L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
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Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
c'est marrant le mec devant l'usine au début qui attend et qui semble presque faire le tapin ...
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
sokol a écrit:Guiraudie a fait UN chef d'œuvre (pour moi, c'est le plus beau moyen métrage au monde !) : "Ce vieux rêve qui bouge".
J'aime beaucoup un vieux rêve qui vouge aussi, on y retrouve cette même idée du plan fixe, un peu large qui se répète inlassablement comme marqueur d'ellipse.
Puis il y a la façon dont Guiraudie filme les machines qui est vraiment top.
Dans le roi de l'évasion, il y a un côté un peu franchouillard du coin qui me gène mais l'histoire des patates est vraiment drôle;
DB- Messages : 1528
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
au cinéma j'aime l'ellipse quand il faut la débusquer, qu'elle n'est pas évidente, quand on s'en aperçoit une fois le plan passé ; le moment alors ou on en prend conscience est assez jouissif. j'aime donc moins les ellipses désignées comme telles quoique celle de Guiraudie soit assez habile, elle nous informe en nous trompant, sa récurrence est arbitraire - si on peut dire car au cinéma tout est toujours arbitraire.
mais je trouve aussi que l'ellipse à l'envers de Camille redouble est assez adroitement faite.
mais je trouve aussi que l'ellipse à l'envers de Camille redouble est assez adroitement faite.
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Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
dans le vieux rêve ce qui frappe c'est la profondeur de champ dans l'usine filmée comme une cathédrale avec la lumière qui vient du fond.
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Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
C’est un travail au long cours qui a produit certains des rêves de la modernité que nous tenons aujourd’hui pour acquis, liberté d’expression, droits de l’homme et de la femme, tolérance sexuelle, État-providence, quand même. Comme l’idéal politique évoqué par Alain Guiraudie, la littérature, les arts sont de vieux rêves qui bougent.
Guiraudie : "J'ai longtemps mythifié la communauté ouvrière comme étant porteuse d'une utopie, d'un projet collectif. J'en suis revenu. Mais j'ai cherché à raviver cette idée d'une grande communauté des hommes par le biais du désir. Je voulais déboucher sur quelque chose de trouble et un peu crépusculaire".
humm ... déboucher ou débaucher - dans les deux sens du terme ?
Guiraudie : "J'ai longtemps mythifié la communauté ouvrière comme étant porteuse d'une utopie, d'un projet collectif. J'en suis revenu. Mais j'ai cherché à raviver cette idée d'une grande communauté des hommes par le biais du désir. Je voulais déboucher sur quelque chose de trouble et un peu crépusculaire".
humm ... déboucher ou débaucher - dans les deux sens du terme ?
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
J'ai vu "L'Inconnu du lac". C'est un bon film, y'a pas à dire, mais ça n'est pas un grand film et je ne sais pas si je lui aurais donné le prix de la mise en scène qu'il a eu dans la compétition Un certain regard, même si j'en ai vu très peu de films.
J'ai surtout été frappée dans ce film par deux choses, si je le compare aux deux autres films de Guiraudie que j'ai vus, et beaucoup aimés. Plus d'ailleurs que celui-ci. C'était "Du soleil pour les gueux" et "Le Roi de l'évasion".
Ces deux films-là sont très vivants, dynamique, ils construisent un monde riche, riche en histoires, en personnages, en ouvertures sur d'autres monde. Dans "Le Roi de l'évasion", le sexe pour le sexe est mis en question et la fin ouvre sur une belle proposition de nuit où on ne fait que dormir, à quatre dans un lit, au-delà du sexe, du mariage, de tout, dans une amitié étrange et qui semblait forte. La course est au cœur des deux films, traçant des trajets, des pistes, des vies, des fuites, des ouvertures, des retournements, tout ce qu'on veut.
