Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
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Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Jerzy a écrit :
Quand on pense "entretiens", on tend à penser bavardages superficiels.
C'est pas le cas du tout avec Rancière. C'est très précis, clarifiant.
C'est plus pointu que les entretiens pour les mags et la presse, qui
sont déjà eux-mêmes éclairants. Dans ces textes, il prend bcp plus le
temps de développer ses idées, tout en restant concis, pas de blablas
inutiles.
Bien joué Jerzy : achat gagnant !
Même chose pour l'entretien Mourlet/Ricard. Il a de suite un contenu théorique roboratif, sans lard.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
ça y est je l'ai entre les mains, j'en attends encore beaucoup malgré le mal que l'on m'en a dit.
son auteur, fin connaisseur aurait une des plus belles armoires à pharmacie de Paris. Mon rêve auquel je dois m'atteler plus sérieusement.
je suis, je suis ...
son auteur, fin connaisseur aurait une des plus belles armoires à pharmacie de Paris. Mon rêve auquel je dois m'atteler plus sérieusement.
je suis, je suis ...
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Tous les débuts de mois, désormais, je m'achète un gros livre.
Un des rares que j'avais pas de l'ami Gilles. Celui-là m'intimidait bcp, comme si j'y avais pas droit, comme si les seuls livres de Deleuze (et Félix, bien sûr) qui étaient à ma portée, c'était les tout-petits: dialogues, pourparlers, critique & clinique, ... Ces petits livres qui d'emblée firent de lui mon philosophe préféré.
Bien avant Kojève. Kojève c'est autre chose, c'est pas un philosophe qu'on "aime". Qui oserait dire qu'il a pris du plaisir à lire Kojève? Enfin, si, faut nuancer: le plaisir n'a jamais été le but, et le plaisir, on le sait, enfin y en a qui savent, c'est pas intéressant. L'intéressant, c'est le processus. Et le petit plaisir, en passant, dans le processus de lecture de Kojève, ce fut d'y comprendre quelque chose (surtout dans les autres livres, ceux qu'on lit pas, les posthumes, imbitables), et d'en faire autre chose, pour moi...
Kojève, c'était, c'est encore, l'apprentissage, les gammes, la rencontre première, fondatrice pour moi, quoique purement occasionnelle (ça aurait pu être n'importe quoi d'autre), d'un travail du désir par le concept, une (certaine) logique du concept, du discours philosophique... Mais Deleuze, que j'avais rencontré occasionnellement avant Kojève, et dont j'avais pressenti tout de suite que c'était plus important que Kojève, ou du moins que ça m'intéressait bien plus, c'était enfourcher le ballet de sorcière, bien sûr, se laisser emporter, le grand courant d'air, ouvrez la porte, ouvrez, respirez tout cet air...
Et je ne respirais jamais aussi bien cet air qu'en passant par la case "Kojève". Non pas à titre de repoussoir (on est pas masochiste à ce point, on l'est même pas du tout). Un "contrepoint", peut-être, au sens musical. Je goûtais dans Kojève, dans son analyse du désir, du discours, quelque chose qui, tout en m'apparaissant pertinent et juste, me faisait apprécier plus encore une toute autre analyse, une toute autre image de la pensée, de tout autres affects, non pas qui la contredisaient, mais qui n'avaient aucun rapport. Et y avait aucune "synthèse" à opérer entre les deux. Il fallait ce "rapport sans rapport".
Et je me permets de dire que ce "chiasme", cette "tension", ça m'a permis de ne jamais "épouser", comme on se collerait à une vitre, dans une sorte de catéchisme de "mots", de fascination mimétique, rhapsodique (qui est tout le contraire d'une "compréhension") soit un modèle "Kojève", soit un modèle "Deleuze". Je pense qu'il faut apprendre à constamment penser dans du "deux", au moins deux, n'importe quoi qui fasse intensément au moins du "deux", trois, c'est mieux: une mesure impaire. Quatre, c'est bien aussi, mais tentation de la symétrie. Plus, c'est trop, je dirais: on se disperse, on papillonne, on syncrétise, du bout des lèvres, on passe d'un truc à l'autre, et on retient rien, on reste slim, mais on reste fat, aussi.
