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Vol spécial (Fernand Melgar 2011)

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Message par adeline Dim 14 Aoû 2011 - 15:01

Je ne connais aucun des films primé par le jury à Locarno, à part le film de Hansen-Love qui vraiment ne méritait pas un prix. Par contre, j'ai vu un documentaire Vol spécial, de Fernand Melgar, qui était en compétition internationale.

J'ai rarement été autant choquée par un film, c'est-à-dire ébranlée et révoltée.

Le film est en soi très classique, une facture de documentaire non formaté mais qui ne cherche rien d'autre qu'à filmer correctement ce qu'il est venu filmer. C'est le sujet, et la position du réalisateur qui lui donnent une très grande force.

On avait déjà parlé du réalisateur dans Spectres du cinéma, à propos de son précédent film La Forteresse, c'était Rapporto Confidenziale qui nous avait proposé un article dessus (Spectres du cinéma n°3 : http://www.spectresducinema.org/?p=225) Il filmait alors un centre d'hébergement pour demandeurs d'asile.

Cette fois-ci, il filme un centre de rétention pour sans papiers en instance d'expulsion. En Suisse, une votation comme ils disent a autorisé la rétention d'étrangers irréguliers jusqu'à deux ans, dans le but de les expulser.
Le centre est le nec plus ultra du centre d'accueil : chambres individuelles, nourriture à volonté, possibilité de travailler en étant rémunérer, heures de sport, droit de visite des familles. Le personnel, restreint (trois ou quatre surveillants pour environ 25 retenus), est accueillant, amical, attentif, humain au plus haut point. Ça c'est l'image que veut donner ce centre.

Melgar filme là la vie de manière tout à fait classique. Discussion dans une chambre, émouvante, très émouvante visite des familles, un tel qui fait du raga, un tel qui raconte sa vie, le sport, les repas. Il filme aussi les réunions de travail de l'équipe, le directeur, les surveillant, la juge. Il filme dans le centre, il filme depuis l'extérieur du centre. On assiste à deux départs "volontaires". On propose un vol normal au retenu. On lui offre la grande chance (!) de pouvoir partir librement, et d'arriver comme un touriste (sic!) chez lui, dans son pays. Les surveillants, les policiers sont chargés, ô combien humainement, de persuader le retenu qu'il a tout intérêt à partir de son plein gré. Mais il a quand même le droit de refuser au dernier moment.
Puis on assiste à la mise en place de ce que tous attendent sans le dire, et de ce qui plane sur le film depuis la première image : le vol spécial, doux euphémisme pour le départ forcé. C'est là que le film prend un incroyable force car le réalisateur est à LA place qu'il faut pour montrer la perversité de l'équipe du centre, et du système évident, et montrer à quel point ce sont de vrais nazis. La préparation de travail organise tout pour que le départ forcé de cinq des 25 retenus ne déstabilise pas les autres, ne mène pas à la révolte. Autant de policiers qu'il faut, mais pas trop, il ne faut pas les apeurer, ce sont les surveillants, qui passent leur temps à faire ami-ami avec les retenus, qui se chargent de tenir ceux qui restent. Les cinq qui doivent être expulsés (le mot n'est jamais prononcé je crois), sont accueillis dans une pièce vide par le directeur du centre et cinq sbires. Le directeur, dégueulasse, se comporte de manière paternaliste, la main sur la nuque, faisant appel au bon sens, au courage de ceux qu'il expulse. "Je suis désolée, c'est ajourd'hui, hein, tu seras fort et courageux. Mais je suis sûr que tu en retireras du positif, c'est un nouveau départ pour toi, je te fais confiance, on est tous avec toi". Il dit vraiment ce genre d'horreurs.

Melgar a tourné neuf mois dans ce centre, et lors du départ de deux retenus, un "accident" est survenu : un sans papier d'un autre centre, expulsé sur un même vol, a été tué, assassiné, par la police à l'embarquement. Alors Melgar filme le retour des deux retenus qui ne sont finalement pas partis. Le choc atroce pour les vingt sans papiers du centre, et les apitoiement du directeur qui "va écrire pour dire que ça n'est pas possible"… Mais il ne faut pas trop parler, hein, on va faire du sport, le sport c'est toujours bon, ça fait du bien, allez allez…

La narration du film est bien. La montée en tension est très simple et évidente : du moins choquant à l'insoutenable. Mais ce qui est fort, c'est de réussir à tenir les trois positions : filmer au milieu des sans papiers (il filme des discussions sur le centre, sur la situation en Suisse, et montre bien ainsi que personne n'est dupe, qu'ils savent tous à quoi s'en tenir sur la prétendue "amitié" des surveillants et du directeur), filmer au milieu de l'équipe du centre et dans la salle d'audience (il y a une notamment une fille qui est soit procureur soit avocate publique je ne sais pas comment c'est en droit Suisse qui est absolument à vomir, et la juge à ce moment-là est pas mal aussi), et filmer les points de rencontre entre les deux. Ces moments de rencontre qui montrent à chaque fois et de manière de plus en plus violente la perversité du système, et la perversité de chacun des surveillants. Et Melgar arrive à montrer que ce sont des gens, comme vous et moi, mais sans jamais nous faire éprouver pour cette équipe de psychopathes la moindre empathie. Et c'est très fort.

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Message par adeline Mer 17 Aoû 2011 - 11:03

Il y a eu une sorte de polémique autour du film, lors de la remise des prix à la fin du festival de Locarno. Le film avait fait impression pendant le festival, et tout le monde attendait une récompense. Paulo Branco a expliqué pourquoi le film n'en avait aucune, en disant du film que c'est un film fasciste. Un site de Libé relate l'incident :

http://cinoque.blogs.liberation.fr/waintrop/2011/08/vol-sp%C3%A9cial-insult%C3%A9.html

et l'article du Temps qui en parle, :

Le jury du festival a boudé le film de Fernand Melgar Vol spécial. Son président se justifie en le traitant de fasciste. Un contresens absolu.


