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AMOUR de Michaël Haneke

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Message par Invité Jeu 15 Nov 2012 - 23:19

t'es lambin j'aime pas les peine à jouir, ils m'énervent, débris.

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Message par Invité Jeu 15 Nov 2012 - 23:43

Propos d'ivrogne...

(non: spontanéité, fraicheur, allons...)

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Message par Borges Ven 16 Nov 2012 - 9:13

"Il faudrait devant chaque image, se demander comment elle (nous regarde), comment elle nous (pense) et comment elle nous touche en même temps".
(GDHuberman).

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Message par Invité Ven 16 Nov 2012 - 9:21

devant chaque image ? y'a du boulot ...
concernant Amour c'est le contraire de ce qu'on reproche habituellement à Haneke, nous ôter notre libre arbitre.

Il y a deux choses qui m'ont marqué dans les plans du film : chaque image quasiment à son point de fuite, la deuxième ce plan récurrent sur les deux portes de l'appartement vues de l'entrée qui est pour moi l'aveu que la fiction n'est pas un déterminisme absolu mais qu'elle est question de choix.

Par exemple dans la scène de l'oreiller derrière il y a un fenêtre qui donne un "éclairage" - c'est le jour - et pas un mur qui enfermerait toute la perspective dans ce qui est montré et vu.

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Message par Borges Ven 16 Nov 2012 - 10:18

Mais pour faire des films "brechtiens" il faut être très intelligent, ou pour le dire moins prétentieusement il faut savoir raccorder le particulier au général, et il ne me semble pas que Haneke ait cette intelligence-là : aucun va-et-vient chez lui entre le contingent et l'idée, pensée de l'Histoire plus que minimale, les rapports de classes ne l'intéressent pas, aucune idée d'une communauté, d'une vie sociale, d'une communication, donc aucune idée non plus de l'humour, et tout cela qui lui manque l'oblige à fragmenter à l'extrême son monde en consciences isolées, hermétiques les unes aux autres. Pas un hasard si dans Amour il handicape Emmanuelle Riva au bout de 20 minutes : contrairement aux vrais cinéastes brechtiens (Guédiguian, Guiraudie, Godard...) il n'est pas à l'aise dans le dialogue, le dialogue ne l'intéresse pas. (Brecht écrivait pour le théâtre, ce qui n'est pas un hasard non plus.)
(Badlanders)

Ca manque de sérieux, je trouve; pour faire des films brechtiens faut être très intelligents, tu dis; peut-être, je sais pas; mais à l'évidence Haneke n'est pas assez intelligent, pour toi, pas autant que les trois G que tu cites, des gars qui n'ont pas grand chose en commun, et certainement par leur brechtisme (évident chez Godard, bien plus riche que chez Haneke, où il est un peu trop sérieux, pas assez joueur, varié, sans principe de plaisir; Brecht c'est très joueur, on se marre; c'est aussi populaire, et carnavalesque, comme on dit; Le Brecht de Haneke, c'est un cinéma du cerveau, presque sans affects; je dis bien presque, parce que ce n'est pas totalement vrai; il y a aussi du jeu, mais pas toujours funny, à première vue; au lieu de jouer, il se demande plutôt qu'est-ce que c'est jouer...quelles sont les conditions invariantes d'un jeu, c'est-à-dire finalement d'une communauté; le jeu, c'est l'idée d'une communauté esthétique... ) que tu définis, assez librement, de telle manière que ta définition exclue MH, comme "un va et vient entre l'idée et le contingent..."(La pensée de l'histoire n'est pas minimale chez H, y a pas non plus d'absence de rapports de classes, je ne vois pas comment tu peux dire ça...), mais bon je discute pas, on peut dire ce qu'on veut, et construire les définitions que l'on veut, si ça aide à penser quelque chose, mais en ce qui me concerne (c'est le sens ordinaire, commun) l'adjectif "brechtien" désigne la mise à distance, l'effet d'étrangeté (la séparation du spectateur et du spectacle, de l'acteur et du rôle, de la scène et de la salle, de l'histoire et de la morale...), qui doit amener le spectateur à prendre conscience de la fabrication des images, de l'histoire, de ce qui se passe sur scène, mais aussi dans le monde : y a pas de nature, y a de l'histoire...

En ce sens du terme, rien de plus brechtien que Haneke : il ne cesse de nous désolidariser du spectacle, des personnages, et de leurs actions, de leur croyances...Haneke ne fait pas des images en ce sens, mais des images sur les images, des images qui montrent à la fois un spectacle et les conditions de perception de ce spectacle; refus de l'adhésion pathétique, émotionnelle, pari sur l'intelligence, la raison...