Donc, constamment apprendre à penser, entre au moins deux intensités fortes, ce fameux "ET" qui n'est pas une synthèse au sens d'une identité, mais disjonction, "synthèse disjonctive". A partir duquel toute une multiplicité pourra se déplier. Mille séries, mondes, plateaux. Un Gilles ET un Felix. Un Gilles ET un Alexandre. Un Martin ET un Alexandre. Un Alexandre ET un Jacques. Un Gilles ET un Jacques ET un Jean-Paul. etc, etc. C'est comme dans les descriptions phénoménologiques de Sartre: y faut bien qu'il y ait un Pierre qui attend un Paul qui n'est jamais là: sans Paul qui n'est pas là, pas de Pierre qui attend, pas de patience pour penser, entre Pierre et Paul.
Y a trop de "deleuziens" qui répètent les concepts de Deleuze, comme des ânes impatients, sans rien y comprendre, et dont il ne faut rien attendre. "A la lettre" (comme il aime à dire), y a aucun processus dans leur "compréhension" des concepts de Deleuze. C'est tout, sauf un processus.
Alors, là, je feuillette... (J'avance pour ainsi dire en terrain "familier" - la familiarité du rhizome, ne craignons pas les oxymores -, car les propositions essentielles, si on peut dire, sont déjà énoncées, annoncées, articulées, dans Dialogues) Fabuleux, énorme, foisonnant, proliférant, génial, enthousiasmant, vachement trop cool, les mots sont impuissants, je sais pas moi... euh, smart.
Un des rares que j'avais pas de l'ami Gilles. Celui-là m'intimidait bcp, comme si j'y avais pas droit, comme si les seuls livres de Deleuze (et Félix, bien sûr) qui étaient à ma portée, c'était les tout-petits: dialogues, pourparlers, critique & clinique, ... Ces petits livres qui d'emblée firent de lui mon philosophe préféré.
Bien avant Kojève. Kojève c'est autre chose, c'est pas un philosophe qu'on "aime". Qui oserait dire qu'il a pris du plaisir à lire Kojève? Enfin, si, faut nuancer: le plaisir n'a jamais été le but, et le plaisir, on le sait, enfin y en a qui savent, c'est pas intéressant. L'intéressant, c'est le processus. Et le petit plaisir, en passant, dans le processus de lecture de Kojève, ce fut d'y comprendre quelque chose (surtout dans les autres livres, ceux qu'on lit pas, les posthumes, imbitables), et d'en faire autre chose, pour moi...
Kojève, c'était, c'est encore, l'apprentissage, les gammes, la rencontre première, fondatrice pour moi, quoique purement occasionnelle (ça aurait pu être n'importe quoi d'autre), d'un travail du désir par le concept, une (certaine) logique du concept, du discours philosophique... Mais Deleuze, que j'avais rencontré occasionnellement avant Kojève, et dont j'avais pressenti tout de suite que c'était plus important que Kojève, ou du moins que ça m'intéressait bien plus, c'était enfourcher le ballet de sorcière, bien sûr, se laisser emporter, le grand courant d'air, ouvrez la porte, ouvrez, respirez tout cet air...
Et je ne respirais jamais aussi bien cet air qu'en passant par la case "Kojève". Non pas à titre de repoussoir (on est pas masochiste à ce point, on l'est même pas du tout). Un "contrepoint", peut-être, au sens musical. Je goûtais dans Kojève, dans son analyse du désir, du discours, quelque chose qui, tout en m'apparaissant pertinent et juste, me faisait apprécier plus encore une toute autre analyse, une toute autre image de la pensée, de tout autres affects, non pas qui la contredisaient, mais qui n'avaient aucun rapport. Et y avait aucune "synthèse" à opérer entre les deux. Il fallait ce "rapport sans rapport".
Et je me permets de dire que ce "chiasme", cette "tension", ça m'a permis de ne jamais "épouser", comme on se collerait à une vitre, dans une sorte de catéchisme de "mots", de fascination mimétique, rhapsodique (qui est tout le contraire d'une "compréhension") soit un modèle "Kojève", soit un modèle "Deleuze". Je pense qu'il faut apprendre à constamment penser dans du "deux", au moins deux, n'importe quoi qui fasse intensément au moins du "deux", trois, c'est mieux: une mesure impaire. Quatre, c'est bien aussi, mais tentation de la symétrie. Plus, c'est trop, je dirais: on se disperse, on papillonne, on syncrétise, du bout des lèvres, on passe d'un truc à l'autre, et on retient rien, on reste slim, mais on reste fat, aussi.