Dans "L'Inconnu du lac", les mêmes questions sont là (on dirait que la grande question c'est toujours "est-ce qu'on peut dormir ensemble sans coucher ensemble, est-ce qu'on peut aller au-delà du désir/besoin sexuel pour trouver l'amour, mais à nouveau, quel type d'amour ?), mais le regard de Guiraudie est beaucoup plus dur et le monde qu'il construit est vraiment étrange. C'est un monde clos et statique. La seule course ne mène nulle part et ne permet même pas de fuir. Les personnages n'ont pas d'histoire. Ils n'ont pas d'histoire à eux, n'en racontent pas, en créent à peine. C'est un monde sans imagination, sans culture, avec un étrange désir de l'autre. Un monde pauvre, alors que les mondes de ses autres films étaient incroyablement riches.
Finalement, c'est un film très triste et très sombre, malgré le soleil, le bleu du lac et le sacrifice de Henri qui peut donner l'idée de ce que serait un vrai amour.
J'ai surtout été frappée dans ce film par deux choses, si je le compare aux deux autres films de Guiraudie que j'ai vus, et beaucoup aimés. Plus d'ailleurs que celui-ci. C'était "Du soleil pour les gueux" et "Le Roi de l'évasion".
Ces deux films-là sont très vivants, dynamique, ils construisent un monde riche, riche en histoires, en personnages, en ouvertures sur d'autres monde. Dans "Le Roi de l'évasion", le sexe pour le sexe est mis en question et la fin ouvre sur une belle proposition de nuit où on ne fait que dormir, à quatre dans un lit, au-delà du sexe, du mariage, de tout, dans une amitié étrange et qui semblait forte. La course est au cœur des deux films, traçant des trajets, des pistes, des vies, des fuites, des ouvertures, des retournements, tout ce qu'on veut.
Dans "L'Inconnu du lac", les mêmes questions sont là (on dirait que la grande question c'est toujours "est-ce qu'on peut dormir ensemble sans coucher ensemble, est-ce qu'on peut aller au-delà du désir/besoin sexuel pour trouver l'amour, mais à nouveau, quel type d'amour ?), mais le regard de Guiraudie est beaucoup plus dur et le monde qu'il construit est vraiment étrange. C'est un monde clos et statique. La seule course ne mène nulle part et ne permet même pas de fuir. Les personnages n'ont pas d'histoire. Ils n'ont pas d'histoire à eux, n'en racontent pas, en créent à peine. C'est un monde sans imagination, sans culture, avec un étrange désir de l'autre. Un monde pauvre, alors que les mondes de ses autres films étaient incroyablement riches.
Finalement, c'est un film très triste et très sombre, malgré le soleil, le bleu du lac et le sacrifice de Henri qui peut donner l'idée de ce que serait un vrai amour.
adeline- Messages : 3000
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
mais qui a dit le contraire : film triste et sombre. C'est un monde sans filles et je comprends que les filles puissent trouver ça triste : pas avoir d'histoire pour un personnage, un homme, ça veut dire pas avoir de mère, de soeur, de compagne, d'amies. C'est pas le seul film, et pas forcément homo, à gommer le sexe féminin.
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Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
Tiens, je ne me suis pas un instant fait cette remarque, que c'était un monde sans fille… Je ne crois pas que ça m'ait gênée, mais en même temps, qui pourrait l'affirmer, c'est possible que ça ait joué.
Quand même, la différence entre ce film et les précédents de Guiraudie est énorme…
Quand même, la différence entre ce film et les précédents de Guiraudie est énorme…
adeline- Messages : 3000
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
Pardon d'insister mais en voyant récemment "l'Obsédé en Plein Jour" d'Oshima je me suis dit grosse influence en plus de Tourneur sur l'Inconnu du Lac, qui est un film très référentiel à l'intérieur de la cinéphilie (ce sont ses modèles qui assument la pulsion brute, elle est déjà une reprise chez Giraudie). Giraudie l'a sans doute vu, c'est la même forêt que filment les deux films.
Par contre je ne crois pas que les personnages du film échouent à raconter une histoire, on en sait quand-même beaucoup sur eux, mais il montre le sexe omme la limite où cette histoire n'est plus dicible.
Par contre je ne crois pas que les personnages du film échouent à raconter une histoire, on en sait quand-même beaucoup sur eux, mais il montre le sexe omme la limite où cette histoire n'est plus dicible.
