A Touch of Sin/Tian Zhu Ding (le ciel l’a voulu) (Jia Zhangke; 2013)
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adeline
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Re: A Touch of Sin/Tian Zhu Ding (le ciel l’a voulu) (Jia Zhangke; 2013)
- Spoiler:
- Eyquem a écrit:En regardant le film, on a vraiment l'impression que JiaZhangke revient sur les lieux même de ses films précédents, dans l'ordre: dans le 1er épisode, on reconnaît les maisons de brique de Xiao Wu et de Platform; dans le 2nd, c'est le barrage de Still Life; l'hôtel clinquant où travaille "Petit oiseau" fait penser au parc de The World...
En dehors de King Hu dont tu parles, JZK évoquait aussi souvent "Terre jaune":I was 21 years old when I saw Huang tu di (Yellow Earth, 1984) by Chen Kaige. It turned out to be a defining moment for me; the point at which I decided to become a filmmaker. I saw the film in Taiyuan, which is the capital of the province of Shanxi where I grew up – part of the ‘yellow earth’ region of northern China to which the film’s title refers.
http://www.reverseshot.com/article/touch_sinThe epilogue of the four-chapter A Touch of Sin shows Xiao Yu (Zhao Tao) arriving where the film had begun: in director Jia Zhangke’s native Shanxi province. A dust storm envelops her figure in a brume of ochre as she walks into the barren landscape. It’s a clue that it’s spring in the region—that formidable “yellow wind,” which swirls in from the northern deserts and migrates south through the country seasonally, overlaying the path taken by many workers in China, and followed throughout the course of the film. [...] actress Zhao Tao always evokes all of Jia’s previous films, but the ending to A Touch of Sin also recalls the images of the rain ritual in final shattering moments of Chen Kaige’s Yellow Earth (1984).
Sur les animaux, j'avais trouvé cet article:
http://eastasia.fr/2013/12/13/dossiers/la-rage-du-tigre-animalite-et-bestialite-dans-a-touch-of-sin-de-jia-zhang-ke/
Merci de ces infos, Eyquem.
Je cite le passage de MPDuhamel sur les liens géographiques entres les films de JZK :
- Spoiler:
- Marie-Pierre Duhamel a écrit:Jia's world has its own geography. It (re)organized China into a personal map, where almost everything starts and ends in the filmmaker's native province of Shanxi. It is the starting point and the ultimate "home." This is where Xiao Wu the pickpocket operated, where the itinerant performers of Zhantai (Platform, 2000) roamed, where the sad heroes of Ren xiao yao (Unknown Pleasures, 2002) burnt their lives out, where the migrant worker of San Xia hao ren (Still Life 2006) and Shijie (The World, 2004) came from. This is where Tian zhu ding starts and finishes at the end of a tragic "tour." The cities of Fenyang or Datong, the countryside and the murderous privatized coal mines have long been a compass to Jia's filmic China.
Here Shanxi has two "alter ego" characters. One is called "Sanming," and the other is played by Wang Hongwei. Wang Hongwei was Xiao Wu, and Xiao Wu has a filmic biography that made him a small town crook again in Ren xiao yao. In Tian zhu ding, Wang/Wu dies under the blade of the film's lady knight, played by Zhao Tao. He did not make a big fortune, his money came from local corruption. The banknotes he slaps Zhao Tao's Xiaoyu with are somehow archaic: archaic money compared with the very modern money of the clients of the night club "Golden Age." We see the class differences among crooks and bullies.
The other character mirroring Shanxi and Wang's Xiao Wu is "Sanming," the miner, the worker. Not a "favorite actor" and maybe hardly a regular "film character;" more a person and a figure of destiny. Sanming's status never changes. Time has passed, from his place in Platform as the "about to work at the mine" cousin of Wang Hongwei's character, to his story as a Shanxi miner looking for his fiancée in Still Life. "Sanming" has not changed: In Tian zhu ding, he is the first person Dahai meets when entering the mine canteen, and the one who sees him off when he goes "hunting." He is on the boat to Chongqing-Fengjie where we meet again the assassin San'er (actor Wang Baoqiang, who started with Blind Shaft, a film about miners, before becoming a huge TV star). An almost voiceless worker, whose low-key design is the representation of a "prolonged sorrow," "Sanming" is a figure of the people, the "lao bai xing ("old hundred surnames," old being here the adjective for a warm touch), workers or peasants, younger or older. Yet Jia's vision is neither a nostalgic nor a merely compassionate one: it is subtly lyrical. "Sanming" is the hero of a ballad than is sung from film to film, whose virtues are told in an undertone, far from the glossy vulgarity of official images and globalized show-business. In Tian zhu ding, "Sanming" has a younger avatar: Xiao Hui lives the fate of the new age of Chinese industrial boom. Textile and computer factories, huge dormitories, quickly built cities and malls are the coal mines of a globalized economy.