On trouve ça lourd, peut-être tout simplement parce que Haneke ne fait qu'une chose : appeler à penser; la lourdeur est beaucoup plus dans la paresse de ceux qui s'arrêtent à quelques lieux communs rassemblés par le nom "Haneke" que dans les films mêmes...qui sont à la fois prodigieusement riches, intelligents, et qui donnent à penser, et le plaisir de la pensée (qu'on sépare assez bêtement)


-tout ceux qui passent leur temps à rappeler à Haneke que le cinéma, c'est la décision éthique sur ce qui est montrable, et ce qui ne l'est pas, etc., n'ont absolument pas vu le film, qui ne parle que de ça...et de manière dialectique, en multipliant les points de vue, les places depuis lesquelles ont peut voir, et penser, et poser des questions (les concierges sont-ils intrusifs ou JLT les rejete-t-il par "sentiment de classe"...)

La question est : qui décide de ce qui montrable et de ce qui ne l'est pas.





la mise à distance, l'insistance sur le rôle, la fonction du spectateur est bien entendu essentielle; comme l'ont montré Kant, et Arendt, c'est une question politique.

Aux jeux, disait je sais plus qui, il y a ceux qui viennent pour concourir, ceux qui viennent pour faire des affaires, et puis, les plus sages, ceux qui viennent uniquement pour voir, regarder; n'étant pris par aucun intérêts, aucune affaire, ils laissent les choses venir en présence, et se montrer; seuls, s'ils sont assez désintéressés, assez spectateurs, ils peuvent avoir accès à une vérité qui échappe aux autres. La théorie, c'est pas une affaire d'abstraction au sens vide, négatif au mot, c'est une manière d'échapper, de se soustraire aux affaires humaines, de s'en abstraire;


"Seul le spectateur occupe une position qui lui permet de voir la scène dans son entier; l’acteur, parce qu’il a un rôle dans la pièce, doit s’y tenir : il est, par définition, partial. Le spectateur, par définition, est impartial : aucun rôle ne lui est assigné. Donc, se mettre à l’écart de toute participation directe pour s’installer en un point de vue hors du jeu est une condition sine qua non de tout jugement. Ensuite, ce qui intéresse l’acteur, c’est la doxa , la renommée - c’est-à-dire l’opinion des autres. La renommée s’acquiert grâce à l’opinion des autres. Pour l’acteur, la question décisive est donc de savoir comment il apparaît aux autres; l’acteur est dépendant de l’opinion du spectateur; il n’est pas (pour parler en langage kantien) « autonome ». Il ne se conduit pas en suivant la voix innée de la raison, mais en fonction de l’attente des spectateurs. La norme est le spectateur. Et cette norme est autonome. (Arendt)

On dit d'Amour qu'il y s'agit de théâtre, l'art politique, comme on dit quelques fois; rappelons que le mot theatai ( spectateurs) a donné "théorie, " qui contemple, regarde quelque chose de l'extérieur, d'un endroit comportant un point de vue caché à ceux qui font partie du spectacle et le rendent réel. "


(Notons que Riva occupe dans Amour, la place des victimes des deux mecs de funny games : la place de l'impuissance totale)





Dernière édition par Borges le Ven 16 Nov 2012 - 11:05, édité 1 fois
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Message par Borges Ven 16 Nov 2012 - 10:25

slimfast a écrit:devant chaque image ? y'a du boulot ...
concernant Amour c'est le contraire de ce qu'on reproche habituellement à Haneke, nous ôter notre libre arbitre.

Il y a deux choses qui m'ont marqué dans les plans du film : chaque image quasiment à son point de fuite, la deuxième ce plan récurrent sur les deux portes de l'appartement vues de l'entrée qui est pour moi l'aveu que la fiction n'est pas un déterminisme absolu mais qu'elle est question de choix.

Par exemple dans la scène de l'oreiller derrière il y a un fenêtre qui donne un "éclairage" - c'est le jour - et pas un mur qui enfermerait toute la perspective dans ce qui est montré et vu.

-c'est à la deuxième vision que j'ai vu cette fenêtre, et remarqué qu'elle est ouverte quand les pompiers et les flics entrent dans la maison...

-Si je me trompe pas, quand la fille arrive à la fin dans l'appartement, elle entre dans une pièce où nous n'avons jamais été avec les parents...

