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Re: Avatar - James Cameron
Le dessin, la peinture seraient donc des arts mineurs... déliés totalement du réel?
à mon avis faudrait un peu sortir du cinéma Van Stratten. Le problème des images de synthèse c'est qu'elles sont souvent trop lisses... rien avoir avec le virtuel à mon avis. J'ai bandé, et je connais plein de monde qui bande sur des mangas, des personnages de jeu vidéo... c'est grave docteur?
Un peu de culture otaku (j'en suis pas à ces extrêmes ne vous inquiétez pas, j'ai une copine réelle) :
http://blog.livedoor.jp/insidears/archives/52126938.html
à mon avis faudrait un peu sortir du cinéma Van Stratten. Le problème des images de synthèse c'est qu'elles sont souvent trop lisses... rien avoir avec le virtuel à mon avis. J'ai bandé, et je connais plein de monde qui bande sur des mangas, des personnages de jeu vidéo... c'est grave docteur?
Un peu de culture otaku (j'en suis pas à ces extrêmes ne vous inquiétez pas, j'ai une copine réelle) :
http://blog.livedoor.jp/insidears/archives/52126938.html
Re: Avatar - James Cameron
"Sortir du cinéma" ? Si vous voulez, mais quant à moi je ne souhaite pas en sortir. Je lui rêve encore un devenir, c'est ce qui me meut. Et certes je ne demande pas qu'on me suive, mais j'essaie de partager mes convictions... avec vous par exemple.
En tout cas, jusqu'à nouvelle information, ce forum s'intitule encore, que je sache : forum des "spectres du CINEMA", non ? Pour moi cela avait un sens jusqu'à présent (c'est pourquoi j'y participe, fût-ce de loin en loin).
Alors que l'on y parle de "toutes les images" me semble salutaire, mais que l'on oublie ce que les images animées doivent au cinéma me semble suicidaire.
Ensuite, à chacun d'apporter sa pierre à l'édifice.
En tout cas, jusqu'à nouvelle information, ce forum s'intitule encore, que je sache : forum des "spectres du CINEMA", non ? Pour moi cela avait un sens jusqu'à présent (c'est pourquoi j'y participe, fût-ce de loin en loin).
Alors que l'on y parle de "toutes les images" me semble salutaire, mais que l'on oublie ce que les images animées doivent au cinéma me semble suicidaire.
Ensuite, à chacun d'apporter sa pierre à l'édifice.
Van Stratten- Messages : 165
Re: Avatar - James Cameron
"un peu sortir"... pas juste sortir du cinéma. Faire un petit pas côté balcon pour prendre l'air un peu, pas pour se passer de toit, mais pour se revitaliser.
Re: Avatar - James Cameron
wootsuibrick a écrit:L
Un peu de culture otaku (j'en suis pas à ces extrêmes ne vous inquiétez pas, j'ai une copine réelle) :
http://blog.livedoor.jp/insidears/archives/52126938.html
Wow.
Honnètement, woot, ça me fait flipper ça. FLipper du verbe "norman bates" ou "king of comedy".
C'est quoi exactement les trucs floutés un peu roses ?
DB- Messages : 1528
Re: Avatar - James Cameron
trop grande altérité? malsain? contre nature? dangereux? stérile?
C'était pour Noël, ces otaku voulaient juste fêter ça avec leurs amoureuses.
Je ne vois pas trop ce que c'est non plus ces machins roses.
sinon y a aussi :
http://blog.livedoor.jp/insidears/archives/51950062.html
C'était pour Noël, ces otaku voulaient juste fêter ça avec leurs amoureuses.
Je ne vois pas trop ce que c'est non plus ces machins roses.
sinon y a aussi :
http://blog.livedoor.jp/insidears/archives/51950062.html
Re: Avatar - James Cameron
Woot, qu'est-ce que ça veut dire, "otaku" ?
Ces deux blogs sont très impressionnants... Les machins roses, on dirait une pâte sucrée, non ?
VS, je ne comprends pas très bien comment tu en arrives à lier le "destin du cinéma" avec un seul film, même si ce film est Avatar, qui n'est pas non plus n'importe quel film. "Peut-on penser que le devenir Navi représente le destin des images" est une phrase que je n'arrive pas à comprendre. Devenir Navi, c'est ce qui arrive au personnage du film. Et parler de "destin des images", c'est dépasser largement les frontières du cinéma. Je n'arrive pas à lier les choses comme toi.
Et puis, sur le film même, tu parles d'extermination de l'humain, mais dans le film, les hommes vivent encore sur terre. Mal, au regard d'une idéologie écologique, mais ils vivent encore. L'extermination dont il est question, c'est celle des Navi. Tu dis des Navis qu'ils exterminent les marines parce qu'ils en tuent durant une bataille plutôt rangée, on est loin de l'extermination. Ou alors il faudrait penser tout film de guerre comme pensant l'extermination de l'homme. C'est un peu exagéré non ?
Ces deux blogs sont très impressionnants... Les machins roses, on dirait une pâte sucrée, non ?
VS, je ne comprends pas très bien comment tu en arrives à lier le "destin du cinéma" avec un seul film, même si ce film est Avatar, qui n'est pas non plus n'importe quel film. "Peut-on penser que le devenir Navi représente le destin des images" est une phrase que je n'arrive pas à comprendre. Devenir Navi, c'est ce qui arrive au personnage du film. Et parler de "destin des images", c'est dépasser largement les frontières du cinéma. Je n'arrive pas à lier les choses comme toi.
Et puis, sur le film même, tu parles d'extermination de l'humain, mais dans le film, les hommes vivent encore sur terre. Mal, au regard d'une idéologie écologique, mais ils vivent encore. L'extermination dont il est question, c'est celle des Navi. Tu dis des Navis qu'ils exterminent les marines parce qu'ils en tuent durant une bataille plutôt rangée, on est loin de l'extermination. Ou alors il faudrait penser tout film de guerre comme pensant l'extermination de l'homme. C'est un peu exagéré non ?
adeline- Messages : 3000
Re: Avatar - James Cameron
Les otaku, c'est les geek japonais. le terme en lui même signifie à la base "chez vous" "votre maison" ou un truc du genre. C'est des gens renfermés sur leur passion en gros... grosses lunettes, asociaux, incapable de s'adresser à une personne du sexe opposé. On peut employer le terme otaku en dehors du monde des jeux vidéos et des mangas bien entendu.
Re: Avatar - James Cameron
En tout cas, pour survivre sur terre, pas de soucis, y'a tout ce qu'il faut chez Adeline.
(désolé, il fallait que je la case )
(désolé, il fallait que je la case )
Re: Avatar - James Cameron
je ne pense pas que wootsuibrick sera très d'accord avec cette présentation des choses
"
"
Représentations ? Manga ! Addictions...
Jacqueline Peignot [*]
Au Japon, historiquement, le manga fait partie d’une tradition littéraire ancienne où s’expriment par la bande dessinée fables satiriques, contes éducatifs et moraux, estampes érotiques. Mais on remarque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une modification du rapport de la société japonaise à ces publications. Le pouvoir s’en est emparé pour transmettre au peuple un certain nombre d’idées. C’est à cette époque-là, au Japon, qu’explose la littérature manga.
Le manga est la culture à travers laquelle une nouvelle génération se reconnaît, affirme sa différence et se cherche une identité. Dans le très vaste domaine des mangas se décline une riche palette, qui va de la production médiocre, au seul intérêt commercial qui enferme la pensée, jusqu’à la création artistique qui vise à une véritable intégration psychique de l’histoire du Japon et de sa culture, permettant ainsi une meilleure socialisation pour les jeunes. Cette culture s’est propagée peu à peu en Amérique et en Europe.
C’est à travers l’historique et l’évolution de ce phénomène dans la société japonaise et en abordant ses dérives que nous essayerons de comprendre comment le manga et ses produits annexes ont pu générer des phénomènes addictifs.
Définitions
Le mot « manga » définit les bandes dessinées japonaises créées pour des Japonais. Les mots japonais n’ont pas de genre, c’est pourquoi il est traduit indifféremment au masculin ou au féminin selon les auteurs. Les Japonais pensent que le féminin est plus approprié. Les fans de manga ont pris l’habitude d’employer ce mot au masculin. Les mots étrangers n’ont pas souvent de pluriel en –s. On lit donc très souvent des « manga ». Dans un manga, nous trouvons des cases, des bulles et un récit graphique. Il est différent d’une bande dessinée dans sa manière de raconter des histoires. L’idée est de donner un tempo, en décrivant des actions en continu. Le dessin paraît sommaire et permet d’aller à l’essentiel. Certaines séries comprennent trois, quatre ou cinq mille pages diffusées en magazines, ou en volumes de deux cents ou trois cents pages publiés à la suite pendant plusieurs années. Un temps infini peut être consacré à dérouler des choses infimes. Les mangas se lisent de gauche à droite, respectant le sens de lecture japonais. Les mangas sont presque toujours en noir et blanc, dans des revues bon marché, sur du papier recyclé.
À travers les cases, chaque scène, chaque action sera dessinée. Le Japonais ne pratique pas l’ellipse, les détails sont nombreux, le temps est éclaté. Le manga utilise un découpage temporel proche du découpage cinématographique avec des cadrages et une décomposition du temps et de l’action. Les dessins sont en général moins statiques que dans les bandes dessinées occidentales. Ils sont concentrés sur deux thèmes : l’action et les émotions des personnages. Les personnages du manga ont presque toujours de grands yeux, pour renforcer l’expressivité du visage.
Le japonais, très riche en onomatopées, les utilise souvent pour décrire les mouvements, actions et pensées des personnages. L’étonnement est fréquemment traduit par la chute du personnage. Le champ d’application des onomatopées est plus large qu’en France. On trouve des concepts surprenants, comme l’onomatopée du sourire (niko niko), du silence (shiiin) ou encore du scintillement (pika pika, d’où le nom de Pikachu). L’humour au Japon est différent, il n’existe pas de livre de blagues comme en France : les ruptures de ton, les non-sens, l’auto-dérision fondent l’humour japonais. Leurs jeux de mots sont intraduisibles en français.
Le manga couvre tous les genres et va de la simple pornographie à la poésie hermétique. Il y a là un vaste domaine où se côtoient des publications de qualité médiocre et de véritables chefs-d’œuvre. On trouve aussi une masse énorme de mangas amateurs ronéotés. Les grands succès de ces publications deviennent des « animes », nom donné aux séries d’animation.
La différence entre le manga japonais et la bande dessinée occidentale est essentiellement culturelle. En France, pendant longtemps, la bande dessinée a été considérée comme un genre mineur, réservé aux enfants. Au Japon, ses lettres de noblesses lui ont été données par un grand artiste, en l’occurrence Hokusaï.
