Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
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Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
http://www.franceculture.fr/oeuvre-verdi-wagner-de-timothee-picard
il analyse Django unchained (en partie) à la lumière de cette opposition, germanité/italianité.
il analyse Django unchained (en partie) à la lumière de cette opposition, germanité/italianité.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Ce recours à Tarantino pour renouveler un discours vieux de 150 ans montre que dès lors qu'elle contient des rapports d'oppositions interne, la connerie peut parfaitement être l'enjeu d'une théorie systématique à la fois descriptive et complètement neutre du point de vue axiologique. Elle joue alors pour l'universitaire le rôle joué par le signifiant (et plus particulièrement le totem qui est en fait une sous-catégorie de signifiant, plutôt qu'un système qui le généralise et le relie au réel) chez les peuples décrits par Lévi-Strauss dans "la Pensée Sauvage". C'est assez fascinant et consternant.
Du reste des sondages récents montrent qu'il y a une forte demande pour que le plafond de connerie (ou de cynisme) autorisé soit très sérieusement relevé. Certains partis proposent même de l'indexer automatiquement sur l'inflation, d'autres trouvent que c'est à négocier, ce qui est en effet une idée bien centriste.
Du reste des sondages récents montrent qu'il y a une forte demande pour que le plafond de connerie (ou de cynisme) autorisé soit très sérieusement relevé. Certains partis proposent même de l'indexer automatiquement sur l'inflation, d'autres trouvent que c'est à négocier, ce qui est en effet une idée bien centriste.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
ah bon, tu connais ce bouquin ? Il paraît que la bande son du film joue astucieusement du Verdi et du Wagner ...
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Non j'ai pas lu, j'écrivais des conneries. Par contre j'ai trouvé un vieux recueil de nouvelles de Kleist et lu "les Fiancés de Saint Domingue", qu'il a écrit l'année de sa mort. C'est étonnant, c'est un récit assez dépouillé et neutre d'un malentendu amoureux et d'une métisse coincée entre les deux camps pendant la révolution haïtienne, très différent dans le style et le contenu d'autres oeuvres du romantisme allemand, on dirait du Joseph Conrad en plus froid.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
vient de paraître :
Lacan a été, depuis la fin des années cinquante du dernier siècle, un compagnon essentiel autant que malaisé de mon itinéraire intellectuel. Aussi dans ce Séminaire la controverse est-elle constamment mêlée à la surprise étonnée devant les inventions du maîtres. On chemine comme on peut, dans la broussaille parfois. Mais on rencontre tant de formules décisives ! Celle que je retiendrai parmi tous ces trésors verbaux consiste à dire que l'objectif de la cure est "d'élever l'impuissance à l'impossible". Ce pourrait bien être la définition, par moi cherchée depuis longtemps, et que Lacan avait trouvée de longue date pour un usage tout différent, de ... la philosophie.
Bien sûr on objectera les nécessités de l'édition, mais c'est quand même joli.
Lacan a été, depuis la fin des années cinquante du dernier siècle, un compagnon essentiel autant que malaisé de mon itinéraire intellectuel. Aussi dans ce Séminaire la controverse est-elle constamment mêlée à la surprise étonnée devant les inventions du maîtres. On chemine comme on peut, dans la broussaille parfois. Mais on rencontre tant de formules décisives ! Celle que je retiendrai parmi tous ces trésors verbaux consiste à dire que l'objectif de la cure est "d'élever l'impuissance à l'impossible". Ce pourrait bien être la définition, par moi cherchée depuis longtemps, et que Lacan avait trouvée de longue date pour un usage tout différent, de ... la philosophie.
