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Il y en a qui ne font qu'un film...

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Message par dreampeace Sam 25 Jan 2014 - 12:46

Je vais réfléchir à tout ça. ;-)
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Message par Borges Sam 25 Jan 2014 - 12:52

dreampeace a écrit:Je vais réfléchir à tout ça. ;-)

pas trop longtemps, nous attendons les résultats Wink
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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 12:58

Borges a écrit:
-la subjectivité c'est bien, mais reste encore à définir le sujet, on pense toujours qu'il est du coté de la singularité, mais y a bien des sujets, depuis descartes, et le sujet selon descartes, c'est tout de même pas le mec qui n'en fait qu'à sa tête...

-quel est le je, la subjectivité qui filme dans rohmer; je suis très loin de croire que l'intéressent le je ordinaire, les gens simples...

-le je qui filme dans godard, comme je l'ai dit, c'est le je romantique nostalgique de l'unité classique... de l'éternité (de la beauté au sens de hegel...)





et tu connais peut être des mecs ou des cinéastes qui font autre chose que n'en faire qu'à leur tête ?

justement le je que filme Rohmer est inaccéssible, ce qui en fait un cinéaste irréductible à aucune de tes catégories. Rhomer c'est un style, comme on dit d'un couturier ...

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Message par dreampeace Sam 25 Jan 2014 - 13:05

En attendant d'avoir du temps, j'utilise mon éternel meilleur ami. Kafka, qui donne toujours des pistes.

"Connais toi toi même ne signifie pas: observe toi. Observe toi est le mot du serpent. Cela signifie: transforme toi en maître de tes actes. Or, tu l'es déjà, tu es maître de tes actes. Le mot signifie donc: méconnais toi ! Détruis toi ! C'est à dire quelque chose de mauvais, et c'est seulement si l'on se penche très bas que l'on entend aussi ce qu'il a de bon, qui s'exprime ainsi: Afin de te transformer en celui que tu es"
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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 13:12

Et bien ça me parle et dreamspace, généralement tu me parles. Mais Borges tu ne me parles pas toujours.

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Message par dreampeace Sam 25 Jan 2014 - 13:12

incubé a écrit:


et tu connais peut être des mecs ou des cinéastes qui font autre chose que n'en faire qu'à leur tête ?

justement le je que filme Rohmer  est inaccéssible, ce qui en fait un cinéaste irréductible à aucune de tes catégories. Rhomer c'est un style, comme on dit d'un couturier ...

Il faut du génie pour taper toujours, systématiquement, à côté du sujet en cours... Tu m'impressionnes, et je dis ça sans violence. :-)
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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 13:25

Ca répondait simplement aux deux premiers points du message de Borges que tu n'as pas reproduit : l'attaque dans le premier point, injusifiée ;
Borges a écrit:-la subjectivité c'est bien, mais reste encore à définir le sujet, on pense toujours qu'il est du coté de la singularité, mais y a bien des sujets, depuis descartes, et le sujet selon descartes, c'est tout de même pas le mec qui n'en fait qu'à sa tête...


la question dans le deuxième, effectivement pas facile.
Borges a écrit:-quel est le je, la subjectivité qui filme dans rohmer; je suis très loin de croire que l'intéressent le je ordinaire, les gens simples...


L'affirmation dans le troisième qu'il me faudrait sûrement repenser ... mais avec un peu de temps et de recul, il ne suffit pas que Borges dise "comme je l'ai dit" pour que l'affaire soit entendue.
Borges a écrit:-le je qui filme dans godard, comme je l'ai dit, c'est le je romantique nostalgique de l'unité classique... de l'éternité (de la beauté au sens de hegel...)



