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Typologie du ressentiment et mauvaise conscience dans le cinéma de Terrence Malick - Le philosophe masqué - Pourquoi commencer par Job? - scoubidouman - To the wonder à la merveille - Tree of life, variante amplifiée du Musée Grévin - Arbre coupé

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Message par Invité Jeu 27 Sep 2012 - 21:35

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Textes de la période surréaliste : http://ti1ca.com/ygou7bhc-LETTRES-ANTONIN-ARTAUD.pdf.html

Et puis la correspondance avec Jacques Rivière, très importante également:
La question à laquelle je voudrais avoir réponse est celle-ci : pensez-vous qu'on puisse reconnaître moins d'authenticité littéraire et de pouvoir d'action à un poème défectueux mais semé de beautés fortes qu'à un poème parfait mais sans grand retentissement intérieur?
http://ti1ca.com/vjjffbop-ANTONIN-ARTAUD-CORRESPONDANCE-AVEC-JACQUES-RIVIERE.pdf.html

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 11:20



question dans La voie lactée de Buñuel :

"Si l'hostie est le corps du Christ, que devient le corps du Christ une fois dans l'estomac?"

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 11:42

Selon certains critiques, qu'on peut dire sans scrupules, le surréalisme se situe en dehors de "l'enceinte de l'histoire" - l'expression est de Hegel.

Il a bien existé mais il n'a pas contribué de manière significative au progrès artistique.

L'idée qui montre bien à quel point l'identité de l'art est intimement liée au fait de faire partie du récit officiel, ramène le surréalisme à une parenthèse de ce récit.

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 12:57

C'est toujours formid, cette façon de redécouvrir l'eau chaude ou la poudre à éternuer, avec (au moins) 50 ans de retard, et la célérité d'un carabinier d'Offenbach.
Nous sommes typiquement dans cet anticléricalisme dont je parlais, et tant et tant de pensionnaires d'écoles de jésuites ont écrit, entre 9 et 13 ans, de si merveilleuses déclarations d'amour révoltées à "dieu", pleines de cacas transgressifs, et autres odes aux hosties intestineuses, horrifiant jusqu'au tréfonds quelques grenouilles de bénitier ménopausées, sans doute...

Tout qui a été fort marqué par une éducation religieuse commet dans sa chambrette des poésies à trois sous associant dieu à la merde, rien de bien bouleversant. Tout boutonneux de garderie a commis avant 15 ans son petit précis de décomposition cioranesque, noirci les marges de ses cahiers clairefontaine de vers libres brûlés sur l'inconvénient d'être né, d'odes au néant, de sympathy for the devil, etc. Simplement, parce que c'est Artaud qui l'écrit, ça devrait impressionner grandement, avoir la puissance déflagratrice d'une révélation canon. C'est bien, chouette, je dis pas, mais enfin bon, artaud-le-momo, ça n'intéresse plus trop les jeûnes comme disait super-résistant. Ils préfèrent Marylin Manson, Korn, Metallica ou Rob Zombie (oui bon, je sais, c'est déjà down), voire Placebo ou Mylène Farmer pour les plus ringards. Pis avec les messes de goth-satanisme undergrounge, on peut au moins espérer, comme Gregg Araki, baiser des emo-snappi(e)s doomesques aux hanches cintrées et en collant noir affriolant totaly f***ed up.


Tous les cas cités ici, c'est vraiment pas des exemples d'athées, plutôt une révolte permanente contre "dieu". Un athéisme purement réactif donc, bien pauvre philosophiquement, très ado, assez ringard finalement avec le recul, qui ne se soutient que de la négation de l'Etre suprême préexistant, et qui donc en a un besoin massif. Une déclinaison "nihiliste" du théologique. Ce sont un peu des prêtres bouffons d'une mystique convulsive anti-cléricale et anti-bourgeoise des années 30, et rejoignant sans doute le vœu d'un christianisme premier, authentique (plaies béantes et stigmates compris), qui fit tout le suc nourricier des Bernanos, Bloy et consort. On sait aussi à quel point le surréalisme d'un Breton fut un bel exemple de Papisme, une anti-orthodoxie fort orthodoxe, avec ses constantes excommunications... On soupire, comme bien d'autres, après un peu de dadaïsme. Satie et Duchamp, franchement plus marrants et oxygénants que ces mélismes mortifères de momies écorchées-vives trouvant leurs extases dans les mortifications corporelles des martyrs, de saint sébastien à sainte thérèse...