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
J'imagine, quand tu dis "les personnages du film n'échouent pas à raconter une histoire" que tu fais référence à l'histoire globale du film qu'ils participent à construire, ça je ne le conteste pas. Je disais à l'intérieur du film. Ce sont des personnages sans passé, sans vie hors de l'espace du huis clos, ou très peu, qui, lorsqu'ils parlent, ne racontent jamais d'histoire, n'apporte jamais un monde extérieur et imaginaire à la réalité qui les entoure.
adeline- Messages : 3000
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
adeline a écrit:Tiens, je ne me suis pas un instant fait cette remarque, que c'était un monde sans fille… Je ne crois pas que ça m'ait gênée, mais en même temps, qui pourrait l'affirmer, c'est possible que ça ait joué.
Quand même, la différence entre ce film et les précédents de Guiraudie est énorme…
il commence à s'y croire ...
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
Ben non on sait que l'amant est un travailleur de marché en Renault 25, et le meurtrier sans doute un cadre déjà en couple qui roule en Mazda 626. Par contre on n'a pas la voiture de celui qui parle le plus de lui et est seul à crever. Tout est dit. Ces voitures sont déjà du passé qui déplace les personnages eux-même: ils sont déplacés par leur passé, mais immobilisés par leurs pulsions. C'est bien vu, uen inversion entre les années 50 et maintenant.
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
On ne sait rien du meurtrier, qu'il soit cadre et en couple n'est jamais raconté. Ce que tu dis, ce sont des déductions ; je peux aussi imaginer la vie de Franck à partir de la couleur de ses T-shirts, de son jean coupé (années 80 pour le coup), de ses baskets. Ce n'est pas ce que je dis. C'était des exemples pour montrer la pauvreté du monde clos où Guiraudie place son histoire, un monde sans ouverture, ni sur le temps (très pauvrement avec l'histoire de la R 25) ni sur l'espace.
adeline- Messages : 3000
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
De mon côté j'ai clairement eu l'impression d'un retour de Guiraudie sur lui avec ce film et un retour plus précisément à Ce vieux rêve qui bouge. Comme si la comédie, les jeux de langage s'effaçaient derrière un recentrage du thème de l'homosexualité et des questions qu'il pose, comme l'âge par exemple, et surtout un gros travail, dans les deux films, et de manière apparente, sur l'mage, la lumière, la profondeur ou la proximité.
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
-oui, mais faut pas oublier que nous sommes en vacances, et que le congé en général est alors donné au réel, au social; tout le désir de je sais plus comment il s'appelle, c'est de ne rien faire, d’être là, tout simplement; et on vient l’embêter : tu dragues pas, tu restes là comme ça, à ne rien faire, à regarder le lac, seul... impératif de la socialité, de la drague, et d'une certaine forme de travail...
-le ballournatique, si je me souviens un peu de son texte, parle d'aphanisis à son propos, montrant une fois de plus les limites de son lacanisme, et de sa capacité à regarder, écoute, ce qu'il a devant les yeux...
Borges- Messages : 6044
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
-la question de l'age était déjà présente dans "le roi de l'évasion"...slimfast a écrit:De mon côté j'ai clairement eu l'impression d'un retour de Guiraudie sur lui avec ce film et un retour plus précisément à Ce vieux rêve qui bouge. Comme si la comédie, les jeux de langage s'effaçaient derrière un recentrage du thème de l'homosexualité et des questions qu'il pose, comme l'âge par exemple, et surtout un gros travail, dans les deux films, et de manière apparente, sur l'mage, la lumière, la profondeur ou la proximité.
-c'est comme s'il s'agissait de gagner contre les courses des films précédent un certain repos, ambivalent, dangereux, parce proche de la fin de la pulsion de mort (retour à l'inanimé)...
Borges- Messages : 6044
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
mais celui dont tu parles n'entre pas sur le petit théâtre du lieu comme les autres. Il n'en sort pas non plus pareil. Je crois avoir lu que Guiraudie est assez critique envers lui, en fait sa tête de turc ; une vieux turc et en disant cela, je pense, à nouveau, mais confusément que LE sujet de Guiraudie est le cinéma, à l'instar d'un Guitry.