Dernière édition par incubé le Sam 25 Jan 2014 - 13:35, édité 1 fois

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Message par Borges Sam 25 Jan 2014 - 13:34

incubé a écrit:
et tu connais peut être des mecs ou des cinéastes qui font autre chose que n'en faire qu'à leur tête ?


oui, un vrai cinéaste, un vrai penseur, un vrai créateur n'en fait jamais à sa tête; seul joe pesci en fait à sa tête, dans les films de scorsese, et il ne crée jamais rien, sinon les conditions de sa propre destruction; la morale de l'histoire, c'est qu'un créateur, c'est un mec qui un jour a décidé de ne pas devenir gangster, qui refuse d'obéir à la loi de sa seule jouissance; ne pas céder sur son désir, c'est pas n'en faire qu'à sa tête; juste le contraire; un sujet s'incorpore toujours à une vérité... (c'est tout le sujet de la recherche; le moi qui vit, et celui qui crée)

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Message par Borges Sam 25 Jan 2014 - 13:36

incubé a écrit:
il ne suffit pas que Borges dise "comme je l'ai dit" pour que l'affaire soit entendue.
Borges a écrit:-le je qui filme dans godard, comme je l'ai dit, c'est le je romantique nostalgique de l'unité classique... de l'éternité (de la beauté au sens de hegel...)

Borges s'excuse seulement de répéter un truc qu'il avait déjà dit...
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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 13:47

Quoi qu'on fasse Borges, qu'on échappe à ci ou ça, que l'on devienne ci ou ça, pour des raisons multiples et variées au bout du bout : c'est en faire à sa tête.

De l'autre côté ce dont tu parles disons le "résultat" comme par exemple le succès ou l'échec d'un film, ou le film-un, je suis convaincu qu'il peut être fait à l'insu de son créateur, venir en plus, de façon quasi miraculeuse.

Mais c'est un truisme on ne se met pas à sa table en disant je vais écrire le bouquin du siècle ou derrière une caméra sûr de "ils vont voir ce qu'il vont voir".

On fait seulement tous parfois ce que l'on peut, parfois plus et parfois moins et qu'on s'en remette à la providence ou à la raison, ou au professionnalisme comme dirait Godard c'est vaille que vaille.

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Message par Borges Sam 25 Jan 2014 - 13:53

incubé a écrit:Quoi qu'on fasse Borges, qu'on échappe à ci ou ça, que l'on devienne ci ou ça, pour des raisons multiples et variées au bout du bout : c'est en faire à sa tête.

si tu le dis, mais alors je ne vois pas pourquoi je discute avec quelqu'un qui n'en fait qu'à sa tête...

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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 13:59

Je te le dis tout simplement Borges et en toute amitié sincère : car c'est en faire à ta tête ; mais ça n'empêche pas de faire pour autant communauté de pensée  Wink 

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Message par incubé Sam 25 Jan 2014 - 22:10

Dans Qu'est-ce qu'un cinéaste, un recueil de textes de Trafic surtout, Jean Claude Biette donne une liste de 135 films argumentée pour un certain nombre d'entre eux, seulement cités pour beaucoup d'autres. Pour Kubrick développements sur 2001, Lolita, Eyes Wide Shut, Folamour cité, des Walsh à foison etc ...

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Message par dreampeace Mar 28 Jan 2014 - 8:33

Alors ce sujet est à l'abandon ? :-(

Bidibule a écrit:
Où est la maison de mon ami?

En cherchant des choses à lire sur le dernier Kiarostami, je suis, bien sur, rapidement tombé sur ce forum, et j'ai trouvé ça... Borges ne m'en voudra pas de déplacer ses propos ici, qui peuvent nous être utiles. Ca me semble lié à ce sujet. Comment le rapport de l'artiste à ce qu'il filme, que ce soit ici ou ailleurs, dans sa maison où à l'autre bout du monde, mène au "film" (au sens où l'entend Badiou) ?

Borges a écrit:
Hi,


La question de l'être (japonais, notamment) n'est pas évidente ; on en avait beaucoup parlé, si je me souviens, sur le forum des cahiers, avec woot, notamment...

