Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
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Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Avant de prendre la bagnole pour rallier Bruxelles, puis Nivelles (si quelqu'un a un plan, ça m'aiderait), je voulais me renseigner de savoir si quelqu'un avait vu ce film et avait quelque chose à en dire.
J'en ai parlé tout à l'heure longuement à ma compagne, et je me rendais compte que la vertu de ce film n'est pas loin de l'indicible. On a parlé dans les critiques d'amitié, ce qui n'est pas une mauvaise piste même si elle a contre elle d'être presque trop évidente. L'amitié n'est ni le sujet ni l'objet de ce film, elle est plus exactement ce qui l'a permis.
Mograbi n'a pas de programme hormis celui-là, donner la parole et l'espace de la parole à l'ami cher, Ali, de sorte que l'ami, d'abord un chouïa réticent, gêné par cette caméra braquée sur lui, finit par voir et comprendre que Mograbi ne le piège pas mais lui offre un film. Pour le détendre, il parlera avec lui en arabe, rentrera dans le cadre, ne jouera aucun rôle défini, sera simplement là, renvoyant la balle, sans bla-bla, dans la tiédeur douce de l'affection.
C'était, il me semble, la meilleure chose à faire. Le cinéma militant avait sa limite : Mograbi jouait dans ses précédents films le rôle qu'il a choisi de tenir dans la société israélienne, celui de témoin (des malheurs palestiniens et de l'inconscience israélienne) bien placé pour désigner et condamner les responsables du conflit en cours. Dans ce dernier film, il impose son absence de discours et laisse à Ali toute la place, sans toutefois le laisser seul.
C'est ce que j'ai vu de plus intelligent et généreux, dans le cinéma dit engagé, parce que militer revient ici à s'effacer sans faire oublier qu'on est là, sans coquetterie. Être l'ami d'un Palestinien, pour un Israélien, c'est vivre dans sa chair ce que le Palestinien a vécu dans sa chair, c'est être capable de partager cette souffrance, c'est donc la respecter absolument, et la respecter c'est la laisser s'épancher, pas pour la caméra, pas pour l'édification des peuples, mais pour donner à savoir quelle sorte de sacrifice (son propre effacement) est nécessaire pour rétablir la justice.
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
[...] de sorte que l'ami, d'abord un chouïa réticent, gêné par cette caméra braquée sur lui, finit par voir et comprendre que Mograbi ne le piège pas mais lui offre un film. Pour le détendre, il parlera avec lui en arabe, rentrera dans le cadre, ne jouera aucun rôle défini, sera simplement là, renvoyant la balle, sans bla-bla, dans la tiédeur douce de l'affection.
M'enfin, comment ne pas rire à cette prose comique ahurissante (à l'insu de son plein gré)?
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Comment ? En faisant par exemple un petit effort pour comprendre que ça correspond à quelque chose qui existe, dans la vie comme à l'écran. Le comique est dans ton oeil, mon coco. Ce que j'ai écrit, c'est ce qui se passe, qu'on sent, qui se voit. C'est pas assez burné pour toi, gros père ? Ben, retourne à tes "je-je-je-vidéo" qui t'apprennent si bien le respect de tes interlocuteurs et le sens de l'amitié.
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Salut Baldanders,
Le film m'a fait penser à un petit bouquin que j'avais lu, d'Ella Shohat, sur les juifs orientaux. Je ne pense pas que Mograbi cherche à s'effacer, à laisser toute la place à son ami Ali: il s'agit plutôt de montrer, de rappeler l'histoire commune des arabes et des juifs d'orient. Si d'un côté Ali fait sans cesse référence à la Nakba, Mograbi évoque la vie à Beyrouth d'un de ses grands-parents et le sort des juifs qui vivaient au Liban ou à Alep, et qui en sont partis (pour aller à Istanbul, Paris, en Israël). L'amitié entre Ali et Mograbi, c'est aussi le partage d'un sentiment de déracinement, commun aux Palestiniens et aux juifs qui ont dû quitter les villes arabes où ils vivaient.