Hokusaï Katsuhika (1760-1849), maître de la xylographie du style ukiyo-e, à partir des termes « man » (involontaire, comique, dérisoire) et « ga » (dessin, peinture, image) a inventé le mot manga. L’idée naquit un jour où, discutant avec l’un de ses élèves, Hokusaï illustra son propos en dessinant des séries de croquis. Édités en 1814, ils formèrent le premier volume d’une œuvre qu’il nomma : Hokusaï manga. Le succès fut tel que le maître y adjoignit au cours des cinq années qui suivirent neuf autres cahiers. Quatre autres albums furent publiés jusqu’en 1849, année de la mort de l’artiste. Vers 1875 était édité le volume XIV rassemblant les dessins inédits et en 1878, un dernier cahier réunissait nombre d’esquisses déjà parues dans d’autres recueils. Imprimés en noir, rehaussés de gris et de rose, ces dessins couvrent les feuillets sans cadrage précis : des études à échelle réduite voisinent avec des esquisses de grandeur moyenne et des compositions en pleine page ou sur une double page. Dans leur désordre apparent, elles gardent la saveur de la spontanéité, méritant bien leurs titres : Dessins au gré de l’idée, Cahier de caprices, Images dérisoires. À l’exception de rares volumes dédiés à un sujet précis (architecture, paysage ou caricature), chaque cahier aborde une diversité de thèmes telle que les frères Goncourt parlent de « milliers de reproductions de ce qui est sur terre, dans le ciel, sous l’eau, ces magnifiques instantanés de l’action, du mouvement de la vie remuante de l’humanité et de l’animalité ». Pourtant, de ce foisonnement ressort un thème central : l’homme, dont Hokusaï ne s’est jamais lassé de capter, avec humour et tendresse, les attitudes et les sentiments. Condensé de son œuvre graphique, Hokusaï nous livre là les plus belles pages du manga.
L’historique des mangas
C’est une tradition de raconter des histoires et même des blagues sous forme de dessins séparés en cases. Des publications bon marché circulaient de famille en famille.
Au ixe siècle, on enseignait les péchés aux gens illettrés sur des rouleaux de peinture narrative, les emaki-mono.
Au Japon, le premier mangaka était un moine, nous raconte Hervé Martin Delpierre, dans son documentaire Un monde manga. Il vivait au xiie siècle, dans la cité de Kyôto. « De religion bouddhique, ce moine, un bel homme, du nom de Toba, qui avait fait vœu de chasteté, ne pouvait se promener dans le calme des magnifiques jardins du temple de Kozanji sans attirer le regard des plus belles femmes (geishas). Sachant que la chair est faible, il décida de se couper l’oreille gauche pour s’enlaidir. Cette lucidité quant à la nature humaine l’avait conduit à écrire les premiers pamphlets de l’histoire du dessin japonais. Ces caricatures crayonnées sur des rouleaux de papier décrivaient les excès et les dérives des puissants seigneurs de Kyôto. En leur donnant des visages d’animaux, il évitait la censure et ses conséquences. En douze rouleaux de dessins, il inventa le premier manga japonais. Il était devenu sans le savoir le premier mangaka de l’histoire. »
Aux xve et xvie siècles, les sumi-é racontaient des histoires populaires.
Au xviie siècle, Hishikawa créa les ukiyo-é, dessins que les gens pouvaient colorier. Ces estampes, dessins imprimés sur une feuille de papier avec un panneau de bois gravé, ont commencé à se développer pendant l’ère Edo. Une longue période de stabilité politique et sociale s’ouvrit. Des quartiers de divertissement se constituèrent à Edo (Tôkyô), Kyôto et Osaka. Dans ces quartiers commencèrent à circuler des livres illustrés qui racontaient la vie quotidienne de ce « monde éphémère de plaisir » (sens d’ukiyo-é). Grâce aux marchands, l’ukiyo-é connut une période brillante à la fin du xviiie siècle, avec l’émergence de nouveaux styles sous l’impulsion de grands maitres.
Au xviiie siècle, l’estampe évolue : les plus anciennes, en noir, étaient appelées sumizuri-e puis vinrent les benizuri-e (rehaussées de rouge), les urushi-e (encres épaisses et brillantes) et les nishiki-e (plusieurs couleurs).
Au xixe siècle, les estampes, comme toutes les publications, furent soumises à la censure. Les dessins érotiques sont censurés par le ministre Mizoumo.
Au xxe siècle apparaît dans la presse quotidienne une série de bandes dessinées. En 1905, la caricaturiste Rakuten Kitazawa crée le premier magazine de bande dessinée japonaise satirique, le Tôkyô Puck. Les premiers magazines de mangas datent de cette époque : en 1914, Shônen Club destiné aux garçons et Shôjo Club pour les filles ; en 1924, Les voyages de Dango Kushisuke (un « super boy ») de Miyao ; de 1929 à 1931, Yomiuri Sunday manga connaît le succès aussi bien auprès du public enfantin qu’adulte ; en 1932, le groupe du nouveau manga est fondé par dix-huit dessinateurs qui ont étudié la bd américaine ; de 1939 à 1945 apparaît la bande dessinée de propagande ; de 1945 à 1961, la bande dessinée d’actualité avec Libéral ainsi que les mangas pour enfants et adolescents ; 1948 marque le début des bandes dessinées enfantines avec Tezuka qui instaure la bd à épisodes ; en 1951 paraît shôjo book, bd pour les filles.
Au Japon, les mangas n’ont pas la réputation sulfureuse qu’ils ont en Europe et en France où ils sont perçus comme des productions violentes et érotiques. Si l’on commence à détailler les genres, on peut les décliner à l’infini.
Quelques grands mangakas
Osamu Tezuka : né en 1926, chef de file des écrivains de mangas, il a été le premier auteur à créer de véritables histoires avec une dramaturgie. C’est le mangaka le plus populaire de l’après-guerre, il fut surnommé Manga no Kamisama (le dieu des mangas). Décédé à l’âge de 62 ans en 1988, il a réussi à concilier tradition et modernité, classicisme et innovation. Ayant grandi pendant la guerre, il a côtoyé la mort. Pourtant il développe le thème de la vie et sa valeur. Même lorsqu’il parle de destruction et de bêtise humaine, il fait preuve d’un certain amour pour les hommes et pour toutes les créatures vivantes. Il lance dès 1963 la première adaptation télévisuelle de son héros Astro le robot, un personnage plein de sentiments et d’humanité. Ses œuvres ont fini par devenir des phénomènes culturels. Il a écrit des histoires en avance sur son temps qui concernent les transplantations d’organes, de la cornée, des pieds et des mains. Il s’est intéressé au clonage. Il a utilisé de nombreuses techniques empruntées au cinéma, comme le plan rapproché et les changements de points de vue. Il s’est lancé dans la rédaction de mangas shôjo pour jeunes filles et de mangas pour enfants. Les personnages qu’il a créés sont devenus des produits destinés à la vente.
Naoki Urazawa : il possède à la fois des talents de comique et de dessinateur. Yawara est le manga comique qui lui a apporté les premiers succès. Sur le thème du sport, il décrit les épreuves et les tribulations d’une lutteuse de judo. Sa série Monster, histoire d’un docteur japonais vivant en Allemagne qui se trouve mêlé à un complot diabolique, est l’une de ses meilleures œuvres. Sa série actuelle, intitulée Les garçons du xxe siècle, mêle le passé et le futur et dépeint le monde effrayant d’une société strictement contrôlée. C’est un auteur majeur de mangas contemporains.
Hayao Miyazaki : né à Tokyo en 1941, il subit les bombardements américains. Son enfance a influencé sa vision du monde. Il est subjugué par les machines volantes que fabrique l’usine de construction aéronautique où travaille son père. Il sera très marqué par la tuberculose qui cloue sa mère au lit pendant de longues années. Animiste, il défend l’idée qu’un esprit se cache dans chaque élément naturel. Le pacifisme et le respect de l’environnement lui sont chers. Son héroïne Nausicaa de la Vallée du Vent est devenue l’emblème des écologistes japonais. Au milieu des années 1980, le cinéma reprend de l’importance dans le domaine de l’animation, grâce à Miyazaki, qui adapte au cinéma en 1984 son manga Nausicaa et crée un studio de film d’animation. Ce studio est à l’origine d’un engouement populaire sans précédent, dû à la qualité des films produits.
La culture manga
Le développement massif des mangas au Japon doit être resitué dans son contexte historique. C’est après la Seconde Guerre mondiale que cette littérature a pris un essor considérable.
Le Japon, porté par les finances américaines, décida de se reconstruire au plus vite. Il fallut effectuer un travail considérable. C’est dans ce contexte de production massive, de travail à la chaîne globalisé et d’efforts généralisés pour le pays qu’explose le phénomène manga. Le gouvernement se saisit de cette forme d’expression pour diffuser des histoires propres à entraîner les foules au travail, galvaniser les ardeurs pour la reconstruction de la nation. Ces publications de propagande ont pour effet d’encourager les masses. Les grandes entreprises vont s’en servir pour gonfler le moral de leurs troupes. Le gouvernement va mettre en place dans tout le Japon des boutiques de location de mangas. Ces lieux attirent surtout les jeunes.
D’abord employés à cette époque comme outils d’information populaire, les mangas vont retrouver très vite leur fonction originale et servir à l’expression de toute une génération d’artistes. Le manga au Japon est profondément inscrit dans la vie quotidienne. Ce phénomène n’a aucun équivalent dans notre culture occidentale. La jeunesse japonaise y exprime sa soif de liberté, et tous les sentiments qui l’agitent et ne peuvent se dire ouvertement. « Le mythe du Japon fier et travailleur qui reprend son dur labeur comme si rien ne s’était passé en 1945 vacille sur ses bases et les mangas sont les premiers à remettre en cause ce bonheur de pacotille », écrit Jérôme Smith dans Génération manga. Les mangas deviennent un contre-pouvoir. La jeune génération sème dans ces écrits la contradiction et remet en question les grandes traditions tout en critiquant l’évolution du Japon moderne tourné vers la production effrénée.
Le manga est un répertoire nouveau où se jouent des visions du monde, des valeurs éthiques. Une réponse envisagée est la fuite vers des univers galactiques. Les mangas s’inspirent des faits universels, des problèmes de société, qu’ils soient sexuels, affectifs, scolaires ou de travail, notamment en entreprise. On y trouve donc les indices de la société codifiée, les problèmes générés par la vie moderne, les maladies du siècle et leurs éventuels remèdes.
Au Japon, le manga est un phénomène de culture populaire. L’image du manga est omniprésente à Tôkyô car elle va droit au but et tout le monde peut la comprendre. C’est un moyen d’évasion à vivre en solitaire mais aussi en groupe, en pratiquant le Cosplay.
Le marché des mangas
Au Japon, le manga est une véritable façon de vivre. On ne peut être japonais sans être en rapport constant avec le manga, quel que soit son milieu social ou son origine. 40 % des livres achetés dans ce pays sont des mangas ; la multitude des thèmes abordés le rend utile à tout le monde. C’est un marché en pleine expansion.
En 1965 déjà, il se vendait au Japon plus de 100 millions d’exemplaires de magazines consacrés aux mangas. Les années 1970 verront arriver massivement les mangas pour adultes. Les productions vont encore augmenter puis les chiffres vont stagner malgré le lancement de mangas d’information. Le manga profite aussi de l’apparition de la télévision dans les foyers japonais, où sont diffusés des animes issus de mangas. Les Japonais, entièrement accaparés par leur travail et l’expansion économique de leur pays, ont peu de temps disponible à consacrer à leurs loisirs et désertent les cinémas. C’est un peu plus tard, vers 1980, que le chiffre de vente atteint le milliard ; la tendance se renverse, le manga réintroduit le cinéma grâce à la culture de l’animation et amène les gens à réinvestir les salles obscures. En 1990 apparaît le jeu vidéo – quatrième média de divertissement japonais après le livre, le manga et le cinéma – dans lequel pourront se décliner à l’infini tous les héros de mangas.
