Like someone in love (A. Kiarostami)
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Like someone in love (A. Kiarostami)
Discussion avec Abbas Kiarostami à l'issue de la projection de "Like Someone in Love", présenté en avant-première au cinéma Capitole à Lausanne. Cinémathèque suisse, le 04.09.2012
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Eyquem a écrit:
"Like someone in love" : enfin un super film. Ca m'a captivé.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
A revoir ces images, je me souviens comme j'avais aimé le bruit continu des voitures qu'on entend depuis le salon de Takashi.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
slimfast a écrit:Eyquem a écrit :
"Like someone in love" : enfin un super film. Ca m'a captivé.
moi aussi, pourtant un fil ténu mais captivant comme tu dis.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
salut Woot,
Je me souviens que j'avais détesté la critique publiée par Independencia, qui commence comme ça :
Le présupposé des auteurs (ils s'y sont mis à 3 pour pondre cet article), c'est que l'exigence minimale, pour un cinéaste pas japonais qui tourne au Japon, c'est de chercher à saisir ce truc indéfinissable: la japonité. Pas la peine de se déplacer au Japon si c'est pas pour capter ça. Autant aller au bar du coin, où là y a pas de problème, l'adéquation du film, du cinéaste et du lieu se sentira aussi sec.
C'est bizarre. L'idée, apparemment, c'est qu'un cinéaste japonais a le droit de filmer le Japon comme un endroit quelconque, il a le droit de s'en foutre, de la japonité (sans doute parce que la japonité, il l'a dans le sang, elle se sent dans le film, quoi qu'il fasse) (on n'imagine pas une critique qui commencerait par : "Le film 'japonais' de Kurosawa...", à moins de chercher le ridicule: ça se discute pas que Kurosawa produit des films japonais, aussi sûrement que le cerisier des cerises). Tandis qu'un cinéaste qui viendrait d'ailleurs, d'Iran par exemple, la japonité, ça doit le travailler, secrètement: "Comment peut-on être japonais?", c'est une question qui doit pas cesser de le tarauder, sans quoi c'est juste un imposteur, un mec pas fiable, limite cosmopolite, qui filme Tokyo comme Los Angeles, sans trop s'en faire quant à leurs différences essentielles, et ça, à Independencia, c'est non. Ils vous ont un de ces talents pour débusquer ce genre d'escrocs qu'on se demande comment ils font: sans doute que c'est dans leurs gènes, comme la japonité pour les cinéastes japonais.
Je me souviens que j'avais détesté la critique publiée par Independencia, qui commence comme ça :
J'adore les guillemets à "japonais": ça se passe au Japon, avec des acteurs japonais qui parlent japonais, mais tout le monde, du moins à Independencia, reconnaît au premier coup d'oeil que c'est du faux japonais, du japonais entre guillemets - car le vrai japonais, sans guillemets ni rien, c'est autre chose: on sait pas ce que c'est exactement, c'est un truc qui se sent, c'est dans l'air ou dans la façon de tenir les baguettes, un truc indéfinissable.Le film « japonais » de Kiarostami n’est qu’une parfaite transposition d’un film de Kiarostami au Japon. Le casting réunit des stars du pays autour d’un scénario que l’on pourrait situer à Taipei ou Los Angeles. Il a suffit à Tokyo de présenter les caractéristiques d’une mégapole contemporaine – éclairages au néon sur buildings de verre. Même Paris aurait pu faire l’affaire, tant on jurerait que le restaurant tokyoïte où se déroule la scène d’ouverture est celui du MK2 Bibliothèque.
http://www.independencia.fr/revue/spip.php?article561
Le présupposé des auteurs (ils s'y sont mis à 3 pour pondre cet article), c'est que l'exigence minimale, pour un cinéaste pas japonais qui tourne au Japon, c'est de chercher à saisir ce truc indéfinissable: la japonité. Pas la peine de se déplacer au Japon si c'est pas pour capter ça. Autant aller au bar du coin, où là y a pas de problème, l'adéquation du film, du cinéaste et du lieu se sentira aussi sec.
