que j'ai déjà dites mais en y ajoutant.
La centralité de Bélissart. Je l'ai déjà affirmée plusieurs fois. Ce que fait Bélissart :
-il tire le déserteur des mains des gendarmes
-il le sauve et le soigne : il est médecin-guérisseur (les mains du roi sont des mains de guérisseur)
-il accueille, interroge et « adoube » le colporteur
-il accueille, interroge et « adoube » le marquis
-il missionne le colporteur
-il est à la tête de l'expédition pour le sauver
-il décide et négocie l'impression des Chants de Mandrin
-il complète la Complainte de Mandrin quand le marquis défaille (oui, Adeline, mes larmes d'enfant aussi à l'écoute de cette complainte.)
Comme l'a dit Largo, Bélissart est un patriarche.
D'une façon plus subjective, Bélissart est aussi le plus beau de la bande, plus viril que le jeune déserteur, moins bestial que son grand compagnon. Et cette beauté, c'est aussi celle du réalisateur. Ça, que le corps de Bélissart, corps centralisant et régulant toutes les relations du groupe, soit aussi le corps du réalisateur ne peut pas être anodin, surtout si on prend en compte les rapports de perméabilité que RAZ organise entre filmique et pro-filmique. Témoin, évidemment, son acronyme en nom d'éditeur des Chants de Mandrin. Mais ce n'est pas le seul nom pro-filmique à s'introduire dans le film. Il y a aussi celui de Cynan. Comme je l'ai déjà dit, le réalisateur et le philosophe. Mais aussi le marchand (c'est un rôle de l'éditeur après tout) et l'imprimeur.
La centralité de Bélissart. Et son exceptionnalité : quand ses hommes s'envoient en l'air, lui n'en fait pas partie. Il est exonéré de tout rapport à l'érotisme, n'apparaît même pas à l'image à ce moment. Mais cette absence a à voir avec l'attirance universelle qu'il provoque. Bélissart phallique (je laisse au lacanien de l'assistance le soin de développer ça).
On comprend que ce n'est pas la même chose pour la Mandrine qui reste à garder les chevaux (incompatibilité de la monte guerrière et de la féminité).
Mais les jeux de l'amour sont aussi une lumière rasante sur une poitrine de femme palpitante et ornée du bijou que lui offre son homme – plan d'un grand machisme, d'autant plus efficace que la plupart des hommes ont dû soigneusement apprendre son attrait (sous-vêtement Aubade, etc...).
Phallocratie patriarcale et sexiste.
Contrairement aux apparences, je ne suis pas du tout en train de dézinguer le film.
Attendons encore avant les conclusions.
Pour l'instant, continuons le relevé des figures du droit des figures.
« Eux » et « nous », j'en ai déjà parlé. L'opposition des contrebandiers et des gendarmes. Opposition totale et absolue, qui permet à Bélissart de préférer sans hésitation la vie d'un déserteur et futur mandrin à celle de trois gendarmes. Césure stricte de deux humanités étrangères l'une à l'autre. On ne peut même pas dir puérielemnt que ce sont les gendarmes qui ont commencé, puisqu'ils lui proposent de passer son chemin. On ne peut pas non plus dire que la césure n'est pas aussi stricte puisque le déserteur passe d'un camp à l'autre : filmiquement, ce n'est pas juste, le déserteur n'a aucune autre existence que celle de déserteur puis de mandrin, il n'est jamais gendarme à l'image.
Enfin, il y a le langage, le parler contemporain. Comment le qualifier ? Populaire ? Mais de quel peuple parle-t-on ? Banlieusard ? Mais Neuilly, celle de Sarkozy, est en banlieue et je ne pense pas qu'on y parle souvent comme ça. Ou bien vulgaire, mais sans y attacher aucune valence positive ou négative. L'important, de toute façon, c'est que cette façon de parler d'une part rattache le film historique à notre contemporanéité. D'autre part, comme le signalait Borges, elle est liée à l'origine sociale et géographique supposée des acteurs/protagonistes et il y a une revendication de participation de cette origine à l'Histoire nationale, une revendication d'appartenance à la nation.
Seulement, l'origine géographique des acteurs est bien plus homogène que ce qu'en laisse supposer le racisme de notre belle époque. Hors les « souchiens », tout ce beau monde est arabe ou maghrébin. Et même si ça fait chier Guéant et Sarko (et surtout si ça les fait chier), les arabes et les maghrébins, tout sombres de peau qu'ils puissent être, se considèrent comme faisant partie de la race blanche. Il n'y a que des blancs dans le film . Pas un noir, pas un chinois ou un vietnamien : que des blancs qui parlent français et qui clament leur appartenance à la nation française !