Tout ça me fait penser à ces pages de Deleuze (évoquant Bataille), déjà citées:

"L'écharde dans la chair. Le petit secret se ramène généralement à une triste masturbation narcissique et pieuse: le fantasme! La "transgression", trop bon concept pour les séminaristes sous la loi d'un pape ou d'un curé, les tricheurs. [...]. Un théâtre du ressentiment et de la culpabilité. [...] On invente toujours de nouvelles races de prêtres.


Au moins, ils l'écrivaient eux-mêmes, leurs odes christiques au parfum de soufre et de foutre, plutôt que de tutoyer par procuration des hosties photocopiées pleines d'une noire substance vénéneuse en pdf.


Jacques Rivière, parangon de l'Homme de Lettres, prestigieux et respecté Directeur de la NRF, catholique fervent et tourmenté, à la manière d'un Barrès ou d'un Claudel qui l'ont tant marqué... Oui, bof, ça sent un peu la bourgeoise naphtaline au parfum d'encens.

Bunuel, pur produit de l'école des Jésuites, fut toute sa vie dans un rapport passionnel, amour-haine ambivalent, pour le catholicisme, et ses films jonchés de prêtres libidineux et de bonnes sœurs en bas-résille n'en finissaient pas de décliner le broc d'antiquaires fétichistes qui n'en ont jamais fini de chercher dieu derrière les oripeaux de la cléricature honnie. Dali, son compère des débuts, rejoignit bien vite un catholicisme fervent et kitsch, dont est imbibée sa production de croûtes picturales pleines de crucifix et d'ascensions célestes.

Comme "variante amplifiée du musée Grévin", je dois dire qu'on est bien servis, là.


Bref, si c'est ça, tout ce folklore de prêtres défroqués, qu'on nous oppose à présent au "catholicisme morbide" (sic) d'un Malick, c'est de plus en plus comique, d'un comique gras et lourd (on ne parlera pas "d'assignations séquestrantes", pour ne pas alourdir davantage en théâtre-farce cette quête de la grâce toute en légèreté vivifiante). Attendons donc, avec une curiosité non dissimulée pour l'exhumation d'épouvantails à moineaux des brocantes dominicales, le prochain gag libérateur.


Dernière édition par Baudouin II de Barvaux le Sam 29 Sep 2012 - 14:57, édité 4 fois

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 16:27

je vous propose La communication non violente de Carl Rogers.

Avez vous pensé, une fois pensé, alors que vous êtes très en colère, prendre la tangente, mettre un mouchoir sur votre colère/amour propre et prendre calmement les choses.

C'est pas du prêchi-prêcha, ça marche. Ca embellit sa vie et celle des autres.

Je vous laisse à vos gants de boxe.

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Message par Borges Sam 29 Sep 2012 - 16:37

slimfast a écrit:je vous propose La communication non violente de Carl Rogers.

Avez vous pensé, une fois pensé, alors que vous êtes très en colère, prendre la tangente, mettre un mouchoir sur votre colère/amour propre et prendre calmement les choses.

C'est pas du prêchi-prêcha, ça marche. Ca embellit sa vie et celle des autres.

Je vous laisse à vos gants de boxe.

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 19:00

Les crises grecques et espagnole et les révoltes contre l'austérité qu'elles suscitent sont-elles filmées?

Si ce n'est peut-être pas le cas, peut-être il y a t-il une bonne raison: éviter que la conscience de ces crises ne délimite juste un public. Mais cette lucidité est-elle constructive?

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Message par Invité Sam 29 Sep 2012 - 23:35

Non, vraiment, ça n'intéresse plus les jeûnes.