C'est bizarre. L'idée, apparemment, c'est qu'un cinéaste japonais a le droit de filmer le Japon comme un endroit quelconque, il a le droit de s'en foutre, de la japonité (sans doute parce que la japonité, il l'a dans le sang, elle se sent dans le film, quoi qu'il fasse) (on n'imagine pas une critique qui commencerait par : "Le film 'japonais' de Kurosawa...", à moins de chercher le ridicule: ça se discute pas que Kurosawa produit des films japonais, aussi sûrement que le cerisier des cerises). Tandis qu'un cinéaste qui viendrait d'ailleurs, d'Iran par exemple, la japonité, ça doit le travailler, secrètement: "Comment peut-on être japonais?", c'est une question qui doit pas cesser de le tarauder, sans quoi c'est juste un imposteur, un mec pas fiable, limite cosmopolite, qui filme Tokyo comme Los Angeles, sans trop s'en faire quant à leurs différences essentielles, et ça, à Independencia, c'est non. Ils vous ont un de ces talents pour débusquer ce genre d'escrocs qu'on se demande comment ils font: sans doute que c'est dans leurs gènes, comme la japonité pour les cinéastes japonais.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
bizarrement j'ai eu des sensations qui m'ont rappelé quand je marchais dans les rues de Tokyo lorsque j'y étais de passage. En gros j'y ait retrouvé "mon" japon. Un effet de l'hyperréalisme virant à l'abstraction de certains passages.
Sinon en comparant ça au café lumière de Hou Hsiao-hsien, je dirai que c'est un peu au même niveau. Sauf que les gars de Independancia pourraient balancer un truc un peu bête genre, oui mais HHH c'est un taiwanais, les taiwanais sont plus japonais que les iraniens, et surtout il utilise un personnage central qui est métisse taiwano-japonais, donc il a gagné son ticket d'entrée et évité de filmer un japon comme si ce n'était que taiwan.
Sinon en comparant ça au café lumière de Hou Hsiao-hsien, je dirai que c'est un peu au même niveau. Sauf que les gars de Independancia pourraient balancer un truc un peu bête genre, oui mais HHH c'est un taiwanais, les taiwanais sont plus japonais que les iraniens, et surtout il utilise un personnage central qui est métisse taiwano-japonais, donc il a gagné son ticket d'entrée et évité de filmer un japon comme si ce n'était que taiwan.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
ah, autre chose... Une japonaise me disait que le vieux monsieur ne faisait pas très japonais avec sa grosse moustache.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Woot a écrit:bizarrement j'ai eu des sensations qui m'ont rappelé quand je marchais dans les rues de Tokyo lorsque j'y étais de passage. En gros j'y ait retrouvé "mon" japon.
Je me souviens d'une balade que j'ai faite en Corse. Toute la matinée, on avait escaladé cette foutue montagne comme des cons de touristes, ce qui nous empêchait pas d'être parfaitement heureux. Petit à petit, il n'y a plus eu d'arbres, juste des pierres et des herbes rases, et un air lumineux. Inutile de dire que ça faisait bien longtemps qu'on avait dépassé tout ce qui pouvait ressembler à une maison. Il n'y avait personne. De temps en temps, un cairn, et encore, pas suffisamment pour éviter de se paumer. On s'est donc paumé, le chemin était à peine un chemin. Mais on s'en faisait pas trop, vu que pour retrouver le monde, il suffisait de suivre la pente dans n'importe quelle direction. C'était pour s'orienter dans le sens de la montée que c'était une autre affaire, vu qu'on cherchait un lac bien précis, qui ne pouvait être que beau et unique, vu comme il était paumé, et loin de tout et difficile à trouver. Ca valait donc qu'on continue. Et c'est comme ça qu'on a fini par tomber sur ce paysage. Il avait rien de particulier en soi, c'est juste qu'il y avait un arbre, dont on se demandait ce qu'il fichait là. Les autres poussaient plus bas, sur un autre versant, mais lui, il tentait l'aventure en solo, à une altitude que les autres arbres devaient trouver pas raisonnable. Quand j'ai vu ce paysage, avec son arbre planté tout seul en haut de sa colline, j'ai tout de suite pensé à Kiarostami, à la colline de "Où est la maison". J'ai fait la photo dans ma tête, et sans mentir, on pourrait se croire en Iran, près de Koker, du moins l'idée que je m'en fais, à cause des films d'Abbas.
Ceux d'Independencia reprochent à Kiarostami de pas filmer le Japon. Mais est-ce qu'il filmait l'Iran, quand il y tournait ?
Quand je pense aux films de Kiarostami, les images qui me viennent, ce sont d'abord des rues et des routes, parcourues à pied ou en voiture. De la route, on voit des paysages de hauts plateaux qui ne semblent déjà plus tout à fait sur terre.
Le paysage qu'il a peut-être le plus fait exister pour le monde entier, c'est celui des collines poussiéreuses au-dessus de Téhéran, qu'on voit dans "Le goût de la cerise". Mais ce paysage, c'était justement le grand nulle part. Si Badi-î veut y être enterré, c'est pas parce que c'est sa terre, c'est justement parce que c'est pas sa terre ni celle de personne, c'est pas la ville ni la campagne, c'est pas le lieu des vivants ni celui des morts. C'est comme un lieu qui n'a pas lieu, où rien n'a lieu, sinon une disparition sans traces, et c'est pour ça que Badi-î avait choisi cet endroit.