Bien sûr on objectera les nécessités de l'édition, mais c'est quand même joli.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
_______
Dernière édition par breaker le Mar 5 Nov 2013 - 22:58, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
ça date un peu mais le film m'y a fait penser
http://fiches.lexpress.fr/livre/l-homme-sans-gravite_471723
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Capricci cartonne :
http://www.capricci.fr/oh-brothers-sur-piste-freres-coen-287.html
http://www.capricci.fr/oh-brothers-sur-piste-freres-coen-287.html
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Une conférence de Jappe :Baldanders a écrit:Le livre est cher mais Anselm Jappe est un bon. Quelqu'un connaît ?
http://www.editions-lignes.com/CREDIT-A-MORT.html
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Éloge de la Laideur, par Francis de Miomandre. Précaution oratoire. I. Chez les femmes. II. Chez les hommes. III. Digressions philosophiques. IV. Dans la vie. V. Dans les beaux-arts. VI. Pour finir.
lol
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Baldanders a écrit:Le livre est cher mais Anselm Jappe est un bon. Quelqu'un connaît ?
http://critiquedelavaleur.over-blog.com/2014/01/la-société-marchande-et-le-narcissisme-intervention-d-anselm-jappe-à-france-culture-09-01-14.html[/quote]
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
Trouvé ce soir chez un bouquiniste ce livre que Jean Esptein a écrit à la fin de sa vie.
Ce n'est pas (du moins pas directement) un recueil de critiques, pas un seul nom de cinéaste n'est cité, plutôt une étrange, forte et précise morale phénoménologique et un précis de biologie artificielle du cinéma comme être physique, qui semble assez influencé par la poétique et l'épistémologie/ontologie de Bachelard.
On trouve le texte aussi ici
http://classiques.uqac.ca/classiques/epstein_jean/intelligence_machine/intelligence_machine.html
J'avais lu des bribes d’Epstein (des textes plus vieux, des années 20) dans un recueil de Rancière, je savais que le style serait superbe.
Je colle la première et la dernière page.
Pas besoin de rajouter après coup une caution philosophique en carton, c'est déjà dès le départ que ces enjeux sont connus et critiqués. Nul besoin de sortir "vous savez que Descartes permet de comprendre le cyborg" "le Désert du Réel c'est très platonicien vous savez" car depuis le début ces enjeux étaient compris, critiqués, leurs limites bien décrites, avec beaucoup plus d'ironie qu’aujourd’hui. La rente commerciale et académique que représente le discours philosophique (souvent des plus traditionnels persuadé à tort du décalage de son objet) sur le cinéma se nourrit de l'oubli du travail d'Esptein ou de Fondane
Roues ensorcelées
Parfois un enfant remarque à l'écran
les images d'une voiture qui avance d'un
mouvement régulier, mais dont les roues
tournent par saccades, tantôt dans un
sens, tantôt dans l'autre, ou même, à cer-
tains moments, glissent sans rotation.
Etonné, voire inquiet de ce désordre, le
jeune observateur interroge un adulte
qui, s'il sait et s'il daigne, explique cette
évidente contradiction, tente d'excuser cet
exemple immoral d'anarchie. Le plus sou-
vent, d'ailleurs, le questionneur se con-
tente d'une réponse qu'il ne comprend pas
bien, mais il arrive aussi qu'un philo-
sophe de douze ans garde désormais
quelque méfiance à l'égard d'un spec-
tacle qui donne du monde une peinture
capricieuse et peut-être mensongère.
Manque et nécessité de la douleur
Enfin, on voit un reproche très géné-
ral, qui peut être adressé à toute idéolo-
gie, dans la naissance et le développement
de laquelle un appareillage mécanique
Joue un rôle aussi important que dans le
cas - unique, quant à présent, dans l'his- -
toire de la pensée - dont on s'occupe ici.