Le film m'a fait penser à un petit bouquin que j'avais lu, d'Ella Shohat, sur les juifs orientaux. Je ne pense pas que Mograbi cherche à s'effacer, à laisser toute la place à son ami Ali: il s'agit plutôt de montrer, de rappeler l'histoire commune des arabes et des juifs d'orient. Si d'un côté Ali fait sans cesse référence à la Nakba, Mograbi évoque la vie à Beyrouth d'un de ses grands-parents et le sort des juifs qui vivaient au Liban ou à Alep, et qui en sont partis (pour aller à Istanbul, Paris, en Israël). L'amitié entre Ali et Mograbi, c'est aussi le partage d'un sentiment de déracinement, commun aux Palestiniens et aux juifs qui ont dû quitter les villes arabes où ils vivaient.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Salut Eyquem, c'est vrai que Mograbi est bien présent.
Je parlais plutôt de sa méthode, ou de sa philosophie. Il fallait, pour qu'on entende ce qu'avait à dire Ali et que puissent s'échanger ces sentiments communs, que Mograbi ne fasse ni un film militant ni un film engagé, ne tienne aucun discours surplombant, n'ait aucun programme ou qu'il se tienne au moins prêt à accueillir toute rencontre ou parole de hasard, afin que s'improvise une sorte de film de famille qui seul pouvait recueillir cette mémoire commune.
Si je parle de méthode, c'est qu'il me semble que cet effort de Mograbi part de la conscience que, bien que le déracinement soit une histoire qu'ils ont en commun Ali et lui, il est impossible aujourd'hui de tracer naïvement un trait de parfaite égalité entre les expériences des uns - les Palestiniens - et celle des autres - les juifs. Le déracinement palestinien se complique d'une infériorité politique entretenue.
Mograbi est à la bonne place, présent/en retrait.
Je parlais plutôt de sa méthode, ou de sa philosophie. Il fallait, pour qu'on entende ce qu'avait à dire Ali et que puissent s'échanger ces sentiments communs, que Mograbi ne fasse ni un film militant ni un film engagé, ne tienne aucun discours surplombant, n'ait aucun programme ou qu'il se tienne au moins prêt à accueillir toute rencontre ou parole de hasard, afin que s'improvise une sorte de film de famille qui seul pouvait recueillir cette mémoire commune.
Si je parle de méthode, c'est qu'il me semble que cet effort de Mograbi part de la conscience que, bien que le déracinement soit une histoire qu'ils ont en commun Ali et lui, il est impossible aujourd'hui de tracer naïvement un trait de parfaite égalité entre les expériences des uns - les Palestiniens - et celle des autres - les juifs. Le déracinement palestinien se complique d'une infériorité politique entretenue.
Mograbi est à la bonne place, présent/en retrait.
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Baldanders a écrit:
Le cinéma militant avait sa limite : Mograbi jouait dans ses précédents films le rôle qu'il a choisi de tenir dans la société israélienne, celui de témoin (des malheurs palestiniens et de l'inconscience israélienne) bien placé pour désigner et condamner les responsables du conflit en cours.
C'est sympa de profiter du film de Mograbi pour nous informer que tu as une voiture, une copine qui t'écoute longuement, pas d'accès à Google Maps et pars à Nivelles (sur le ton "ha non je suis lassé de Mégève, Nivelles c'est mieux": je te conseille Bousval près de Genappe ou Tongrinne entre Chastres et Gembloux, c'est encore moins couru) mais cela correspond pas du tout à mon souvenir de "Pour un seul de mes deux yeux", où il s'intéressait plutôt à l'entretien et la déformation de référents historique qui légitimaient un état de guerre perpétuel (Massada). La logique n'était justement pas de désigner des responsables, ni même de témoigner, mais de lier le conflit à un discours, et d'essayer de comprendre comment l'état construit une culture nationale autour du conflit .
Par ailleurs en quoi "le témoignage serait la limite du cinéma militant"? En quoi le témoignage serait une "limite" (esthétique ou politique) et un "rôle" ? A cause du fait qu'il serait une forme plutôt qu'un contenu?