Les paysages que filme Kiarostami, il les filme pas pour leur "iranité". Il les filme pour leur éloignement. Ils pourraient être n'importe où. Ce sont des paysages qu'on voit, où l'on passe, où l'on se perd, mais où on n'est pas.
Un des moments très forts de "Et la vie continue", c'est quand le voyageur s'arrête dans un village démoli par le tremblement de terre: il regarde la terrasse d'une maison, et la fenêtre de cette terrasse donne sur un paysage, que seule la caméra, par l'artifice d'un zoom, peut approcher.
Je défie ceux d'Independencia de me dire de quelle nationalité est ce lointain.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Salut E., beau message.
Je crois que "OU EST LA MAISON DE MON AMI" est un de mes films préférés. RIen qu'en te lisant et en y repensant, je réentends la petite balade qui accompagne les courses du petit garçon dans le plan large de la colline.
Je me souviens avoir revu le film avec un commentaire audio de Bergala et Kiarostami; il explique comment il a reconfiguré la géographie des villages et c'est fou de se rendre compte à quel point tout cela a été pensé, millimétré (enfin non; pour etre honnete, pas si fou que ça si on a fait quelques films) et prévu alors que le film laisse paraître une telle vie, respire tellement la vérité de ces lieux.
A un moment donné il explique ce qui est important pour lui, un truc qu'il appelle le "raccord affectif". La relation entre deux choses que l'on doit s'efforcer de faire naître à chaque plan; chaque idée; chaque mouvement de mise en scène; chaque dispositif. C'est une idée très forte, ça me porte depuis longtemps.
Bref, pour en revenir à cette colline, un raccord affectif s'est fait entre le film et ma vie. J'y repense souvent, je la vois quand je gravis quelque chose, j'entends la musique quand je suis dans une situation de course entre deux endroits.
A ce niveau là cette colline cela fait des années qu'elle n'est plus en Iran, elle est en France, en région parisienne, en Corse.
PS : le truc d'indenpencia a été écrit à trois mains pendant le festival de cannes, pas très sérieux
Je crois que "OU EST LA MAISON DE MON AMI" est un de mes films préférés. RIen qu'en te lisant et en y repensant, je réentends la petite balade qui accompagne les courses du petit garçon dans le plan large de la colline.
Je me souviens avoir revu le film avec un commentaire audio de Bergala et Kiarostami; il explique comment il a reconfiguré la géographie des villages et c'est fou de se rendre compte à quel point tout cela a été pensé, millimétré (enfin non; pour etre honnete, pas si fou que ça si on a fait quelques films) et prévu alors que le film laisse paraître une telle vie, respire tellement la vérité de ces lieux.
A un moment donné il explique ce qui est important pour lui, un truc qu'il appelle le "raccord affectif". La relation entre deux choses que l'on doit s'efforcer de faire naître à chaque plan; chaque idée; chaque mouvement de mise en scène; chaque dispositif. C'est une idée très forte, ça me porte depuis longtemps.
Bref, pour en revenir à cette colline, un raccord affectif s'est fait entre le film et ma vie. J'y repense souvent, je la vois quand je gravis quelque chose, j'entends la musique quand je suis dans une situation de course entre deux endroits.
A ce niveau là cette colline cela fait des années qu'elle n'est plus en Iran, elle est en France, en région parisienne, en Corse.
PS : le truc d'indenpencia a été écrit à trois mains pendant le festival de cannes, pas très sérieux
DB- Messages : 1528
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Hi;
Oui, belles réflexions sur le chemin, le cheminement, qui me rappellent des choses.
Avant de définir l'être de l'homme comme dasein, Heidegger l'avait défini comme l'être-en-chemin, ce qui revient un peu au même, car le da-sein, ce n'est pas l'être-là, au sens de l'être-ici, mais l'être d'un étant qui est toujours hors-de-lui-même (donc jamais rassemblé dans l'unité d'un "même"), jamais en lui-même, toujours ailleurs, sur la route...si la sagesse (sophia) a son être, le sens de son mouvement, dans la contemplation d'un étant en repos (Dieu, la vérité...) la vie, au contraire, est une oeuvre sans fin, un être sur le chemin-sans-fin (du moins pas avant la dernière demeure)
"Où est la maison de mon ami?" (de l'ami, au sens absolu, aussi) est d'abord le titre d"un poème de Sohrab Sepehri
"Lumière, moi, fleur, eau
Pas de nuage.
Pas de vent.
Je m’assieds près du bassin.