Tout ça, il faut le reconnaître, fait un étrange regroupement d'émancipateurs fondé sur une politique d'exclusion patriarcale, sexiste, raciste et meurtrière.
(J'en étais là, mais je sentais que quelque chose ne collait pas, que quelque chose me manquait pour que je puisse clore mes comptes avec ce film, au moins temporairement. Puis ce manque s'est cristallisé sur le dernier plan, très énigmatique : le marquis perdu dans ses jardins, avec derrière lui son château tout illuminé de lumières visiblement éléctriques et plus loin des phares de voiture traversant la nuit. Comme une relance, ou au moins un aboutissement très peu préparé dans le film. Nécessité de ne rien lâcher de ce que j'avais vu mais sentiment d'insuffisance. Continuer.)
La revendication des mandrins est celle d'un marché libre. Mais bien sûr le marché libre n'existe pas ; ou plutôt il n'existe que comme revendication de la Bourgeoisie immédiatement doublée de la régulation sévère des marchés pour protéger les intérêts de la même Bourgeoisie. Il faut gagner sur les deux tableaux, ça se comprend. Les mandrins sont des marchands et il leur faut gagner sur ces deux tableaux : revendiquer le marché libre et en même temps établir Bélissart, l'instance qui régule toutes les relations entre les membres du groupe.
Mais Bélissart est un héritier : il hérite de la place de Mandrin comme chef des contrebandiers. Mais les contrebandiers aussi sont des héritiers : ils héritent du nom de Mandrin et ils « continuent son oeuvre ». (Je ne me trompe pas, la phrase est bien textuellement dans le film, non ?) Mais ils n'héritent pas de la même façon. Bélissart hérite du chef, de la tête ; et les mandrins, du corps. Il y a continuité dynastique de Mandrin à Bélissart comme chef et continuité politique de Mandrin aux mandrins comme corps.
On se retrouve face à un autre point de droit, celui des 2 corps du roi, dont Kantorowicz a montré qu'il est à la base des conceptions modernes de l'état. Si le film s'achève sur la perdition du marquis, c'est que c'est sa fin logique : la noblesse a perdu sa position dominante au profit des marchands (que ce soit les mêmes qui se soient reconvertis n'entre pas ici en ligne de compte) et ce sont les marchands qui achèvent la constitution de l'état moderne, s'emparent du château.
Il faudrait aussi parler du filmage, ces suites de plans moyens sur des visages. Cette façon de filmer les choses et non leurs rapports – ou les rapports eux-mêmes comme des choses. Ce que le film raconte, c'est l'établissement d'un visage nouveau, d'une opacité étatique. Mais il le raconte comme ce qu'il a été : un moment révolutionnaire, moment où les marchands ont toujours nomadisé jusqu'à l'expulsion de la noblesse dans la nuit extérieure. Comme le dit BC, c'est l'événement qui intéresse RAZ. Et ce qu'il construit avec les mouvements actuels d'émancipation, je crois que ce n'est pas une identité (qu'il n'y a pas d'exemplarité de contenu chez les mandrins) mais la résonance de deux divergences. Vers burlesques.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Stéphane Pichelin a écrit :
(J'en étais là, mais je sentais que quelque chose ne collait pas, que
quelque chose me manquait pour que je puisse clore mes comptes avec ce
film, au moins temporairement. Puis ce manque s'est cristallisé sur le
dernier plan, très énigmatique : le marquis perdu dans ses jardins, avec
derrière lui son château tout illuminé de lumières visiblement
éléctriques et plus loin des phares de voiture traversant la nuit. Comme
une relance, ou au moins un aboutissement très peu préparé dans le
film. Nécessité de ne rien lâcher de ce que j'avais vu mais sentiment
d'insuffisance. Continuer.)
Tu es trop pénétré de cinéma
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Stéphane Pichelin a écrit :
Comme le dit BC, c'est l'événement qui intéresse RAZ.
Salut SP,
Je voulais plutôt dire que c'était la fidélité, la constitution du sujet fidèle de la casuistique badiousienne.
Badiou dit que Toussaint Louverture, appelé le Spartacus noir, est bien réellement la résurrection de Spartacus. La vérité- « Spartacus », en soi immortelle, peut renaître dans chaque monde. On peut se demander si Mandrin serait pour lui le Spartacus savoyard. Ou bien, si un raz-de-marée constitue un événement ou simplement une singularité faible, une modification ou un fait. C'est sans doute aux conséquences mesurables dans le présent qu'on peut évaluer s'il y a lieu de parler d'événement, en examinant s'il y a apparition d'un sujet fidèle.