Je voulais essayer de reprendre les explications de son article en français et en les réorganisant, mais citer est bien aussi, et plus rapide…
Sokol, je ne connais rien du tout de Kusturica, pourquoi dis-tu de JZK qu'il est comme lui ?
Sinon, tout ce que je viens d'écrire n'a aucun intérêt en soi, d'autant que j'ai été chercher tout ça chez d'autres qui l'ont écrit mieux que moi.
Non, ce à quoi j'aimerais arriver c'est à mieux comprendre ce que dit vraiment le film, au-delà de cette idée que la Chine est soumise à une telle violence que les gens explosent, que l'animalité surgit en eux, qu'on va dans le film grosso modo "vers le sud", que JZK est du côté des petits, des pauvres, des opprimés, et que la culture populaire est importante pour lui.
J'ai plutôt l'impression que le trajet géographique du film est une boucle, tentation de dresser un portrait exhaustif de la Chine aujourd'hui ?
Que ce que JZK dit de la justice, de l'injustice, de la politique, de l'engagement, des fautes respectives des personnages n'est pas si évident.
Que la religion et donc le sens que l'on donne à la vie sont encore plus importants qu'il n'y paraît.
Ainsi, si on observe ce que fait Dahai, on se dit que sa "geste" est moins évidemment "juste" qu'elle n'y paraît. Si je me souviens bien : il arrive un jour à la mine avec dans l'idée de dénoncer les agissements du chef du village (qui a bradé la mine à un acheteur privé), du propriétaire de la mine (qui s'est enrichi grâce à celle-ci sans jamais reverser au village les 40% qu'il avait promis, et ce durant 14 ans ; pourquoi semble-t-il n'avoir rien dit durant ces 14 ans ?) et par la suite au comptable du village (qui a accepté de ne rien dire de ces malversations). Au demeurant, c'est une noble lutte. Il agit cependant de la pire des manières : entre deux portes, dans le bus, seul et à des moments inopportuns, il interpelle les trois hommes. La lettre qu'il veut envoyer au centre des plaintes du gouvernement est écrite dans la foulée et lorsque la postière la rejette pour imprécision dans l'adresse, au lieu de corriger, il accuse la postière d'être de mèche avec tout le monde.
Lorsqu'il retrouve son ancienne amie/compagne, la scène nous dit qu'il éprouve en fait une envie à l'égard du patron, ancien camarade de classe.
En fait, Dahai est un être plein de ressentiment, qui ne sait pas comment l'exprimer, tente de le faire sous couvert d'une volonté de dénoncer des injustices, et qui finalement commet des meurtres après avoir annoncé qu'il serait "pire que Schengli" (le patron).
Rien là-dedans de l'attitude d'un vrai "justicier", d'une personne qui se battrait pour des idées, une vision politique, une volonté d'affirmer et défendre le bien commun. On est plutôt en présence d'une subite entrée dans une folie meurtrière pour des raisons d'ordres plus personnelles et psychologiques, d'autant que ce qui en rajoute à sa décision de faire quelque chose de pire que son patron, ce sont les moqueries des gens qui l'appelle "M. Go" pour "golf" après qu'il a été tabassé.
adeline- Messages : 3000
Re: A Touch of Sin/Tian Zhu Ding (le ciel l’a voulu) (Jia Zhangke; 2013)
Dérives met en ligne un texte de Jia Zhang-ke d'il y a longtemps "Mon point focal", 1997, pour accompagner un moyen-métrage tourné en 1995, "Xia Shan rentre à la maison" :
Regarder le film sur derives.tv
http://www.derives.tv/Mon-point-focal
Regarder le film sur derives.tv
http://www.derives.tv/Mon-point-focal
- Texte de Jia Zhang-ke:
- Après le tournage de Xiao Shan rentre à la maison, beaucoup de personnes m’ont demandé pourquoi j’avais choisi de montrer pendant sept minutes l’ouvrier Wang Xiao Shan en train de marcher, pourquoi deux plans représentaient à eux seuls un dixième de la durée du film. Je sais que pour ceux qui me posaient la question, ces sept minutes représentaient environ vingt-huit publicités, ou deux clips vidéos, mais je ne veux pas entrer dans ce genre de calcul, qui est le système de mesure du métier. Lorsque l’occasion se présente, j’aime exprimer mes pensées.