Dernière édition par Tony le Mort le Mer 7 Aoû 2013 - 11:21, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Tony le Mort a écrit:
C'est sympa de nous signaler que tu as une copine qui t'écoute longuement et pars à Nivelles (sur le ton "ha non je suis lassé de Mégève, Nivelles c'est mieux": essaye Bousval, c'est encore moins couru)
C'est Jerzy qui déteint méchamment sur toi comme ça ? Non, je n'ai pas écrit que ma copine m'avait "longuement écouté", j'ai dit que je lui avais parlé longuement, autrement dit (puisqu'il faut tout vous traduire) que je n'arrivais pas à lui formuler ma pensée, que ça a pris du temps, que c'était laborieux (j'aurais pu aussi préciser qu'elle a bâillé mais ç'aurait été faire trop plaisir aux ricaneurs professionnels) ; concernant Nivelles, eh non je ne l'ai pas écrit sur ce ton du tout, j'ai simplement des amis là-bas et je sais qu'il y a des Belges sur ce forum, et donc je précise le fait, rien de plus. Va falloir apprendre à lire, toi aussi.
Pour le reste, j'ai été assez clair, je crois, en écrivant que l'effacement est - selon moi - un pas en avant par rapport à l'engagement. Dans Pour un seul de mes deux yeux, il y avait l'intention très nette de mettre les militaristes israéliens en face de la contradiction de leurs discours. C'était bien, mais je trouve que le dernier va plus loin.
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
J'avais pas l’impression d'une contradiction dans "Pour un seul de mes Deux Yeux", au contraire il y avait une grande cohérence qui allait des manuels scolaires vers les pèlerinages touristiques à Massada. La phrase sur le suicide des assiégés avait justement exactement la même connotations dans tous les contextes, et l'intérêt du film était qu'Avi Mograbi n'arrivait pas si facilement que cela à rendre compte de son désaccord par rapport à elle, qui n'est pas si facile à exprimer.
La difficulté c'est justement qu'un nationalisme se contredit rarement, il faut lui opposer la réalité en sachant quelle partie du réel lui opposer, et le réel ici c'était la subjectivité de Mograbi: d'un côté le thème de Massada est utilisé dans un tas de contextes très différent , de l'autre il n'arrivait pas à rendre raison de son scepticisme et sa méfiance face à l'idée de suicide héroïque.
La difficulté c'est justement qu'un nationalisme se contredit rarement, il faut lui opposer la réalité en sachant quelle partie du réel lui opposer, et le réel ici c'était la subjectivité de Mograbi: d'un côté le thème de Massada est utilisé dans un tas de contextes très différent , de l'autre il n'arrivait pas à rendre raison de son scepticisme et sa méfiance face à l'idée de suicide héroïque.
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Tu as vu j'imagine l'entretien avec Mograbi publié par Débordements ?
http://www.debordements.fr/spip.php?article206
http://www.debordements.fr/spip.php?article206
adeline- Messages : 3000
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
@ Tony : c'était ça la limite, précisément : la mise en scène par lui-même de Mograbi s'opposant comme il peut au nationalisme. Et la contradiction, c'est que le nationalisme israélien légitime le suicide quand il est juif et le trouve odieux quand il est palestinien.
@ Adeline : non je ne l'avais pas vu, merci.
@ Adeline : non je ne l'avais pas vu, merci.
Baldanders- Messages : 351
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
@Baldanders; à ta place (c'est une recommandation de quelqu'un qui se sait lui-même trop porté à l'exhibitionnisme sur Internet) j'éviterais quand-même de mentionner en public que tu utilises le silence de ta copine comme jauge pour évaluer la justesse de tes vues et ta difficulté à penser la situation israélo-palestinenne et ses enjeux esthétiques (en somme plus la discussion avec elle est tranchée rapidement plus tes idées à ce sujets sont meilleures). Je serais une femme je ne crois pas que j'apprécierais d'être présentée comme un dictaphone.
L'idée que le témoignage est une limite m'intéresse.