-dans sa lettre à sa femme, il raconte que la capture du pigeon a été facile, ou quelque chose comme ça; or on l'a vu souffrir pour le coincer; c'est le seul récit fait par JLT que nous pouvons comparer aux faits; on se pose alors des questions sur les autres... sur sa véracité...



(tout ça, fait partie de ce que Janké appellerait "le secret"; c'est à la fois amusant à discuter, et un peu artificiel, surtout de la part de Haneke)


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Message par Invité Ven 16 Nov 2012 - 10:52

tu ouvres des pistes avec Brecht.
dans la lettre que Georges écrit à la fin on peut se demander de quoi ou de qui il parle : effectivement il a eu un peu de mal à capturer ce pigeon, contrairement à ce qu'il dit puis l'a laissé partir. Mais c'est de sa femme qu'il parle !

d'autre part il y a deux moments de "verticalité" dans le film : ce pigeon/sa femme - qui descend du puits de jour où si je ne me trompe pas le bas des vitres sont des vitraux, des paons même je crois - et le moment où Huppert regarde la rue par la fenêtre du salon. L'image totalement subjective qu'on voit alors est délirante : un décor dans un boîte tout recouvert de blanc, les murs des immeubles qui bordent la rue, elle même blanche, à travers les voilages, rideaux de la fenêtre eux même d'un blanc immaculé, le tout sans vie. Dans quel monde se projette alors Eva ? Son horizon est bouché, on devine sa situation familiale mais il y a son encontre et aussi à celui d'Anne - comme la scène de la douche - un traitement par le plan qui n'est jamais appliqué à Georges qui a la liberté de mouvement et n'est pas non plus torturé moralement - curieusement.

On peut aussi dire que l'appartement, à la fois le témoin et le cerveau de Georges - et tu avais raison de dire qu'il y avait du Shining dans amour, même structure familiale de plus - a comme hors-champn , ce trou noir par lequel l'oiseau s'engouffre et qui n'échappe pas à George et cette image d'un blanc immaculé par lequel Eva s'échappe.

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Message par Borges Ven 16 Nov 2012 - 13:24



J'espère avoir un peu montré en quoi Haneke ne met pas en scène "les conditions de perception", que c'est autre chose qu'il fait : il inclut parfois dans le plan sa propre conscience, comme à titre de signature, la signature de celui qui sait. C'est sans doute pourquoi il impressionne beaucoup.
C'est drôle, tu vois bien les défauts de l'interprétation que fait Renzi du film de Haneke, mais tu pars du même principe que lui, selon lequel Haneke sait très bien ce qu'il fait et qu'il sait parfaitement doser dans ses films la part de spectacle et celle de la critique. Désolé de me répéter mais pour moi c'est donner les pleins pouvoirs (que naturellement il réclame) à l'Auteur. Mérite-t-il vraiment cette confiance absolue ? Si tu étais brechtien, ou si lui l'était vraiment, je crois que tu te méfierais un peu plus.

(...)

L'idée est attirante, et Brecht n'est pas le dernier à avoir nourri l'ambiguïté sur son projet, mais comme le disait Rancière qui lui aussi prend un peu trop au mot les Auteurs, ça ne marche pas, ça a donné le surplomb professoral sur les foules à conscientiser. Et alors pourquoi ne pas aller plutôt suivre des cours en amphi ?
Et d'ailleurs aujourd'hui, le brechtisme au théâtre, c'est presque de l'académisme. Regarder le spectateur dans les yeux, par exemple, image caricaturale de cette "mise à distance", fait partie des figures imposées de tout théâtre se voulant moderne.
Mais Brecht n'aurait pas cet humour si ce qu'il cherchait n'était pas autre chose.
Personnellement, et tout en le connaissant assez mal, je reconnais plutôt à Brecht l'introduction volontariste de l'idée de "prise de conscience" dans le théâtre. Il était quand même communiste (chose un peu refoulée par les lectures récentes).
Dans son théâtre, ce ne sont plus les individus qui sont les héros mais les idées qu'ils se font à l'épreuve de la souffrance et qu'ils peuvent partager, le recul réflexif qu'ils prennent sur leurs conditions de vie, sur le monde, etc.
Avant le concept d'émancipation du spectateur (contradiction dans les termes, non ?), c'est il me semble le goût de l'idée pour elle-même que veut communiquer Brecht. Je ne sais plus où il a dit que son rapport à l'Histoire était sensuel. (De ce point de vue, les plus grands brechtiens restent bien sûr Straub et Huillet.)