Donc, constamment apprendre à penser, entre au moins deux intensités fortes, ce fameux "ET" qui n'est pas une synthèse au sens d'une identité, mais disjonction, "synthèse disjonctive". A partir duquel toute une multiplicité pourra se déplier. Mille séries, mondes, plateaux. Un Gilles ET un Felix. Un Gilles ET un Alexandre. Un Martin ET un Alexandre. Un Alexandre ET un Jacques. Un Gilles ET un Jacques ET un Jean-Paul. etc, etc. C'est comme dans les descriptions phénoménologiques de Sartre: y faut bien qu'il y ait un Pierre qui attend un Paul qui n'est jamais là: sans Paul qui n'est pas là, pas de Pierre qui attend, pas de patience pour penser, entre Pierre et Paul.
Y a trop de "deleuziens" qui répètent les concepts de Deleuze, comme des ânes impatients, sans rien y comprendre, et dont il ne faut rien attendre. "A la lettre" (comme il aime à dire), y a aucun processus dans leur "compréhension" des concepts de Deleuze. C'est tout, sauf un processus.
Alors, là, je feuillette... (J'avance pour ainsi dire en terrain "familier" - la familiarité du rhizome, ne craignons pas les oxymores -, car les propositions essentielles, si on peut dire, sont déjà énoncées, annoncées, articulées, dans Dialogues) Fabuleux, énorme, foisonnant, proliférant, génial, enthousiasmant, vachement trop cool, les mots sont impuissants, je sais pas moi... euh, smart.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
L'emploi du temps un roman de Michel Butor qu'on m'a conseillé chaudement.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
je l'ai entendu raconter cette histoire : une dame espagnole d'un certain âge se délecte d'un très bon gâteau mais elle soupire : - dommage que ce ne soit pas un péché !
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
j'écoutais jusque là parfois JB Thoret à Mauvais genres sur france-culture le samedi soir. J'admire son énergie. je découvre ses livres à commencer par celui-ci qui est un commentaire savant du rôle du film de 26 ' tourné par un nommé Zapruder sur l'assassinat de Kennedy. des images qui seront fondatrice d'un cinéma américain de genre. c'est assez passionnant.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
le dernier chapitre est excellent sur les rapports entre les deux images-événements qu'ont connus les Etats-Unis, 63 Dallas et 2001 le WTC avec l'articulation de l'image et de l'événement, le réél est sa fiction.
un reproche la pensée de Thoret s'enroule trop sur elle même, rapidement il devient prévisible.
en revanche c'est parfaitement documenté.
un reproche la pensée de Thoret s'enroule trop sur elle même, rapidement il devient prévisible.
en revanche c'est parfaitement documenté.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
!
Catherine Millot dans son livre Abîmes ordinaires consacre des pages au départ, la "trahison", de Bergman vers l'Italie pour rejoindre Rossellini. Ajouté à son déclassement de rang de star elle devra affronter des tournges dans des contitions pénibles, à commencer par l'éolien Stromboli.
La fin de l'histoire : elle sera séparée de ses enfants. Stop
Catherine Millot dans son livre Abîmes ordinaires consacre des pages au départ, la "trahison", de Bergman vers l'Italie pour rejoindre Rossellini. Ajouté à son déclassement de rang de star elle devra affronter des tournges dans des contitions pénibles, à commencer par l'éolien Stromboli.
La fin de l'histoire : elle sera séparée de ses enfants. Stop
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
j'ai trouvé cette étude universitaire documentée et complète sur le film noir et ses avatars que je garde sous le coude.
jusqu'à présent j'avais négligé les films de genre et ce sont des fenêtres sur des continents de cinéma qui s'ouvrent maintenant à mon plaisir.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Tiens je l'avais su avant de l'oublier, mais savez-vous qu'il y a un vieux conte pour enfant de Hawthorne dont le personnage principal est un Docteur Heidegger (sur un filtre de jouvence, dont l'échec ne mène pas à la mort, mais à la réversiblité de l'effort)?
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
http://www.evene.fr/livres/livre/alexandre-jollien-le-philosophe-nu-43818.php
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Donc j'ai lu récemment le Duel. Honnêtement, je trouvais Nostomo et Au Coeur des Ténèbres intéressants, mais cette nouvelle est admirable.