Une telle philosophie apparaît plus ou
moins construite en porte-à-faux, dans la:
mesure où elle utilise plus ou moins des
données élaborées mécaniquement, parce.
que celles-ci, encore qu'on puisse en van-
ter la valeur objective, manquent tou-
jours, peu ou prou, de valeur subjective, ..
laquelle est bien plus, sinon seule, néces.
saire et suffisante pour accréditer une
théorie. L'estime accordée à l'objectivité
est, en effet, extrêmement exagérée. Une
science, une philosophie parfaitement ob--
jectives, outre qu'elles sont inconceva-
bles, n'intéresseraient, ne convaincraient;
ne serviraient personne, parce que, hu-
mainement, elles ne signifieraient rien. Ce
que, d'ordinaire, on appelle objectivité, ce-
n'est qu'un degré moyen de subjectivité"
dans l'expérience duquel l'humanité pres-
que tout entière peut communier et s'en-
trecomprendre. Tant que le fonctionne-
ment d'une machine n'émeut pas notre
sensibilité et tant qu'il ne vient pas ainsi
participer à notre vie intérieure, il ne
nous est d'aucun secours pour penser ni
pour croire à ce que nous pensons. Il faut
donc, d'abord, qu'un mécanisme possède
une sensibilité sui generis, qui puisse se
raccorder à la nôtre.
Mais, dans le cas du cinématographe, il
y a non seulement sensibilité particulière
et multiple, mais encore pouvoir très va-
rié de combiner et de transformer les don-
nées de cette sensibilité, d'où résulte une
sorte d'activité psychique, de vie subjec-
tive, qui prépare et, par là-même, orien-
tent le travail intellectuel de l'homme.
Cependant, lorsque l'intelligence opère
sur des données directes de la sensibilité
humaine, l'authenticité de celles-ci se
trouve parfaitement assurée, en dernière
analyse, par un contrôle qui, bien que
subjectif lui aussi, est irrécusable : celui
de la douleur. Penser n'a jamais con-
vaincu que quelques penseurs, de ce qu'ils
existaient réellement (et encore!) mais la
souffrance qui emploie une sensibilité au
maximum, ne permet à personne de dou-
ter de ce qu'il souffre, de ce qu'il est.
Or, les données de la sensibilité méca-
nique ne peuvent recevoir par elles-mê-
mes cette confirmation suprême de l'état
subjectif indéniable que crée la douleur.
Sans doute, une machine grince, chauffe,
peine, s'essouffle, s'enraye, manifestant
ainsi des symptômes qui correspondent
probablement à d'obtus malaises, très va-
gues précurseurs de la souffrance orga-
nique. Ce n'est pas seulement, ni tout à
fait, par une métaphore, qu'on parle de
maladies dont « souffrent » les métaux et
les roches. Sunt lacrymœ reruin. Mais,
ces larmes des choses nous restent trop
lointaines; trop obscures, trop médiate-
ment connues, pour qu'elles puissent con-
férer aux données d'une sensibilité méca-
nique ce degré absolu de certitude, que
l'homme recueille en lui-même de sa pro- '
pre expérience subjective. De là, ce re-
noncement et cette incapacité de toute
philosophie mécanique, et cinématogra-
phique en particulier, quant à l'affirma-
tion et à la connaissance d'une réalité
substantielle. Celle-ci, aucun être ne peut
la rencontrer ailleurs que dans sa propre
passion de vivre. Il manque, à la philoso-
phie mécanisée du . cinématographe, de
pouvoir être, à sa source et sans intermé-
diaire, avalisée par l'indispensable dou-
leur qui réalise la seule objectivité incon-
testable à l'état absolument subjectif.
Ce n'est pas (du moins pas directement) un recueil de critiques, pas un seul nom de cinéaste n'est cité, plutôt une étrange, forte et précise morale phénoménologique et un précis de biologie artificielle du cinéma comme être physique, qui semble assez influencé par la poétique et l'épistémologie/ontologie de Bachelard.
On trouve le texte aussi ici
http://classiques.uqac.ca/classiques/epstein_jean/intelligence_machine/intelligence_machine.html
J'avais lu des bribes d’Epstein (des textes plus vieux, des années 20) dans un recueil de Rancière, je savais que le style serait superbe.