En cinquante ans, la « japanimation » et les mangas s’affranchissent des modèles occidentaux et américains. Ils ont acquis de nouvelles esthétiques et trouvé des mythologies issues de leur propre univers. Objets familiers au Japon, ils s’imposent par l’originalité de leurs œuvres mais restent encore sujets à polémique, teintés de peur et de fascination, en Occident.
Le shônen s’adresse aux jeunes gens, l’action y occupe une grande part bien que des histoires romantiques puissent se dérouler parallèlement. Chaque shônen présente des personnages qui évoluent pour atteindre un idéal. L’amitié est la première des vertus. Les thèmes récurrents sont l’aventure, la science-fiction, le sport et la vie scolaire. Quelques exemples de shônen : Kenshin le vagabond (Glénat), Naruto (Kana), Vidéo girl aï (Tonkam).
Le shôjo s’adresse aux jeunes filles. Même si le romantisme est de mise, tous les thèmes y sont abordés. Le shôjo est facilement reconnaissable à ses mises en page éclatées, ses fleurs envahissant les planches et ses personnages toujours très beaux. L’idéal poursuivi est la relation amoureuse intense ou une amitié fondée sur la confiance. Quelques exemples de shôjo : Fruits Basket (Delcourt), Peach Girl (Panini), Angel Sanctuary (Tonkam).
Le Yaoï, appelé aussi bi-shônen, relate les tribulations amoureuses entre jeunes garçons. Ce type de manga est très populaire chez les filles. Les images sont délicates et les sentiments sont exploités au maximum. Les thèmes abordés concernent la vie d’écolier, la science-fiction, l’amour, l’humour, les samouraïs, la biographie, le récit historique, l’heroic fantasy, le sport… Quant à la forme, il s’agit de courtes nouvelles, du cyberpunk, de l’horreur, dans le style du genre policier.
Le kodomo s’adresse aux jeunes enfants.
Les influences sociales du manga
Au Japon, toutes les classes sociales sont touchées par les mangas. Chaque public a le sien. Il y en a pour les filles, pour les garçons, pour les enfants, les adolescents, les vieillards, les jardiniers, etc. Mais les plus grosses ventes, dont les thèmes sont souvent liés à la violence, sont destinées aux adolescents.
La déferlante manga qui a touché l’Europe dans les années 1980 a inondé la France, l’Italie et l’Espagne en devenant très rapidement un produit de grande consommation. C’est la télévision qui a introduit en France des séries d’animation très populaires au Japon comme Goldorak, Albator, Candy, Dragonball, Les chevaliers du Zodiaque ou Olive et Tom. Ces productions nippones soulèvent de nombreuses critiques. Ce mouvement est considéré en Europe comme une sous-culture. On lui reproche, en bloc, le sexe, la violence et la mauvaise qualité. Une méconnaissance de la culture manga japonaise a fait que les médias français ont proposé aux enfants des émissions qui ne leur étaient pas destinées mais conçues pour des adolescents voire de jeunes adultes. Ceci éclaire les réactions de rejet de parents devant ces émissions venues du Japon. En France, les dessins animés sont traduits puis adaptés pour convenir à un public enfantin. Les génériques sont modifiés, les noms des personnages changés, les scènes les plus choquantes sont coupées, ce qui rend certaines séquences incompréhensibles. Les paroles les plus crues sont modifiées. Les mangas ont été d’abord censurés par les Japonais mais de manière moins stricte qu’en France car destinés à un public plus large.
En France, de nombreux festivals appelés conventions ont fait leur apparition. Ces conventions sont des points de rassemblement pour les fans de mangas. On y voit des projections d’animes, des jeux, des spectacles de cosplays ; souvent, cette manifestation regroupe aussi des professionnels autour de forums, de magasins de livres et autres produits dérivés. Parmi les plus connues en France, on trouve : Japan Expo, Epitanime, Cartoonist…
L’éducation au Japon
Ce sont les femmes qui au Japon ont essentiellement en charge l’éducation de leur progéniture. Les hommes travaillent beaucoup, ont peu de temps libre et sont particulièrement absents de l’éducation. Les mères sont obsédées par le succès de leurs enfants dans le parcours scolaire. La natalité a baissé et la notion de famille élargie disparaît au profit de la famille nucléaire.
Au Japon, la scolarité est sous le signe de la performance depuis la maternelle. Cet état d’esprit provoque chez l’enfant un stress considérable qui continue à l’école primaire, se prolonge dans le secondaire, jusqu’à l’entrée à l’université, et se retrouve ensuite dans le monde du travail. La pression et l’angoisse de réussite se manifestent très tôt chez les parents. Ils encouragent leur enfant à passer un examen d’entrée pour intégrer la meilleure école préscolaire, celle qui les prépare le mieux aux examens des meilleurs jardins d’enfants, puis des meilleures écoles, afin de parvenir aux universités les plus prestigieuses. Beaucoup d’adolescents prennent après le lycée une année entière pour se préparer à l’entrée à l’université et passer le concours le plus difficile pour intégrer la meilleure université de Tôkyô. Les enfants vont à l’école « régulière » pendant la journée et dans des écoles spécialisées le soir et en fin de semaine. Certains élèves consacrent tout leur temps libre aux devoirs scolaires. À l’école la concurrence est rude et la scolarité sans joie pour certains. Ils sont tellement poussés à mémoriser sans réfléchir, sans développer leur créativité qu’ils finissent par arriver à saturation. Envahis par le stress et le désir de plaire à leurs parents, terrorisés par l’échec, ils en arrivent parfois à abandonner leur scolarité ou leur travail afin de reprendre le contrôle de leur existence. On appelle ces « décrocheurs de l’extrême », Hikikomori.
Les dérives de la jeunesse
Des faits criminels commis par des adolescents ont profondément ému l’opinion publique japonaise (David Esnault, Le Monde diplomatique, août 1999).
« À Kobé en juin 1997, un garçon de 14 ans assassine deux fillettes, puis un enfant de 11 ans qu’il décapite. Il dépose la tête de sa jeune victime devant son école. Près de la macabre dépouille, il laisse une lettre étrange dans laquelle il explique se venger d’une société qui l’a rendu invisible. »
« À Tottori, le 10 février 1998, une préfecture située à 120 kilomètres au nord-ouest de Kobé, des jumeaux de 14 ans sortent dans la rue, choisissent au hasard une vieille dame qui a le malheur de passer par là et l’assassinent à coups de couteau. Arrêtés sur le champ et sans résistance, ils se contentent d’expliquer qu’“ils n’auront plus à aller à l’école après cela”. »
« Quelque temps plus tard, à Higashi Matsuyama, au nord de Tokyo, un élève de 13 ans poignarde brusquement un élève qui se moquait de lui. »
D’autres faits violents, appelés oyaji gari, sont très préoccupants. Il s’agit de chasses à l’homme. Des adolescents se regroupent parfois sans même se connaître, par le biais d’Internet ou de téléphones portables pour s’attaquer à des personnes incapables de se défendre.
La prostitution des lycéennes, dite enjo kosai, a lieu après l’école, à l’insu des parents. D’après un sondage du Life Design institut effectué en 2000, 25 % des jeunes Japonaises se prostituent occasionnellement. Au Japon, la majorité sexuelle n’a été portée de 13 à 15 ans que très récemment (2003).
David Esnault conclut : « Crimes atroces, suicides, prostitution : l’explosion de la délinquance chez les jeunes inquiète l’archipel. Alors que pour certains “tout semble fonctionner parfaitement”, serait-il possible qu’un sentiment mortifère fonde sur une jeunesse nourrie de jeux vidéo et de séries télévisées ? Mais cette extrême violence ne reflète-t-elle pas plutôt la pression d’une société hyper exigeante où les repères ont volé en éclats, où l’argent est la valeur reine – et corruptrice – et où le système éducatif, extrêmement sélectif, ne tolère aucune faiblesse ? »
Le phénomène otaku
Le mot otaku est intraduisible. « La première signification vient du caractère japonais utilisé pour désigner le logis, l’endroit où l’on vit. La deuxième signification est en fait une extension du premier sens : c’est un vouvoiement impersonnel assez distant que les Japonais utilisent quand ils ont besoin de s’adresser à quelqu’un sans désirer pour autant approfondir la relation ainsi nouée. C’est un vouvoiement de voisinage. » Ce terme a été choisi parce qu’il contenait dans son étymologie les deux aspects du syndrome. En effet, les Otaku refusent les relations interpersonnelles et préfèrent rester enfermés chez eux, dans leur chambre, où ils accumulent les objets de leur passion. Les heures passées à utiliser l’Internet et les jeux vidéos en font de vrais champions dans leur domaine. En France, on emploie ce terme pour définir les fans de mangas, ce qui est une interprétation erronée.
Les adolescents Hikikomori
Ce mal de vivre aurait tendance à s’accentuer et à concerner des jeunes plus âgés, parfois jusqu’à 30 ans. Ces grands adolescents s’éternisent chez leurs parents, dans un état léthargique, et évitent les confrontations au monde extérieur. On les appelle les Hikikomori. Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir accomplir les objectifs de vie qui leur sont assignés. Leur isolement est en réaction à une très forte pression sociale et parentale tournée vers la réussite à tout prix. Celle-ci commence dès avant l’entrée à l’école. Cette réclusion volontaire s’accompagne d’un rejet total de communication avec leurs proches et avec l’environnement.
Bon nombre d’Ijime, enfants maltraités à l’école par leurs camarades avec la complicité muette de leurs pairs ainsi que de leurs enseignants, deviennent ensuite des Hikikomori. Selon certaines estimations, il y aurait un million de Hikikomori au Japon, soit un jeune sur dix. La plupart de ces jeunes sont des garçons, souvent des fils aînés et instruits. Se cloîtrer ainsi peut durer des semaines, des mois, voire des années. Ce phénomène est reconnu depuis la fin des années 1990 (on a rencontré des cas de douze années de réclusion). On l’évalue à 1 % de la population totale. Une étude du gouvernement japonais réalisée en 2002 sur 3 300 anciens Hikikomori montre que 17 % n’étaient plus capables de sortir de chez eux et que 10 % ne pouvaient pas quitter leur chambre. Ils se réfugient comme les Otaku dans un monde enfantin et virtuel alimenté par Internet, les jeux vidéos, les mangas, les dessins animés, les collections fétichistes. Leur vie est organisée autour d’une passion poussée à l’extrême, il s’agit de tout faire sans sortir de chez soi. Ils sont dans un état dépressif et vivent à l’envers, dormant le jour et passant la nuit à regarder la télévision et à jouer. Leur sexualité se réduit à fantasmer sur une héroïne de jeux vidéos ou de mangas, une star du cinéma porno ou une idole (chanteuse à la mode). Peu se suicident car ils sont bercés par la cyberculture très active au Japon.
