Faites le mur ! (a Banksy film)
Faites le mur ! (a Banksy film)
En attendant le texte de Lolo et vu la faiblesse de l'actualité en salle, ça vaut la peine d'en dire quelques mots peut-être.
Film malin, roublard.
J'ai aussi pensé à Lolo qui veille souvent à reprendre le titre original des comédies américaines, souvent plus pertinent que la traduction.
Dans ce cas présent, le passage de Exit through the gift shop (Sortie par la boutique souvenir) à Faites le mur ! détourne complètement la démarche, le sens, le coeur du film. Amusant pour un film sur le détournement que le titre français détourne les intentions de la version originale.
Et pourtant à première vue, on pourrait se dire "faites le mur", c'est bien trouvé comme expression, on peut l'entendre au sens de repeindre le mur. Le mur blanc seul, n'a pas d'âme, il est anonyme, mais une fois habillé d'un message, d'un personnage ou d'une fresque, il acquiert toute sa singularité, on s'y attache, on s'en souvient, et maintenant, on refuse de le détruire. J'imagine que depuis que Bristol a vu émerger Banksy, la ville n'est plus la même.
"Faites le mur", ça évoque évidemment au sens courant l'adolescent qui sort en secret de son lit pour aller faire les 400 coups. Rébellion, insoumission, pied de nez à l'autorité, c'est souvent cette pratique irrévérencieuse et politiquement incorrecte qui est mise en avant quand on parle du street art. C'est le graffeur qu'on voit dans la bande-annonce échapper à la police en escaladant un mur, bien trop haut pour le policeman replet. C'est le message "Sorry about your wall" peint sur une façade. Le titre aurait été bien choisi si le film qu'on avait vu avait été celui préparé par Thierry Guetta autour de Banksy et d'autres street artists célèbres.
Mais évidemment, ce qui nous est proposé est "a Banksy film". Et ça change tout. C'est donc l'histoire d'un amateur, d'un filmeur compulsif qui veut faire un film sur le street art, mais dont le résultat serait si désastreux, que Banksy lui propose d'inverser les rôles : il fera un documentaire sur lui, et lui deviendra street artist (instantanément célèbre). Difficile de démêler le vrai du faux, c'est ce qui suscite la curiosité. Mais étant donné l'art du détournement et le mépris clamé par Banksy pour l'art contemporain on peut être a peu près certain que Thierry Guetta se découvrant street artist est une imposture destinée à révéler une imposture plus globale sur laquelle repose le marché de l'art aujourd'hui. La valeur financière d'une oeuvre dépend moins de son originalité que de sa capacité à faire parler d'elle. L'équation jackpot pour réussir serait quelque chose comme : un BUSINESSMAN [ (relations + ambition) x (processus industriel + marketing) ] + UN COMMUNICANT impactant [(icônes détournées + symboles) x critique de la société de consommation ] = $$$$$$$
En interview, Banksy et son inénarrable sens de la formule lance :
On peut tout de même douter que Les dents de la mer ait vraiment découragé les amateurs de ski nautique à se lancer dans le grand bain plein de requins, mais bon...
Au moins, le titre anglais ne trompe pas sur la marchandise. On comprend très bien dans le déroulé du film que Thierry Guetta devenant Mr Brainwash (MBW, anagramme de la célèbre marque de voiture en passant...) crée une marque avant de peindre une toile. Il fait des stickers, embauche une armée de sous-fifres, c'est le business model Koons & Hirst... Le pop art prenait des produits et des marques de consommation courante pour en faire des oeuvres (même si c'était parfois des oeuvres en série). Là, c'est l'oeuvre qui est d'emblée un produit et l'incarnation de la marque "MBW". Si on imagine un musée retraçant l'histoire de l'art de l'antiquité à aujourd'hui, la dernière salle consacrée à l'art contemporain ne serait rien d'autre que la boutique souvenirs. C'est à peu près ce que dit le film. Après tout, pourquoi pas, mais on serait tenté de se demander : et après ?
Film malin, roublard.