Fernand Melgar a passé neuf mois dans le centre de détention administrative de Frambois. Il en a ramené un documentaire sur l’expulsion des sans-papiers qui a transporté, bouleversé le Festival de Locarno. Déjouant tous les pronostics, le film n’a rien gagné. Le jury lui a préféré Abrir puertas y ventanas, une œuvre d’une irréprochable innocuité. Ce sont les aléas de toute compétition. Mais Vol spécial a aussi été offensé. Le producteur Paulo Branco, président du jury, l’a taxé de «fasciste».

Contresens absolu, l’invective traduit la myopie du producteur portugais et nous ramène quarante ans en arrière, au temps des procès idéologiques. Le cinéma de Melgar ne juge pas. Il ne départage pas le Bien du Mal. Il capte la vie dans ses élans contradictoires, ménage une place à l’humour même au fond du désespoir, révèle la réalité dans sa complexité, déjoue les préjugés, donne un visage aux exclus de la société, gratte là où la démocratie a mal, fait confiance à l’intelligence du spectateur. C’est un cinéma engagé, mais objectif.

L’anathème lancé par Branco procède d’une dialectique d’extrême gauche que l’on croyait tombée en désuétude. En donnant la parole aux «bourreaux» (les assistant sociaux, les gardiens de Frambois), Melgar se fait le complice des assassins. En faisant rire et pleurer les spectateurs, il recourt à l’émotion pour soulever les foules tel un tribun démagogique. Tenant du documentaire militant, Paulo Branco part du principe qu’il faut éduquer le peuple. Il a «combat» pour mot d’ordre.

Ce dogmatisme soixante-huitard semble grotesque, décalé, anachronique comme un débat sur la moralité du travelling. Par son humanisme exigeant, son sens de la fraternité universelle, Vol spécial ne fait pas de morale, ne donne pas de solution. Il témoigne des durcissements de la Suisse en matière de politique d’asile, mais aussi du fond démocratique de ce pays qui autorise un documentariste à filmer librement. Il montre la violence faite aux sans-papiers, mais aussi l’humanité de ceux qui les gardent. Il fait comprendre aux gens de cœur et de raison que les protocoles d’expulsion définis par l’Office fédéral des migrations portent en eux les germes d’une dérive totalitaire. Fernand Melgar rejoint Dürrenmatt quand il lançait que la Suisse est une prison et chaque Suisse son propre geôlier. Une proposition provocante, à méditer encore et toujours.
Antoine Duplan


Paulo Branco n'est pas n'importe qui, et je n'aime pas la manière dont les gens qui prennent la défense du film parle de Branco et du film. Mais je ne suis pas d'accord avec lui, évidemment, jamais en regardant le film je ne me suis dit que c'était un film mou, ou pas engagé, ou "fasciste".

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Message par wootsuibrick Mer 17 Aoû 2011 - 11:28

adeline a écrit:
Il y a eu une sorte de polémique autour du film, lors de la remise des prix à la fin du festival de Locarno. Le film avait fait impression pendant le festival, et tout le monde attendait une récompense. Paulo Branco a expliqué pourquoi le film n'en avait aucune, en disant du film que c'est un film fasciste. Un site de Libé relate l'incident :

ça me fait penser à ce qu'on dit de la réception critique de Starship Troopers à sa sortie aux états unis.
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Message par Borges Mer 17 Aoû 2011 - 12:13

Contresens absolu, l’invective traduit la myopie du producteur portugais et nous ramène quarante ans en arrière, au temps des procès idéologiques. Le cinéma de Melgar ne juge pas. Il ne départage pas le Bien du Mal. Il capte la vie dans ses élans contradictoires, ménage une place à l’humour même au fond du désespoir, révèle la réalité dans sa complexité, déjoue les préjugés, donne un visage aux exclus de la société, gratte là où la démocratie a mal, fait confiance à l’intelligence du spectateur. C’est un cinéma engagé, mais objectif

pas vu le film, mais ça par contre, c'est bien de notre époque ; ça rappelle les arguments de vente d'"une séparation" : "le film ne juge personne...blablabla"; cela semble le sommet de la morale, de la position politique; les choses sont bien compliquées blablabla; je trouve ça assez puant; c'est quoi cette histoire de " fraternité universelle"? Que nous sommes les frères des victimes et des bourreaux, du nazi et du juif, de l'esclave et de l'esclavagiste, du flic suisse et du sans-papier, du soldat syrien et du révolutionnaire syrien, c'est possible, c'est évident, mais sur le plan des faits, de la fameuse "nature humaine", ambivalente et tout ça, dont on n'a rien à faire, il faut se dégager de ça, et se situer sur le plan de la pensée, de la vérité, de la décision, et là, il ne faut pas alors parler de "fraternité universelle", mais de "la honte d'être homme"...la honte de se reconnaître dans ces suisses... la honte de lire que trente pour cent des anglais étaient favorables à l'usage de balles réelles contre les "émeutiers"...comme disait le bon vieux sartre, il faut choisir, avoir un ennemi... un point réel...

(mais je veux pas me répéter)





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Message par Borges Mer 17 Aoû 2011 - 13:57

Fernand Melgar, Qu’est-ce qui vous pousse à dénoncer inlassablement le statut de l’étranger ?

Ma propre histoire sans aucun doute. Je suis fils d’immigrés et j’ai moi-même baigné dans le syndicalisme et l’anarchisme. Enfant dans les années 70, j’ai pu goûter à l’atmosphère des initiatives Schwarzenbach. Lorsque j’avais 8 ans, on nous lançait des pierres dans la banlieue lausannoise où j’ai grandi. Plus tard dans les années 90, j’ai vu l’UDC monter en flèche, manipuler et mentir. Et les autres partis suivre cette politique. Le suivisme politique est terrifiant. Je suis un témoin de ce temps là.


« Vol spécial » suit la fin de parcours de réfugiés en Suisse. Qu’avez- vous voulu montrer ?