Le truc c'est qu'il ne faut pas tomber dans le piège de l'universalité abstraite, l'Iran est en Corse, en moi ; nous sommes tous des français belges iraniens japonais américains... même si dans les temps qui courent, à leur perte certainement, il vaut mieux dire ça que son contraire.

Idéalement, avec toutes les précautions du monde, celles qui font dire à Badiou que l'étranger en France ne lui est pas plus étranger que son cousin... il faut, comme dit Derrida, toujours laisser à l'autre la possibilité d'une différence, de sa différence. Jamais je ne  pourrai l'intérioriser entièrement. Jamais un paysage iranien ne sera un paysage corse, mais je peux voir un paysage corse depuis un horizon ouvert par un film de Kiarostami, qui en filmant le paysage iranien l'aura détaché de l'espace empirique iranien pour le situer dans l'espace de l'image... Je vois alors les choses en Kiarostami.

Comme dit Proust, les artistes nous donnent un nouveau regard.

Cela dit, si le paysage par le film est détaché de lui-même, c'est tout de même le paysage qui aura rendu possible l'image, et le détachement ; c'est une image sans doute, pas la chose, mais c'est aussi une image de la chose, de cette chose que je vois.



En tant que spectateur quand je regarde "Où est la maison de mon ami ?", c'est à l'Iran que je suis rapporté, mais un Iran qui n'est pas en Iran. Où, alors ? Sur l'écran ? Dans ma tête ? Dans mes émotions ? Aucune réponse n'est possible à cette question, si on croit que les choses sont dans nos têtes, dans nos émotions ; nos émotions et nos pensées, nos perceptions sont toujours orientées vers le dehors ; un film ne se passe pas dans ma tête, même quand je me le repasse dans ma tête.


Pour saisir le phénomène, faut garder ensemble l'image et la chose : dans leur distance ; l'image d'une chose, ce n'est ni sa relève, ni son anéantissement, ni sa mort : l'image c'est la distance à la chose, c'est la chose à distance d'elle-même, et à distance de celui qui la regarde, ou y pense ; c'est pourquoi on nous montre parfois des types qui rentrent dans des images, qui passent de l'autre côté de l'écran, par exemple Keaton, dans "S. Junior", un des films favoris de Malick, un film, dit-il,  sur "la tension belle et triste entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être" : la triste et belle tension de son cinéma ; tension du sentiment sublime. 

Bien entendu, on ne comble jamais cette distance, c'est la distance de l'homme au monde : la franchir c'est sortir du monde, vers sa valeur, son sens. Dans l'image, le monde est à distance de lui-même ; ce que l'on exprime ordinairement en disant que le cinéma, c'est pas le monde, ou "au cinéma on fuit le monde" ; non, on ne fuit rien au cinéma, dans l'art, dans l'image, bien au contraire, ce sont les seuls lieux où nous ne fuyons rien, ou pour le dire mieux avec Genet, dans son magnifique texte sur Rembrandt : au cinéma les choses nous fuient à une vitesse infinie :



Les portraits faits par Rembrandt (après la cinquantaine) ne renvoient à personne d’identifiable. Aucun détail, aucun trait de physionomie ne renvoie à un trait de caractère, à une psychologie particulière. Sont-ils dépersonnalisés par une schématisation ? Pas du tout. Qu’on pense aux rides de Margaretha Trip. Et plus je les regardais, espérant saisir, ou l’approcher, la personnalité, comme on dit, découvrir leur identité particulière, plus ils s’enfuyaient – tous – dans une fuite infinie, et à la même vitesse.


Cette vitesse est-ce la vitesse que Deleuze lit dans Spinoza ? peut-être ; on les a souvent rapprochés, et si c'est pas sûr qu'ils se sont connus, c'est quand même peut-être...


On peut à partir de là s'orienter vers l'idée d'éloignement (un des grands mots de Heidegger et de Derrida) dont parle Eyquem ; un peu plus tard...