J'ai aussi pensé à Lolo qui veille souvent à reprendre le titre original des comédies américaines, souvent plus pertinent que la traduction.
Dans ce cas présent, le passage de Exit through the gift shop (Sortie par la boutique souvenir) à Faites le mur ! détourne complètement la démarche, le sens, le coeur du film. Amusant pour un film sur le détournement que le titre français détourne les intentions de la version originale.
Et pourtant à première vue, on pourrait se dire "faites le mur", c'est bien trouvé comme expression, on peut l'entendre au sens de repeindre le mur. Le mur blanc seul, n'a pas d'âme, il est anonyme, mais une fois habillé d'un message, d'un personnage ou d'une fresque, il acquiert toute sa singularité, on s'y attache, on s'en souvient, et maintenant, on refuse de le détruire. J'imagine que depuis que Bristol a vu émerger Banksy, la ville n'est plus la même.
"Faites le mur", ça évoque évidemment au sens courant l'adolescent qui sort en secret de son lit pour aller faire les 400 coups. Rébellion, insoumission, pied de nez à l'autorité, c'est souvent cette pratique irrévérencieuse et politiquement incorrecte qui est mise en avant quand on parle du street art. C'est le graffeur qu'on voit dans la bande-annonce échapper à la police en escaladant un mur, bien trop haut pour le policeman replet. C'est le message "Sorry about your wall" peint sur une façade. Le titre aurait été bien choisi si le film qu'on avait vu avait été celui préparé par Thierry Guetta autour de Banksy et d'autres street artists célèbres.
Mais évidemment, ce qui nous est proposé est "a Banksy film". Et ça change tout. C'est donc l'histoire d'un amateur, d'un filmeur compulsif qui veut faire un film sur le street art, mais dont le résultat serait si désastreux, que Banksy lui propose d'inverser les rôles : il fera un documentaire sur lui, et lui deviendra street artist (instantanément célèbre). Difficile de démêler le vrai du faux, c'est ce qui suscite la curiosité. Mais étant donné l'art du détournement et le mépris clamé par Banksy pour l'art contemporain on peut être a peu près certain que Thierry Guetta se découvrant street artist est une imposture destinée à révéler une imposture plus globale sur laquelle repose le marché de l'art aujourd'hui. La valeur financière d'une oeuvre dépend moins de son originalité que de sa capacité à faire parler d'elle. L'équation jackpot pour réussir serait quelque chose comme : un BUSINESSMAN [ (relations + ambition) x (processus industriel + marketing) ] + UN COMMUNICANT impactant [(icônes détournées + symboles) x critique de la société de consommation ] = $$$$$$$
En interview, Banksy et son inénarrable sens de la formule lance :
"Je crois que ce que j’ai cherché à faire, c’est réaliser un film qui soit à l’univers du graffiti ce que Karaté Kid a été au monde des arts martiaux – autrement dit, un film qui pousserait les gamins du monde entier à prendre une bombe de peinture et à tenter leur chance. Au final, je pense que ce film sera pour les artistes de rue ce que Les Dents de la Mer a représenté pour le ski nautique."
On peut tout de même douter que Les dents de la mer ait vraiment découragé les amateurs de ski nautique à se lancer dans le grand bain plein de requins, mais bon...
Au moins, le titre anglais ne trompe pas sur la marchandise. On comprend très bien dans le déroulé du film que Thierry Guetta devenant Mr Brainwash (MBW, anagramme de la célèbre marque de voiture en passant...) crée une marque avant de peindre une toile. Il fait des stickers, embauche une armée de sous-fifres, c'est le business model Koons & Hirst... Le pop art prenait des produits et des marques de consommation courante pour en faire des oeuvres (même si c'était parfois des oeuvres en série). Là, c'est l'oeuvre qui est d'emblée un produit et l'incarnation de la marque "MBW". Si on imagine un musée retraçant l'histoire de l'art de l'antiquité à aujourd'hui, la dernière salle consacrée à l'art contemporain ne serait rien d'autre que la boutique souvenirs. C'est à peu près ce que dit le film. Après tout, pourquoi pas, mais on serait tenté de se demander : et après ?
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