Il s’agissait de montrer la vie dans un huis clos carcéral. D’un côté des hommes en bout de procédure, vaincus par la peur et le stress. De l’autre des gardiens plein d’humanité, de doutes parfois. Ce qui se passe entre eux est une relation intense. Il n’y a ni bons ni méchants. Juste des victimes d’un système devenu absurde.


http://www.lesquotidiennes.com/culture/fernand-melgar-plonge-sa-cam%C3%A9ra-aux-confins-de-l%E2%80%99immigration.html

ça donne un peu raison à Paulo Branco, même si un film fonctionne toujours au-delà du vouloir-dire ou montrer de son "auteur"...

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Message par Borges Mer 17 Aoû 2011 - 14:17

"Vol spécial": Fernand Melgar répond aux critiques
A Locarno, le président du jury de la compétition, Paulo Branco, a, lors de la conférence de presse de clôture, très durement attaqué le film "Vol spécial" du réalisateur suisse Fernand Melgar. Ce documentaire, tourné au centre de Frambois à Genève, traite du retour forcé des requérants d'asile déboutés. L'interview de Fernand Melgar.

assez triste le passage où il tente de montrer qu'il est un bon suisse, un bon patriote, malgré ses origines "espagnoles"... ici comme ailleurs, seuls les "nationaux de souche" ont le droit de critiquer... on pense à "la polémique" autour de la candidate des verts... le mec sans le remarquer a intégré le slogan "la suisse tu l'aimes ou tu la quittes"...
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Message par Largo Mer 17 Aoû 2011 - 16:03

Branco doit publier une tribune dans Libé pour revenir sur cette histoire apparemment...

Par ailleurs la citation exact serait : "le film participe du fascisme ordinaire qu'il entendait dénoncer (lu sur le facebook de son fils Juan Paulo)

Et je n'aime pas trop non plus cette manière de caricaturer PB en vieux 68ard...
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Message par Invité Jeu 18 Aoû 2011 - 9:19

Bonjour,

Quelques jours avant ces déclarations de Branco à Locarno, bu9zi signalait à cette adresse : scienezma.com/forum/viewtopic.php?f=3&t=6#p58 un entretien dans le Télérama de début Août dans lequel le producteur reprochait à la cinéphilie actuelle d'être trop dogmatique (quels dogmes ?).

Dans le lien que j'ai mis ensuite, les propos de Branco qui sont rapportés sont sans équivoque : le film est fasciste et le cinéaste évidemment tenu pour responsable.

«C’est un film qui se sert d’un prétexte inadmissible en Suisse (ndlr: l’immigration). Mais qui en même temps ne confronte jamais les bourreaux, qui sont quand même ceux qui font exécuter ça. Et qui amènent à la mort de quelqu’un. Ce que je trouve intenable. Je responsabilise complètement le metteur en scène d’avoir fait un film fasciste.»


(ce forum est de plus en plus fliqué, il est maintenant interdit de poster des liens avant 7 jours d'enregistrement. Heureusement que la plupart de ses administrateurs se targuent d'être de grands démocrates. Faudra quand même un jour ou l'autre vous poser quelques questions, non?)

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Message par Largo Jeu 18 Aoû 2011 - 10:34

Impossible de poster des liens avant 7 jours? C'est nouveau ça. Sans doute une protection automatique contre le spam... Forum fliqué? T'en as pas marre de soliloquer contre des moulins a vent toi ? Non mais franchement.
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Message par Invité Jeu 18 Aoû 2011 - 10:39

Largo a écrit:Impossible de poster des liens avant 7 jours? C'est nouveau ça. Sans doute une protection automatique contre le spam... Forum fliqué? T'en as pas marre de soliloquer contre des moulins a vent toi ? Non mais franchement.

c'est pourtant la vérité, et ce n'était pas le cas il y a pas plus tard que quelques semaines lorsque j'ai publié un message à propos du forum de scienezma avec un autre compte que je venais d'ouvrir, ne t'en déplaise.

Forum fliqué ? Oui, clairement, mais rassure toi vous ne constituez pas une exception en la matière. Mais rassure toi, je t'informe. Tu as l'air rassuré d'ailleurs, au ton de ta réponse.

Les moulins à vent, c'est le public de votre forum ? Gentil pour eux...

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Message par Largo Jeu 18 Aoû 2011 - 10:44

Tu crois qu'on a changé nous-mêmes des paramètres ? Le blocage s'est peut-être mis sur ton adresse IP, contre les spams, puisque tu recrées sans cesse de nouveaux comptes pour balancer tes liens, j'en sais rien.

Les moulins à vent, ce sont ceux de la censure et des flics que tu fantasmes. Bats-toi plutôt pour la liberté d'expression en Chine, tu sauras au moins quels ennemis tu combats.
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Message par Invité Jeu 18 Aoû 2011 - 10:59

Largo a écrit:Tu crois qu'on a changé nous-mêmes des paramètres ? Le blocage s'est peut-être mis sur ton adresse IP, contre les spams, puisque tu recrées sans cesse de nouveaux comptes pour balancer tes liens, j'en sais rien.

Les moulins à vent, ce sont ceux de la censure et des flics que tu fantasmes. Bats-toi plutôt pour la liberté d'expression en Chine, tu sauras au moins quels ennemis tu combats.

C'est tout à fait possible que forumactif soit responsable de cela (même si j'ai le droit de douter), il n'empêche qu'il s'agit d'un flicage supplémentaire imposé aux nouveaux inscrits. Il semble que tu aies un problème avec qui poste des liens, tu n'en es pourtant pas avare. Tu sembles aussi avoir un problème avec qui recrée sans cesse de nouveaux comptes (ce qui n'est pas mon cas soit dit en passant). Honnêtement ta réponse ne m'encourage pas à penser que tu considères comme un désagrément ce que je pointe du doigt, sous prétexte que certains bafoueraient tes règles qui ne sont pas, jusqu'à preuve du contraire, celles officielles du forum (ne pas "balancer" des liens et ne pas recréer sans cesse de nouveaux comptes).

La fin du post m'évitera d'aller lire le blog de Toubiana pour aujourd'hui...