(Badlanders, sur enculture)

hello Badlanders,

-Je discute pas Renzi dans son interprétation de Haneke (je m'en tape; jamais rien trouvé d'intéressant dans Renzi) mais seulement son absence totale de maîtrise de quelques concepts philosophiques, et l'incohérence (tout simplement logique) de tout ce qu'il écrit...

- Il y a ce que tu dis chez Haneke, c'est évident (il en sait plus que le spectateur; où es le souci? Godard aussi en sait plus, même s'il faut distinguer les types de savoirs ) mais, on ne peut pas ignorer qu'il met aussi en scène les conditions de la perception (pour qui veut bien se dédoubler, se voir voyant). On le voit d'emblée dans "Amour".

-Après l'intrusion des flics et des pompiers, violente (mais, comme on dit, légale, parce que c'est l'Etat qui défonce les portes, et pas des voyous) dans l'appartement, on est dans une salle de concert, espace public, ouvert à tous, mais à condition de payer, et d'être cultivé, donc bourgeois (le goût de la musique, disait Bourdieu est le goût le plus classant, c'est le goût de la distinction spirituelle, la musique est le moins sensible des arts, le plus proche de l'âme... etc. On connait ces jugements, cette rhétorique).

(On ne doit pas manquer la question du fric, dans cette histoire, pas seulement dans les relations entre JLT et les infirmières, les concierges...mais aussi dans l'insistance sur le prix du CD (l'acheter ou attendre que l'ancien élève l'offre) la culture est universelle, mais pour qui peut se la payer. Opposition aussi entre la musique live, en concert, et la musique enregistrée; c'est pas anodin, bien entendu... )

Dans la salle de concert (une voix nous prévient que l'on ne peut ni filmer, ni enregistrer; question bien entendu de droit, de copyright...différence entre filmer un concert réel, et filmer une fiction de concert...) nous sommes face à des spectateurs (jeu un peu artificiel sur la position des personnages principaux, ils ne sont pas au centre, comme le réclament les règles ordinaire de la mise en scène, de la photo, le partage de l'essentiel et de l'accidentel, et les habitudes de l'oeil, du regard (Eyquem avait parlé de tout ça dans un topic).

On les voit, ils ne nous voient pas; ils voient quelque chose que nous ne voyons pas : le pianiste sur scène, le piano; des tas de choses. Nous sommes séparés, du point de vue du regard, mais entre eux et nous, y a une communauté créée par la musique : nous entendons la même musique; un pianiste joue, on l'entend, sans le voir, ils le voient et l'entendent. Mais cela ne dure pas, une fois que nous avons situé la source de la musique sur la scène, elle en est détachée, et est aussi rompue la communauté esthétique que nous formions avec les auditeurs du concert (nous entendons une musique qu'ils ne peuvent pas entendre). La musique est détachée de sa source, elle se poursuit dans le plans suivants...dans les coulisses, dans le bus...(nous sommes dans l'enregistrement, dans la reproduction technique, comme dirait Benjamin)

Tout le film est construit sur l'idée d'espace, public, privé, intime, et par un rétrécissement de cet espace; dès le début, de la salle de concert, on passe dans les coulisses, espaces réservé à quelques uns, bien entendu; là faudrait mettre en oeuvre les concepts de E Goffman (qui s'est intéressé on le sait à la maladie) pour saisir la construction de l'espace, des espaces dans le film (espace personnel, intime, territoire du moi... )

-Je crois réellement que tu es prisonnier de quelques "pré-jugements", une doxa : "Haneke", metteur en scène de la manipulation, froid, distant... totalitaire, finalement; n'est-il pas autrichien?

-Il y a une espèce d'anti-intellectualisme (le savoir c'est pas bien, la pensée...) constant dans la critique (que je ne dériverais pas de la position dominée à l'intérieur du champ intellectuel de la plupart des critiques)...pour moi, je l'ai souvent dit, les vrais films intellectuels, ce sont les blockbusters hollywoodiens...

-La prise de conscience politique est rendue possible par la distance, l'effet d'étrangeté...non?

-La position de Rancière à l'égard de Brecht n'est pas aussi simple : cf "le gai savoir de B.B.", qui se termine par : "Loin des
pédagogies heureuse de la conscience démystifiée comme des dénonciations de la science terroristes des maîtres-penseurs, Brecht expérimente quelque chose comme l'impuissance du vrai" (politique de la littérature, 143)

-La question de l'humour est essentielle, bien entendu; Brecht disait "n'avoir jamais rencontré d'homme sans humour qui ait compris la dialectique de Hegel"

Mais, il doit y avoir de l'humour chez Haneke, son film le plus fameux c'est tout de même "funny games".