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
et avoir pour préoccupation le cinéma le rapproche de la nouvelle vague. D'ailleurs Godard, et ça n'est pas fréquent, a commenté, plusieurs fois, et positivement, son travail. Il y a une espèce de filiation, mais je ne sais où ...
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
d'ailleurs un monde sans femmes c'est inexact car le personnage âgé et qui attend sans rien faire est marié, je crois, et loge avec sa femme de l'autre côté du lac (de Genève ?).
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
Je suis assez d'accord avec toi, j'ai beaucoup pensé à Ce vieux rêve qui bouge en voyant l'inconnu. Je ne connais pas l'obsédée d'Oshima, tu me rends curieux Tony. Tu peux développer un peu plus en quoi Guiraudie s'en inspire ?slimfast a écrit:De mon côté j'ai clairement eu l'impression d'un retour de Guiraudie sur lui avec ce film et un retour plus précisément à Ce vieux rêve qui bouge. Comme si la comédie, les jeux de langage s'effaçaient derrière un recentrage du thème de l'homosexualité et des questions qu'il pose, comme l'âge par exemple, et surtout un gros travail, dans les deux films, et de manière apparente, sur l'mage, la lumière, la profondeur ou la proximité.
DB- Messages : 1528
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
oui je me souviens de ta remarque critique sur l'ellipse quotidienne marquant l'arrivée du personnage dans les deux films et que j'avais trouvée fort juste.
avec le recul j'y vois une discipline formelle qui met fin aux "gesticulations" des films précédents.
avec le recul j'y vois une discipline formelle qui met fin aux "gesticulations" des films précédents.
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
Honnêtement je n'ai pas vu de Giraudie avant celui-ci. Donc mon parallèle repose sur une idée partielle de son cinéma, faite à partir de son film qui est sans doute le plus classique et consensuel.DB a écrit: Je ne connais pas l'obsédée d'Oshima, tu me rends curieux Tony. Tu peux développer un peu plus en quoi Guiraudie s'en inspire ?
Je ne dirais pas que Giraudie copie Oshima, mais les deux films se répondent, affrontent les mêmes problèmes mais à deux époques différentes, se confrontent à une sorte de dialectique entre la radicalité dans la représentation du sexe, et la réintégration sociale de cette radicalité (les films montrent peut-être le moment où cette radicalité cesse d’être mise à l’écart de la société, mais reste toujours un inconnu, un irréductible pour l’individu)
Je vais essayer d’être plus clair, pardon si cela mène à quelque chose d’un peu vaseux et maladroit.
Le Oshima est assez compliqué à résumer (j’ai déjà essayé d’en parler dans «des films de trains »), c’est la force de sa mise en scène , des corps et des visages plus que de son scénario qui crée les situation (il est vraiment superbe formellement, une épiphanie). Pour aller très vite c’est l’histoire de la victime et de la femme d’un violeur et meurtrier en série en même temps qu’une sorte de fable politique. Le film s’ouvre sur le viol de Shino, qui est une femme de ménage dans une maison cossue et moderne, par un homme qui semble être son ex-compagnon, et à qui elle semble attaché par un lien amour-haine , et le meurtre de son employeuse. Il y a une enquête de police. Shino, la victime, ne sait pas si elle doit collaborer avec la police ou pas.
Dans un flashback on apprend que quatre personnages étaient liés ensemble dans une sorte de ferme (élevage de poissons de porcs) expérimentale communautaire où il y avait une idéologie-programme à la fois communiste, autonomiste et libertaire (cela rappelle la moitié trotskiste de United Red Army de Wakamatasu, mais sans les armes).
Il y avait un noyau constitué par un chef de village qui est assez refoulé sexuellement, à la fois timide et autoritaire, Matsuko une institutrice qui est la réelle organisatrice de la communauté (Akiko Koyama , femme d’Oshima), et défend une idée d’amour universel à la fois spirituel et sexuel, Shino, une très (Saeda Kawaguchi est superbe) belle ouvrière agricole, terre à terre, taciturne, mais pugnace (mais on sent que la vie est encore pour elle un processus d’initiation, qu’elle n’est pas achevée), et Eisuke (génialement joué par Kei Sato), un ouvrier agricole alcoolique, franc et direct, provocant et agressif dans la manière de pointer les ambiguïtés du groupe (la structure de classe qui perdure), super séduisant et charismatique, genre Clyde meets François Villon meets Durruti.