Là, faut reprendre l'idée : l'image d'une chose, pas la première venue bien entendu, me situe dans une distance infinie à la chose, qui est une distance infinie de la chose à elle-même. Je viens m'inscrire dans cet écart infini. On connaît les variations de Proust sur le sujet ; faut jamais aller à Venise pour chercher à vérifier que Venise est bien Venise, dans Venise... Cela ne veut pas dire que Venise se situe uniquement dans la peinture, les bouquins... ou dans le cinéma, par exemple de Visconti...

Cela signifie quoi alors ?

Dans l'image, la chose est à une distance infinie d'elle-même, et pourtant l'image est bien une image de la chose. La chose est dans l'image, et là où elle est, à sa place, en son lieu ; un paysage filmé par Kiarostami en Iran est en Iran, cela c'est une évidence ; c'est l'Iran qu'il filme, pas le Japon, pas la Corse, pas l'Afrique, pas l'Italie…  Sans doute Kiarostami ne filme-t-il  pas ces paysages pour leur "iranité", pas plus que Ford ne filmait les siens pour leur "américanité", mais en même temps faut bien admettre que Ford est américain, et  que Kiarostami est iranien.

Dans une interview, il dit même que c'est le seul pays au monde où il pourrait vivre ; il peut travailleur ailleurs, mais ne peut vivre qu'en Iran ; voilà qui est clair ; quand il filme l'Iran, il filme le lieu, le monde, l'espace où il vit, l'espace de sa vie, quand il filme un autre lieu, en dehors de l'Iran, la vie et le travail sont séparés. Mais que signifie pour un artiste séparer le travail de la vie ? Les deux ne sont-ils pas absolument liés ?
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Message par incubé Mar 28 Jan 2014 - 12:23

dreamspace a écrit:
Borges a écrit:Cette vitesse est-ce la vitesse que Deleuze lit dans Spinoza ?


Tiens donc, où l'on reparle de vitesse ...


Mais une image, peut en cacher une autre, et en cacher une autre ... Combien de couches pour rendre l'écran opaque ; c'est pas une des questions posées par Histoire(s) du cinéma de JLG, allez soyons bon prince, par l'art en général, et la langue en particulier ?

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Message par Borges Mar 28 Jan 2014 - 19:02

Hi;

on attend que badlanders relance le mouvement sur le style, et la lecture de la fin de "à bout de souffle"...Wink
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Message par Baldanders Mar 28 Jan 2014 - 19:44

Je ne vous oublie pas ! A très vite ! pirat
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Message par Baldanders Mer 29 Jan 2014 - 23:43

Borges a écrit:Ce qui me semble une évidence, c'est bien plutôt que Godard a un style très personnel, très singulier, très affirmé : le cinéma de Godard pouvant même se définir comme l'affirmation de la singularité d'un style. Le style, c'est son désir, parfois trop affirmé,  comme c'est le désir de ses personnages, dans  la mise,  les mouvements du corps,  le ton, la diction...ils ne cessent de poser. Il y a chez Godard comme un dégoût du naturalisme, qui l'a peut-être conduit à longtemps différer  de filmer le corps concret, biologique, le sexe; on est, ce qu'on se fait, chez lui; c'est  quelque chose de très sartrien, au fond. L'espace où se déploie le cinéma de Godard, c'est la culture, pas seulement au sens du savoir, livres, musiques, citations, au sens plus large de culture de soi,  invention de soi,  jusque dans la mort; tout doit être stylisé, il faut composer son personnage jusqu'à la fin, ne jamais donner le sentiment, l'image de quelqu'un qui cède, qui obéit aux lois commune, aux lois de la nature;   je pense à la course de Belmondo dans "à bout de souffle".

Affaire de mode (presque au mauvais sens du mot) et de modalité.