J’ai décidé de laisser ma caméra suivre l’ouvrier au chômage qui marchait dans les rues en cette fin d’année. Au tournant de l’année nouvelle, j’ai erré dans l’air froid de Pékin avec cet ouvrier au chômage, Xiao Shan. Par ces sept longues minutes, je ne cherchais pas à plonger le spectateur dans un état contemplatif, mais à tester sa concentration. Aujourd’hui, nos yeux et nos oreilles zappent à chaque seconde. Y a-t-il encore des gens capables d’arrêter leur regard sur des objets, sur des personnes, semblables ou différents d’eux ?
Le zapping télévisuel a changé notre façon de voir. Confrontés à une multitude d’objets audiovisuels, les spectateurs choisissent ce qu’ils veulent regarder en fonction de leurs besoins instinctifs. En cherchant à satisfaire sans cesse les désirs du public, les artistes ont fini par perdre leur dignité. On ne s’interrogeait plus sur la situation de l’art. Beaucoup d’artistes se détournaient de la voie artistique, faisant de la création une opération commerciale. L’art était devenu une pratique. Les règles du métier encadraient toute création, et réprimaient les émotions et la force des oeuvres. Que restait-il à l’art, à part l’ingéniosité ?
La professionnalisation de l’art avait pour seul but de le rendre rentable. C’est pourquoi j’ai préféré rester un cinéaste amateur. Je n’ai pas voulu sacrifier ma liberté. Quand la caméra commençait à tourner, je voulais pouvoir me poser cette question : ce que tu vois est-il vraiment le fruit de ta réflexion et de tes sentiments ?
La représentation des états d’âme est vite devenue à la mode dans le milieu artistique. En peinture, en musique ou au cinéma, les artistes restaient en surface, sans jamais pénétrer la profondeur des sentiments. Les films de la nouvelle génération contenaient des milliers de plans. Ils ressemblaient à des clips musicaux dont les créateurs, ne s’intéressant qu’à eux-mêmes, n’avaient que faire des autres. L’éclatement des points de vue témoignait d’un refus de communiquer sincèrement avec le public. Les artistes avaient perdu leur acuité et manquaient de concentration. La plupart d’entre eux étaient incapables d’observer leurs véritables sentiments, car il fallait pour cela qu’ils se confrontent directement à la vie. Le rythme effréné de leurs oeuvres n’avait rien de passionné. Il révélait seulement leur volonté d’échapper au réel. Lorsque nous, plus jeunes, avons pris la caméra, nous nous devions donc avant tout d’être sincères et observateurs. Sur le tournage de Xiao Shan rentre à la maison, la caméra n’a pas fui. J’étais prêt à me confronter aux faits, même s’ils montraient les défauts, les bassesses de la nature humaine. Je voulais les fixer du regard en silence. Ils n’étaient interrompus que par le plan, le regard suivant. Nous n’avons pas suivi l’exemple de Hou Hsiao-hsien qui, après avoir focalisé son regard, éloigne la caméra, laissant la tristesse se dissiper dans le lointain. J’avais la force de regarder le fond des choses, parce que je ne fuyais pas.
À partir d’un moment que je ne saurais dater, j’ai commencé à m’émouvoir de certaines choses, que je trouvais n’importe où : le flot des passants dans la rue au crépuscule, ou la vapeur qui s’échappait des étals de nourriture, me donnaient l’impression d’exister vraiment. Malsaines ou épanouies, les vies flottaient sous mes yeux, s’écoulaient imperceptiblement. Je sentais l’odeur forte de la sueur sur le corps des passants et sur le mien. Lorsque nos odeurs se mêlaient, nous entrions en relation. Nos visages étaient différents, mais marqués par un même sort. Je regardais volontiers l’acné sur le visage poussiéreux des ouvriers migrants, car leur jeunesse pleine d’allant n’avait pas besoin de « soins spéciaux ». J’écoutais avec plaisir les bruits qu’ils faisaient en mangeant, car le repas était pour eux une récompense méritée. Ils existaient naturellement, à condition que nous les regardions, que nous acceptions d’en faire l’expérience.