L’expérience échoue, à moitié à cause d’une catastrophe (inondation) ; à moitié parce que les frontière de classes et de niveaux de formation perduraient sous forme de non-dits dans la communauté (les intellos restaient au pouvoir et remplaçaient les bourgeois). Deux couple se forment : l’institutrice se marrie avec l’ouvrier, qui débine ensuite sur sa femme (genre «elle se prend pour le Jean Genet féminin mais c’est une catho de gauche frustrée sexuellement »...même si Oshima en fait défend ce personnage et son idée de l'amour, c'est sans doute elle qui le représente dans le film), le chef de camp devient maire d’un village, et demande à Shino (qui continue seule une exploitation agricole, sa persévérance n’est pas anodine) de plus ou moins se prostituer pour lui avant de lui demander de l’épouser. Eisuke rode un peu partout, épie, espionne, raconte, surprend la relation, il est aussi attiré par Shino.
Alors ce qui se passe ensuite (dans le flashback) c’est que le chef du village, le jour où il est élu maire, propose à Shino de faire un double suicide dans la forêt. L’institutrice comprend ce qui se passe (le jour du vote le couple passe devant chez elle avec des cordes et explique qu’il va se promener en forêt…), et demande à son mari Eisuke d’aller dans la forêt pour empêcher le suicide (ce qui n'était pas une bonne idée). Shino et le chef se pendent à un arbre. Shino suit en fait le mouvement, de manière abrutie, comme vidée. Eisuke arrive et ne dépend que Shino, laisse le chef mourir, et viole Shino inconsciente sous les yeux du pendu mort. Après Eisuke devient encore plus fou et commet d’autres crimes sexuels, tout en ayant un monologue qui donne une explication (ou plutôt une origine) de plus en plus politique à son délire (sa lucidité sur son environnement et le fait que même le rêve communiste n’aient pu surmonter son déclassement et l’ait enfermé toujours dans la même identité ne luis donnaient pas beaucoup d’échappatoires).
Shino considère qu’elle ne peut pas balancer Eisuke à la police, et demande par une lettre à la femme de celui-ci de le dénoncer car seule elle a le droit de le faire moralement (pas la société, pas elle-même comme victime : son idée c’est que l’on ne peut être jugé que par les gens que l’on aime). Elle n’a pas de réponse. Elles se retrouvent dans un train lorsqu’Eisuko est finalement arrêté (Shino poursuit en fait Masuko lors d’une sortie scolaire à la ville). Les femmes ont une superbe discussion/explication.
A la fin Masuko, qui est perdue, propose (à nouveau) à Shino de faire un double suicide entre femmes dans la même forêt que celle du premier. In extremis Shino vomit pour expulser le poison, mais Masuko « réussit à mourir » (l’idée de réussir à mourir et le lien avec le sexe est dans le Giraudie aussi). Elle est un peu comme Franck, la seule survivante de la passion/exploration sexuelle (il y a une dimension du viol dans le Oshima qu’il n’y pas dans le Giraudie, le terme passion/exploration est mal choisi pour parler de Shino qui a subi quelque chose et essaye de s'en déprendre), dans le même type de nature et de lumière.
Elle dit une phrase à elle-même, non pas un cri d’un prénom comme dans le Giraudie, mais une définition-revendication : « j’ai 20 ans, et une fois de plus j’avais réussi à survivre).