Et, on ne s'y trompe pas. Faut pas être un grand amateur de Godard, un super connaisseur, un cinéphile,  averti ou intrépide,  pour affirmer  d'un ton, d'une manière, d'un montage, d'une diction :   "c'est du Godard."  On ne dit pas "c'est du truffaut", "c'est du rivette". "C'est du rohmer"  oui, mais pour des raisons totalement différente.
On peut faire du Godard, on peut faire du Rohmer, parce que  plus le  style est prononcé, visible, personnel, plus il est imitable, plus il appelle l'imitation.  Plus on a un style singulier, personnel, affirmé, neuf, original,  plus il peut être imité, répété, varié, copié, caricaturé, transformé en exercice vide, quand la pensée s'épuise. Le style désire la reprise; il veut marquer, se faire remarquer, au double sens du mot ( se distinguer, être distingué,  et marquer à nouveau).  

On peut faire du proust,  du céline, on peut faire du godard, mais on ne fait pas du ford, ou du truffaut, par exemple, c'est pas une affaire de valeur, mais de création, de rapport à soi, au spectateur, de rapport au monde, à l'oeuvre, à la vérité et au mensonge. Faire du ford, c'est faire du classique, et le classique par définition, c'est la suspension du style. Le classique efface l'homme, dans sa singularité, pour n'affirmer que sa forme la plus universelle, la plus communicable. L'universel ne s'imite. Autrement dit,   si je dis "2+2 font 4", je n'imite personne; si je dis "2+2 font 5", soit je fais une faute, soit je fais du dosto...et godard n’arrête pas de faire du dosto (son fameux 1+1 font trois), du paradoxe, de l'antithèse, d'affirmer  sa différence, de refuser le réel, l'être, la tautologie, ses grandes nostalgies, pour lui substituer un monde qui s'accorde à son style, au désir de son style...

Bien entendu, y a des variations, des changements : le godard des débuts n'est pas le godard politique, le godard du retour au cinéma n'est pas le godard politique... On peut marquer des ruptures, périodiser, c'est toujours possible, et c'est toujours assez vain...

En ce qui me concerne,  c'est moins les discontinuités qui me frappent que  l'unité (terme à définir), la répétition de quelques traits : distanciation, réflexivité, jeu, humour, citations, collage, un certain usage de la musique, et plus profondément, une tonalité, un rythme,  que l'on peut dire romantique,  mélancolique,  religieux...
Chez Godard, on vient, on arrive toujours trop tard; après l'unité, après la vie. Nous vivons, mais pas la vraie vie, pas notre vie, la vie appropriée  à ce  que nous sommes; si nous ne vivons pas notre vie, la vie même, il ne peut pas y avoir d'image de la vie, pas même d'image au fond, quelques unes, peut-être, très rares. Pas d'images vraies, justes, ajustées, juste des images, des images séparées du vrai, du bien.. qui sont pourtant la seule possibilité d'aller au vrai, à l'éternité, à l'absolu...

platonisme? bien entendu, mais paradoxal...

Quelque chose a été perdu, la vie, la pureté d'un rapport au monde, à soi, aux autres; c'est ce que raconte Lang dans le mépris; nous venons après, nous venons trop tard.

Godard  fait un cinéma de la transcendance, transcendance verticale ou horizontale : le ciel, et la route, les bagnoles; fuite en avant, qui risque toujours de se transformer en adieu, un adieu, qui a quelque chose d'un  mouvement vers l'éternité; en se détachant, en se séparant, du monde, des autres, du langage, qui est toujours une forme d'aliénation de la pensée, et des affects, de l'image, on va  à Dieu. L'adieu est un mouvement vers dieu, vers la présence,  l'éternité de pierrot le fou, qui n'est pas trouvé, mais re-trouvée.

Dis autrement :
Si les personnages de Godard veulent vivre leur vie, se l'approprier, refusent les compromissions, les lâchetés du monde, cette volonté d'absolu ne peut que mener à la mort; dans  "week end", le terme important c'est end, au double sens du mot, encore une fois, la fin, comme l'arrêt de mort, et la fin comme destination; adieu, et à Dieu : la région où vivre, le paradis de "notre musique"..., les îles...