Chef d’œuvre Laughing






And now, something completely different:


Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu’on ne relève rien mais moi, ce qui m’étonne, c’est que je puisse tenir bon jusqu’au soir, et que je ne sois pas obligé d’aller me coucher dès les quatre heures de l’après-midi.
Ce qui me fatigue ainsi, ce sont mes interventions continuelles.
J’ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde; je gifle l’un, je prends les seins aux femmes, et me servant de mon pied comme d’un tentacule, je mets la panique dans les voitures du Métropolitain.
Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l’auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m’est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m’y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d’une idée, je revois cette tour. Je ne l’avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison, et je passe ainsi un temps interminable.
Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n’ai rien compris… naturellement. N’ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n’est-ce pas , que quand j’aurais tout détruit, j’aurais de l’équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien.

(H. Michaux, une vie de chien, in La Nuit remue)

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Message par Invité Dim 30 Sep 2012 - 10:26

Baudouin II de Barvaux a écrit:

Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l’auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m’est nécessaire.

(H. Michaux, une vie de chien, in La Nuit remue)
blablabla, c'est ce que tu fais ici, stronzo!! lol



sinon, je sais que tu l'aimes pas ce Carpenter :

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Message par Invité Lun 1 Oct 2012 - 9:02

Eyquem a écrit:Par tradition, Psyché était souvent représentée avec des ailes de papillon, ou directement comme un papillon (c’est le même mot grec qui désigne l’âme et le papillon).
Sur ces histoires de papillon, on peut également citer Bunuel dans Journal d'une femme de chambre, on peut en faire une lecture surréaliste, ou bien la séquence anticipe le suicide de cette infecte bourgeoisie ce qui paraît une grâce dans le récit de Buñuel :

La voie de la grâce dans le suicide, c'est ainsi que répondait Artaud à une enquête, un suicide qui nous ferait rebrousser chemin de l'autre côté de l'existence, et non pas du côté de la mort : "si je me tue, ce ne sera pas pour me détruire mais pour me reconstituer...". Les visions du cosmos dans Tree of life, ça pourrait être dans l'oeuvre de Malick celles du suicidé qui s'échappe des valeurs religieuses fautives pour rejoindre les dinosaures, les volcans, les océans, toute la photographie de Yann-Arthus Bertrand.
Il est certainement abject d'être créé et de vivre et de se sentir jusque dans les moindres réduits, jusque dans les ramifications les plus impensées de son être irréductiblement déterminé. Nous ne sommes que des arbres après tout, et il est probablement inscrit dans un coude quelconque de l'arbre de ma race que je me tuerai un jour donné. L'idée même de la liberté du suicide tombe comme un arbre coupé.
Eyquem a écrit:Typologie du ressentiment et mauvaise conscience dans le cinéma de Terrence Malick - Le philosophe masqué - Pourquoi commencer par Job? - scoubidouman - To the wonder à la merveille -  Tree of life, variante amplifiée du Musée Grévin - Arbre coupé - Page 6 Tree_410

Pour Artaud, l'arbre de vie est un arbre coupé, c'est le modèle rhizomatique de Deleuze et Guattari : "je me délivre de ce conditionnement de mes organes si mal ajustés avec mon moi". Plus on monte dans l'arbre, plus on suit une subordination hiérarchique.

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Message par Invité Lun 1 Oct 2012 - 18:57

blablabla... La voie de la grâce dans le suicide, c'est ainsi que répondait Artaud à une enquête, un suicide qui nous ferait rebrousser chemin de l'autre côté de l'existence, et non pas du côté de la mort... bliblibli