Je colle la première et la dernière page.
Pas besoin de rajouter après coup une caution philosophique en carton, c'est déjà dès le départ que ces enjeux sont connus et critiqués. Nul besoin de sortir "vous savez que Descartes permet de comprendre le cyborg" "le Désert du Réel c'est très platonicien vous savez" car depuis le début ces enjeux étaient compris, critiqués, leurs limites bien décrites, avec beaucoup plus d'ironie qu’aujourd’hui. La rente commerciale et académique que représente le discours philosophique (souvent des plus traditionnels persuadé à tort du décalage de son objet) sur le cinéma se nourrit de l'oubli du travail d'Esptein ou de Fondane
Roues ensorcelées
Parfois un enfant remarque à l'écran
les images d'une voiture qui avance d'un
mouvement régulier, mais dont les roues
tournent par saccades, tantôt dans un
sens, tantôt dans l'autre, ou même, à cer-
tains moments, glissent sans rotation.
Etonné, voire inquiet de ce désordre, le
jeune observateur interroge un adulte
qui, s'il sait et s'il daigne, explique cette
évidente contradiction, tente d'excuser cet
exemple immoral d'anarchie. Le plus sou-
vent, d'ailleurs, le questionneur se con-
tente d'une réponse qu'il ne comprend pas
bien, mais il arrive aussi qu'un philo-
sophe de douze ans garde désormais
quelque méfiance à l'égard d'un spec-
tacle qui donne du monde une peinture
capricieuse et peut-être mensongère.
Manque et nécessité de la douleur
Enfin, on voit un reproche très géné-
ral, qui peut être adressé à toute idéolo-
gie, dans la naissance et le développement
de laquelle un appareillage mécanique
Joue un rôle aussi important que dans le
cas - unique, quant à présent, dans l'his- -
toire de la pensée - dont on s'occupe ici.
Une telle philosophie apparaît plus ou
moins construite en porte-à-faux, dans la:
mesure où elle utilise plus ou moins des
données élaborées mécaniquement, parce.
que celles-ci, encore qu'on puisse en van-
ter la valeur objective, manquent tou-
jours, peu ou prou, de valeur subjective, ..
laquelle est bien plus, sinon seule, néces.
saire et suffisante pour accréditer une
théorie. L'estime accordée à l'objectivité
est, en effet, extrêmement exagérée. Une
science, une philosophie parfaitement ob--
jectives, outre qu'elles sont inconceva-
bles, n'intéresseraient, ne convaincraient;
ne serviraient personne, parce que, hu-
mainement, elles ne signifieraient rien. Ce
que, d'ordinaire, on appelle objectivité, ce-
n'est qu'un degré moyen de subjectivité"
dans l'expérience duquel l'humanité pres-
que tout entière peut communier et s'en-
trecomprendre. Tant que le fonctionne-
ment d'une machine n'émeut pas notre
sensibilité et tant qu'il ne vient pas ainsi
participer à notre vie intérieure, il ne
nous est d'aucun secours pour penser ni
pour croire à ce que nous pensons. Il faut
donc, d'abord, qu'un mécanisme possède
une sensibilité sui generis, qui puisse se
raccorder à la nôtre.
Mais, dans le cas du cinématographe, il
y a non seulement sensibilité particulière
et multiple, mais encore pouvoir très va-
rié de combiner et de transformer les don-
nées de cette sensibilité, d'où résulte une
sorte d'activité psychique, de vie subjec-
tive, qui prépare et, par là-même, orien-
tent le travail intellectuel de l'homme.
Cependant, lorsque l'intelligence opère
sur des données directes de la sensibilité
humaine, l'authenticité de celles-ci se
trouve parfaitement assurée, en dernière
analyse, par un contrôle qui, bien que
subjectif lui aussi, est irrécusable : celui
de la douleur. Penser n'a jamais con-
vaincu que quelques penseurs, de ce qu'ils
existaient réellement (et encore!) mais la
souffrance qui emploie une sensibilité au
maximum, ne permet à personne de dou-
ter de ce qu'il souffre, de ce qu'il est.