Exactement, tant historiquement que thématiquement, entre Victor Hugo et Lacan. Elle contient à la fois le spiritualisme historique à la Hugo, mais aussi l’identification que fait la psychanalyse, de la vérité au salut, qui amène le refus de ce spiritualisme, et donc amènent l'idée que les personnages doivent trouver un lien de remplacement à l'historie, qu'ils n’ont pas encore (Conrad une vision moderne du sujet, mais romantique de l'histoire).
Et c'est encore plus riche que cela, plus fort, il y a une analyse de l'époque de Napoléon et de la guerre en terme de classes sociales plus poussée que ce que l'on trouve dans Nostromo, et encore plus.
Je vais essayer "Chien Blanc" de Gary.
Exactement, tant historiquement que thématiquement, entre Victor Hugo et Lacan. Elle contient à la fois le spiritualisme historique à la Hugo, mais aussi l’identification que fait la psychanalyse, de la vérité au salut, qui amène le refus de ce spiritualisme, et donc amènent l'idée que les personnages doivent trouver un lien de remplacement à l'historie, qu'ils n’ont pas encore (Conrad une vision moderne du sujet, mais romantique de l'histoire).
Et c'est encore plus riche que cela, plus fort, il y a une analyse de l'époque de Napoléon et de la guerre en terme de classes sociales plus poussée que ce que l'on trouve dans Nostromo, et encore plus.
Je vais essayer "Chien Blanc" de Gary.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
J'ai eu un proche malade, je croyais le remonter en lui offrant des livres. Je lui ai donc passé "Uranus" de Marcel Aymé. Non que ce livre soit remarquable, même s'il est réussi, mais c'était la seule chose qui pouvait le faire rire.
Avant la guerre Aymé passait presque pour un écrivain anti-fasciste. Dans Uranus, le personnages le moins égratigné est d'ailleurs le communiste, dépeint comme forcément sincère et stupide, le communisme est le point qui permet à la misanthropie d'Aymé et à sa démission politique de croire en leur réversibilité.
Mais bref, il l'a lu et aimé. Le problème quand un malade a fini un bouquin, c'est qu'il faut en trouver un nouveau, en en pesant soigneusement la longueur.
Je me mets donc en quête de "Travelingue", qui est épuisé. Je le trouve dans une boutique du passage Bortier à Bruxelles. Le bouquiniste, portant un gilet et une veste dans une coupe années 30 , me dit suavement, et de manière flagorneuse "je suis heureux que des jeunes gens lisent encore Aymé, je vous laisse ma carte". comme un con je souris, ne dit rien, je comprends l'allusion, il croit en la renaissance de quelque chose, alors que c'est l'anticipation d'un deuil qui me fait acheter ce livre.
Ma mère finit "Travelingue" plus rapidement qu' "Uranus", car son état se détériore et elle est immobilisée. Il me faut trouver un autre livre, qui bien sûr sera choisi plus long, avec un tact maladroit. Si l'on fait abstraction du titre, "La Vie Mode d'Emploi" me semble un bon choix, difficilement épuisable, même si je pense qu'il l'intéressera moins, il ne parle déjà plus de la période de son enfance, mais de la disparition de cette période, de l'histoire qui s'est épuisée dans l'historial, là où est le vrai foyer obéissant à une raison unique. Mais par sa construction, c'est le livre de convalescence idéal.
Je retourne chez le même bouquiniste. Je sais déjà commet il va réagir. Il vend le livre sans dire un mot, avec masque de dégout et de contrariété, comme s'il était contraint à vivre en distribuant des choses vulgaires. Il est lui-même affreusement naïf et peu cultivé, étroit d'esprit mais il a converti cela en ressentiment élitaire, politiquement plus efficace que ma lucidité psychologique sur lui. Il vend tout ce qui dépend de la littérature, sans être la littérature elle-même. Même un bouquiniste de gauche: "revenez la semaine prochaine, la vitrine sera politique, elle vous plaîra".
Un des initiateurs des ultra-catho qui ont manifesté contre les pièces "christophobes" en France l'année dernière n'était pas un religieux, mais un bouquiniste belge, sans doute proche du mien. Le non-dit qui se cache derrière l'intégrisme religieux: le fait de se rattacher à la bourgeoisie par le passé plus que par le présent, ce qui ne permet pas de sortir de la bourgeoisie. La bourgeoise perdue devient le seul horizon d'une restauration politique, qui ne promet en fait rien et se rate intentionnellement dans le fascisme.