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Message par Borges Ven 16 Nov 2012 - 13:32

slimfast a écrit:tu ouvres des pistes avec Brecht.
dans la lettre que Georges écrit à la fin on peut se demander de quoi ou de qui il parle : effectivement il a eu un peu de mal à capturer ce pigeon, contrairement à ce qu'il dit puis l'a laissé partir. Mais c'est de sa femme qu'il parle !

d'autre part il y a deux moments de "verticalité" dans le film : ce pigeon/sa femme - qui descend du puits de jour où si je ne me trompe pas le bas des vitres sont des vitraux, des paons même je crois - et le moment où Huppert regarde la rue par la fenêtre du salon. L'image totalement subjective qu'on voit alors est délirante : un décor dans un boîte tout recouvert de blanc, les murs des immeubles qui bordent la rue, elle même blanche, à travers les voilages, rideaux de la fenêtre eux même d'un blanc immaculé, le tout sans vie. Dans quel monde se projette alors Eva ? Son horizon est bouché, on devine sa situation familiale mais il y a son encontre et aussi à celui d'Anne - comme la scène de la douche - un traitement par le plan qui n'est jamais appliqué à Georges qui a la liberté de mouvement et n'est pas non plus torturé moralement - curieusement.

On peut aussi dire que l'appartement, à la fois le témoin et le cerveau de Georges - et tu avais raison de dire qu'il y avait du Shining dans amour, même structure familiale de plus - a comme hors-champn , ce trou noir par lequel l'oiseau s'engouffre et qui n'échappe pas à George et cette image d'un blanc immaculé par lequel Eva s'échappe.

Hi

-oui, il parle de sa femme (à sa femme), quand il dit que cela n'a pas été difficile; jeu dialectique sans relève possible, entre tuer et libérer...Le mot "étouffer" est dit au cours du dernier récit qu'il lui fait, celui du camp de vacances (spartiates) où il tombe malade : "ils nous maintenaient toujours en mouvement , afin sans doute d'étouffer en nous toutes pulsions (érotiques?)" (je cite de mémoire, mais le mot étouffer est bien dit)....

-Il lui faut le détours par ce camp, sa maladie, son hospitalisation, la séparation avec la mère, pour arriver à la mort-libération...(identification)


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Message par Invité Ven 16 Nov 2012 - 18:42

ce que tu dis est vrai et me fait penser que les récits qu'un personnage fait à l'autre sous souvent au coeur de la fiction. C'est l'aventure de Sueurs froides ou le récit inaugural et un peu théâtral que fait Elster à Scottie concernant sa femme va faire adhérer Scottie à la fiction.

Ici ce sont deux ( je crois ) micro-récits susurrés par Georges qui vont avoir raison d'Anne.

Le "récit" est toujours le noeud du drame.

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Message par Invité Dim 18 Nov 2012 - 8:28

Borges a écrit:
Mais pour faire des films "brechtiens" il faut être très intelligent, ou pour le dire moins prétentieusement il faut savoir raccorder le particulier au général, et il ne me semble pas que Haneke ait cette intelligence-là : aucun va-et-vient chez lui entre le contingent et l'idée, pensée de l'Histoire plus que minimale, les rapports de classes ne l'intéressent pas, aucune idée d'une communauté, d'une vie sociale, d'une communication, donc aucune idée non plus de l'humour, et tout cela qui lui manque l'oblige à fragmenter à l'extrême son monde en consciences isolées, hermétiques les unes aux autres. Pas un hasard si dans Amour il handicape Emmanuelle Riva au bout de 20 minutes : contrairement aux vrais cinéastes brechtiens (Guédiguian, Guiraudie, Godard...) il n'est pas à l'aise dans le dialogue, le dialogue ne l'intéresse pas. (Brecht écrivait pour le théâtre, ce qui n'est pas un hasard non plus.)
(Badlanders)