Or, les données de la sensibilité méca-
nique ne peuvent recevoir par elles-mê-
mes cette confirmation suprême de l'état
subjectif indéniable que crée la douleur.
Sans doute, une machine grince, chauffe,
peine, s'essouffle, s'enraye, manifestant
ainsi des symptômes qui correspondent
probablement à d'obtus malaises, très va-
gues précurseurs de la souffrance orga-
nique. Ce n'est pas seulement, ni tout à
fait, par une métaphore, qu'on parle de
maladies dont « souffrent » les métaux et
les roches. Sunt lacrymœ reruin. Mais,
ces larmes des choses nous restent trop
lointaines; trop obscures, trop médiate-
ment connues, pour qu'elles puissent con-
férer aux données d'une sensibilité méca-
nique ce degré absolu de certitude, que
l'homme recueille en lui-même de sa pro- '
pre expérience subjective. De là, ce re-
noncement et cette incapacité de toute
philosophie mécanique, et cinématogra-
phique en particulier, quant à l'affirma-
tion et à la connaissance d'une réalité
substantielle. Celle-ci, aucun être ne peut
la rencontrer ailleurs que dans sa propre
passion de vivre. Il manque, à la philoso-
phie mécanisée du . cinématographe, de
pouvoir être, à sa source et sans intermé-
diaire, avalisée par l'indispensable dou-
leur qui réalise la seule objectivité incon-
testable à l'état absolument subjectif.
Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
"Mersault Contre-Enquète" de Kamel Daoud.
Excellent roman, écrit dans une superbe langue, et très riche philosophiquement. il a été surtout défendu en France par le courant de pensée proche de Regis Debray et l'hebdomadaire Marianne, mais le livre n'est pas réductible à une idéologie nationaliste qui dérive parfois vers le poujadisme, le passéisme et l'attente implicite d'une solution politique providentielle.
Le livre convoque autant Nedjma, Thomas Bernard ou Louis-René des Forêt que l'Etranger de Camus, je crois d'ailleurs que Kamel Daoud a dit avoir en tête la Chute plutôt que l'Etranger et cela se sent: le personnage central déploie un message politique et national dont il semble préméditer le sens, mais ce rapport est double et se retourne: ce sens est infiniment vivant, entièrement prémédité, mais plus suspect que les sujets qui l'ont produit en engageant eur souvenirs et leur mort dans cette parole. Il se prête fort commodément au transfert et finit par poursuivre un trouble et une perte qui l'excède: son origine, qui est une conscience plutôt qu'une identité. La politique pour Daoud est au contraire du côté de la précarité irréductible, rongée par la peur de mourir . Il semble qu'en France comme en Algérie ce sont les actes manqués, les deuils confus et les fêlures qui constituent les objets de témoignage historique et sont au fond du consensus national réel mais refoulé. "L'identité nationale", "la culpabiltié post-coloniale", "la déception de l'après libération" sont justement la part de nous que l'on peut fort bien compenser par autre chose: elle obéissent à une logique d'échange sans attente, elles sont à l'origine d'un consensus déjà présenté de façon évidente à tous comme une déconstruction complète des évènements réels, et proposé comme tel. On en retire une vision du monde voulant séparer à tout prix les évènements et leur compréhensions sur deux générations différentes: les commémorations ou les grands récits historiques au mieux dissimulent, au pire nient la capacité critique et la distance que les acteurs historiques et politiques réels avaient déjà sur eux-mêmes. Ils créent des mises en scènes où les coupables et les victimes "ne savaient pas", tous de de la même manière; mais les rapports chronologiques entre les évènements sont pourtant préservés et apparaissent réductible à des phénomènes logiques; appelant des choix qui à force de perdurer ne supposent plus la responsabilité, et où les intérêts correspondent fictivement à la mémoire des protagoniste. Au moins le roman de Daoud met en scène des actes crédibles, qui délimitent (en les enfermant sans les nier) de l'extérieur la mauvaise conscience et l'abandon de la mauvaise foi dans les idéologies, et cela grâce à un paradoxe, en ayant besoin d'un détour où Mersault et le frère de l'Etranger tiennent la place d'êtres réels en train d'écrire le personnage Camus.