Ils sont les victimes d’une société en récession hantée par le spectre du chômage ; 50 % des jeunes Japonais de 20 à 34 ans vivent chez leurs parents (80 % des filles et 40 % des garçons). Ils n’ont aucune envie de voler de leurs propres ailes et veulent profiter du cocon familial. 14 % des femmes ont des problèmes de nutrition. 20 % des hommes sont violents avec leur famille. Certains terrorisent leurs parents. Un père japonais raconte à propos de son fils Hikikomori : « Nous avons été obligés de déménager en mai dernier car il devenait trop dangereux de rester avec lui en raison de sa violence. Malgré notre volonté, la communication est quasi absente. J’essaie de le rencontrer une fois par semaine et d’avoir une discussion normale avec lui, mais c’est très difficile, il ne parle que par insultes et mots inintelligibles ; j’ai peur, il est deux fois plus fort que moi. »
L’évolution de ce phénomène est alarmante. Il semblerait qu’on le rencontre aussi dans d’autres pays fortement industrialisés.
Les effets du traumatisme
Au sein de la population japonaise, les situations de guerre permanente (1930 à 1945) ont généré une perte insidieuse du sens de la vie qui est au cœur même de toute situation traumatique. Quel a été l’impact de la désacralisation de l’empereur vaincu et humilié sur le narcissisme du peuple japonais ? Les Occidentaux victorieux ont imposé une longue occupation dont le Japon porte encore les traces aujourd’hui. Le silence qui s’est installé au Japon après l’explosion des bombes a contribué à détruire psychiquement les générations suivantes. Elles se sont retrouvées coupées de leur histoire et de leur culture. Les dégâts matériels peuvent se comptabiliser, les dégâts physiques et psychiques se mesurent sur plusieurs générations.
À Nagasaki comme à Hiroshima, la ville a été reconstruite en effaçant tous les stigmates de ces terribles matinées. Les seuls qui restent sont inscrits dans les corps des survivants. Les rescapés des bombes atomiques, appelés Hibakushas (irradiés), ont été considérés comme des parias ainsi que leurs descendants. Leur déchéance physique revêtait un caractère honteux. Beaucoup n’ont pas eu d’enfants. 70 % d’entre eux souffrent de stress post-traumatique. Ikuko Matsumoto a 72 ans. Au moindre problème de santé de ses petits-enfants, elle est hantée par la culpabilité de leur avoir transmis une maladie. Pourtant, les études sur la descendance des survivants semblent rassurantes. Mais on ne peut écarter l’hypothèse du caractère masqué de mutations génétiques induites par les radiations.
Les dérives actuelles dans la société japonaise peuvent-elles être reliées aux traumatismes des guerres ? Tourné par Imamura en 1989, longtemps censuré, le film Pluie noire en témoigne. « L’image agit par saisissement », nous dit Paul Denis dans Emprise et satisfaction. Sa puissance a « le pouvoir de provoquer pensées et sentiments, elle peut nous conduire à parler, écrire, agir parfois. Non seulement l’image a un pouvoir mais elle est moyen de pouvoir et souvent moyen du pouvoir ». En effet, on a vu que le pouvoir japonais s’est emparé du manga pour diffuser des informations mais aussi afin de contrôler les agissements de la population en l’exaltant à la reconstruction du pays pour effacer les traces des bombes.
Les représentations en miettes
Toute la population semble touchée par la consommation effrénée des mangas et de leurs produits dérivés. Les boutiques de mangas se sont multipliées. Certains jeunes adultes, à la sortie du travail, se précipitent dans ces lieux pour y lire ou regarder des films jusqu’à l’épuisement. Il leur arrive aussi de dormir sur place dans les cabines destinées à la lecture. Un certain nombre de services ont même été organisés pour permettre à ces Salary men de pouvoir retourner le matin au travail sans être rentrés chez eux. Quelle fonction peut avoir le manga lu ainsi de façon compulsive ? Est-ce une protection contre l’angoisse ? Suite au traumatisme encrypté dans le silence, les dérives de la jeunesse seraient-elles dues à un manque d’élaboration dans la génération précédente ?
Ces comportements sont-ils des signes avant-coureurs d’une mutation de société ? Le déficit des valeurs sociales traditionnelles dessine-t-il une société qui se met à l’abri des réalités d’un monde devenu trop violent et d’un avenir sans espoir ?
La violence non intégrée entraîne des dérapages multiples et les jeunes recherchent désespérément, dans une addiction à l’image, une solution magique qui leur permette de fuir la réalité de la vie et du temps qui passe. L’explosion de l’agressivité comme retour du refoulé surgit-elle ailleurs dans les comportements criminels des adolescents en crise majeure ? Les phénomènes otaku et hikikomori sur leur versant addictif seraient-ils, comme Jean Bergeret l’écrit de la toxicomanie : « une maladie de la civilisation et de l’estime de soi » ? Ces adolescents seraient-ils victimes d’une fascination qui les rendrait captifs des nouvelles technologies du virtuel ? Ou alors peut-on considérer ce phénomène comme une crise soulignant la difficulté du passage à l’âge adulte pour des jeunes en quête de valeurs et de modèles ? La société japonaise a tendance à percevoir ses Otaku avec crainte et méfiance. Leurs rites étranges aux allures scabreuses ne sont-ils pas les reflets du monde dans lequel ils sont nés ? L’addiction à l’image serait-elle la réponse d’une société en plein malaise ? Cette attitude serait-elle une protection contre les changements que subit le Japon aujourd’hui ?
Les soins proposés
Un Otaku est un individu qui présente des symptômes pathologiques ; il est considéré comme collectionneur, solitaire et fétichiste. Dire Otaku c’est évoquer quelqu’un de malade. Les garçons sont vus comme des obsédés. Certains pensent qu’il s’agit d’une maladie mentale, mais cette hypothèse demeure contestée. Les parents sont totalement submergés et impuissants face au problème de leur enfant. Ils hésitent à le faire soigner de peur d’être repérés et désignés à la honte de la société. Ces jeunes et leurs parents, pris dans une contradiction insurmontable, n’osent pas accéder aux soins.
Il existe différents points de vue sur la façon de traiter les Hikikomori. Ce phénomène de retrait, à caractère psychotique, touche des jeunes dans le monde entier. Les experts japonais suggèrent généralement d’attendre que l’Hikikomori réintègre la société de son plein gré, car ce comportement peut être réversible. Dans de nombreux cas, une aide psychologique est nécessaire. Bien qu’il existe des cellules d’aide spécialisées, beaucoup d’Hikikomori et de parents ne se sentent pas suffisamment accompagnés. La psychanalyse existe au Japon et s’est développée en lien avec la France pendant la guerre froide. Les Japonais appréciaient ce discours d’ouverture que ni l’Amérique ni la Russie ne lui apportaient.
En ce qui concerne les addictions, François Duparc préconise : « La technique doit s’adapter à chaque cas et à chaque histoire, en remontant à trois générations, pour tenir compte de l’aspect irreprésentable du noyau traumatique contenu dans l’addiction. Celui-ci, incoercible au début, doit d’abord être agi par le patient et contenu par l’analyste, par un cadre et une technique adaptée, sur mesure, pourrait-on dire, avant de pouvoir être représenté. »
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· Journal Le Monde : articles sur le Japon de janvier à septembre 2005.
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· Sciences et avenir : « Hiroshima soixante ans après », Sylvie Riou-Milliot, août 2005.
· Quelques mangas : Inoue Takehiko, Slamdunk, Kana ; Miyazaki Hayao, Le voyage de Chihiro, Studio ghibli ; Mori Hideki, Tsori princesse des mers, Delcourt ; Taniguchi Jirô, Quartier lointain ; L’homme qui marche, Casterman.
· Quelques films : Coppola Sofia, Lost in translation, 2002 ; Imamura Shohei, Pluie noire, 1989 ; Hokusai, La vague (1831), Palettes, arte vidéo ; Miyazaki Hayao, Le château dans le ciel, Le château ambulant, Le voyage de Chihiro, Kiki la petite sorcière, Princesse Mononoké.
· Martin Delpierre, H., Un monde manga, documentaire diffusé sur France 5, 30 janvier 2005.
"Jacqueline Peignot [*]
Au Japon, historiquement, le manga fait partie d’une tradition littéraire ancienne où s’expriment par la bande dessinée fables satiriques, contes éducatifs et moraux, estampes érotiques. Mais on remarque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une modification du rapport de la société japonaise à ces publications. Le pouvoir s’en est emparé pour transmettre au peuple un certain nombre d’idées. C’est à cette époque-là, au Japon, qu’explose la littérature manga.
Le manga est la culture à travers laquelle une nouvelle génération se reconnaît, affirme sa différence et se cherche une identité. Dans le très vaste domaine des mangas se décline une riche palette, qui va de la production médiocre, au seul intérêt commercial qui enferme la pensée, jusqu’à la création artistique qui vise à une véritable intégration psychique de l’histoire du Japon et de sa culture, permettant ainsi une meilleure socialisation pour les jeunes. Cette culture s’est propagée peu à peu en Amérique et en Europe.
C’est à travers l’historique et l’évolution de ce phénomène dans la société japonaise et en abordant ses dérives que nous essayerons de comprendre comment le manga et ses produits annexes ont pu générer des phénomènes addictifs.
Définitions
Le mot « manga » définit les bandes dessinées japonaises créées pour des Japonais. Les mots japonais n’ont pas de genre, c’est pourquoi il est traduit indifféremment au masculin ou au féminin selon les auteurs. Les Japonais pensent que le féminin est plus approprié. Les fans de manga ont pris l’habitude d’employer ce mot au masculin. Les mots étrangers n’ont pas souvent de pluriel en –s. On lit donc très souvent des « manga ». Dans un manga, nous trouvons des cases, des bulles et un récit graphique. Il est différent d’une bande dessinée dans sa manière de raconter des histoires. L’idée est de donner un tempo, en décrivant des actions en continu. Le dessin paraît sommaire et permet d’aller à l’essentiel. Certaines séries comprennent trois, quatre ou cinq mille pages diffusées en magazines, ou en volumes de deux cents ou trois cents pages publiés à la suite pendant plusieurs années. Un temps infini peut être consacré à dérouler des choses infimes. Les mangas se lisent de gauche à droite, respectant le sens de lecture japonais. Les mangas sont presque toujours en noir et blanc, dans des revues bon marché, sur du papier recyclé.
À travers les cases, chaque scène, chaque action sera dessinée. Le Japonais ne pratique pas l’ellipse, les détails sont nombreux, le temps est éclaté. Le manga utilise un découpage temporel proche du découpage cinématographique avec des cadrages et une décomposition du temps et de l’action. Les dessins sont en général moins statiques que dans les bandes dessinées occidentales. Ils sont concentrés sur deux thèmes : l’action et les émotions des personnages. Les personnages du manga ont presque toujours de grands yeux, pour renforcer l’expressivité du visage.
Le japonais, très riche en onomatopées, les utilise souvent pour décrire les mouvements, actions et pensées des personnages. L’étonnement est fréquemment traduit par la chute du personnage. Le champ d’application des onomatopées est plus large qu’en France. On trouve des concepts surprenants, comme l’onomatopée du sourire (niko niko), du silence (shiiin) ou encore du scintillement (pika pika, d’où le nom de Pikachu). L’humour au Japon est différent, il n’existe pas de livre de blagues comme en France : les ruptures de ton, les non-sens, l’auto-dérision fondent l’humour japonais. Leurs jeux de mots sont intraduisibles en français.
Le manga couvre tous les genres et va de la simple pornographie à la poésie hermétique. Il y a là un vaste domaine où se côtoient des publications de qualité médiocre et de véritables chefs-d’œuvre. On trouve aussi une masse énorme de mangas amateurs ronéotés. Les grands succès de ces publications deviennent des « animes », nom donné aux séries d’animation.