Le procès en « phallocratie raciste et sexiste » : c'est ne pas tenir compte du fait que les Mandrins, loin de poser en bâtisseurs de la société future, sont plutôt à considérer comme des réfugiés, des exclus, des gibiers de potence. Etre hors-la-loi ne rend pas automatiquement les gens meilleurs que la loi en tout point, personne ne le prétend. On n'est pas dans Robin des Bois.
Bélissard n'est pas Mandrin : il n'est pas le roi, mais le régent, le gardien du testament, et l'auteur des vers burlesques qui narrent le récit authentique de Mandrin, un peu comme Platon vis-à-vis de Socrate. Tout comme RAZ revendique l'autorité du producteur, et n'est pas l'auteur de la phrase « Du haut de ma potence, je regardais la France ».
Et si les Mandrins héritent de quelque chose, c'est plutôt de la condamnation de leur meneur. Ce qu'ils poursuivent, c'est d'abord une course à la mort. On peut dire aussi que c'est burlesque, à quel point ils n'ont aucune chance face à tous les soldats du royaume, comme Charlot poursuivi par cent cops... L'équipée de Mandrin est une série de coups d'éclat, de hauts faits sans perspectives, sans avenir. « Pour la joie », pour la gloire, pour l'apparition d'une vérité.
L'affaire des Mandrins fidèles est d'imprimer la légende, d'achever leur chanson de geste. Ils sont les dépositaires de l'épopée de Mandrin, et se sentent tenus de délivrer au monde le texte de cette épopée, de témoigner. Peut-être même sont-ils amenés à payer de leur vie pour que le texte subsiste.
balthazar claes- Messages : 1009
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
hi, très intéressant tout ce que vous écrivez; désolé, pas trop le temps en ce moment de discuter avec vous; je note juste que le texte des chants de mandrin n'est pas imprimé, ce qui est imprimé, c'est des poèmes de rimbaud, lautréamont, le texte est chanté, récité, à la fin; il y a là un étrange rapport du texte, au chant collectif; oui, comme dit BC, la position d'auteur est déconstruite, il s'agit d'une poétique, politique du détournement de la signature...signer ce qu'on a pas écrit, ne pas oublier que le titre du film est une allusion à lautréamont (dont on sait le mode d'écriture par réécriture, détournement, parodie, renversement, "plagiat"...); on a affaire à une stratégie d'appropriation-ex-appropriation; d'accord avec cette idée de fidélité, mais en même temps, je dirais que badiou est peut-être trop sérieux pour le film, qui est toujours à distance de toute affirmation, de toute prétention...
qu'est-ce qu'une fidélité burlesque, quelque chose comme un jeu, où la prétention à la grandeur est toujours remise à distance d'elle-même, montré comme prétentieuse;
plutôt qu'à spartacus, chez badiou, je renverrai à "ahmed" (le personnage de ses pièces), un héros comique, qu'il dit diagonal (comme tati, ou chaplin). Un personnage diagonal est un personnage qui est dans la situation sans y être; un personnage de la circulation, qui, selon badiou, ne peut-être dans la situation contemporaine qu'un prolétaire immigré
(badiou,"ahmed héros moderne, entretiens I);
ce personnage est nécessairement dans un excès de maîtrise (ce que reproche SP au personnage de Raz), il peut tout, il transforme le désespoir en énergie...il est en fait tragi-comique...
on peut dire de RAZ ce que badiou dit de ahmed : c'est quelqu'un qui ne coïncide avec aucune image rassurante du jeu social
au début du film, on voit raz, très de niro (deer hunter);
-que fais-tu demandent les soldats,
- je chasse;
à JLNancy (trafic 78) qui définit le film, le cinéma de raz comme un art de l'approche, RAZ, répond, "oui, à condition que l'approche soit celle d'une véritable chasse, d'un traqueur sans pitié."
qu'est-ce qu'une fidélité burlesque, quelque chose comme un jeu, où la prétention à la grandeur est toujours remise à distance d'elle-même, montré comme prétentieuse;
plutôt qu'à spartacus, chez badiou, je renverrai à "ahmed" (le personnage de ses pièces), un héros comique, qu'il dit diagonal (comme tati, ou chaplin). Un personnage diagonal est un personnage qui est dans la situation sans y être; un personnage de la circulation, qui, selon badiou, ne peut-être dans la situation contemporaine qu'un prolétaire immigré
(badiou,"ahmed héros moderne, entretiens I);
ce personnage est nécessairement dans un excès de maîtrise (ce que reproche SP au personnage de Raz), il peut tout, il transforme le désespoir en énergie...il est en fait tragi-comique...
on peut dire de RAZ ce que badiou dit de ahmed : c'est quelqu'un qui ne coïncide avec aucune image rassurante du jeu social
au début du film, on voit raz, très de niro (deer hunter);
-que fais-tu demandent les soldats,
- je chasse;
à JLNancy (trafic 78) qui définit le film, le cinéma de raz comme un art de l'approche, RAZ, répond, "oui, à condition que l'approche soit celle d'une véritable chasse, d'un traqueur sans pitié."