Le cinéma de Godard ne cesse de construire, comme dirait badiou, la région où vivre, et c'est cela "à bout de souffle". Un premier film, et déjà le souffle manque, et déjà on manque de souffle, d’âme, qui s'exhale avec la fumée de la cigarette, quand meurt JPB.

le cinéma selon godard, c'est une proposition dans l'image, la musique, les mots, le rythme, les corps, concernant la question : qu'est-ce que vivre. Pour lui, pour ses personnages, comme pour  Rimbaud, « la vraie vie est absente », il faut la ré-inventer au-delà de la vie : devenir immortel et mourir, disait l'autre.

Vivre sa vie, c'est devenir immortel.

mais pour cela faut-il penser à la mort,  comme JPB, ou ne pas y penser, comme JS?

Je n'ai à redire à tout ça, qui me semble très juste, très solide et très intéressant.

Godard est à la fois le plus facile à imiter, et inimitable : il n'y a pas de formule chez lui, ou plutôt toute formule est désignée comme telle, et ce recul permanent n'appartient qu'à lui, on ne peut pas le copier. C'est ce recul que j'appelle "morale du doute". Elle ne contredit pas sa "volonté d'absolu", au contraire.

Je dirais  - et c'est ça qui moi m'intéresse - que Godard aide à trouver sa place dans le monde d'aujourd'hui, plus que beaucoup de cinéastes. Les grands cinéastes donnent à penser, à sentir. Godard, le plus moderne, aide à prendre du recul par rapport à quelque chose de précis : les formules toutes faites. C'est pourquoi ses interventions extra-cinématographiques sont (presque) aussi précieuses que ses films. C'est d'ailleurs le premier cinéaste de la Nouvelle Vague dont on a publié les textes et entretiens, et c'est celui qu'on le plus souvent vu à la télé, etc. Là, il aide à penser le cinéma, mais aussi tout le reste, les médias, et au-delà.
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Message par incubé Jeu 30 Jan 2014 - 17:06

Spoiler:


Puisqu'on parle cinéma d'abord, mais aussi arts, on peut aussi parler genres. Les ceusses que tu cites Borges, comme étant les plus imitables sont aussi ceux qui se sont le plus affranchis des contraintes toutes faites des genres et leur oeuvre est déjà là, dans la construction d'un art à leur image, par eux-mêmes.
Quant à la nouvelle vague et ses membres, critiques, déjà, ils se disaient cinéastes - Baldanders le rappelle s'agissant de JLG.
Mais pour tous, cinéastes ou non, on se trouve en présence d'un paradoxe, parce qu'en dehors des tenants des genres, codifiés, établis, etc... reproductibles à l'infini avec plus ou moins de bonheur, à quoi bon prétendre, pour quiconque, se mettre dans les pas de ceux-là mêmes qui, quoi qu'il en soit, ont déjà porté leur art au comble d'une immarcescible singularité ?

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Message par Invité Ven 31 Jan 2014 - 8:52

incubé a écrit:
Mais pour tous, cinéastes ou non, on se trouve en présence d'un paradoxe, parce qu'en dehors des tenants des genres, codifiés, établis, etc... reproductibles à l'infini avec plus ou moins de bonheur, à quoi bon prétendre, pour quiconque, se mettre dans les pas de ceux-là mêmes qui, quoi qu'il en soit, ont déjà porté leur art au comble d'une immarcescible singularité ?