Là où notre regard se posait, la douleur du temps qui passe n’existait plus. Chaque élément entrant dans notre champ de vision, un léger rayon de soleil, des souffles lourds, éveillait en nous une émotion authentique. Nous portions attention au monde qui nous entourait. Nous voulions éprouver la souffrance des autres. En nous souciant d’eux, nous leur exprimions notre sollicitude. Nous ne cherchions pas à fuir la mélancolie de la vie en nous laissant éblouir par l’éclat de la raison. Nous ne baissions pas la tête sur du rock assourdissant pour contempler notre ombre et flatter notre ego. À l’époque des coeurs refroidis et des certitudes évanouies, nous allions chercher les autres, pour les comprendre, leur communiquer nos idées. Nous devions respecter la vie de chacun pour que ce respect s’étende à tous. Nous considérions les conditions de vie des hommes et le contexte social. Nous voulions inciter à la transmission des vertus, et assumer notre idéal. Nous étions fidèles à la réalité comme à nous-mêmes. Nous nous étions promis que nous ne la transformerions pas.
Lorsque nous avons commencé à filmer Pékin, c’était avec toute la liberté, l’assurance et l’honnêteté qu’offrait notre attitude. Atteindre cette attitude était plus important pour moi que de trouver une forme, car on ne choisit pas une façon de filmer sans adopter une certaine vision du monde. En déterminant les conditions dans lesquelles j’allais raconter mon histoire, j’établissais les modalités globales du film. Dans Un jour à Pékin [1], comme dans Xiao Shan rentre à la maison ou Du Du, j’ai déterminé les conditions d’accès à la conversation et la manière de converser.
Dans Xiao Shan rentre à la maison, nous avons distingué les différentes fonctions audiovisuelles de l’écran pour créer un assemblage qui offrait les caractéristiques de plusieurs médias. Nous voulions ainsi montrer les conditions d’existence de Wang Xiao Shan et les nôtres. Le développement rapide des médias de masse a perverti la communauté humaine. C’est peut-être ce qui explique pourquoi les gens sont devenus si froids. Nous ne savons plus réfléchir par nous-mêmes, ni communiquer sans l’aide de machines. Lorsque nous n’avons pas le moral, nous écoutons « Confidences de minuit » à la radio. Nous réfléchissons aux problèmes sociaux grâce au magazine « Moment critique », et nous allons consommer après avoir regardé « Réputation justifiée »
Notre vie est de plus en plus normalisée, codifiée. Or, combien de normes et de codes ne sont pas définis par les médias ? La multiplication des chaînes de télévision CCTV et l’élargissement du format du Quotidien de la Jeunesse de Pékin ont transformé les gens. Xiao Shan, originaire d’Anyang, vit parmi des gens transformés par les médias, ou en passe de l’être. Puisque l’influence des médias se fait sentir partout dans la ville, il a lui aussi été transformé. Les passages sans images de Xiao Shan, dans lesquels l’intrigue se déroule comme un feuilleton radiophonique, sont nés de l’idée qu’après l’essor des médias visuels, la radio pouvait sensibiliser de nouveau le public, lui réapprendre à écouter. Nous avons également osé renoncer à la fois aux images et aux sons, en les remplaçant par un dispositif ressemblant à un moniteur d’ordinateur. Puisque nous avons tous l’habitude de lire sur un écran, nous voulions pousser les spectateurs à lire directement les caractères.
Les autres éléments présents dans Xiao Shan rentre à la maison, comme le reportage écrit, les publicités et les extraits de l’émission « Oriental Horizon », visaient à multiplier les différentes formes de médias pour que les spectateurs prennent conscience de l’acte de réception, qu’ils réfléchissent à la façon dont nous admettons les faits rapportés par les médias.
Aujourd’hui, je ne suis plus seulement en quête d’un langage propre au cinéma. Je cherche avant tout à créer un nouveau modèle cinématographique. C’est pourquoi le déroulement de l’intrigue de Xiao Shan rentre à la maison évoque la lecture d’un magazine. J’ai éprouvé un plaisir de rédacteur à mettre bout à bout chaque passage de ce film. Puisque Hollywood dupe le public par des montages fluides, je me devais de révéler la subjectivité de mon montage. Suivant un principe de réalisme, je n’ai pas voulu dissimuler la nature fragmentaire et composite des matériaux utilisés.
Je me souviens encore de l’hiver 1994, lorsqu’après avoir rejeté de nombreuses suggestions, comme « La grande production » ou « Le progrès », nous avons finalement nommé notre groupe « Le Groupe du jeune cinéma expérimental ». Cette formulation simple nous rendait heureux, car elle contenait nos trois mots préférés : jeune, expérimental, cinéma.
adeline- Messages : 3000
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