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
slimfast a écrit:Stéphane Pichelin a écrit :
(J'en étais là, mais je sentais que quelque chose ne collait pas, que
quelque chose me manquait pour que je puisse clore mes comptes avec ce
film, au moins temporairement. Puis ce manque s'est cristallisé sur le
dernier plan, très énigmatique : le marquis perdu dans ses jardins, avec
derrière lui son château tout illuminé de lumières visiblement
éléctriques et plus loin des phares de voiture traversant la nuit. Comme
une relance, ou au moins un aboutissement très peu préparé dans le
film. Nécessité de ne rien lâcher de ce que j'avais vu mais sentiment
d'insuffisance. Continuer.)
Tu es trop pénétré de cinéma
je pense que le film fonctionne essentiellement par écart, anachronisme, refus de l'identité, du temps du lieu; cette fin n'a rien d'étrange; le film n'a jamais tenté de rendre le 18ème siècle, ni de s'y rendre, ou de le ressusciter (désir de cronenberg avec sa dangereuse méthode); c'est pas le passé, ni ce qui se passe qui intéresse RAZ, mais une manière d'exiler les personnages d'eux-même, le récit, l'espace, le temps; c'est un cinéma de la non-coïncidence; qu'on se souvienne de l'exil de ses premiers personnages, même le patron du dernier maquis n'est pas chez lui, maître chez lui, dans son usine; ce sont les acteurs de ce film qu'il a transporté dans un 18siècle banlieusardé; le but c'est pas de ramener le passé dans le présent, de le reconstruire, mais vraiment de le jouer, au sens le plus simple du mot, le plus enfantin : les mecs jouent vraiment aux gendarmes et aux voleurs; là pour sentir le rapport de RAZ à ce passé, qui fut essentiellement un passé vu à la télé, dans une série télé, faut vraiment brancher le film sur la scène de leçon de musique dans "intouchables":
Dernière édition par Borges le Mer 22 Fév 2012 - 15:16, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
je me sens à l'écart de tous ces films dont vous parlez sans donner
l'envie. En parler semble être une expérience plus jouissive que la projection ?!? ( je peux a contrario me baser sur mes assez nombreux visionnages du film de Laurent Cantet, Ressources Humaines que je trouve à mesure toujours plus parfait ).
Cette vidéo ne serait pas mal, il y a une certaine fraicheur si ne se posait pas le problème de filmer la musique qu'évoque Godard ( dans quel film ? ) sans vraiment la résoudre. Ici c'est de la merde et on ne peut que donner raison au black.
je ne sais pas si tu pensais cela.
En tout cas inutile de se mortifier pour jouir d'un spectacle.
l'envie. En parler semble être une expérience plus jouissive que la projection ?!? ( je peux a contrario me baser sur mes assez nombreux visionnages du film de Laurent Cantet, Ressources Humaines que je trouve à mesure toujours plus parfait ).
Cette vidéo ne serait pas mal, il y a une certaine fraicheur si ne se posait pas le problème de filmer la musique qu'évoque Godard ( dans quel film ? ) sans vraiment la résoudre. Ici c'est de la merde et on ne peut que donner raison au black.
je ne sais pas si tu pensais cela.
En tout cas inutile de se mortifier pour jouir d'un spectacle.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
2 ° vision du clip : c'est tout simplement atroce.
la seule gageure : comment aligner autant de poncifs en si peu de temps.
mais je vois le moment que tu signales.
la seule gageure : comment aligner autant de poncifs en si peu de temps.
mais je vois le moment que tu signales.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
c'est décidé je verrai Mandrin.
tu as un geste critique large et centrifuge, rassembleur qui se connait, reconnait sur d'autres gestes assez vengeurs.