La différence entre le manga japonais et la bande dessinée occidentale est essentiellement culturelle. En France, pendant longtemps, la bande dessinée a été considérée comme un genre mineur, réservé aux enfants. Au Japon, ses lettres de noblesses lui ont été données par un grand artiste, en l’occurrence Hokusaï.
Hokusaï Katsuhika (1760-1849), maître de la xylographie du style ukiyo-e, à partir des termes « man » (involontaire, comique, dérisoire) et « ga » (dessin, peinture, image) a inventé le mot manga. L’idée naquit un jour où, discutant avec l’un de ses élèves, Hokusaï illustra son propos en dessinant des séries de croquis. Édités en 1814, ils formèrent le premier volume d’une œuvre qu’il nomma : Hokusaï manga. Le succès fut tel que le maître y adjoignit au cours des cinq années qui suivirent neuf autres cahiers. Quatre autres albums furent publiés jusqu’en 1849, année de la mort de l’artiste. Vers 1875 était édité le volume XIV rassemblant les dessins inédits et en 1878, un dernier cahier réunissait nombre d’esquisses déjà parues dans d’autres recueils. Imprimés en noir, rehaussés de gris et de rose, ces dessins couvrent les feuillets sans cadrage précis : des études à échelle réduite voisinent avec des esquisses de grandeur moyenne et des compositions en pleine page ou sur une double page. Dans leur désordre apparent, elles gardent la saveur de la spontanéité, méritant bien leurs titres : Dessins au gré de l’idée, Cahier de caprices, Images dérisoires. À l’exception de rares volumes dédiés à un sujet précis (architecture, paysage ou caricature), chaque cahier aborde une diversité de thèmes telle que les frères Goncourt parlent de « milliers de reproductions de ce qui est sur terre, dans le ciel, sous l’eau, ces magnifiques instantanés de l’action, du mouvement de la vie remuante de l’humanité et de l’animalité ». Pourtant, de ce foisonnement ressort un thème central : l’homme, dont Hokusaï ne s’est jamais lassé de capter, avec humour et tendresse, les attitudes et les sentiments. Condensé de son œuvre graphique, Hokusaï nous livre là les plus belles pages du manga.
L’historique des mangas
C’est une tradition de raconter des histoires et même des blagues sous forme de dessins séparés en cases. Des publications bon marché circulaient de famille en famille.
Au ixe siècle, on enseignait les péchés aux gens illettrés sur des rouleaux de peinture narrative, les emaki-mono.
Au Japon, le premier mangaka était un moine, nous raconte Hervé Martin Delpierre, dans son documentaire Un monde manga. Il vivait au xiie siècle, dans la cité de Kyôto. « De religion bouddhique, ce moine, un bel homme, du nom de Toba, qui avait fait vœu de chasteté, ne pouvait se promener dans le calme des magnifiques jardins du temple de Kozanji sans attirer le regard des plus belles femmes (geishas). Sachant que la chair est faible, il décida de se couper l’oreille gauche pour s’enlaidir. Cette lucidité quant à la nature humaine l’avait conduit à écrire les premiers pamphlets de l’histoire du dessin japonais. Ces caricatures crayonnées sur des rouleaux de papier décrivaient les excès et les dérives des puissants seigneurs de Kyôto. En leur donnant des visages d’animaux, il évitait la censure et ses conséquences. En douze rouleaux de dessins, il inventa le premier manga japonais. Il était devenu sans le savoir le premier mangaka de l’histoire. »
Aux xve et xvie siècles, les sumi-é racontaient des histoires populaires.
Au xviie siècle, Hishikawa créa les ukiyo-é, dessins que les gens pouvaient colorier. Ces estampes, dessins imprimés sur une feuille de papier avec un panneau de bois gravé, ont commencé à se développer pendant l’ère Edo. Une longue période de stabilité politique et sociale s’ouvrit. Des quartiers de divertissement se constituèrent à Edo (Tôkyô), Kyôto et Osaka. Dans ces quartiers commencèrent à circuler des livres illustrés qui racontaient la vie quotidienne de ce « monde éphémère de plaisir » (sens d’ukiyo-é). Grâce aux marchands, l’ukiyo-é connut une période brillante à la fin du xviiie siècle, avec l’émergence de nouveaux styles sous l’impulsion de grands maitres.
Au xviiie siècle, l’estampe évolue : les plus anciennes, en noir, étaient appelées sumizuri-e puis vinrent les benizuri-e (rehaussées de rouge), les urushi-e (encres épaisses et brillantes) et les nishiki-e (plusieurs couleurs).
Au xixe siècle, les estampes, comme toutes les publications, furent soumises à la censure. Les dessins érotiques sont censurés par le ministre Mizoumo.
Au xxe siècle apparaît dans la presse quotidienne une série de bandes dessinées. En 1905, la caricaturiste Rakuten Kitazawa crée le premier magazine de bande dessinée japonaise satirique, le Tôkyô Puck. Les premiers magazines de mangas datent de cette époque : en 1914, Shônen Club destiné aux garçons et Shôjo Club pour les filles ; en 1924, Les voyages de Dango Kushisuke (un « super boy ») de Miyao ; de 1929 à 1931, Yomiuri Sunday manga connaît le succès aussi bien auprès du public enfantin qu’adulte ; en 1932, le groupe du nouveau manga est fondé par dix-huit dessinateurs qui ont étudié la bd américaine ; de 1939 à 1945 apparaît la bande dessinée de propagande ; de 1945 à 1961, la bande dessinée d’actualité avec Libéral ainsi que les mangas pour enfants et adolescents ; 1948 marque le début des bandes dessinées enfantines avec Tezuka qui instaure la bd à épisodes ; en 1951 paraît shôjo book, bd pour les filles.
Au Japon, les mangas n’ont pas la réputation sulfureuse qu’ils ont en Europe et en France où ils sont perçus comme des productions violentes et érotiques. Si l’on commence à détailler les genres, on peut les décliner à l’infini.
Quelques grands mangakas
Osamu Tezuka : né en 1926, chef de file des écrivains de mangas, il a été le premier auteur à créer de véritables histoires avec une dramaturgie. C’est le mangaka le plus populaire de l’après-guerre, il fut surnommé Manga no Kamisama (le dieu des mangas). Décédé à l’âge de 62 ans en 1988, il a réussi à concilier tradition et modernité, classicisme et innovation. Ayant grandi pendant la guerre, il a côtoyé la mort. Pourtant il développe le thème de la vie et sa valeur. Même lorsqu’il parle de destruction et de bêtise humaine, il fait preuve d’un certain amour pour les hommes et pour toutes les créatures vivantes. Il lance dès 1963 la première adaptation télévisuelle de son héros Astro le robot, un personnage plein de sentiments et d’humanité. Ses œuvres ont fini par devenir des phénomènes culturels. Il a écrit des histoires en avance sur son temps qui concernent les transplantations d’organes, de la cornée, des pieds et des mains. Il s’est intéressé au clonage. Il a utilisé de nombreuses techniques empruntées au cinéma, comme le plan rapproché et les changements de points de vue. Il s’est lancé dans la rédaction de mangas shôjo pour jeunes filles et de mangas pour enfants. Les personnages qu’il a créés sont devenus des produits destinés à la vente.
Naoki Urazawa : il possède à la fois des talents de comique et de dessinateur. Yawara est le manga comique qui lui a apporté les premiers succès. Sur le thème du sport, il décrit les épreuves et les tribulations d’une lutteuse de judo. Sa série Monster, histoire d’un docteur japonais vivant en Allemagne qui se trouve mêlé à un complot diabolique, est l’une de ses meilleures œuvres. Sa série actuelle, intitulée Les garçons du xxe siècle, mêle le passé et le futur et dépeint le monde effrayant d’une société strictement contrôlée. C’est un auteur majeur de mangas contemporains.
Hayao Miyazaki : né à Tokyo en 1941, il subit les bombardements américains. Son enfance a influencé sa vision du monde. Il est subjugué par les machines volantes que fabrique l’usine de construction aéronautique où travaille son père. Il sera très marqué par la tuberculose qui cloue sa mère au lit pendant de longues années. Animiste, il défend l’idée qu’un esprit se cache dans chaque élément naturel. Le pacifisme et le respect de l’environnement lui sont chers. Son héroïne Nausicaa de la Vallée du Vent est devenue l’emblème des écologistes japonais. Au milieu des années 1980, le cinéma reprend de l’importance dans le domaine de l’animation, grâce à Miyazaki, qui adapte au cinéma en 1984 son manga Nausicaa et crée un studio de film d’animation. Ce studio est à l’origine d’un engouement populaire sans précédent, dû à la qualité des films produits.
La culture manga
Le développement massif des mangas au Japon doit être resitué dans son contexte historique. C’est après la Seconde Guerre mondiale que cette littérature a pris un essor considérable.
Le Japon, porté par les finances américaines, décida de se reconstruire au plus vite. Il fallut effectuer un travail considérable. C’est dans ce contexte de production massive, de travail à la chaîne globalisé et d’efforts généralisés pour le pays qu’explose le phénomène manga. Le gouvernement se saisit de cette forme d’expression pour diffuser des histoires propres à entraîner les foules au travail, galvaniser les ardeurs pour la reconstruction de la nation. Ces publications de propagande ont pour effet d’encourager les masses. Les grandes entreprises vont s’en servir pour gonfler le moral de leurs troupes. Le gouvernement va mettre en place dans tout le Japon des boutiques de location de mangas. Ces lieux attirent surtout les jeunes.
D’abord employés à cette époque comme outils d’information populaire, les mangas vont retrouver très vite leur fonction originale et servir à l’expression de toute une génération d’artistes. Le manga au Japon est profondément inscrit dans la vie quotidienne. Ce phénomène n’a aucun équivalent dans notre culture occidentale. La jeunesse japonaise y exprime sa soif de liberté, et tous les sentiments qui l’agitent et ne peuvent se dire ouvertement. « Le mythe du Japon fier et travailleur qui reprend son dur labeur comme si rien ne s’était passé en 1945 vacille sur ses bases et les mangas sont les premiers à remettre en cause ce bonheur de pacotille », écrit Jérôme Smith dans Génération manga. Les mangas deviennent un contre-pouvoir. La jeune génération sème dans ces écrits la contradiction et remet en question les grandes traditions tout en critiquant l’évolution du Japon moderne tourné vers la production effrénée.
Le manga est un répertoire nouveau où se jouent des visions du monde, des valeurs éthiques. Une réponse envisagée est la fuite vers des univers galactiques. Les mangas s’inspirent des faits universels, des problèmes de société, qu’ils soient sexuels, affectifs, scolaires ou de travail, notamment en entreprise. On y trouve donc les indices de la société codifiée, les problèmes générés par la vie moderne, les maladies du siècle et leurs éventuels remèdes.
Au Japon, le manga est un phénomène de culture populaire. L’image du manga est omniprésente à Tôkyô car elle va droit au but et tout le monde peut la comprendre. C’est un moyen d’évasion à vivre en solitaire mais aussi en groupe, en pratiquant le Cosplay.