Entends-tu par là signifier qu'au bout du compte, en un mot comme en cent, et nonobstant ce que pourraient objecter (de façon pertinente ou non) ceux qui ne partagent pas cette vue, il serait vain, tout autant que chimérique, captieux voire spécieux, à tout le moins de la part de quiconque, en ce compris n'importe qui, de se mettre dans les pas - comprenons par-là imiter, s'en inspirer, les prendre pour modèles, en faire le maitre-étalon d'un paragon paradigmatique et prototypal - de ceux-là mêmes qui, quoi qu'il en soit et tout bien considéré, c'est-à-dire que l'on l'admette ou pas ou quel que fût l'opinion que l'on ait quant à cette question, ont d'ores-et-déjà porté leur art, l'ayant ainsi hissé au rang d'un imputrescible parachèvement insurpassable et insurpassé, au comble d'une immarcescible non moins qu'inaltérable et rédhibitoire singularité, non reproductible en ses effets premiers, secondaires et derniers, laquelle rend en quelque manière caduque, inopérante ou irrelevante quelque prétention à en s'en emparer d'une manière ou d'une autre aux fins de l'exploiter plus que de raison et jusqu'à plus soif?

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Message par incubé Ven 31 Jan 2014 - 17:12

et quand de surcroît Bidibule je me joue de toi quelle rigolade mes amis !

 Wink 

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Message par Invité Ven 31 Jan 2014 - 20:20

L'incubite est une pathologie, répertoriée comme non curable par l'école freudienne de Bourg-en-Brest - appelée aussi HGP (hypertrophie de la glande pinéale), qui consiste dans la conviction inébranlable de se jouer de quelqu'un quand ce dernier se joue de vous, soit encore d'avoir validé une pure absurdité logique précisément quand cette dernière a été dûment invalidée (à titre de contresens, sophisme, jeu sémantique et phrastique, énoncés dépourvus de sens, platitudes, lapalissades, redondances paraphrastiques et pléonastiquement tautologiques).
Une des causes avancées par l'étiologie clinique est une déformation urticante du nerf optique, responsable de phénomènes étranges comme l'inversion de l'échelle des plans et la micromacrosomatognosie. On s'accorde cependant à reconnaître à cette maladie une vertu euphorisante (voisine de l'effet placebo et pouvant éventuellement servir de substitut à la méthode Coué): le patient se sent doté de dons extraordinaires comme le fait de danser sur sa tête ou de penser avec son pied. Cet état d'euphorie s'accompagne parfois d'une sensation de lévitation, caractérisée par certains patients comme l'expérience de "s'envoler et ne plus vouloir retomber". Ce qui après tout ne fait de mal à personne. L'usage d'adjuvants alcoolisés est néanmoins déconseillé. En raison de l'effet secondaire dit daffy duck : sensation indésirée d'une métamorphose de cygne en canard.

Spoiler:




Comme le démontre aisément la lecture de ce présent topic. Ainsi que celle de tous les autres.


Dernière édition par Bidibule le Ven 31 Jan 2014 - 23:59, édité 6 fois

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Message par incubé Ven 31 Jan 2014 - 20:46

lol

incubé

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Message par Borges Sam 1 Fév 2014 - 12:13

Serge Daney va relancer, puisque badlanders refuse :

"Par commodité, on dit :  je vais voir un film. Souvent on ne  voit que deux ou trois images flottant dans du rien, des pubs honteuses, des spots étirés, mais ça ne fait rien, on dit : j'ai vu "un" film. Force de l'habitude, emprise fatale du un. Parfois on voit vraiment un film, quelque chose qui ne ressemble à rien de connu, "Le pont du Nord", par exemple. Et là, si l'on était honnête ( et moins esclave du "un"), on dirait : j'ai vu des films, ou : j'ai vu du cinéma. Nuance (...) "Le pont du nord" est aussi bien un thriller politique avec chasse à la femme et décor urbain, un documentaire sur l'état de Paris en 1981, un vieux film moderne à base de récit lacunaire et indécidable, genre "Paris nous appartient" , une métaphore moderne de mythes anciens avec fil d'Ariane et Minotaure, etc. Ce ne sont pas des "niveaux de lecture", ce sont des films à voir et à entendre en même temps.  Un film, "le pont du nord"? Allons donc."


dans ce passage on peut distinguer deux usage du "un", du sens du "un"; "un" comme unité, totalité, l'un que nous cherchons à désigner dans le "unfilmun", et puis le "un", comme singularité, pas vraiment l'indéfini de deleuze (une enfance), plutôt la singularité, le un-multiple; l'un-fragmentaire...