Mais quand je lui donnais Uranus elle me parlait d' "Oncle Vania" dont elle se rappelait...le "nous nous reposerons" qui est un espoir dans la mort, que l'on ne perçoit qu'en le mettant à distance, que personne au contraire ne déclenche.
Raconter cela est bien sûr obscène
Avant la guerre Aymé passait presque pour un écrivain anti-fasciste. Dans Uranus, le personnages le moins égratigné est d'ailleurs le communiste, dépeint comme forcément sincère et stupide, le communisme est le point qui permet à la misanthropie d'Aymé et à sa démission politique de croire en leur réversibilité.
Mais bref, il l'a lu et aimé. Le problème quand un malade a fini un bouquin, c'est qu'il faut en trouver un nouveau, en en pesant soigneusement la longueur.
Je me mets donc en quête de "Travelingue", qui est épuisé. Je le trouve dans une boutique du passage Bortier à Bruxelles. Le bouquiniste, portant un gilet et une veste dans une coupe années 30 , me dit suavement, et de manière flagorneuse "je suis heureux que des jeunes gens lisent encore Aymé, je vous laisse ma carte". comme un con je souris, ne dit rien, je comprends l'allusion, il croit en la renaissance de quelque chose, alors que c'est l'anticipation d'un deuil qui me fait acheter ce livre.
Ma mère finit "Travelingue" plus rapidement qu' "Uranus", car son état se détériore et elle est immobilisée. Il me faut trouver un autre livre, qui bien sûr sera choisi plus long, avec un tact maladroit. Si l'on fait abstraction du titre, "La Vie Mode d'Emploi" me semble un bon choix, difficilement épuisable, même si je pense qu'il l'intéressera moins, il ne parle déjà plus de la période de son enfance, mais de la disparition de cette période, de l'histoire qui s'est épuisée dans l'historial, là où est le vrai foyer obéissant à une raison unique. Mais par sa construction, c'est le livre de convalescence idéal.
Je retourne chez le même bouquiniste. Je sais déjà commet il va réagir. Il vend le livre sans dire un mot, avec masque de dégout et de contrariété, comme s'il était contraint à vivre en distribuant des choses vulgaires. Il est lui-même affreusement naïf et peu cultivé, étroit d'esprit mais il a converti cela en ressentiment élitaire, politiquement plus efficace que ma lucidité psychologique sur lui. Il vend tout ce qui dépend de la littérature, sans être la littérature elle-même. Même un bouquiniste de gauche: "revenez la semaine prochaine, la vitrine sera politique, elle vous plaîra".
Un des initiateurs des ultra-catho qui ont manifesté contre les pièces "christophobes" en France l'année dernière n'était pas un religieux, mais un bouquiniste belge, sans doute proche du mien. Le non-dit qui se cache derrière l'intégrisme religieux: le fait de se rattacher à la bourgeoisie par le passé plus que par le présent, ce qui ne permet pas de sortir de la bourgeoisie. La bourgeoise perdue devient le seul horizon d'une restauration politique, qui ne promet en fait rien et se rate intentionnellement dans le fascisme.
Mais quand je lui donnais Uranus elle me parlait d' "Oncle Vania" dont elle se rappelait...le "nous nous reposerons" qui est un espoir dans la mort, que l'on ne perçoit qu'en le mettant à distance, que personne au contraire ne déclenche.
Raconter cela est bien sûr obscène
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
"Chien Blanc" bizarre. Le politiquement foireux (lorsque Gary essaye d'étayer sa posture d’intellectuel désengagée sur une analyse sociologique des luttes pour les droits civiques des Noirs aux USA) alterne avec le pas mal vu (mais principalement quand la récupération de ces luttes est en quetion). Le style est une sorte de Fabre-Luce en version centriste et gonzo. Mais il y a quand-même quelque chose. Gary est à la fois cynique politiquement et tragique lorsqu'il s'agît de morale.
Portraits intéressants de Brando et Serberg par ailleurs...
Je me souviens qu'une prof l'avait fait lire à l'Athénée, je ne sais plus à quel âge.
Portraits intéressants de Brando et Serberg par ailleurs...
Je me souviens qu'une prof l'avait fait lire à l'Athénée, je ne sais plus à quel âge.
Invité- Invité
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