C'est formidable et épatant, bien sûr, et surtout super-attrayant. Je ne suis cependant pas sûr de bien saisir, dans la vivifiante splendeur de ce fatras confusionniste, la différence entre "un suicide qui nous ferait rebrousser chemin de l'autre côté de l'existence, et non pas du côté de la mort", et "un suicide nous faisant rebrousser chemin du côté de la mort".
En quoi consiste, juste pour info, cet autre côté de l'existence qui n'est pas du côté de la mort mais que permet le suicide? Et, secondairement, en quoi cet "arbre coupé" constitue le "modèle rhizomatique de D & G"? Je pensais que le modèle rhizomatique, c'était un "rhizome", précisément, en opposition à une racine, soit une forme d'herbe, qui pousse par le milieu; certainement pas un arbre, fut-il coupé, ou mort. Cette voie inédite peut-elle se pratiquer à peu de frais et sans trop de risques pour la santé, je veux dire, si on est pas féru de jardinage, de tronçonneuses ou de sécateurs? Tertiairement, entre le CSO d'Artaud et la fonction que lui donnent D&G (comme expérimentation d'un corps sans imagerie organique, expérimentation de vie et non de mort), n'y-a-t-il pas une petite différence? Ne fait-on pas ici qu'associer artificiellement, au hasard, ou surtout imaginairement, des "images de la pensée" prises ici au pied de la lettre? Quaternairement, je ne saisis pas davantage le rapport entre toutes ces associations subtiles (façon marabout, bout de ficelle, selle de cheval, cheval de course) et le film de Malick.

Je n'arrive toujours pas à comprendre, quintiercement et en effet, pourquoi ni comment il faut, pour administrer son poison à ce film de Malick, passer par une lecture, aussi approfondie et minutieuse, des œuvres de Nietzsche, Deleuze, puis Artaud, en passant par Rivière, Bunuel, Herzog et Cavell (en attendant Lucrèce, Leibniz, Démocrite, Teilhard de Chardin, Auguste Comte, Cecil B de Mille, Mallarmé, Alphonse Allais, Bachelard, Tex Avery, Heisenberg, André Le Nôtre, Pif gadget, Schrödinger, Placid & Muso...), parcourues, lues, comprises, ruminées et digérées (successivement ou simultanément) à la vitesse cosmique de superman, et avec les lunettes à rayons x gamma tous tissus de dr Magellan. Ah, il est bien loin le temps où vous mouchiez les cuistres & les baudruches. Le bouffon des nus-rois se serait-il métamorphosé, entretemps, en amphibie d'Esope, enflant en des proportions aussi gargantuesques qu'inquiétantes (pour les plafonds de Versailles et d'ailleurs)? J'en conviens: mes capacités de lecture et/ou comprenure en sont radicalement explosées, tout comme les limites très circonscrites de mes maigres connaissances théoriques et pratiques, sorry. Et respectueusement.

En tout cas, c'est vrai que ça nous éloigne considérablement, et de plus en plus, de toute cette typologie malickienne du ressentiment et de la mauvaise conscience, mutilante, dépréciative de la vie, pleine de morbidité, de culpabilité et de prêtres. C'est über-rafraichissant (et hilarant). Bon boulot, donc, dont je ne saurais trop vous remercier.

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Message par Invité Lun 1 Oct 2012 - 21:50

je réponds une dernière fois à tes interpellations, faut te présenter des papiers en règle à toi, des brevets d'esprit en résonance avec tes promenades philosophiques à l'hypermarché. Ta petite leçon avec Michaux, c'est par là qui faut que tu vois tes capacités de comprenure ici. C'est tout. Smile

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Message par Invité Mar 2 Oct 2012 - 1:00




Merci de répondre une dernière fois, ô génie spontané, libre et sans entraves, des bricomarchés et du jardinage par correspondance.
Je n'invoque nuls papiers ni brevets. Ni dieux ni maîtres, bien entendu. Nul n'est certifié ou légitimé pour penser ou pour vivre, ce qui ne fait qu'un. Il s'agit bien, qui le contesterait, de ne se soumettre à aucun modèle, aucune autorité, d'aucune sorte, et de construire une méthode, la sienne.

Cependant, tu accumules les modèles et les autorités comme d'autres collectionnent les timbres-postes. C'est donc que tu leur accordes bien du crédit, une sorte de crédit spontané: comme si c'était la Vérité elle-même qui se manifestait, par l'autorité et le prestige du nom, de la référence, du copyright brevetés, dans ces enfilades sans fin de citations.