J’ai bien spolié je crois
Les lieux et les personnages sont très proches. La plus grande partie de l’Obsédé se tient dans une forêt au bord non d’un lac, mais d’une rivière, qui est à la fois l’endroit de l’invisibilité recherchée, de la rencontre, et du sexe (mais il est vrai que chez Oshima il s‘agit d’abord d’un suicide puis d’un viol), la lumière, la manière de filmer les corps sont très proche. Il y a la même idée de « voyeurisme su » sur la baise que permet cette forêt (même si ce n’est pas un système voulu et accepté comme dans le Giraudie)
Les personnages de Shino et de Franck se ressemblent beaucoup. Ils oscillent entre deux couple, l’un possible mais insatisfaisant avec un homme rassurant mais faible (bon c’est un peu moins le cas dans le Oshima, où le chef du village qui veut épouser Shino est en fait le personnage le plus torturé du film, ultra-possessif et ayant développe une notion égoïste de l’honneur personnel . Il se suicide pour ne pas rendre de compte ni sur ses faiblesses ni sur son pouvoir. Alors que Henri chez Giraudie est une personne plus aimable et sincère –même si d’un certain côté les deux personnages préméditent de manière proche leur propre mort, et en font une sorte de substitution à la jouissance et de résignation à leur statut de mal-aimé), puis un couple impossible avec l’assassin (qui est séduisant, incarne une maîtrise placé au-delà de la dimension du manque, mais aussi hors de toute maturité).
-les rapports entre Shino et l’inspecteur et Franck et l’inspecteur sont aussi très proches. Shino et Franck savent qui a tué, mais pas vraiment pourquoi, et ne peuvent pas facilement le dénoncer, parce qu’ils l’aiment (malgré tout Shino aime sans doute Eisuke), et se posent la question de la complicité avant-même que la police leur demande. Ils sont en fait piégés, la police peut les protéger en leur demandant de faire l’aveu non pas de leur complicité, mais de leur pulsion et de leur désir. L’identification du coupable annulera le lien passé avec lui. Ils résolvent ce dilemme de la même manière : en faisant seul la même enquête sur l’assassin à la place la police, de façon parallèle, seule manière de préserver au sexe un part de secret et de non-dit
-il y a dans les deux films la même idée : l’assomption d’une gratuité (dans le sens « générosité ») et liberté sexuelle, qui se retourne dans l’idée de faire l’amour sous les yeux d’un mort, qui est le témoin de cette liberté et de sa vérité, et dont on finit par porter le deuil.
Il y a peut-être une manière paradoxale d’articuler le lien entre liberté sexuelle, libération d’une contrainte ou d’un ordre social dominant, avec le deuil d’avoir un témoin de sa propre sexualité (que la pudibonderie refoule). Franck s’identifie partiellement à l’amant qu’a tué Michel un peu de la même façon que Shino avec les autres femmes qu’a connu ou violé Eisuke.
L’Obsédé est un film charnière dans la production d’Oshima :il se situe (thématiquement car il y a 4-5 films important entre lui et "l'Empire des Sens" peut-être plus optimistes politiquement) entre les "tableaux sociaux", à la fois totalisants et à la marge de ses premiers films et "l’Empire des Sens", qui est une histoire plus consensuelle, mais qui a touché un public international et représentait une sorte de traduction artistique des changements moraux des années 68 (une révolution, qui libère le sexe, mais en fait l’objet d’une sociologie, tout en en faisant aussi une marge, un refuge par rapport à la norme sociale), mais précisément, Oshima n’a pu faire un film incarnant de manière mondiale cette idée de liberté qu’en ayant d’abord fait le deuil d’une idée encore plus radicale de la liberté sexuelle (dans l’Obsédé), et il y a peut-être quelque chose d’analogue dans le Giraudie. Dans ces deux films, il y a un espoir de séparer la représentation de la jouissance de celle de la violence, qui est tenu quelque minutes avant d’échouer (il y a un mouvement de retour du sexe vers une intrigue policière), et il fallait peut-être le deuil de cette espoir pour symboliser une idée de la liberté qui ne peut pas être sexuelle sans être aussi sociologique, qui est à la fois désinvestie et défendue.
Dernière édition par Tony le Mort le Dim 10 Nov 2013 - 20:16, édité 15 fois
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
le titre est L'osédé en plein jour c'est ça ?
Moi aussi comme DB ça m'intrigue ...
Moi aussi comme DB ça m'intrigue ...
Invité- Invité
Re: L'inconnu du lac (A. Guiraudie) 2013
"L'Obsédé en Plein Jour", il ya un DVD sans doute chez Carlotta, le titre et le scénario ne sont pas d'Oshima (mais inspirés d'une histoire vraie)
Invité- Invité
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