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Message par Eyquem Jeu 18 Aoû 2011 - 11:15

salut Jm, si c'est bien toi
C'est tout à fait possible que forumactif soit responsable de cela (même si j'ai le droit de douter)
tu es le premier à signaler ce problème. Je vais regarder dans le moteur si je vois quelque chose.

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Message par Largo Jeu 18 Aoû 2011 - 11:19

Je n'ai pas de "règles", tu postes tous les liens que tu veux, je m'en tamponne le coquillard.

Je ne comprends (ou ne supporte) pas ton attitude à notre égard, cette manière de te draper dans je ne sais quelle forme de liberté d'expression qu'on bafouerait sciemment, ça me dépasse.

Je me souviens d'une époque où tu discutais de cinéma avec nous, époque que tu as effacé sans vergogne de A à Z et quand je lis ce genre de remarques vindicatives et kafkaïennes (on persécute les nouveaux arrivants, on mets des barrières, on joue les préfets de campagne virtuelle, c'est ça ?), au final, je trouve ça juste très triste.

Avant tu discutais avec nous en ami, aujourd'hui en syndicaliste d'un peuple de forumeur qui est moins virtuel que fantasmé.
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Message par Eyquem Jeu 18 Aoû 2011 - 11:21

Quoi qu'il en soit,

il y avait effectivement une interdiction, que j'ai levée.
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Message par adeline Sam 20 Aoû 2011 - 10:37

L'entretien dont il est question plus haut sur le site de Télérama :

http://www.telerama.fr/cinema/le-producteur-paulo-branco-les-cineastes-sont-dix-fois-plus-mechants-que-n-importe-qui,71328.php

Normalement, Libération devrait publier lundi une tribune de Branco, et mardi une réponse de F. Melgar.

J'ai écouté l'interview radio de Melgar, c'est assez triste en effet. Cette manière de se montrer "démocrate", "moi je suis démocrate, je donne la parole à tout le monde". Et surtout, dire des idioties comme "je montre une réalité". On dirait un journaliste qui n'a jamais pensé que toute réalité est construite dès lors qu'elle est perçue par l'un ou l'autre…
Et comme il dit "l'idéologie soixante-huitarde, que je respecter énormément, qui voyait tout en noir et blanc. Mais je la respecte. Mais elle ne faisait que de la propagande…".

Ceci dit, le film est à mon avis plus intelligent que ces propos. En tous cas, il me semble que le film tient un point de vu plus ferme que celui de son auteur.

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Message par Eyquem Dim 21 Aoû 2011 - 15:57

Adeline a écrit:Le directeur, dégueulasse, se comporte de manière paternaliste, la main sur la nuque, faisant appel au bon sens, au courage de ceux qu'il expulse. "Je suis désolée, c'est ajourd'hui, hein, tu seras fort et courageux. Mais je suis sûr que tu en retireras du positif, c'est un nouveau départ pour toi, je te fais confiance, on est tous avec toi". Il dit vraiment ce genre d'horreurs.
On voit certaines des scènes dont tu parles dans la bande-annonce :


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Message par Largo Lun 22 Aoû 2011 - 16:43

Donc...

Tribune | 22 août 2011
«Vol spécial», un documentaire qui met le feu au lac
Par Paulo Branco Producteur indépendant, président du jury 2011 du festival du film de Locarno

Je persiste et signe dans mon indignation et ma révolte contre le documentaire Vol spécial de Fernand Melgar (1), qui montre «de l’intérieur» un centre de rétention administrative suisse. Comment ne pas l’être lorsque, sous prétexte de dénoncer une loi abominable, le réalisateur ne cesse d’adopter le point de vue de ces simples «exécutants», ces «gardiens humanistes» que l’on entend à longueur de film répéter leurs bonnes intentions et qui ne seraient que les victimes collatérales d’un système sur lequel on ne leur demandera jamais leur avis ? Un point de vue dont le réalisateur se fait le complice permanent, au point de filmer leurs réunions et prendre connaissance d’informations vitales, qui ont eu pour conséquence la mort de plusieurs hommes, et qu’il ne transmettra pas aux détenus pour mieux «saisir» leurs réactions, filmées dans leur plus profonde et abjecte intimité.

Est-ce cela, filmer à la distance juste, alors qu’il faut attendre la fin du film pour apprendre que l’un des détenus a trouvé la mort, étouffé après avoir été embarqué par des policiers dont on aura pris soin de préserver, pour eux oui, l’anonymat ? Est-ce chercher la distance juste que de rendre un hommage et de faire applaudir le directeur du centre de rétention par 3 000 spectateurs lors de la présentation du film, sans qu’une parole ne soit prononcée en la mémoire de l’homme décédé, sans qu’aucun regret ne soit exprimé ?

Est-ce encore la distance juste que de se permettre de filmer ces réfugiés dont on sait le sort sans le partager, en gros plans, lors de rares réunions familiales, ou dans leur cellule, cherchant leurs larmes, tandis que les gardiens ne sont filmés que dans leur sympathie désincarnée, dans cet environnement si neutre qu’est le centre de rétention de Frambois, sorte de prison cinq étoiles pour touristes égarés ? La distance juste n’aurait-elle pas été plutôt trouvée par le questionnement de leur participation à un système mortel dont on ne saura rien sinon la vision, forcément «personnelle», des réfugiés, et celle, forcément «objective» et confortablement impuissante, du directeur ?

N’y a-t-il rien qui gêne lorsqu’on parle de «radicalisme», cher Philippe Azoury, à l’heure de dénoncer la complaisance vis-à-vis de ce fascisme ordinaire, dans cette bienveillante neutralité vis-à-vis de ces bons citoyens que l’on devrait admirer parce qu’ils participent au système, certes, mais avec douceur et gentillesse ? N’y a-t-il rien qui gêne Libération dans cette évidente absence de pudeur à deux vitesses, dans l’héroïsation de complices actifs et de premier ordre de cette abomination censément dénoncée ?