Plus que quiconque, ici, et à un degré de confiance ou de dévouement véritablement serviles, tu te soumets au principe d'autorité, aux grands Marbres & Statues de la Kultur ou de la Sayence. Tu t'y soumets même tellement, et spontanément, que tu n'avances rien de personnel, pas le moindre bout de phrase, sans le placer aussitôt sous l'autorité d'un grand nom qui fasse autorité, impression, par simple reproduction de sa prose: penseur, poète, cinéaste, etc, tous les Grands qui nous font sentir bien si petits, comme disait monsieur Perrichon devant la Mer de Glace.

A toutes ces autorités, tu délègues le pouvoir d'articuler ce que toi-même n'articules jamais. L'articulation, si elle a lieu (?), c'est dans une contrée non communiquée et non verbalisée de ton esprit en pleine effervescence: on la cherche à grand peine, il n'y a que les mots des Autres, et rien de toi, sinon quelques conjonctions de coordination ou de subordination.

Où est-il, ce sens, où est-elle, la pensée, où est-il, l'agencement, entre ces citations, et les reliant entre elles? On ne les voit pas, en tout cas je ne les vois pas, dans les limites fort étroites de ma comprenure de caniche nain: ils ne sont à proprement parler nulle part, ils existent peut-être virtuellement quelque part, en puissance, dans une zone vierge de l'esprit, silencieuse, pure intériorité. Ils ne sont nulle part dépliés, rendus visibles et lisibles.
Il y a une phrase de untel, une phrase d'untel, une photocopie de qui a écrit ceci, une vidéo de qui a filmé cela: ces phrases, ces passages, ces extraits sont intéressants, certainement, riches de contenu, mais les relations que tu sembles inlassablement percevoir entre tous ces éléments ne sont pas là, données, d'évidence, sinon celles lovées dans les éclairs électrisant l'intimité de tes synapses. Elles sont éventuellement à construire, à élaborer, à écrire. Elle ne se communiquent pas à autrui par vibration ultrasensorielle concomitante, cocotminutante, ou vision soudaine d'une chaine des Hautes Alpes où soufflerait un esprit alpesque.
Ici, elles ne sont confiées qu'au hasard de l'association libre (ce qu'en surréalisme, on nomme précisément le "cadavre exquis"). Mais ces libres associations, aussi longtemps qu'elles ne sont pas dépliées dans un discours élaboré entre ces morceaux, ne produisent en elles-mêmes aucune forme d'acte ou de lien de causalité. N'existe que ce qui passe de la puissance à l'acte, et de la puissance de la citation à l'acte de pensée, il y a un petit pas, tout petit, mais aussi large qu'un gouffre dans lesquelles toutes les illusions de pensée s'engouffrent.

Je m'étonne juste inlassablement, donc, de ce don extraordinaire qui consiste à pénétrer la moelle substantifique de tout et de son contraire par seule juxtaposition de bouts de phrases et de citations, là où tant de laborieux mettent des années, voire la durée d'une vie d'homme, pour (tenter de) bien lire ne serait-ce qu'un chapitre de bouquin de philo qui fait "autorité".

C'est d'autant plus impressionnant que de ton cru, il faut bien le dire et le redire, tu n'écris, ne dis ou ne pense presque rien toi-même - hormis l'énoncé laconique de quelques liants saupoudrés, assurant la conjonction et subordination des blocs convoqués selon les lois de la ressemblance et de l'analogie. La magie du sens opérant dans ce seul montage des pièces que tu juxtaposes devant nos yeux émerveillés, mais dont tu es pénétré par ventriloquie au point manifeste où il semble que tu les as pondues toi-même de toute éternité.

C'est d'autant plus admirable, wondering, marvelous, cet état de grâce, que tous ces gens que tu cites, récites, ventriloques, perroquettises sans relâche, tous ces bouts de textes que tu accumules dans ce bel herbier comme on confectionne des guirlandes de noël, ils ont mis des années, des décades, à réfléchir, ruminer, ce que tu parviens à saisir à la nano-seconde, par vibration papillonnante, ce spasme de l'intuition vibrionnante, connaissance du premier degré, participation par affects purs, dont sont hélas dépourvus les besogneux de la raison raisonnante, qui bien entendu ne voient rien, n'entendent rien, ne sentent rien des convulsions de la Vie, lesquelles sont réservées aux Voyants, aux Prophètes, aux Martyrs, ainsi qu'à ceux qui se branchent à leur fréquence par téléportation citationnelle.