Ca manque de sérieux, je trouve; pour faire des films brechtiens faut être très intelligents, tu dis; peut-être, je sais pas; mais à l'évidence Haneke n'est pas assez intelligent, pour toi, pas autant que les trois G que tu cites, des gars qui n'ont pas grand chose en commun, et certainement par leur brechtisme (évident chez Godard, bien plus riche que chez Haneke, où il est un peu trop sérieux, pas assez joueur, varié, sans principe de plaisir; Brecht c'est très joueur, on se marre; c'est aussi populaire, et carnavalesque, comme on dit; Le Brecht de Haneke, c'est un cinéma du cerveau, presque sans affects; je dis bien presque, parce que ce n'est pas totalement vrai; il y a aussi du jeu, mais pas toujours funny, à première vue; au lieu de jouer, il se demande plutôt qu'est-ce que c'est jouer...quelles sont les conditions invariantes d'un jeu, c'est-à-dire finalement d'une communauté; le jeu, c'est l'idée d'une communauté esthétique... ) que tu définis, assez librement, de telle manière que ta définition exclue MH, comme "un va et vient entre l'idée et le contingent..."(La pensée de l'histoire n'est pas minimale chez H, y a pas non plus d'absence de rapports de classes, je ne vois pas comment tu peux dire ça...), mais bon je discute pas, on peut dire ce qu'on veut, et construire les définitions que l'on veut, si ça aide à penser quelque chose, mais en ce qui me concerne (c'est le sens ordinaire, commun) l'adjectif "brechtien" désigne la mise à distance, l'effet d'étrangeté (la séparation du spectateur et du spectacle, de l'acteur et du rôle, de la scène et de la salle, de l'histoire et de la morale...), qui doit amener le spectateur à prendre conscience de la fabrication des images, de l'histoire, de ce qui se passe sur scène, mais aussi dans le monde : y a pas de nature, y a de l'histoire...

En ce sens du terme, rien de plus brechtien que Haneke : il ne cesse de nous désolidariser du spectacle, des personnages, et de leurs actions, de leur croyances...Haneke ne fait pas des images en ce sens, mais des images sur les images, des images qui montrent à la fois un spectacle et les conditions de perception de ce spectacle; refus de l'adhésion pathétique, émotionnelle, pari sur l'intelligence, la raison...

On trouve ça lourd, peut-être tout simplement parce que Haneke ne fait qu'une chose : appeler à penser; la lourdeur est beaucoup plus dans la paresse de ceux qui s'arrêtent à quelques lieux communs rassemblés par le nom "Haneke" que dans les films mêmes...qui sont à la fois prodigieusement riches, intelligents, et qui donnent à penser, et le plaisir de la pensée (qu'on sépare assez bêtement)


-tout ceux qui passent leur temps à rappeler à Haneke que le cinéma, c'est la décision éthique sur ce qui est montrable, et ce qui ne l'est pas, etc., n'ont absolument pas vu le film, qui ne parle que de ça...et de manière dialectique, en multipliant les points de vue, les places depuis lesquelles ont peut voir, et penser, et poser des questions (les concierges sont-ils intrusifs ou JLT les rejete-t-il par "sentiment de classe"...)

La question est : qui décide de ce qui montrable et de ce qui ne l'est pas.





la mise à distance, l'insistance sur le rôle, la fonction du spectateur est bien entendu essentielle; comme l'ont montré Kant, et Arendt, c'est une question politique.

Aux jeux, disait je sais plus qui, il y a ceux qui viennent pour concourir, ceux qui viennent pour faire des affaires, et puis, les plus sages, ceux qui viennent uniquement pour voir, regarder; n'étant pris par aucun intérêts, aucune affaire, ils laissent les choses venir en présence, et se montrer; seuls, s'ils sont assez désintéressés, assez spectateurs, ils peuvent avoir accès à une vérité qui échappe aux autres. La théorie, c'est pas une affaire d'abstraction au sens vide, négatif au mot, c'est une manière d'échapper, de se soustraire aux affaires humaines, de s'en abstraire;


"Seul le spectateur occupe une position qui lui permet de voir la scène dans son entier; l’acteur, parce qu’il a un rôle dans la pièce, doit s’y tenir : il est, par définition, partial. Le spectateur, par définition, est impartial : aucun rôle ne lui est assigné. Donc, se mettre à l’écart de toute participation directe pour s’installer en un point de vue hors du jeu est une condition sine qua non de tout jugement. Ensuite, ce qui intéresse l’acteur, c’est la doxa , la renommée - c’est-à-dire l’opinion des autres. La renommée s’acquiert grâce à l’opinion des autres. Pour l’acteur, la question décisive est donc de savoir comment il apparaît aux autres; l’acteur est dépendant de l’opinion du spectateur; il n’est pas (pour parler en langage kantien) « autonome ». Il ne se conduit pas en suivant la voix innée de la raison, mais en fonction de l’attente des spectateurs. La norme est le spectateur. Et cette norme est autonome. (Arendt)