Entre Pennebaker et ce cinéaste franco-suisse, Jean-Luc Godard, que vous n’avez pas même le courage de nommer dans votre billet d’humeur, Edouard Waintrop, j’ai, il y a longtemps de ça, fait le choix d’un certain cinéma, celui qui refuse la pâmoison devant les «images justes». C’est pourquoi je n’ai cessé d’appuyer les œuvres d’un autre réalisateur suisse, Alain Tanner, qui, il y a dix ans, traitait exactement du même sujet dans la Femme de Rose Hill. Une fiction qui n’avait pas l’hypocrisie de distinguer le «système» de son principal pilier, ces exécutants zélés et collaborationnistes auxquels Fernand Melgar a rendu hommage avec la complicité du festival de Locarno, après avoir montré le processus de mise à mort auquel ils continuent à participer. Tout en douceur.

(1) Lire Philippe Azoury, «Libération» du 16 août et le blog d’Edouard Waintrop, Cinoque, sur liberation.fr.

Réponse de Waintrop :

Tribune | 22 août 2011
Il faut faire confiance au réel
Par EDOUARD WAINTROP Délégué général de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes

Cher Paulo Branco, Nous avons à la fois vu le même film et nous en avons tiré des enseignements très différents. Oui Fernand Melgar descend dans l’enfer aux côtés des gardiens, avec comme une majorité du public, une sorte d’a priori en faveur de ces gardiens qui semblent si humains. Trop humains, dirait l’autre. Vous parlez à leur propos avec justesse de «sympathie désincarnée» mais c’est bien ce que le réalisateur a montré et ce que le spectateur ressent… D’abord la caméra reste auprès des enfermés, des promis à l’expulsion, plus longtemps qu’auprès des puissances invitantes. Ensuite, les oreilles de l’équipe, leurs micros, écoutent leurs sentiments, qui deviennent vite des revendications et des conceptions du monde, avec plus d’attention. Très vite, le discours des premiers personnages, les employés «humanistes», comme vous les appelez (et comme je les qualifierais également avec guillemets) paraît stéréotypé, vide de sens, et ceci quoi qu’ils en pensent, alors que celui des seconds, les condamnés au départ forcé, au vol spécial, prend une singularité et une profondeur convaincantes. A la fin, il est difficile de ne pas être bouleversé par leur sort, comme de ne pas être révolté par la dernière séquence pendant laquelle, après la mort d’un de ces proscrits, l’un des gardiens les «plus à l’écoute» reprend sa besogne comme si rien ne s’était passé.

Fernand Melgar n’a pas embouché une trompette pour clamer sa douleur ou pour se situer. Il est le représentant d’un documentaire que je dirais pragmatique et démocratique, qui écoute l’avis des «bourreaux» comme celui des victimes (pour reprendre une plaisanterie de Jean-Luc Godard), parce qu’il a confiance dans le réel et pense que le spectateur saura trier le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire trouver inacceptable ce que vous trouvez (et ce que je trouve également) abominable. Il fait à la fois confiance au réel (ce qui est indispensable quand on est documentariste) et au cinéma. Pensant que l’inouï viendra peu à peu rencontrer la subjectivité du spectateur. Est-il trop optimiste ? Peut-être. En tout cas, ce que vous avez ressenti à Locarno vous pousse à affirmer qu’il se trompe. Ce que j’ai vu moi, qui ai senti le film passer d’un bord à l’autre du spectre, du côté des gardiens à celui des enfermés promis à l’expulsion… me pousse à penser le contraire. Cela recoupe un vieux débat.

Il y a une quinzaine d’années, à Beaubourg, une discussion vive avait opposé sur ce sujet Albert Maysles et Robert Kramer, deux Américains dont le premier pensait que l’important était avant tout de savoir placer la caméra pour capter le réel, alors que le second expliquait, à la manière des philosophes contemporains, que ledit réel était construction et déconstruction. Quoi que l’on pense de ce débat éthique et métaphysique, les tenants des deux camps ont réalisé des films étonnants et dénonciateurs. Le premier signant Salesman et Gimme Shelter, le second filmant l’étonnant Notre nazi et, encore plus loin du documentaire classique, Route One USA et Milestones. Même si a priori la caméra de Maysles n’était pas dénonciatrice, il ne serait pas venu à l’idée de Kramer de la qualifier de collaborationniste. Ni a fortiori de fasciste. C’eût été absurde. Alors que la discussion sur ce qu’est le point de vue au cinéma ne l’est pas et mérite d’autres qualificatifs.

J’espère cher Paulo Branco que nous pourrons bientôt continuer cette discussion sans invective ni monter sur nos grands chevaux… Amicalement.

Tribune | 22 août 2011
Comment filmer un centre de rétention
Par PHILIPPE AZOURY Journaliste à Libération

«Je suis content de te voir libre, tu le mérites, tu es quelqu’un de bien, Serge.» Michel, le gardien, est si bon qu’on en oublierait presque qu’il est venu ici pour annoncer à Serge qu’il part dans le prochain vol à destination de Kinshasa, capitale d’une république démocratique du Congo que Serge avait fui, espérant trouver asile politique en Suisse. Libre ? Michel entend sûrement par là libre du centre de détention de Frambois, en Suisse, non loin de Genève. Libre de dégager et de retourner là où il ne voulait plus jamais aller. Et puisque ce type de rhétorique folle durera une heure et demie, on dira que Michel est un cas étrange de chic type. Sa voix est douce et attentionnée. Pour autant, on ne sait rien de ce qu’il en pense. On sait qu’il ne sait plus qui il doit être : un gardien de prison où des innocents purgent des courtes peines ? Un travailleur social aidant à l’intégration des demandeurs d’asile ? Dans sa dialectique, Michel a oublié qu’il accompagne des sans-papiers durant leur période de détention avant que l’administration ne décide de leur expulsion vers leur territoire d’origine : Niger, Kosovo, etc. Michel refuse de dire «détenus», il préfère «pensionnaires». Par volonté humaniste. Mais aussi pour mieux se voiler la face. Ne pas s’avouer qu’il reste un maillon d’une chaîne qui brise des vies, expulse des gens qui ont en Suisse une famille, un travail, paient des taxes, les renvoie là où il n’y a plus d’espoir. «Dans la dignité, dans le respect, dans le calme», dira plus loin le directeur de Frambois. On croirait entendre Jean-Louis Debré, un funeste 23 août 1996, vidant à la hache l’église Saint-Bernard de ses sans-papiers.