tu as un geste critique large et centrifuge, rassembleur qui se connait, reconnait sur d'autres gestes assez vengeurs.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
est-ce que tu ne donnes pas là une belle définition de ce qu'est un apôtre et un martyr ?balthazar claes a écrit:L'affaire des Mandrins fidèles est d'imprimer la légende, d'achever leur chanson de geste. Ils sont les dépositaires de l'épopée de Mandrin, et se sentent tenus de délivrer au monde le texte de cette épopée, de témoigner. Peut-être même sont-ils amenés à payer de leur vie pour que le texte subsiste.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
ce n'est pas tout à fait ça. d'abord, il n'y a rien à "reprocher" à un personnage. l'excès de maîtrise est par contre ce qui me fait le voir comme un patriarche. mais c'est un excès de maîtrise qui n'a rien à voir, à mes yeux, avec ceux de Tati et Chaplin. ce n'est pas la maîtrise in extremis et par nécessité de survie de l'homme sur le monde. c'est une maîtrise sociale de l'homme sur l'homme. une domination sociale. je ne vois pas qu'on puisse dire de Bélissart qu'il est "diagonal". justement, il est central.Borges a écrit:plutôt qu'à spartacus, chez badiou, je renverrai à "ahmed" (le personnage de ses pièces), un héros comique, qu'il dit diagonal (comme tati, ou chaplin). Un personnage diagonal est un personnage qui est dans la situation sans y être; un personnage de la circulation, qui, selon badiou, ne peut-être dans la situation contemporaine qu'un prolétaire immigré
(badiou,"ahmed héros moderne, entretiens I);
ce personnage est nécessairement dans un excès de maîtrise (ce que reproche SP au personnage de Raz), il peut tout, il transforme le désespoir en énergie...il est en fait tragi-comique...
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
tout ça ne me parait pas contradictoire avec ce que j'ai écris. sauf sur un point : RAZ a bien choisi de remettre les mandrins au 18° siècle et pas dans une cité contemporaine. il a bel et bien quelque chose à dire de cette époque pour parler de notre époque.Borges a écrit:
je pense que le film fonctionne essentiellement par écart, anachronisme, refus de l'identité, du temps du lieu; cette fin n'a rien d'étrange; le film n'a jamais tenté de rendre le 18ème siècle, ni de s'y rendre, ou de le ressusciter (désir de cronenberg avec sa dangereuse méthode); c'est pas le passé, ni ce qui se passe qui intéresse RAZ, mais une manière d'exiler les personnages d'eux-même, le récit, l'espace, le temps; c'est un cinéma de la non-coïncidence; qu'on se souvienne de l'exil de ses premiers personnages, même le patron du dernier maquis n'est pas chez lui, maître chez lui, dans son usine; ce sont les acteurs de ce film qu'il a transporté dans un 18siècle banlieusardé; le but c'est pas de ramener le passé dans le présent, de le reconstruire, mais vraiment de le jouer, au sens le plus simple du mot, le plus enfantin : les mecs jouent vraiment aux gendarmes et aux voleurs;
il y a une reconstitution. est-elle purement plastique, esthétique ? ou également politique ?Le film reste contemporain. Il sert de prétexte pour continuer à interpeller l'histoire, à interpeller le cinéma, et aussi la notion de temps, le présent.
…
Tout le travail de reconstitution n'a pas été rebutant au début ?
Non, c'est des études. Encore une fois, on prolonge encore nos études, elles ne sont jamais terminées. On a lu plein de bouquins, aussi bien toutes les biographies de Mandrin que des livres sur les langues du 18ème siècle.
Invité- Invité
Re: Les Chants de Mandrin (RAZ - 2011)
Hi SP
oui, mais je dois bien dire que je ne vois pas très bien en quoi cette "reconstitution" suppose un grand savoir, ni en quoi même il y a eu reconstitution; dans la langue du film, par exemple, je suis plus sensible aux écarts qu'au rendu, par exemple, ceux du mot "camarade", "burlesque"...
à propos de l'absence des femmes, des filles : jlnancy écrit : "le cinéma est un art cosmique, il met à jour notre rapport avec l'univers. C'est pourquoi rien n'est plus insupportable que le cinéma des petites histoires de familles bourgeoises. Peut-être faut-il voir là une des raisons qui font que raz n'a jusqu'ici introduit dans ses films aucune intrigue amoureuse. Assurément l'amour est cosmique au sens que je vise, mais les amourettes et les passions bruyantes dont le cinéma est encombré sont d'une autre espèce."
(ça ne tient pas comme idée, mais bon, il le dit)
et si le cinéma de raz était "une approche de l'infiniment éloigné, de l'inapprochable"?
(trafic, 78)
lors du tournage d'une scène, un avion de chasse passe; tout le monde est mécontent, sauf raz, qui dit : "ça vient du ciel"; alors que la caméra tourne encore; jlnancy se demande dans le texte si raz va garder le plan...il n'est pas allé jusque là.
Borges- Messages : 6044
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