Il y a une quinzaine d'années j'avais étudié la philo à Lille. Même si j'avais des profs plutôt corrects, ces études n'invitant en fait qu'assez peu à l'humilité, à la stabilité psychologique et même à la curiosité intellectuelle, en tout cas menées seules, je me souviens qu'une camarade de classe et son copain, apparemment bons étudiants, s'étaient mis à délirer sur Garaudy (c'était une époque contemporaine avec la polémique sur l'Abbé Pierre, aussi celle du Procès Papon). Plutôt que de discuter des lectures, du week-end, de leurs parents ou de leurs appartement ils parlaient sans cesse de l'évaluation du nombre de victime. Avec du recul, je me rend compte que la position sociologique des étudiants (le fait d'étudier en province, où les concours de recrutement comme l'agreg sont encore plus incertains, mais restent pourtant présentés comme la finalités des études, dans une filière à la fois culturellement connotée comme prestigieuse et en crise, exigeante mais routinière dans ses références intellectuelles) expliquaient qu'ils se réfugient là dedans par compensation, pour conserver une attitude intellectuelle "critique" tout en adoptant des discours et vivant des situations qu'ils n'étaient pas capables d'analyser.
J'étais assez proche dans le même temps d'une fille qui travaillait dans une troupe de théâtre, où on sentait que des intellectuels ayant tenu un discours un peu gauchiste dans les années 70-80 évoluaient vers un discours de justification inconditionnelle de l'élitarisme culturel (en fait complètement accès sur la notion de décadence du présent), et un mépris de la démocratie (critique de l'idée de représentation, mais immédiatement prolongé par l'idée que la capital culturel délimite une caste à la fois marginale et spontanément légitime au point de vue moral et intellectuel).
Dans la troupe il y avait une femme un plus âgée, qui écrivait et mettait en scène, qui arrivait à préciser la méfiance que lui inspirait cette attitude (c'était une des rares), et dont on sentait qu'elle se la racontait moins. Elle parlait d'écrivains comme Guyotat et Baldwin, déjà en dehors du cursus universitaire des lectures (que nous suiviosn tous, sans à-côté). Bref elle réfléchissait et "transmettait" déjà un peu plus que les autres.
Mais un moment ce qui m'a frappé, je ne sais plus à quelque occasion (la sortie du film de Rony Brauman et Eyal Siyan sur Eichmann) elle a énoncé dans les mêmes termes que ceux de Baldanders le fait que le témoignage était insatisfaisant pour comprendre la Shoah (mais aussi je crois elle sous-entendait que cela valait plus largement pour les situations d'oppressions et d'annihilation, cela aurait été intéressant de creuser explicitement cela), et que la confiance au témoignage délimitait une époque qui était en train de s'achever.
Je ne comprends pas cette idée. En quoi le témoignage déterminerait une époque, ou même serait la médiation de quelque chose d’à la fois historique et inauthentique? Il est lui-même la possibilité première de décrire le réel, ou les effets réels d'une politique qu'il permet, et donc une des rares formes de discours qui ne soit pas une médiation du réel justement. Pour moi en pensant que l'insuffisance du témoignage le disqualifie de manière interne et en fait une étape historique, on reconfigure une idée du crime politique (par racisme ou domination de classe) dans quelque chose de toujours nouveau, par rapport auquel la parole vient toujours trop tard, mais comme s'il s'agissait à la fois d'une forme et de quelque chose qui en doit pas être explicité.
L'idée que le témoignage est une limite m'intéresse.