On entend tellement tout et son contraire à l’intérieur du Vol spécial de Fernand Melgar qu’il est difficile de ne pas se sentir aspiré par la logique du cinéaste. Lequel a voulu filmer les détenus et les gardiens à valeur égale, suivant une certaine transparence. Pourtant, le film diffuse un malaise. Dans ce qu’il montre (c’est son but), et dans la façon dont il le montre (c’est son échec). «Fasciste», l’adjectif proféré par Paulo Branco, pour le qualifier n’est pas le mieux choisi. Naïf et empêtré dans sa propre erreur, dirons-nous plutôt. Persuadés par là que Melgar, documentariste de gauche, est tombé tout seul dans le piège que lui tendait son propre dispositif. Que visait-il, d’ailleurs ? Montrer le quotidien des pensionnaires de Frambois et de leurs gardiens ? Dénoncer comment la Suisse expulse ? On ne saurait le dire, la visée de Melgar devenant de plus en plus floue au fur et à mesure de son déroulé. Filmer Frambois de l’intérieur est une chose, mais il fallait savoir montrer combien Frambois n’est que le nom d’un écheveau autrement plus complexe. Frambois, c’est ce moment où le pouvoir ne s’exerce pas encore tout à fait, où les êtres humains sont mis en attente - l’anesthésie avant l’opération.

A la place, Melgar fonde son immersion dans Frambois sur une sorte de jeu présupposé démocratique où chacun a droit à un temps de parole équivalent. Lequel débouche sur un discours biaisé. Qui passe par un chemin tout en séduction : je te donne ma position (de demandeur d’asile), je te réponds en te disant que tu vas pouvoir tirer «des choses positives» de cette expulsion. Je te montre comment j’ai de la compassion pour toi et, en partant pour l’aéroport, tu me serreras dans tes bras. «La raison du plus fort est toujours la meilleure», dira un des détenus, résigné, au moment de se faire expulser. Voilà dans le détail la matière de l’échange dans lequel s’enlise le film.

A l’intérieur de cette forteresse soudain devenue transparente, le spectateur tranchera, aura l’intelligence d’y voir clair, dit Melgar (et Edouard Waintrop après lui). Pourquoi pas, en effet ? Bien qu’on ait compris quelle stratégie de séduction est ici mise en œuvre par l’administration, et bien qu’il soit toujours intéressant de voir une telle stratégie se dire, le spectateur, et surtout le spectateur de gauche, sent monter une colère. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le dispositif mis en place par Melgar ? Son exposition dialectique ne prend pas parce qu’un tel dialogue ne vaut rien dès lors que l’un des deux intervenants se ment en permanence à lui-même, et par conséquence ment à la caméra. Et que sur la durée (qui travaille contre les intentions de Melgar, car elle finit par inscrire des choses), le film n’aboutit jamais que sur le spectacle d’une administration prise uniquement en flagrant délit d’exquise délicatesse. Et le film de ne rien dire des deux détenus qui, à Frambois, ont tenté de se suicider fin septembre 2008 ? Ni de la vingtaine de pensionnaires qui s’y sont mutinés en octobre 2010 ? Il préfère montrer à la place un gentil gardien s’adressant poliment à un gentil pensionnaire. Une vision Bisounours des rapports de force. Où toute violence est immédiatement amortie. Le dispositif «transparent», «démocrate» de Melgar ne pouvant produire que cela. Ce n’est pas un hasard si celui des jurés du festival de Locarno qui s’est emporté le plus la semaine passée contre ce film soit producteur. Branco sait bien quel jeu de dupe se met en place dès que l’on demande des autorisations de filmer dans des endroits clôturés. Il sait que si Frambois a laissé Melgar filmer comme il l’entendait, c’est parce que l’administration avait tout à y gagner en matière d’image, saisissant l’occasion de retourner un docu de gauche en une publicité pour ses méthodes humanistes. Frambois ne travaille qu’à ça : à être un coussin mou par lequel on endort une dernière fois les sans-papiers avant reconduite à la frontière. Or, voilà : l’un des passagers du vol Zurich-Kinshasa mourra, étouffé dans l’avion tant ses sangles avaient été serrées trop fort par les policiers zurichois. On l’apprend à la fin du film, par un extrait du journal de 20 Heures de la Radio télévision suisse. Soit via une autre source d’image. Une source extérieure. A l’intérieur de Frambois, Melgar n’avait rien vu venir. Cette mort, dit Melgar, éclaire le film. Cette mort, dit Branco, rend au contraire le film encore plus insupportable. Elle est, de fait, la démonstration de son échec. La question théorique que soulève la dispute autour de ce film, ce n’est pas de savoir si on doit filmer l’ennemi (oui, et plutôt deux fois qu’une) ; mais que gagne-t-on à vouloir jouer un jeu démocratique lorsqu’il s’agit de décrire une mécanique inhumaine, antidémocratique ?

A la fac autrefois, on nous apprenait à lire les génériques, où l’inconscient du film - ce qu’Althusser appelait les appareils idéologiques d’Etat - montrait souvent son vrai visage. Que lit-on au générique de Vol spécial : qu’il est coproduit par la Radio télévision suisse (ça ne l’entache en rien, mais il est juste que ça soit à un moment dit). On lit surtout que les détenus ne sont désignés au générique que par leurs seuls prénoms. Cette absence de nom les nie. Sans papiers, ils sont devenus ici des sans-nom ! En revanche, le personnel de Frambois, les flics, la juge, l’avocat, tous ont droit à avoir l’intégrité de leur nom. Enfin, il y a cette dernière phrase : «Retrouvez les expulsés sur www.volspecial.ch». Expulsés de fait, leur destin renvoie désormais à des formules de télé-réalité, et à ses tribunaux populaires. Si tu veux que Serge reste en Suisse, tape un. Si tu veux que Serge se fasse expulser vers le Congo, tape deux.
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Message par Largo Jeu 25 Aoû 2011 - 8:57

Tribune | 23 août 2011
Cher Paulo Branco
Par FERNAND MELGAR Cinéaste, auteur de Vol spécial, en salles en France au printemps 2012.