On dit d'Amour qu'il y s'agit de théâtre, l'art politique, comme on dit quelques fois; rappelons que le mot theatai ( spectateurs) a donné "théorie, " qui contemple, regarde quelque chose de l'extérieur, d'un endroit comportant un point de vue caché à ceux qui font partie du spectacle et le rendent réel. "


(Notons que Riva occupe dans Amour, la place des victimes des deux mecs de funny games : la place de l'impuissance totale)




Pasolini, Uccellaci e Uccellini. Le corbeau : Le temps de Brecht et Rossellini est terminé.

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Message par Borges Lun 19 Nov 2012 - 15:57

Rubafix
Amor vanitatum.

Vu Amour, la palme dure d’Haneke. La deuxième. Après le Ruban blanc, le Rubafix (marron). Haneke plus pernicieux (et prétentieux) que jamais. Beaucoup, parmi ceux qui pourtant n’aiment pas le film, reconnaissent la première partie (avant la première attaque d’Emmanuelle Riva), voire les deux premières parties (avant la seconde attaque), comme une grande réussite qui, malheureusement, serait gâchée par une dernière partie odieuse, où l’on retrouverait le côté malsain et manipulateur d’Haneke. Je ne suis pas d’accord. C’est justement parce que tout est construit, selon un dispositif de confinement et de repli de plus en plus massif, pour amener le spectateur à ce finale - et quel finale! Trintignant étouffant Riva avec l’oreiller (OK je spoile mais je m’en fous), le geste d’amour par excellence, le seul dans le fond qui intéresse Haneke (justifiant à ses yeux le titre, plus que l’harmonie conjugale qui prévalait avant l’accident, plus que le dévouement d’un homme pour sa femme après l’accident) -, bref pour nous faire accepter l’inacceptable, que tout le film, et pas seulement sa dernière partie, est à rejeter.
On va me rétorquer: "Oui mais quand même, Trintignant et Riva sont magnifiques!" La belle affaire. C'est justement parce que les deux comédiens sont magnifiques que la manière avilissante avec laquelle Haneke les filme - sensibilité, mon œil! - est absolument insupportable. Franchement, à quoi ça rime de montrer nue ou la culotte baissée une actrice de 84 ans qui jusque-là ne s'était jamais déshabillée dans un film? Ou de montrer un acteur de 81 ans perdant l'équilibre, trébuchant et se relevant péniblement, ce qui manifestement apparaît comme un incident de tournage? On peut supposer que si la scène n'a pas été retournée c'est à cause de sa relative complexité - c'est celle où Trintignant doit attraper le pigeon - mais rien n'empêchait Haneke de faire un plan de coupe, une fois le pigeon attrapé, sauf que non, il lui fallait à tout prix son plan-séquence qui souligne à quel point l'acteur/le personnage était diminué physiquement, gage de vérité, sinon de jouissance sadique, pour l'Artiste.
Quant à la mise en scène, on la dit impressionnante, bof... c'est surtout par sa précision qu'elle impressionne. C'est du travail d'orfèvre, qui fait d'Amour une œuvre implacable (ah, l'implacabilité d'Haneke!), mais qui, là encore, relève surtout de l'obsession vériste (pour une poésie de l'inéluctable, on repassera). La conception qu'a Haneke du cinéma est tout ce qu'il y a de plus élémentaire: représentation et identification (cf. le concert au début du film). Et pour ce qui est de la musicalité... ah oui, c'est très musical... Comme s'il suffisait de mettre en scène deux personnages mélomanes, mieux des professeurs de musique, de faire jouer les "Impromptus" de Schubert, mieux de les interrompre brutalement - la scène où Trintignant imagine Riva jouant du piano puis met fin à la "vision" en coupant le son de la chaîne hi-fi est néanmoins très belle -, de montrer quelques plans de l'appartement désert, dans le plus parfait silence évidemment (demi-soupir), pour conférer une musicalité au film. Non. Haneke ne fait qu'exécuter sa petite partition habituelle, empreinte de perversité et d'effets bien calculés... que le spectateur, ainsi conditionné, va pouvoir intérioriser. Amour n'est pas un film de chambre, c'est du cinéma chambré, servi à bonne température, pour émouvoir les "belles âmes", comme ce couillon de Lefort...