Blanchot-Nietzsche
"
« Le fragmentaire ne précède pas le tout, mais se dit en dehors  du tout et après lui. Quand Nietzsche affirme : ”Rien n'existe en dehors du tout”, même s'il entend nous alléger de notre particularité coupable et aussi récuser le jugement, la mesure, la négation (”car  on ne peut pas juger le Tout, ni le mesurer, ni  le comparer, ni surtout le nier”),  il reste qu'il affirme ainsi, comme seule valable, la question du tout et restaure l'idée de totalité. La dialectique, le système, la pensée comme pensée d'ensemble retrouvent leurs droits, fondant la philosophie comme discours achevé. Mais quand il dit : ”Il me semble important qu'on se débarrasse du Tout, de l'Unité,... il faut émietter l'univers, perdre le respect du Tout”,  alors il entre dans l'espace du fragmentaire... "
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Message par Baldanders Sam 1 Fév 2014 - 14:38

Borges a écrit:Serge Daney va relancer, puisque badlanders refuse :

"Par commodité, on dit :  je vais voir un film. Souvent on ne  voit que deux ou trois images flottant dans du rien, des pubs honteuses, des spots étirés, mais ça ne fait rien, on dit : j'ai vu "un" film. Force de l'habitude, emprise fatale du un. Parfois on voit vraiment un film, quelque chose qui ne ressemble à rien de connu, "Le pont du Nord", par exemple. Et là, si l'on était honnête ( et moins esclave du "un"), on dirait : j'ai vu des films, ou : j'ai vu du cinéma. Nuance (...) "Le pont du nord" est aussi bien un thriller politique avec chasse à la femme et décor urbain, un documentaire sur l'état de Paris en 1981, un vieux film moderne à base de récit lacunaire et indécidable, genre "Paris nous appartient" , une métaphore moderne de mythes anciens avec fil d'Ariane et Minotaure, etc. Ce ne sont pas des "niveaux de lecture", ce sont des films à voir et à entendre en même temps.  Un film, "le pont du nord"? Allons donc."

Si si, j'ai relancé, mais en douceur, tellement en douceur que ça a eu l'air d'une reculade... Smile 

Je rebondirai plus franchement sur ce texte de Daney. C'est exactement ce que je me suis dit (en considérant moins les "niveaux de lecture" - Daney est un littéraire - que mes propres sentiments) devant La Vie d'Adèle. Film que j'étais sûr par avance de détester, que pour plein de raisons je n'aime pas, que je trouve souvent roublard et parfois même minable, mais que je ne peux pas réduire à ses facilités, qui quelque part me fascine (j'en ai vu une moitié pour l'instant).

Sur le même sujet, L'Inconnu du lac reste sagement intellectuel. La fascination du héros de Guiraudie pour l'homme-objet de son désir est rhétorique, mise en scène avec un formalisme précis qui neutralise tout débordement et donne un film calme et plat comme un lac. Alors que l'excitation d'Adèle existe, elle éclate à l'écran, et quand bien même les moyens servant à capturer cet éclat sont lourdingues (on ne peut pas ne pas la voir, la grosse caméra intrusive de Kechiche), le résultat est là.

Kechiche ne prend pas de détour, en ça c'est un Américain. Les Américains souvent, et Kechiche dans ce film, nous disent : "Aimez ceux que je vous montre, rêvez d'être (comme) eux, rêvez de désirer autant qu'eux, d'être aussi vivants qu'eux !" Même si L'Inconnu du lac est son film le plus "classique", Guiraudie a manqué de l'envie de faire désirer le désir de ses personnages.

Il y a donc bien, dans La Vie d'Adèle, plusieurs films (pour moi) : celui que je déteste pour sa facilité et celui qui me fascine pour ça. Je ne peux pas sacrifier l'un de ces deux aspects pour l'autre.
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