Le marché des mangas
Au Japon, le manga est une véritable façon de vivre. On ne peut être japonais sans être en rapport constant avec le manga, quel que soit son milieu social ou son origine. 40 % des livres achetés dans ce pays sont des mangas ; la multitude des thèmes abordés le rend utile à tout le monde. C’est un marché en pleine expansion.
En 1965 déjà, il se vendait au Japon plus de 100 millions d’exemplaires de magazines consacrés aux mangas. Les années 1970 verront arriver massivement les mangas pour adultes. Les productions vont encore augmenter puis les chiffres vont stagner malgré le lancement de mangas d’information. Le manga profite aussi de l’apparition de la télévision dans les foyers japonais, où sont diffusés des animes issus de mangas. Les Japonais, entièrement accaparés par leur travail et l’expansion économique de leur pays, ont peu de temps disponible à consacrer à leurs loisirs et désertent les cinémas. C’est un peu plus tard, vers 1980, que le chiffre de vente atteint le milliard ; la tendance se renverse, le manga réintroduit le cinéma grâce à la culture de l’animation et amène les gens à réinvestir les salles obscures. En 1990 apparaît le jeu vidéo – quatrième média de divertissement japonais après le livre, le manga et le cinéma – dans lequel pourront se décliner à l’infini tous les héros de mangas.
En cinquante ans, la « japanimation » et les mangas s’affranchissent des modèles occidentaux et américains. Ils ont acquis de nouvelles esthétiques et trouvé des mythologies issues de leur propre univers. Objets familiers au Japon, ils s’imposent par l’originalité de leurs œuvres mais restent encore sujets à polémique, teintés de peur et de fascination, en Occident.
Le shônen s’adresse aux jeunes gens, l’action y occupe une grande part bien que des histoires romantiques puissent se dérouler parallèlement. Chaque shônen présente des personnages qui évoluent pour atteindre un idéal. L’amitié est la première des vertus. Les thèmes récurrents sont l’aventure, la science-fiction, le sport et la vie scolaire. Quelques exemples de shônen : Kenshin le vagabond (Glénat), Naruto (Kana), Vidéo girl aï (Tonkam).
Le shôjo s’adresse aux jeunes filles. Même si le romantisme est de mise, tous les thèmes y sont abordés. Le shôjo est facilement reconnaissable à ses mises en page éclatées, ses fleurs envahissant les planches et ses personnages toujours très beaux. L’idéal poursuivi est la relation amoureuse intense ou une amitié fondée sur la confiance. Quelques exemples de shôjo : Fruits Basket (Delcourt), Peach Girl (Panini), Angel Sanctuary (Tonkam).
Le Yaoï, appelé aussi bi-shônen, relate les tribulations amoureuses entre jeunes garçons. Ce type de manga est très populaire chez les filles. Les images sont délicates et les sentiments sont exploités au maximum. Les thèmes abordés concernent la vie d’écolier, la science-fiction, l’amour, l’humour, les samouraïs, la biographie, le récit historique, l’heroic fantasy, le sport… Quant à la forme, il s’agit de courtes nouvelles, du cyberpunk, de l’horreur, dans le style du genre policier.
Le kodomo s’adresse aux jeunes enfants.
Les influences sociales du manga
Au Japon, toutes les classes sociales sont touchées par les mangas. Chaque public a le sien. Il y en a pour les filles, pour les garçons, pour les enfants, les adolescents, les vieillards, les jardiniers, etc. Mais les plus grosses ventes, dont les thèmes sont souvent liés à la violence, sont destinées aux adolescents.
La déferlante manga qui a touché l’Europe dans les années 1980 a inondé la France, l’Italie et l’Espagne en devenant très rapidement un produit de grande consommation. C’est la télévision qui a introduit en France des séries d’animation très populaires au Japon comme Goldorak, Albator, Candy, Dragonball, Les chevaliers du Zodiaque ou Olive et Tom. Ces productions nippones soulèvent de nombreuses critiques. Ce mouvement est considéré en Europe comme une sous-culture. On lui reproche, en bloc, le sexe, la violence et la mauvaise qualité. Une méconnaissance de la culture manga japonaise a fait que les médias français ont proposé aux enfants des émissions qui ne leur étaient pas destinées mais conçues pour des adolescents voire de jeunes adultes. Ceci éclaire les réactions de rejet de parents devant ces émissions venues du Japon. En France, les dessins animés sont traduits puis adaptés pour convenir à un public enfantin. Les génériques sont modifiés, les noms des personnages changés, les scènes les plus choquantes sont coupées, ce qui rend certaines séquences incompréhensibles. Les paroles les plus crues sont modifiées. Les mangas ont été d’abord censurés par les Japonais mais de manière moins stricte qu’en France car destinés à un public plus large.
En France, de nombreux festivals appelés conventions ont fait leur apparition. Ces conventions sont des points de rassemblement pour les fans de mangas. On y voit des projections d’animes, des jeux, des spectacles de cosplays ; souvent, cette manifestation regroupe aussi des professionnels autour de forums, de magasins de livres et autres produits dérivés. Parmi les plus connues en France, on trouve : Japan Expo, Epitanime, Cartoonist…
L’éducation au Japon
Ce sont les femmes qui au Japon ont essentiellement en charge l’éducation de leur progéniture. Les hommes travaillent beaucoup, ont peu de temps libre et sont particulièrement absents de l’éducation. Les mères sont obsédées par le succès de leurs enfants dans le parcours scolaire. La natalité a baissé et la notion de famille élargie disparaît au profit de la famille nucléaire.
Au Japon, la scolarité est sous le signe de la performance depuis la maternelle. Cet état d’esprit provoque chez l’enfant un stress considérable qui continue à l’école primaire, se prolonge dans le secondaire, jusqu’à l’entrée à l’université, et se retrouve ensuite dans le monde du travail. La pression et l’angoisse de réussite se manifestent très tôt chez les parents. Ils encouragent leur enfant à passer un examen d’entrée pour intégrer la meilleure école préscolaire, celle qui les prépare le mieux aux examens des meilleurs jardins d’enfants, puis des meilleures écoles, afin de parvenir aux universités les plus prestigieuses. Beaucoup d’adolescents prennent après le lycée une année entière pour se préparer à l’entrée à l’université et passer le concours le plus difficile pour intégrer la meilleure université de Tôkyô. Les enfants vont à l’école « régulière » pendant la journée et dans des écoles spécialisées le soir et en fin de semaine. Certains élèves consacrent tout leur temps libre aux devoirs scolaires. À l’école la concurrence est rude et la scolarité sans joie pour certains. Ils sont tellement poussés à mémoriser sans réfléchir, sans développer leur créativité qu’ils finissent par arriver à saturation. Envahis par le stress et le désir de plaire à leurs parents, terrorisés par l’échec, ils en arrivent parfois à abandonner leur scolarité ou leur travail afin de reprendre le contrôle de leur existence. On appelle ces « décrocheurs de l’extrême », Hikikomori.
Les dérives de la jeunesse
Des faits criminels commis par des adolescents ont profondément ému l’opinion publique japonaise (David Esnault, Le Monde diplomatique, août 1999).
« À Kobé en juin 1997, un garçon de 14 ans assassine deux fillettes, puis un enfant de 11 ans qu’il décapite. Il dépose la tête de sa jeune victime devant son école. Près de la macabre dépouille, il laisse une lettre étrange dans laquelle il explique se venger d’une société qui l’a rendu invisible. »
« À Tottori, le 10 février 1998, une préfecture située à 120 kilomètres au nord-ouest de Kobé, des jumeaux de 14 ans sortent dans la rue, choisissent au hasard une vieille dame qui a le malheur de passer par là et l’assassinent à coups de couteau. Arrêtés sur le champ et sans résistance, ils se contentent d’expliquer qu’“ils n’auront plus à aller à l’école après cela”. »
« Quelque temps plus tard, à Higashi Matsuyama, au nord de Tokyo, un élève de 13 ans poignarde brusquement un élève qui se moquait de lui. »
D’autres faits violents, appelés oyaji gari, sont très préoccupants. Il s’agit de chasses à l’homme. Des adolescents se regroupent parfois sans même se connaître, par le biais d’Internet ou de téléphones portables pour s’attaquer à des personnes incapables de se défendre.
La prostitution des lycéennes, dite enjo kosai, a lieu après l’école, à l’insu des parents. D’après un sondage du Life Design institut effectué en 2000, 25 % des jeunes Japonaises se prostituent occasionnellement. Au Japon, la majorité sexuelle n’a été portée de 13 à 15 ans que très récemment (2003).
David Esnault conclut : « Crimes atroces, suicides, prostitution : l’explosion de la délinquance chez les jeunes inquiète l’archipel. Alors que pour certains “tout semble fonctionner parfaitement”, serait-il possible qu’un sentiment mortifère fonde sur une jeunesse nourrie de jeux vidéo et de séries télévisées ? Mais cette extrême violence ne reflète-t-elle pas plutôt la pression d’une société hyper exigeante où les repères ont volé en éclats, où l’argent est la valeur reine – et corruptrice – et où le système éducatif, extrêmement sélectif, ne tolère aucune faiblesse ? »
Le phénomène otaku
Le mot otaku est intraduisible. « La première signification vient du caractère japonais utilisé pour désigner le logis, l’endroit où l’on vit. La deuxième signification est en fait une extension du premier sens : c’est un vouvoiement impersonnel assez distant que les Japonais utilisent quand ils ont besoin de s’adresser à quelqu’un sans désirer pour autant approfondir la relation ainsi nouée. C’est un vouvoiement de voisinage. » Ce terme a été choisi parce qu’il contenait dans son étymologie les deux aspects du syndrome. En effet, les Otaku refusent les relations interpersonnelles et préfèrent rester enfermés chez eux, dans leur chambre, où ils accumulent les objets de leur passion. Les heures passées à utiliser l’Internet et les jeux vidéos en font de vrais champions dans leur domaine. En France, on emploie ce terme pour définir les fans de mangas, ce qui est une interprétation erronée.
Les adolescents Hikikomori
Ce mal de vivre aurait tendance à s’accentuer et à concerner des jeunes plus âgés, parfois jusqu’à 30 ans. Ces grands adolescents s’éternisent chez leurs parents, dans un état léthargique, et évitent les confrontations au monde extérieur. On les appelle les Hikikomori. Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir accomplir les objectifs de vie qui leur sont assignés. Leur isolement est en réaction à une très forte pression sociale et parentale tournée vers la réussite à tout prix. Celle-ci commence dès avant l’entrée à l’école. Cette réclusion volontaire s’accompagne d’un rejet total de communication avec leurs proches et avec l’environnement.
Bon nombre d’Ijime, enfants maltraités à l’école par leurs camarades avec la complicité muette de leurs pairs ainsi que de leurs enseignants, deviennent ensuite des Hikikomori. Selon certaines estimations, il y aurait un million de Hikikomori au Japon, soit un jeune sur dix. La plupart de ces jeunes sont des garçons, souvent des fils aînés et instruits. Se cloîtrer ainsi peut durer des semaines, des mois, voire des années. Ce phénomène est reconnu depuis la fin des années 1990 (on a rencontré des cas de douze années de réclusion). On l’évalue à 1 % de la population totale. Une étude du gouvernement japonais réalisée en 2002 sur 3 300 anciens Hikikomori montre que 17 % n’étaient plus capables de sortir de chez eux et que 10 % ne pouvaient pas quitter leur chambre. Ils se réfugient comme les Otaku dans un monde enfantin et virtuel alimenté par Internet, les jeux vidéos, les mangas, les dessins animés, les collections fétichistes. Leur vie est organisée autour d’une passion poussée à l’extrême, il s’agit de tout faire sans sortir de chez soi. Ils sont dans un état dépressif et vivent à l’envers, dormant le jour et passant la nuit à regarder la télévision et à jouer. Leur sexualité se réduit à fantasmer sur une héroïne de jeux vidéos ou de mangas, une star du cinéma porno ou une idole (chanteuse à la mode). Peu se suicident car ils sont bercés par la cyberculture très active au Japon.