Il y a une quinzaine d'années j'avais étudié la philo à Lille. Même si j'avais des profs plutôt corrects, ces études n'invitant en fait qu'assez peu à l'humilité, à la stabilité psychologique et même à la curiosité intellectuelle, en tout cas menées seules, je me souviens qu'une camarade de classe et son copain, apparemment bons étudiants, s'étaient mis à délirer sur Garaudy (c'était une époque contemporaine avec la polémique sur l'Abbé Pierre, aussi celle du Procès Papon). Plutôt que de discuter des lectures, du week-end, de leurs parents ou de leurs appartement ils parlaient sans cesse de l'évaluation du nombre de victime. Avec du recul, je me rend compte que la position sociologique des étudiants (le fait d'étudier en province, où les concours de recrutement comme l'agreg sont encore plus incertains, mais restent pourtant présentés comme la finalités des études, dans une filière à la fois culturellement connotée comme prestigieuse et en crise, exigeante mais routinière dans ses références intellectuelles) expliquaient qu'ils se réfugient là dedans par compensation, pour conserver une attitude intellectuelle "critique" tout en adoptant des discours et vivant des situations qu'ils n'étaient pas capables d'analyser.
J'étais assez proche dans le même temps d'une fille qui travaillait dans une troupe de théâtre, où on sentait que des intellectuels ayant tenu un discours un peu gauchiste dans les années 70-80 évoluaient vers un discours de justification inconditionnelle de l'élitarisme culturel (en fait complètement accès sur la notion de décadence du présent), et un mépris de la démocratie (critique de l'idée de représentation, mais immédiatement prolongé par l'idée que la capital culturel délimite une caste à la fois marginale et spontanément légitime au point de vue moral et intellectuel).
Dans la troupe il y avait une femme un plus âgée, qui écrivait et mettait en scène, qui arrivait à préciser la méfiance que lui inspirait cette attitude (c'était une des rares), et dont on sentait qu'elle se la racontait moins. Elle parlait d'écrivains comme Guyotat et Baldwin, déjà en dehors du cursus universitaire des lectures (que nous suiviosn tous, sans à-côté). Bref elle réfléchissait et "transmettait" déjà un peu plus que les autres.
Mais un moment ce qui m'a frappé, je ne sais plus à quelque occasion (la sortie du film de Rony Brauman et Eyal Siyan sur Eichmann) elle a énoncé dans les mêmes termes que ceux de Baldanders le fait que le témoignage était insatisfaisant pour comprendre la Shoah (mais aussi je crois elle sous-entendait que cela valait plus largement pour les situations d'oppressions et d'annihilation, cela aurait été intéressant de creuser explicitement cela), et que la confiance au témoignage délimitait une époque qui était en train de s'achever.
Je ne comprends pas cette idée. En quoi le témoignage déterminerait une époque, ou même serait la médiation de quelque chose d’à la fois historique et inauthentique? Il est lui-même la possibilité première de décrire le réel, ou les effets réels d'une politique qu'il permet, et donc une des rares formes de discours qui ne soit pas une médiation du réel justement. Pour moi en pensant que l'insuffisance du témoignage le disqualifie de manière interne et en fait une étape historique, on reconfigure une idée du crime politique (par racisme ou domination de classe) dans quelque chose de toujours nouveau, par rapport auquel la parole vient toujours trop tard, mais comme s'il s'agissait à la fois d'une forme et de quelque chose qui en doit pas être explicité.
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Je ne sais si tu as vu, ni ne sait s'il y eut un thread sur The Act of Killing (le moteur de recherche ne donne rien). Je pense que ce docu d'un nouveau genre répondrait à ta question : curieusement ce qui semble plus marcher ce n'est pas de donner la parole et la mise en scène aux victimes, mais aux bourreaux. Le mouvement était déjà engagé dans S21 de Rythy Pahn, dans L'acte de tuer s'ouvre à mon avis une nouvelle étape sur ce genre d'entreprise. Si pas de sujet il faudrait en faire un, mais c'est beaucoup de responsabilités et tout un espace narratif nouveau à décrire et présenter, c du lourd.Tony le Mort a écrit:Mais un moment ce qui m'a frappé, je ne sais plus à quelque occasion (la sortie du film de Rony Brauman et Eyal Siyan sur Eichmann) elle a énoncé dans les mêmes termes que ceux de Baldanders le fait que le témoignage était insatisfaisant pour comprendre la Shoah (mais aussi je crois elle sous-entendait que cela valait plus largement pour les situations d'oppressions et d'annihilation, cela aurait été intéressant de creuser explicitement cela), et que la confiance au témoignage délimitait une époque qui était en train de s'achever.