Ainsi, je suis «fasciste», le film Vol spécial est «obscène» et les malheureux spectateurs sont des collabos (1). L’énormité de l’accusation, venant d’un homme qui a fui la dictature de Salazar, laisse tout d’abord éberlué. Il est vrai que selon le même Paulo Branco, président du jury international, Olivier Père, directeur du festival de Locarno, s’est déshonoré en sélectionnant ce film, Edouard Waintrop est un lâche, Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse ne sait pas de quoi il parle, etc. : tous ceux qui ne partagent pas la hargne du maître se voient disqualifiés par lui. Une arrogance hallucinante qui renvoie aux mots de Freddy Buache dénonçant en son temps «l’arrogance fasciste» de la Nouvelle Vague et de Godard en particulier. Mais le temps a passé et nous ne sommes plus dans les années 60. Cinquante ans plus tard, il y a belle lurette que le cher Freddy a changé d’époque et de manière.



Il est difficile de discuter sérieusement avec quelqu’un qui accumule à ce point, outre l’insulte, les erreurs, les approximations et les contre-vérités : «Ce documentaire témoigne de la mort d’un immigré durant un vol spécial sans que le réalisateur ne censure a posteriori les images tournées avant son décès.» (2) Une affirmation absurde : le Nigérian décédé à l’aéroport de Zurich lors de la préparation d’un vol spécial n’apparaît à aucun moment dans le film, pour la simple raison qu’il n’a jamais séjourné au centre de rétention de Frambois et que j’ignorais avant le drame jusqu’à son existence. Dans mon film, sa mort est commentée le lendemain par les détenus et le directeur. Sur plus de 3 000 spectateurs qui ont ovationné le film à Locarno, Branco semble être le seul à nager dans cette confusion totale.

Allons pourtant à l’essentiel : «Le réalisateur filme les réunions (des surveillants) et prend connaissance d’informations vitales qui ont pour conséquence la mort de plusieurs hommes» (d’où tient-il cette histoire invraisemblable de plusieurs morts ?). Le réalisateur «ne transmettra pas ces informations aux détenus pour mieux "saisir" leurs réactions, filmées dans leur plus profonde et abjecte intimité». Je suis donc complice des «bourreaux» et coresponsable de la mort d’un homme.

Il est parfaitement exact que nous assistions aux réunions de travail des surveillants, et que nous savions donc qui allait être expulsé et quand. Mais j’avais clairement expliqué aux détenus que je connaîtrais avant eux le moment de leur expulsion. Réponse unanime : «De toute façon, c’est foutu pour nous. Ce qui compte, c’est qu’on ne nous oublie pas, qu’on sache ce qui se passe.» Et ils nous ont demandé d’être là, jusqu’au bout, si possible jusqu’à l’entravement, parce qu’ils avaient peur et que nous étions les seuls témoins.

M. Branco est outré parce que j’ai fait monter sur scène le directeur de Frambois, au même titre qu’un ancien détenu, sans que ce premier ait été amené à se justifier. Après la projection du film, il y a eu une rencontre d’une heure avec le public. La première question d’un spectateur a été pour le directeur de Frambois : «Comment pouvez-vous vous regarder dans la glace le matin ?» Il a répondu : «Je fais juste le sale boulot que vous m’avez demandé de faire. Et j’essaie de le faire le mieux possible.» Le directeur faisait allusion à la Loi fédérale sur les mesures de contrainte, qui permet d’incarcérer jusqu’à dix-huit mois toute personne dès l’âge de 16 ans résidant illégalement sur le territoire suisse. Cette loi a été acceptée en votation populaire en 1994 à une majorité de 72,9% des votants.

Malgré la solidité de ce consensus national anti-immigrés, la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, faisait partie du public de Locarno. Bouleversée par le film, la première citoyenne du pays a fait une déclaration (3) le lendemain au journal télévisé pour dénoncer l’horreur des vols spéciaux. Pas mal pour un film exaltant le travail des bourreaux ordinaires ! Ajoutons tout de même, pour faire bonne mesure, qu’aucun pays européen n’a jamais ouvert les portes d’un centre de rétention à un documentariste. La Suisse a cette étonnante franchise. C’est pourquoi je peux y faire mes films. C’est un des aspects étonnants de ce pays : on peut remettre en cause les institutions et les soumettre à la critique démocratique.

Monsieur Azoury est, quant à lui, moins dans l’insulte que dans la lourde ironie : j’avoue que son bon mot sur la télé-réalité, à propos du travail en cours sur le Web, est assez dur à avaler. Le site www.volspecial.ch - un web documentaire coproduit avec les trois chaînes nationales suisses et Arte GEIE - va permettre de ne pas perdre la trace des expulsés et de suivre leurs destinées. Il permet de faire savoir par exemple que Geordry, a été arrêté à Yaoundé, incarcéré et sauvagement torturé durant cinq mois pour le seul fait d’avoir demandé l’asile en Suisse. Un requérant d’asile qui n’avait pas menti en se disant menacé de mort par les autorités de son pays, mais qui n’a pas pu présenter devant les commissions suisses les «preuves crédibles» des menaces planant sur lui. Afin de protéger tant bien que mal les expulsés, ce travail de suivi est essentiel ; difficile et onéreux, il doit absolument être poursuivi et élargi au niveau européen. Au lieu de se moquer de cette démarche indispensable et précieuse, le journaliste Philippe Azoury devrait plutôt se battre pour que le même travail soit fait en France sur le destin des 30 000 expulsés annuels de M. Guéant.