C'est une vraie leçon d'humilité et de créativité pour tous les prêtres castrateurs dans mon genre, qui, par ressentiment contre le génie brut, sauvage et indomptable, n'ont de cesse que de couper les branches germinantes de l'esprit qui déploie et dispense ses trésors jusqu'à la voûte céleste, crevant le plafond des âmes étroites, médiocres, notariales, cadastrales.


C'est d'autant plus merveilleux que, tu le conçois aisément, tout ce jeu rhétorique, ce mélange d'imitations à la Zelig, n'a de sens, de portée, qu'à l'intérieur de ce micro-monde forumique où t'est opposée quelque résistance. Hors de cette résistance, hors de cette opposition virtuelle dont elle se soutient, cette émanation de Savoir et d'illuminations diverses par génies interposés et certificat citationnel tombe automatiquement dans le vide, dans le néant. Elle n'a pas de portée réelle, elle ne se soutient que de l'Idée qu'elle est une démonstration à l'intérieur d'un jeu de langage déterminé, auquel s'adonnent deux pelés et trois tondus sur le crâne d'un chauve fait de plumes, et qui ne fréquente aucun salon de coiffure dans le monde extra-plumesque. Même en allant dans le "Réel" procéder à une opération de chirurgie faciale correctrice sur de vilains assignateurs-séquestrants, rien n'y changerait, le vide demeurerait le vide et ne renverrait pour tout écho que le vide.

je cite Zelig parce que ces modalités d'imitations m'y font irrésistiblement penser: tu cites deux phrases d'Artaud, et te voilà devenu Artaud, tu causes comme Artaud, tu souffres comme Artaud, et dressé contre tous les papes et les cacas de l'univers, tu dénonces avec fracas les "assignations séquestrantes", on craint même que tu ne t'enfonces des clous sur la tête, comme Artaud sur scène, tandis que tu en finis avec le jugement de dieu; tu cites trois phrases de Nietzsche, et te poussent soudain des bacchantes plus vraies que nature, te voilà syphilitique, à la fois Dionysos et Crucifié, tu es Nietzsche réincarné; aussitôt invoqué quelque Fou Génial, tu voilà en ta chair meurtrie par tous les docteurs et fabricants de camisoles de l'univers Fou Génial; aussitôt invoqué quelque Poète Maudit te voilà métamorphosé, sous hypnose, en Lautréamont, plus vrai que nature; tu cites jadis une photo de Herzog montrant Kinski jouant avec un papillon, et comme pincé par ce vol d'image commis ultérieurement, tu rappelles que cette photo est la propriété de Herzog, cad toi-même, finalement, tant tu vis Herzog et Kinski de l'intérieur. Tu es Kinski, tu es Herzog, et le papillon, et la relation entre H. et K: belle comme une balle de fusil ou ne je ne sais plus quoi. Etc etc.



Bien évidemment, ayant librement et courageusement dénoncé toute résistance de lecteur qui ne trouverait pas éclairantes ces additions kilométriques de citations, liens & photocopies, mettant tout soupçon critique sur le compte d'une volonté de soumettre, de l'expression castratrice d'une autorité, de rappels à l'ordre de petits instituteurs ou inspecteurs de la police de la pensée autorisée, tu te sers de cette résistance pour confirmer, à tes propres yeux, que tu fais là acte de création libre, te libérant, dans l'épreuve d'un exorcisme quasi biblique, de ces chaines dans lesquelles veulent t'emprisonner les odieux esclavagistes, petits blancs et autres administrateurs des colonies pénitentiaires. La puissance libératrice et affirmative de cet acte n'est donc qu'un effet fantasmé de ce jeu oppositionnel, joué à guichets fermés dans un micro-théâtre en vase clos, en boucle circulaire. Que ce micro-théâtre-claque et ses quelques acteurs-têtes à claques disparaissent de l'écran, et le mirage, l'événement fantasmé de cet acte de création et de pensée, s'évanouissent comme l'illusion d'optique derrière laquelle couraient les Dupondt, dans le désert de la soif.