J'ai trouvé cette interview intéressante de Kateb Yacine qui introduit un des noeuds du livre https://www.youtube.com/watch?v=EpXExBh7UR0 En fait sur Camus "Mersault Contre-Enquète ne dit pas quelque chose de très différent de ce que disait déjà Yacine, ce qui est assez pardoxal vu que le livre est souvent présenté comme une rupture sur la génération de Yacine. La singularité du livre est surtout dans ce qui est dit une fois ce problème supposé résolu/
Excellent roman, écrit dans une superbe langue, et très riche philosophiquement. il a été surtout défendu en France par le courant de pensée proche de Regis Debray et l'hebdomadaire Marianne, mais le livre n'est pas réductible à une idéologie nationaliste qui dérive parfois vers le poujadisme, le passéisme et l'attente implicite d'une solution politique providentielle.
Le livre convoque autant Nedjma, Thomas Bernard ou Louis-René des Forêt que l'Etranger de Camus, je crois d'ailleurs que Kamel Daoud a dit avoir en tête la Chute plutôt que l'Etranger et cela se sent: le personnage central déploie un message politique et national dont il semble préméditer le sens, mais ce rapport est double et se retourne: ce sens est infiniment vivant, entièrement prémédité, mais plus suspect que les sujets qui l'ont produit en engageant eur souvenirs et leur mort dans cette parole. Il se prête fort commodément au transfert et finit par poursuivre un trouble et une perte qui l'excède: son origine, qui est une conscience plutôt qu'une identité. La politique pour Daoud est au contraire du côté de la précarité irréductible, rongée par la peur de mourir . Il semble qu'en France comme en Algérie ce sont les actes manqués, les deuils confus et les fêlures qui constituent les objets de témoignage historique et sont au fond du consensus national réel mais refoulé. "L'identité nationale", "la culpabiltié post-coloniale", "la déception de l'après libération" sont justement la part de nous que l'on peut fort bien compenser par autre chose: elle obéissent à une logique d'échange sans attente, elles sont à l'origine d'un consensus déjà présenté de façon évidente à tous comme une déconstruction complète des évènements réels, et proposé comme tel. On en retire une vision du monde voulant séparer à tout prix les évènements et leur compréhensions sur deux générations différentes: les commémorations ou les grands récits historiques au mieux dissimulent, au pire nient la capacité critique et la distance que les acteurs historiques et politiques réels avaient déjà sur eux-mêmes. Ils créent des mises en scènes où les coupables et les victimes "ne savaient pas", tous de de la même manière; mais les rapports chronologiques entre les évènements sont pourtant préservés et apparaissent réductible à des phénomènes logiques; appelant des choix qui à force de perdurer ne supposent plus la responsabilité, et où les intérêts correspondent fictivement à la mémoire des protagoniste. Au moins le roman de Daoud met en scène des actes crédibles, qui délimitent (en les enfermant sans les nier) de l'extérieur la mauvaise conscience et l'abandon de la mauvaise foi dans les idéologies, et cela grâce à un paradoxe, en ayant besoin d'un détour où Mersault et le frère de l'Etranger tiennent la place d'êtres réels en train d'écrire le personnage Camus.