Je ne comprends pas cette idée. En quoi le témoignage déterminerait une époque, ou même serait la médiation de quelque chose d’à la fois historique et inauthentique? Il est lui-même la possibilité première de décrire le réel, ou les effets réels d'une politique qu'il permet, et donc une des rares formes de discours qui ne soit pas une médiation du réel justement. Pour moi en pensant que l'insuffisance du témoignage le disqualifie de manière interne et en fait une étape historique, on reconfigure une idée du crime politique (par racisme ou domination de classe) dans quelque chose de toujours nouveau, par rapport auquel la parole vient toujours trop tard, mais comme s'il s'agissait à la fois d'une forme et de quelque chose qui en doit pas être explicité.
Eluent- Messages : 43
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Je l'ai vu, cela ne m'a pas trop plu (je vois pas le film comme uen réponse, peut-être l'essai de trouver un ton moins tragique, mais aussi moins rigoureux pour parler de cela), j'ai voulu en parler et je me suis pris un énième lattage de gueule de l'autre andouille, et la discussion n'a pas pu embrayer:
https://spectresducinema.1fr1.net/t1556-the-act-of-killing-joshua-oppenheimer
https://spectresducinema.1fr1.net/t1556-the-act-of-killing-joshua-oppenheimer
Dernière édition par Tony le Mort le Jeu 8 Aoû 2013 - 18:01, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Je pense pas que la forme soit si nouvelle que cela, bizarrement "Act of Killing" m'a beaucoup rappelé "L'Authentique Procès de Carl-Emmanuel Jung" de Marcel Hanoun (logique de comparution-catharsis fictive représentation de l'espace et de la parole assez proche).
Donner la parole aux bourreaux, c'est déjà aussi à l'oeuvre dans "le Chagrin et la Pitié", et même de façon mois esthétique mais plus profonde, dans les documentaires (soyvent rediffusés) sur la guerre que Daniel Costelle faisaient à la télé dans les années 1970-80.
J'ai l’impression qu'il serait aussi intéressant de voir "Notre Nazi" de Robert Kramer pour comprendre ce qui s'engage dans ces films.
Donner la parole aux bourreaux, c'est déjà aussi à l'oeuvre dans "le Chagrin et la Pitié", et même de façon mois esthétique mais plus profonde, dans les documentaires (soyvent rediffusés) sur la guerre que Daniel Costelle faisaient à la télé dans les années 1970-80.
J'ai l’impression qu'il serait aussi intéressant de voir "Notre Nazi" de Robert Kramer pour comprendre ce qui s'engage dans ces films.
Invité- Invité
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
Oui je vais essayer de relancer le thread, probablement en vain, mais l'approche dialectique hégelienne (si j'ai bien compris) ne conviens probablement pas (pour The Act of Killing en tout cas). Une autre manière de l'approcher, si tu as besoin d'une approche philo, Nietzsche et son "Derrière le masque, toujours un autre masque" (pas sûr que la citation soit exacte au mot près mais ça résume assez bien le propos). Fin de la dérive.
Dernière édition par Eluent le Jeu 8 Aoû 2013 - 18:06, édité 1 fois
Eluent- Messages : 43
Re: Dans un jardin je suis entré (Mograbi, 2013)
J'ai parlé du film avec un ami néerlandais qui connaît un peu l'Indonésie (qui ne l'a pas vu) qui m'a dit que le refoulement des massacres de 1965 était un fait véridique et objectif, et qu'il y a une forte prégnance des fantômes dans la culture indonésienne (qui permettent peut-être de créer un registre où la vérité circule , mais sur un mode nocturne), autant de traits que le film décrit mais il les folklorise.
Le film d'Oppenheimer est aussi très proche du film de Schroeder sur Amin Dada (1974 déjà) aussi, mêmes limites morale et politique.
Le film d'Oppenheimer est aussi très proche du film de Schroeder sur Amin Dada (1974 déjà) aussi, mêmes limites morale et politique.
Invité- Invité
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