Ils sont les victimes d’une société en récession hantée par le spectre du chômage ; 50 % des jeunes Japonais de 20 à 34 ans vivent chez leurs parents (80 % des filles et 40 % des garçons). Ils n’ont aucune envie de voler de leurs propres ailes et veulent profiter du cocon familial. 14 % des femmes ont des problèmes de nutrition. 20 % des hommes sont violents avec leur famille. Certains terrorisent leurs parents. Un père japonais raconte à propos de son fils Hikikomori : « Nous avons été obligés de déménager en mai dernier car il devenait trop dangereux de rester avec lui en raison de sa violence. Malgré notre volonté, la communication est quasi absente. J’essaie de le rencontrer une fois par semaine et d’avoir une discussion normale avec lui, mais c’est très difficile, il ne parle que par insultes et mots inintelligibles ; j’ai peur, il est deux fois plus fort que moi. »
L’évolution de ce phénomène est alarmante. Il semblerait qu’on le rencontre aussi dans d’autres pays fortement industrialisés.
Les effets du traumatisme
Au sein de la population japonaise, les situations de guerre permanente (1930 à 1945) ont généré une perte insidieuse du sens de la vie qui est au cœur même de toute situation traumatique. Quel a été l’impact de la désacralisation de l’empereur vaincu et humilié sur le narcissisme du peuple japonais ? Les Occidentaux victorieux ont imposé une longue occupation dont le Japon porte encore les traces aujourd’hui. Le silence qui s’est installé au Japon après l’explosion des bombes a contribué à détruire psychiquement les générations suivantes. Elles se sont retrouvées coupées de leur histoire et de leur culture. Les dégâts matériels peuvent se comptabiliser, les dégâts physiques et psychiques se mesurent sur plusieurs générations.
À Nagasaki comme à Hiroshima, la ville a été reconstruite en effaçant tous les stigmates de ces terribles matinées. Les seuls qui restent sont inscrits dans les corps des survivants. Les rescapés des bombes atomiques, appelés Hibakushas (irradiés), ont été considérés comme des parias ainsi que leurs descendants. Leur déchéance physique revêtait un caractère honteux. Beaucoup n’ont pas eu d’enfants. 70 % d’entre eux souffrent de stress post-traumatique. Ikuko Matsumoto a 72 ans. Au moindre problème de santé de ses petits-enfants, elle est hantée par la culpabilité de leur avoir transmis une maladie. Pourtant, les études sur la descendance des survivants semblent rassurantes. Mais on ne peut écarter l’hypothèse du caractère masqué de mutations génétiques induites par les radiations.
Les dérives actuelles dans la société japonaise peuvent-elles être reliées aux traumatismes des guerres ? Tourné par Imamura en 1989, longtemps censuré, le film Pluie noire en témoigne. « L’image agit par saisissement », nous dit Paul Denis dans Emprise et satisfaction. Sa puissance a « le pouvoir de provoquer pensées et sentiments, elle peut nous conduire à parler, écrire, agir parfois. Non seulement l’image a un pouvoir mais elle est moyen de pouvoir et souvent moyen du pouvoir ». En effet, on a vu que le pouvoir japonais s’est emparé du manga pour diffuser des informations mais aussi afin de contrôler les agissements de la population en l’exaltant à la reconstruction du pays pour effacer les traces des bombes.
Les représentations en miettes
Toute la population semble touchée par la consommation effrénée des mangas et de leurs produits dérivés. Les boutiques de mangas se sont multipliées. Certains jeunes adultes, à la sortie du travail, se précipitent dans ces lieux pour y lire ou regarder des films jusqu’à l’épuisement. Il leur arrive aussi de dormir sur place dans les cabines destinées à la lecture. Un certain nombre de services ont même été organisés pour permettre à ces Salary men de pouvoir retourner le matin au travail sans être rentrés chez eux. Quelle fonction peut avoir le manga lu ainsi de façon compulsive ? Est-ce une protection contre l’angoisse ? Suite au traumatisme encrypté dans le silence, les dérives de la jeunesse seraient-elles dues à un manque d’élaboration dans la génération précédente ?
Ces comportements sont-ils des signes avant-coureurs d’une mutation de société ? Le déficit des valeurs sociales traditionnelles dessine-t-il une société qui se met à l’abri des réalités d’un monde devenu trop violent et d’un avenir sans espoir ?
La violence non intégrée entraîne des dérapages multiples et les jeunes recherchent désespérément, dans une addiction à l’image, une solution magique qui leur permette de fuir la réalité de la vie et du temps qui passe. L’explosion de l’agressivité comme retour du refoulé surgit-elle ailleurs dans les comportements criminels des adolescents en crise majeure ? Les phénomènes otaku et hikikomori sur leur versant addictif seraient-ils, comme Jean Bergeret l’écrit de la toxicomanie : « une maladie de la civilisation et de l’estime de soi » ? Ces adolescents seraient-ils victimes d’une fascination qui les rendrait captifs des nouvelles technologies du virtuel ? Ou alors peut-on considérer ce phénomène comme une crise soulignant la difficulté du passage à l’âge adulte pour des jeunes en quête de valeurs et de modèles ? La société japonaise a tendance à percevoir ses Otaku avec crainte et méfiance. Leurs rites étranges aux allures scabreuses ne sont-ils pas les reflets du monde dans lequel ils sont nés ? L’addiction à l’image serait-elle la réponse d’une société en plein malaise ? Cette attitude serait-elle une protection contre les changements que subit le Japon aujourd’hui ?
Les soins proposés
Un Otaku est un individu qui présente des symptômes pathologiques ; il est considéré comme collectionneur, solitaire et fétichiste. Dire Otaku c’est évoquer quelqu’un de malade. Les garçons sont vus comme des obsédés. Certains pensent qu’il s’agit d’une maladie mentale, mais cette hypothèse demeure contestée. Les parents sont totalement submergés et impuissants face au problème de leur enfant. Ils hésitent à le faire soigner de peur d’être repérés et désignés à la honte de la société. Ces jeunes et leurs parents, pris dans une contradiction insurmontable, n’osent pas accéder aux soins.
Il existe différents points de vue sur la façon de traiter les Hikikomori. Ce phénomène de retrait, à caractère psychotique, touche des jeunes dans le monde entier. Les experts japonais suggèrent généralement d’attendre que l’Hikikomori réintègre la société de son plein gré, car ce comportement peut être réversible. Dans de nombreux cas, une aide psychologique est nécessaire. Bien qu’il existe des cellules d’aide spécialisées, beaucoup d’Hikikomori et de parents ne se sentent pas suffisamment accompagnés. La psychanalyse existe au Japon et s’est développée en lien avec la France pendant la guerre froide. Les Japonais appréciaient ce discours d’ouverture que ni l’Amérique ni la Russie ne lui apportaient.
En ce qui concerne les addictions, François Duparc préconise : « La technique doit s’adapter à chaque cas et à chaque histoire, en remontant à trois générations, pour tenir compte de l’aspect irreprésentable du noyau traumatique contenu dans l’addiction. Celui-ci, incoercible au début, doit d’abord être agi par le patient et contenu par l’analyste, par un cadre et une technique adaptée, sur mesure, pourrait-on dire, avant de pouvoir être représenté. »
BIBLIOGRAPHIE
· Amano, M. 2004. Manga Design, éd. Julius Wiedeman.
· Baron-Carvais, A.-M. La bande dessinée, coll. « Que sais-je ? »
· Barral, E. 1999. Otaku, les enfants du virtuel, coll. « J’ai lu ».
· Denis, P. 2002. Emprise et satisfaction, Paris, puf, coll. « Le fil rouge ».
· Duparc, F. 2005. « L’image sur le divan », dans Cure psychanalytique de l’addiction, Paris, L’Harmattan.
· Gutton, P. Violence et adolescence, Édition In Press.
· Janin, C. 1999. Figures et destins du traumatisme.
· Jeammet, P. ; Corcos, M. 2001. Évolution des problèmes à l’adolescence, Doin.
· Mishima. 2004. Le Japon moderne et l’éthique samouraï (traduit par Émile Jean), Paris, Arcades, Gallimard.
· NRP. 1991. Destin de l’image, ouvrage collectif, n° 44.
· RFP. 2004. Addiction et dépendance, ouvrage collectif, tome LXVIII.
· Schmidt, J. 2004. Génération manga, Librio.
· Tisseron, S. Psychanalyse de la bande dessinée, Paris, Flammarion, 2000 ; Enfants sous influence, coll. « 10/18 », 2003 ; Les bienfaits de l’image, Paris, Odile Jacob, 2002.
· Winnicott, D.W. 2000. La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Paris, Gallimard.
· Internet : une soixantaine d’articles concernant le Japon.
· Journal Le Monde : articles sur le Japon de janvier à septembre 2005.
· « Nagasaki, les survivants », Guillaume Herbaut, 3 septembre 2005 (Le Monde).
· Sciences et avenir : « Hiroshima soixante ans après », Sylvie Riou-Milliot, août 2005.
· Quelques mangas : Inoue Takehiko, Slamdunk, Kana ; Miyazaki Hayao, Le voyage de Chihiro, Studio ghibli ; Mori Hideki, Tsori princesse des mers, Delcourt ; Taniguchi Jirô, Quartier lointain ; L’homme qui marche, Casterman.
· Quelques films : Coppola Sofia, Lost in translation, 2002 ; Imamura Shohei, Pluie noire, 1989 ; Hokusai, La vague (1831), Palettes, arte vidéo ; Miyazaki Hayao, Le château dans le ciel, Le château ambulant, Le voyage de Chihiro, Kiki la petite sorcière, Princesse Mononoké.
· Martin Delpierre, H., Un monde manga, documentaire diffusé sur France 5, 30 janvier 2005.
Borges- Messages : 6044
Re: Avatar - James Cameron
Un tissu de raccourcis dangereux, et d'âneries. En effet j'accroche pas du tout à cette présentation de la chose.
Re: Avatar - James Cameron
je m'en doutais bien, W; je n'aime pas non plus tous ces réductionnismes.
Borges- Messages : 6044
Re: Avatar - James Cameron
Réponse à Adeline,
Pour le premier point, il s'agit me semble-t-il d'une simple question "d'échelle" : en effet, Avatar ne représente pas tout le cinéma (et heureusement !). Cependant il constitue un symptôme majeur du cinéma de notre temps, et il en est un représentant majoritaire (en nombre d'entrées, en coût de financement, en "technicité"). En tant que symptôme (la liste est longue par les temps qui courent des films-symptômes, qui n'ont pas d'autre intérêt) Avatar nous montre donc la partie émergée (et la plus avancée) de l'iceberg. Quant aux images : ne pouvons-nous vraiment nous accorder sur le fait que le sort que notre civilisation réserve au cinéma, est invariablement lié au destin global des images, d'où qu'elles viennent, les deux interragissant en permanence (images cinématographiques et images extra-cinématographiques) ?