Cela, tu ne le sais que trop, car aussitôt parti, tu reviens, pressé d'en coudre et d'en découdre avec une petite communauté spectrale de molcouilles-partantes auxquelles tu administreras les Mots des grands Autres, le breuvage, le nectar, la potion magique des grands Manitous, Druides, un grand cru que tu viens de boire, qui, par procuration, délégation, te feront sentir que tu en as décidément de bien grosses & burnées. Et c'est vrai que c'est impressionnant, que ça intimide. Encore plus si derrière le poids des Mots des Autres se profile, vaguement menaçant pour les incorporels graphomanes, le choc du Poing de Soi-même.



Comme le disait le vieux Kant (autorise donc autrui à citer, et des noms illustres, puisque tu ne fais que ça en permanence, mais n'oublie pas de relever que cet usage est une méthode flagrante de soumission à l'autorité):

La colombe légère, lorsque, dans son libre vol, elle fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle réussirait bien mieux encore dans le vide.






Mais las, je le reconnais, je le confesse, je ferais mieux de m'occuper des limites de mes capacités de comprenure, au lieu de me passionner plus que de raison pour les manifestations, toujours étonnantes, interpellantes, de la pensée pure par auto-génération/combustion spontanée. Je ne serai plus facteur de résistance ni facteur cheval s'employant à briser les jambes du cormoran qui fait "meuh" le soir au dessus des jonques. Aussi ceci sera ma dernière et redondante synthèse séquestratrice. Car comme le disait momo en la personne de lui-même par ta propre bouche: de leur couteau de clartés point n'avez besoin. Belle expression, d'ailleurs, ça me fait penser, par association spontanée, au poème scolaire-ado-neuneu de Lucas, le poignard en peau de nuit, qui fascine Lopez mais fait s'esclaffer l'épouse Seigner qui paiera cher cette moquerie. Dans le Harry de Moll.

Vazy Marcel! Crève les baudruches, conspue les rassis, sors le rythme impair et ton turluth, tords le coup à la rhétorique et troue la couche d'ozone. C'est formidaable. Deviens le Henry Miller des anciens temps nouveaux, que nous attendons tous. N'est-ce pas toi, ou un autre, qui as failli citer, as cité, ou citeras immanquablement, dans un film de Scorsese après les heures de bureau, ceci:

"Je n'ai pas d'argent, pas de ressources, pas d'espérances. Je suis le plus heureux des hommes au monde. Il y a un an, il y a six mois, je pensais que j'étais un artiste. Je n'y pense plus, je suis! Tout ce qui était littérature s'est détaché de moi. Plus de livres à écrire, Dieu merci! Et celui-là alors? Ce n'est pas un livre. C'est un libelle, c'est de la diffamation, de la calomnie. Ce n'est pas un livre au sens ordinaire du mot. Non! C'est une insulte démesurée, un crachat à la face de l'Art, un coup de pied dans le cul de Dieu, à l'Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l'Amour! ... à ce que vous voudrez. Je m'en vais chanter pour vous, chanter en détonnant un peu peut-être, mais chanter. Je chanterai pendant que vous crèverez, je danserai sur votre ignoble cadavre..."


Et Lol puisqu'il est encore permis de rire, dans ces décombres d'arbres coupés et de suicides beaux. Le salut par le rire, la voie de la grâce par contraction et décontraction des muscles zygomatiques z'et? z'et? Fessiers, allons. Rhôô.

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Message par Invité Mer 3 Oct 2012 - 13:47

heil scoubidouman,
alors tu fais du Kaléidoscope (qui n'est pas de l'association libre)?
l'est chouette comme un bouchon de Champomi qui pète ce sommaire numéro 2 de Mondes du cinéma.
tes titres sont toujours sympatoches, ça donne envie de lire.
T'as mis ce qui faut pour que ça porte?, le discours élaboré, la citation qui cite et la reliure, la causalité qui cause, et tes perlouzes aussi?

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