Post-scriptum post mortem. Les tous derniers plans du film sont assez beaux. Haneke recourt à l'imaginaire alors qu'il avait travaillé jusque-là dans le cru, une manière, je suppose, de ne pas tomber dans le pathos, ou dans ce que lui-même considère péjorativement comme du kitsch (cf. le plan rapide sur le lit de la défunte couvert de fleurs)... Trintignant rejoint Riva dans la mort (vraisemblablement un suicide par le gaz, expliquant la scène d'ouverture et... le Rubafix!), mais à la place du plan "attendu" - Trintignant allongé aux côtés de Riva -, Haneke préfère nous montrer les deux vieux amants bien vivants, réunis comme au début, et quittant l'appartement. C'est beau parce que c'est la fin du film, que la scène ne présage plus de rien, en termes de manipulation, qu'on peut la réceptionner telle quelle, Haneke en ayant fini lui aussi avec ses petites manigances, libérant enfin (mais trop tard) le spectateur.

PS2. Le vrai mérite d'Amour c'est de nous rappeler que Bergman, dans le fond, c'est pas si mal (hé hé).

PS3. Alléluia... Non seulement Julia Hasting ne s'occupe plus des couvertures des Cahiers (je n'y suis pour rien, même s'il me plaît d'imaginer le contraire), mais surtout la revue, qui n'aime pas Amour, se fend dans son dernier numéro d'un bel ensemble anti-Haneke et non d'une petite note assassine. Bon d'accord, c'est aussi parce qu'il s'agit de la Palme d'or, mais quand même, en ces temps d'aveuglement critique la chose mérite d'être soulignée. Et saluée.

(theballoonatic)
C'est tellement bête, et convenu.
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Message par sokol Jeu 22 Nov 2012 - 10:10

Il me tarde d'entendre Godard dire :"Haneke est un sale type", tout comme il avait très justement dit au début des années '90 : "Wenders est un connard".

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Message par Invité Jeu 22 Nov 2012 - 16:00

Alors il l'est tout autant , parce qu'il y a aussi une culotte baissée et une vision touristique et racoleuse de l'histoire de l'Europe des années 1990 à la Wenders dans "For Ever Mozart" (pouvoir raconter les crises et les guerres à la manière d'Homère met à la fois l'artiste et son public au dessus de la culpabilité politique, qui n'est pas un fait culturel).

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Message par adeline Jeu 22 Nov 2012 - 18:05

Je ne savais pas que Godard avait dit ça de Wenders. Qu'est-ce qu'il lui reproche ? J'aime beaucoup Alice dans les villes et L'Ami américain. D'ailleurs, j'ai repensé à ce que Slimfast avait remarqué, quand Pina était sorti, que ceux qui aimaient Wenders dans les années 70 et 80 ne cessaient de le descendre depuis une dizaine d'années. J'avais dit que ce n'était pas mon cas. Mais en revoyant L'Ami américain j'ai quand même pensé très fort que Pina n'existe pas vraiment à côté.

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Message par Borges Jeu 22 Nov 2012 - 19:29

"Wenders... avant 'les ailes du désir", dit Badiou....
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Message par Invité Jeu 22 Nov 2012 - 21:22

moi j'aime pas les films qu'il a fait avec Solveig Dommartin, je sais pas, elle affadit son univers déjà pas très relevé.

J'ai trouvé d'où vient l'étrangeté du plan d'huppert regardant par la fenêtre du salon de ses parents, c'est de peintre danois, Hammershoi, dont les tableaux dégagent souvent un calme fragile :
AMOUR de Michaël Haneke - Page 3 Hammershoi-Fenetres
Il avait été très bien utilisé dans un film qui date maintenant et n'est pas terrible, "le festin de babette"

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Message par sokol Ven 23 Nov 2012 - 0:27

adeline a écrit:[justify]Je ne savais pas que Godard avait dit ça de Wenders. Qu'est-ce qu'il lui reproche ?

"Les ailes du désirs" (un des films les plus immonde de la planète cinéma)

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Message par Invité Sam 24 Nov 2012 - 11:08

Haneke " il a même fait fabriquer une vraie bibliothèque (Puzos le décorateur) en chêne. D'habitude au cinéma, on prend un bois bon marché et on le peint pour que, à l'écran, il ressemble à du chêne. Cette recherche de réalisme m'a surpris et comblé, moi qui ai tenu à ranger les livres de cette bibliothèque par thèmes et par ordre alphabétique". Ach so !

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