Evidemment, je compte bien que le cinéma n'a pas encore dit son dernier mot.
Pour le second point : je n'ai pas voulu me servir du terme d'extermination au sens juridique, et je retire donc le terme. Quoiqu'il en soit, la "mise à mort" des humains dans Avatar est à l'origine d'une "jouissance" du spectateur", qui m'a frappé, et mérite au moins d'être interpellée (et distinguée, dans Apocalypse Now ou dans tout film de guerre, d'humains tuant des humains). Cette nouvelle jouissance du spectateur est un "symptôme" de plus, et majeur. C'est pourquoi je l'ai nommée "jouissance de notre propre extermination". C'est à mon sens la principale pierre d'achoppement du film (mais il y en a pléthore dans ce gros navet indigeste) parce que c'est là que son absurdité atteint des limites d'aberration, de sillogisme, d'idéologie dénaturée, et de pulsion de mort.
Un autre postulat aberrant du film réside dans le lien établi entre réseau numérique et organisme naturel : là on atteint surtout des limites de débilité mentale.
Voilà. Qu'en pensez-vous ?
Pour le premier point, il s'agit me semble-t-il d'une simple question "d'échelle" : en effet, Avatar ne représente pas tout le cinéma (et heureusement !). Cependant il constitue un symptôme majeur du cinéma de notre temps, et il en est un représentant majoritaire (en nombre d'entrées, en coût de financement, en "technicité"). En tant que symptôme (la liste est longue par les temps qui courent des films-symptômes, qui n'ont pas d'autre intérêt) Avatar nous montre donc la partie émergée (et la plus avancée) de l'iceberg. Quant aux images : ne pouvons-nous vraiment nous accorder sur le fait que le sort que notre civilisation réserve au cinéma, est invariablement lié au destin global des images, d'où qu'elles viennent, les deux interragissant en permanence (images cinématographiques et images extra-cinématographiques) ?
Evidemment, je compte bien que le cinéma n'a pas encore dit son dernier mot.
Pour le second point : je n'ai pas voulu me servir du terme d'extermination au sens juridique, et je retire donc le terme. Quoiqu'il en soit, la "mise à mort" des humains dans Avatar est à l'origine d'une "jouissance" du spectateur", qui m'a frappé, et mérite au moins d'être interpellée (et distinguée, dans Apocalypse Now ou dans tout film de guerre, d'humains tuant des humains). Cette nouvelle jouissance du spectateur est un "symptôme" de plus, et majeur. C'est pourquoi je l'ai nommée "jouissance de notre propre extermination". C'est à mon sens la principale pierre d'achoppement du film (mais il y en a pléthore dans ce gros navet indigeste) parce que c'est là que son absurdité atteint des limites d'aberration, de sillogisme, d'idéologie dénaturée, et de pulsion de mort.
Un autre postulat aberrant du film réside dans le lien établi entre réseau numérique et organisme naturel : là on atteint surtout des limites de débilité mentale.
Voilà. Qu'en pensez-vous ?
Dernière édition par Van Stratten le Lun 1 Fév 2010 - 13:17, édité 1 fois
Van Stratten- Messages : 165
Re: Avatar - James Cameron
Hello VS,
je vais essayer de répondre plus longuement, mais la question c'est quand même : comment définis-tu qui est humain ?
je vais essayer de répondre plus longuement, mais la question c'est quand même : comment définis-tu qui est humain ?
adeline- Messages : 3000
Re: Avatar - James Cameron
Tiens, je saute du coq à l'âne : au sujet de la jouissance du spectateur, et de sa critique féroce, tout ça me fait penser à Tarantino, qui se montre dans ses deux derniers opus d'une intelligence encore inouïe envers l'image.
Dans Inglorious... , le spectateur jouisseur n'est rien de moins qu'Hitler lui-même. Génie de la séquence finale, jugée grand-guignolesque parce qu'incomprise, parce que bien plus profondément scandaleuse qu'outrageante. Ce n'est pas seulement la jeune juive qui jouit de l'acte d'extermination dans le film, c'est bien sûr le spectateur : or son incarnation à l'écran n'est autre qu'Hitler. C'est génial : Tarantino renvoie son spectateur à sa responsabilité de spectateur (décidément, encore un film de guerre : le film projeté à Hitler est un mauvais Raoul Walsh, disons un Dmytryck). Voilà qui devrait faire réfléchir un peu (il me semble en avoir besoin, en tout cas à propos des images) Jacques Rancière et son spectateur (faussement) émancipé. Tarantino est le seul cinéaste d'aujourd'hui à faire un tel geste, radical et salvateur (Godard est un survivant d'un autre âge, celui des Pasolini, Rossellini et autres Syberberg).
Dans Boulevard de la mort, c'est là encore la séquence finale qui, littéralement, règle son compte à l'image, la rouant de coups de pieds, tourbillonnante, virevoltante, dans un travelling circulaire qui devrait cette fois donner à réfléchir au sénile DePalma, qui pendant ce temps radote. La jouissance du spectateur, encore une fois, en prend pour son grade, mais dans le même temps elle atteint à son paroxysme : cette vengeance "trop grande pour être vraie", de nouveau, renvoie le spectateur à sa responsabilité.
Génie de Quentin Tarantino.
Dans Inglorious... , le spectateur jouisseur n'est rien de moins qu'Hitler lui-même. Génie de la séquence finale, jugée grand-guignolesque parce qu'incomprise, parce que bien plus profondément scandaleuse qu'outrageante. Ce n'est pas seulement la jeune juive qui jouit de l'acte d'extermination dans le film, c'est bien sûr le spectateur : or son incarnation à l'écran n'est autre qu'Hitler. C'est génial : Tarantino renvoie son spectateur à sa responsabilité de spectateur (décidément, encore un film de guerre : le film projeté à Hitler est un mauvais Raoul Walsh, disons un Dmytryck). Voilà qui devrait faire réfléchir un peu (il me semble en avoir besoin, en tout cas à propos des images) Jacques Rancière et son spectateur (faussement) émancipé. Tarantino est le seul cinéaste d'aujourd'hui à faire un tel geste, radical et salvateur (Godard est un survivant d'un autre âge, celui des Pasolini, Rossellini et autres Syberberg).
Dans Boulevard de la mort, c'est là encore la séquence finale qui, littéralement, règle son compte à l'image, la rouant de coups de pieds, tourbillonnante, virevoltante, dans un travelling circulaire qui devrait cette fois donner à réfléchir au sénile DePalma, qui pendant ce temps radote. La jouissance du spectateur, encore une fois, en prend pour son grade, mais dans le même temps elle atteint à son paroxysme : cette vengeance "trop grande pour être vraie", de nouveau, renvoie le spectateur à sa responsabilité.
Génie de Quentin Tarantino.
Dernière édition par Van Stratten le Lun 1 Fév 2010 - 13:30, édité 4 fois
Van Stratten- Messages : 165
Re: Avatar - James Cameron
adeline a écrit:Hello VS,
je vais essayer de répondre plus longuement, mais la question c'est quand même : comment définis-tu qui est humain ?
Ben l'humain, c'est l'homme, quoi. C'est pas la peine d'être anthropologue pour distinguer un Navi d'un être humain, ou bien ?
Van Stratten- Messages : 165
Re: Avatar - James Cameron
Après évidemment, distinguer un Navi d'un Schtroumpf, ça demande une expertise plus poussée. Mais on doit aussi pouvoir en venir à bout...
Van Stratten- Messages : 165
Re: Avatar - James Cameron
Van Stratten a écrit:Après évidemment, distinguer un Navi d'un Schtroumpf, ça demande une expertise plus poussée. Mais on doit aussi pouvoir en venir à bout...
Il semblerait qu'un Navi mesure trois mètre (mais pas encore vu le film)... Un schtroumpf c'est combien déjà?
Re: Avatar - James Cameron
Certains énoncés sont tellement bêtes qu'ils ne peuvent pas être réfutés.
Borges- Messages : 6044
Re: Avatar - James Cameron
ccamille a écrit :
avatar et le potache, bonnes bourrades et compagnies
Invité- Invité
Re: Avatar - James Cameron
Et bien, sans être anthropologue : avec cette théorie du "ça se voit bien qui est un homme et qui n'en est pas un", on dirait volontiers, avec certains messieurs du XVIIe siècle, que les Masaï, qui sont grands et tout noirs, alors que nous sommes petits et tout blancs, nous les "humains", ne sont pas humains.
Les Na'vis, si on oublie qu'ils sont grands, bleus et habitent sur une autre planète, ont tous les attributs qui font des hommes des hommes : ils pensent le futur, vivent en société, sont capables de sentiments, sont intelligents, peuvent être bons, etc. Des êtres pleins de morale, finalement.
C'est tout la question de la Trilogie d'Ender, de O.S.Gard.
Ils me semblaient pourtant que l'analogie cowboy-indien/marines-navis sautait tellement aux yeux...
La question est alors de savoir, surtout, non pas qui est humain ou qui n'est pas humain, mais qui est bon, qui est en danger, etc.
Tout ça pour dire que cette idée que tu défends que le film peindrait le désir d'auto anéantissement de l'homme, ça me semble un peu biscornu.
Les Na'vis, si on oublie qu'ils sont grands, bleus et habitent sur une autre planète, ont tous les attributs qui font des hommes des hommes : ils pensent le futur, vivent en société, sont capables de sentiments, sont intelligents, peuvent être bons, etc. Des êtres pleins de morale, finalement.
C'est tout la question de la Trilogie d'Ender, de O.S.Gard.
Ils me semblaient pourtant que l'analogie cowboy-indien/marines-navis sautait tellement aux yeux...
La question est alors de savoir, surtout, non pas qui est humain ou qui n'est pas humain, mais qui est bon, qui est en danger, etc.
Tout ça pour dire que cette idée que tu défends que le film peindrait le désir d'auto anéantissement de l'homme, ça me semble un peu biscornu.
adeline- Messages : 3000
Re: Avatar - James Cameron
non mais t'y crois vraiment à ces âneries ?
Adeline :
vite, Clint
Adeline :
Les Na'vis, si on oublie qu'ils sont grands, bleus et habitent sur une autre planète, ont tous les attributs qui font des hommes des hommes : ils pensent le futur, vivent en société, sont capables de sentiments, sont intelligents, peuvent être bons, etc. Des êtres pleins de morale, finalement.
vite, Clint
Invité- Invité
Re: Avatar - James Cameron
Van Stratten a écrit:
Un autre postulat aberrant du film réside dans le lien établi entre réseau numérique et organisme naturel : là on atteint surtout des limites de débilité mentale.
Voilà. Qu'en pensez-vous ?
Je ne suis pas une spécialiste des réseaux et de tout ce qu'on écrit dessus, mais c'est quelque chose qu'on retrouve (souvent je ne sais pas) en science-fiction, le fait que les extra-terrestres, en avance ou non sur les hommes, ont compris les logiques de réseau qui sous-tendent l'univers (on retrouve la même chose encore une fois dans Ender). Les limites de débilité mentale sont bien partagées. Ça me semble assez convenu, comme idée, mais débile quand même pas.
adeline- Messages : 3000
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