Je vis dans un pays dont les murs sont couverts d’affiches racistes et xénophobes fleurant bon les années 30, dans un pays où l’extrême droite séduit le tiers du corps électoral et où la droite, toutes tendances confondues, rafle depuis toujours entre 65% et 70% des voix. Dans un tel pays, les débats qui ont suivi la diffusion de mon précédent film la Forteresse, succès documentaire de l’année tant en salle qu’en diffusion prime-time sur la première chaîne nationale avec en bonus le meilleur taux d’écoute, ont permis de faire naître des discussions aussi passionnantes que révélatrices des peurs et des ignorances du grand public concernant «les étrangers». Des sentiments souvent extrêmes qui se ressemblent hélas d’un bout à l’autre de l’Europe.

Nous espérons bien poursuivre ce travail de discussion, de réflexion et de pédagogie politique avec Vol spécial. C’est pour moi la seule chose qui compte et c’est le sens de mon travail.

(1) Président du jury 2011 du festival de Locarno, Paulo Branco avait sévèrement attaqué «Vol spécial», de Fernand Melgar, qui y était présenté. Il persistait hier dans une tribune parue dans ces pages, à laquelle répondaient Philippe Azoury et Edouard Waintrop («Libération» d’hier).

«24 Heures» du 17 août 2011, pp. 31 (repris dans www.facebook.com/volspecial).

http://www.tsr.ch/video/info/journal-19h30/ ?year=2011&month=8&day=7#id=3339531
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Message par lorinlouis Jeu 25 Aoû 2011 - 12:47

J'ai vu dernièrement "La forteresse" que je désirais voir depuis longtemps. Il y a effectivement quelque chose de troublant dans la "manière" qu'a Melgar de monter, de "montrer", bien que cette façon frappe peut-être moins dans cette réalisation que dans "Vol spécial", la première se situant à un bout de la procédure que semble conclure le deuxième film.

Maintenant, il y a comme un écho, a posteriori, que l'on retrouve au regard de "La forteresse" à cette présente polémique. Du moins, c'est ainsi que je l'ai senti, voyant ce premier film après avoir pris connaissance de cette dispute. Ce qui est reproché dans VS se retrouve -ou se redécouvre- dans LF et ce qui est mis en avant comme ligne de défense, y est également en exergue.

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Message par Largo Jeu 25 Aoû 2011 - 13:31

C'est bien gentil de faire des arabesques, mais maintenant il va falloir nous dire ce que tu penses de tout ça ! What a Face
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Message par lorinlouis Jeu 25 Aoû 2011 - 13:43

Il me faut vraiment prendre position ? Laughing

Non, je ne sais pas vraiment quoi en penser car je n'ai pas vu le film "Vol spécial" et si certaines des critiques de Branco et des contre-arguments de Melgar se retrouvent dans "La forteresse", le contexte distinct des deux films, s'ils s'inscrivent dans une même procédure, semble plutôt différents.

Je louvoie certainement encore, mais peut-être me sera-t-il possible de développer davantage. tongue
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Message par Invité Lun 29 Aoû 2011 - 2:52

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Message par Invité Mer 31 Aoû 2011 - 12:36

lorinlouis a écrit:Il me faut vraiment prendre position ? Laughing

Non, je ne sais pas vraiment quoi en penser car je n'ai pas vu le film "Vol spécial" et si certaines des critiques de Branco et des contre-arguments de Melgar se retrouvent dans "La forteresse", le contexte distinct des deux films, s'ils s'inscrivent dans une même procédure, semble plutôt différents.

Je louvoie certainement encore, mais peut-être me sera-t-il possible de développer davantage. tongue

salut Lorin,
il s'agit d'une idéologie raciste, il n'y a pas à s'interroger plus d'une seconde quant aux pseudo bonnes intentions de ces "gardiens humanistes". L'expression "fascisme ordinaire" renvoie certainement au concept d'Arendt sur la banalité du mal.
Hâte de découvrir ces films de Melgar, mais la bande-annonce dit déjà pas mal de choses sur "une sorte d’a priori en faveur de ces gardiens qui semblent si humains".
Le parallèle avec le camp nazi à Westerbork dessert sûrement le propos, mais il est bon de savoir que les Nazis avaient aussi leurs gardiens humanistes, ça faisait partie des protocoles de déportation.

M. Branco est outré parce que j’ai fait monter sur scène le directeur de Frambois, au même titre qu’un ancien détenu, sans que ce premier ait été amené à se justifier. Après la projection du film, il y a eu une rencontre d’une heure avec le public. La première question d’un spectateur a été pour le directeur de Frambois : «Comment pouvez-vous vous regarder dans la glace le matin ?» Il a répondu : «Je fais juste le sale boulot que vous m’avez demandé de faire. Et j’essaie de le faire le mieux possible.» Le directeur faisait allusion à la Loi fédérale sur les mesures de contrainte, qui permet d’incarcérer jusqu’à dix-huit mois toute personne dès l’âge de 16 ans résidant illégalement sur le territoire suisse. Cette loi a été acceptée en votation populaire en 1994 à une majorité de 72,9% des votants.

si Melgar prend le sujet par ce biais là, c'est qu'il a ses raisons... Je me souviens de ce papier très important dans le Monde Diplo, Protocoles de l'expulsion par Tassadit Imache:
"Depuis des années, nous avons été nourris de constats fallacieux et de faux débats visant à définir comme problématique la présence des immigrés dans notre pays..."
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/11/IMACHE/16505




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Message par Invité Mer 31 Aoû 2011 - 15:03

après, pour dire un mot qui surplombe ce gros machin,
c'est certainement une polémique des plus idiotes qui fait un bon commerce pour les journaux cités, ici Libération en l'occurence ; on tire des gros boulets rouges qui passent au-dessus de toutes les têtes, et au final on regarde des tortues de 68 mètres comme dit Bourdieu dans le film de Carles sur la sociologie...

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