J'ai trouvé cette interview intéressante de Kateb Yacine qui introduit un des noeuds du livre https://www.youtube.com/watch?v=EpXExBh7UR0 En fait sur Camus "Mersault Contre-Enquète ne dit pas quelque chose de très différent de ce que disait déjà Yacine, ce qui est assez pardoxal vu que le livre est souvent présenté comme une rupture sur la génération de Yacine. La singularité du livre est surtout dans ce qui est dit une fois ce problème supposé résolu/
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Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
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Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
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Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
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Invité- Invité
Re: Dans quel bouquin êtes vous plongés ?
J'ai parcouru un livre de l’anthropologue français Jean Loup Amselle intitulé "à chacun son Marx" et sous titré les mésaventures de la dialectique; Amselle est assez connu pour avoir consacré une autre de ses livres/pamphlet au phénomène rouge-brun il y a quelques années.
Dans une première partie il explique son parcours intellectuel de Marxiste ainsi que les différents "courants" existant dans la sphère de l'Anthropologie où l'influence du marxisme s'est estompée au cours des années 70.
J'aime assez Amselle pour son désir de re-historiciser les sociétés africaines_ dans son cas puisqu'il a pu les étudier, de les décrire par les échanges extérieures aussi et non en vase clos et de lutter contre un certain primitivisme hérité de Lévi-Strauss.
Dans cette manière de ramener les outils du marxisme au centre des préoccupations de l'anthropologue, il en vient à poser un regard très sévère qui m'a plutôt étonné sur les philosophes de la "french theory" telle que l'appelle les américains en fustigeant leur distance et leur critique du Marxisme. De Foucault à Deleuze auquel il reproche de s'abreuver "aux références anthropologiques les plus primitivistes" , "l'anthropologie la plus figée et déhistoricisée (...) qui a servi à l'énonciation de thèses fondamentalement antimarxistes" en passant par Derrida, Rancière et Badiou dont l'un des dernier ouvrages sur le néolithique lui semble là aussi une manière de chasser le primitivisme par la porte pour le faire ensuite rentrer par la fenêtre.
C'est un ouvrage assez court et dense qui me laisse un peu sur ma faim; y a-t-il un historique des relations mouvementées qui existent entre philosophie et sciences humaines?
L'un des points centraux de critique vis à vis de la philosophie de l'ouvrage semble être la figure d'Heidegger dont il souhaiterait qu'il fut un "critère discriminant de la scission entre l'extrême-gauche et la droite et l’extrême-droite"
Dans une première partie il explique son parcours intellectuel de Marxiste ainsi que les différents "courants" existant dans la sphère de l'Anthropologie où l'influence du marxisme s'est estompée au cours des années 70.
J'aime assez Amselle pour son désir de re-historiciser les sociétés africaines_ dans son cas puisqu'il a pu les étudier, de les décrire par les échanges extérieures aussi et non en vase clos et de lutter contre un certain primitivisme hérité de Lévi-Strauss.
Dans cette manière de ramener les outils du marxisme au centre des préoccupations de l'anthropologue, il en vient à poser un regard très sévère qui m'a plutôt étonné sur les philosophes de la "french theory" telle que l'appelle les américains en fustigeant leur distance et leur critique du Marxisme. De Foucault à Deleuze auquel il reproche de s'abreuver "aux références anthropologiques les plus primitivistes" , "l'anthropologie la plus figée et déhistoricisée (...) qui a servi à l'énonciation de thèses fondamentalement antimarxistes" en passant par Derrida, Rancière et Badiou dont l'un des dernier ouvrages sur le néolithique lui semble là aussi une manière de chasser le primitivisme par la porte pour le faire ensuite rentrer par la fenêtre.
C'est un ouvrage assez court et dense qui me laisse un peu sur ma faim; y a-t-il un historique des relations mouvementées qui existent entre philosophie et sciences humaines?
L'un des points centraux de critique vis à vis de la philosophie de l'ouvrage semble être la figure d'Heidegger dont il souhaiterait qu'il fut un "critère discriminant de la scission entre l'extrême-gauche et la droite et l’extrême-droite"
에르완- Messages : 54
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