Danse des poissons, lumière, moi, fleurs, eau.
Pureté de la grappe de la vie.
Ma mère cueille du basilic.
Pain, basilic, fromage. Un ciel sans nuage.
Pétunias mouillés.
Le salut proche : au milieu des fleurs de la cour.
La lumière dans le bol de cuivre,
Comme elle déverse ses caresses !
L’échelle porte le matin du haut mur vers la terre.
Derrière un sourire, tout se cache.
Il y a une lucarne dans le mur du temps
A travers laquelle mon visage se voit.
Il y a des choses que je ne sais pas.
Mais, je sais que si j’arrache une herbe, je mourrai.
Je vais là-haut, au sommet, j’ai plein d’ailes et de plumes.
Je trouve mon chemin dans le noir, j’ai plein de lanternes.
Je suis comblé de lumière, de sable et d’arbres.
Je suis plein de chemins, de ponts, de rivières, de vagues
Je suis plein de l’ombre d’une feuille sur l’eau :
Comme je suis seul en moi !"
(comme disait mon ami iranien, en iran tout le monde passe son temps à réciter des poèmes...)
Oui, belles réflexions sur le chemin, le cheminement, qui me rappellent des choses.
Avant de définir l'être de l'homme comme dasein, Heidegger l'avait défini comme l'être-en-chemin, ce qui revient un peu au même, car le da-sein, ce n'est pas l'être-là, au sens de l'être-ici, mais l'être d'un étant qui est toujours hors-de-lui-même (donc jamais rassemblé dans l'unité d'un "même"), jamais en lui-même, toujours ailleurs, sur la route...si la sagesse (sophia) a son être, le sens de son mouvement, dans la contemplation d'un étant en repos (Dieu, la vérité...) la vie, au contraire, est une oeuvre sans fin, un être sur le chemin-sans-fin (du moins pas avant la dernière demeure)
"Où est la maison de mon ami?" (de l'ami, au sens absolu, aussi) est d'abord le titre d"un poème de Sohrab Sepehri
"Lumière, moi, fleur, eau
Pas de nuage.
Pas de vent.
Je m’assieds près du bassin.
Danse des poissons, lumière, moi, fleurs, eau.
Pureté de la grappe de la vie.
Ma mère cueille du basilic.
Pain, basilic, fromage. Un ciel sans nuage.
Pétunias mouillés.
Le salut proche : au milieu des fleurs de la cour.
La lumière dans le bol de cuivre,
Comme elle déverse ses caresses !
L’échelle porte le matin du haut mur vers la terre.
Derrière un sourire, tout se cache.
Il y a une lucarne dans le mur du temps
A travers laquelle mon visage se voit.
Il y a des choses que je ne sais pas.
Mais, je sais que si j’arrache une herbe, je mourrai.
Je vais là-haut, au sommet, j’ai plein d’ailes et de plumes.
Je trouve mon chemin dans le noir, j’ai plein de lanternes.
Je suis comblé de lumière, de sable et d’arbres.
Je suis plein de chemins, de ponts, de rivières, de vagues
Je suis plein de l’ombre d’une feuille sur l’eau :
Comme je suis seul en moi !"
(comme disait mon ami iranien, en iran tout le monde passe son temps à réciter des poèmes...)
Borges- Messages : 6044
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
DB a écrit:Salut E., beau message.
Je crois que "OU EST LA MAISON DE MON AMI" est un de mes films préférés. RIen qu'en te lisant et en y repensant, je réentends la petite balade qui accompagne les courses du petit garçon dans le plan large de la colline.
Je me souviens avoir revu le film avec un commentaire audio de Bergala et Kiarostami; il explique comment il a reconfiguré la géographie des villages et c'est fou de se rendre compte à quel point tout cela a été pensé, millimétré (enfin non; pour etre honnete, pas si fou que ça si on a fait quelques films) et prévu alors que le film laisse paraître une telle vie, respire tellement la vérité de ces lieux.
A un moment donné il explique ce qui est important pour lui, un truc qu'il appelle le "raccord affectif". La relation entre deux choses que l'on doit s'efforcer de faire naître à chaque plan; chaque idée; chaque mouvement de mise en scène; chaque dispositif. C'est une idée très forte, ça me porte depuis longtemps.
Bref, pour en revenir à cette colline, un raccord affectif s'est fait entre le film et ma vie. J'y repense souvent, je la vois quand je gravis quelque chose, j'entends la musique quand je suis dans une situation de course entre deux endroits.
A ce niveau là cette colline cela fait des années qu'elle n'est plus en Iran, elle est en France, en région parisienne, en Corse.
PS : le truc d'indenpencia a été écrit à trois mains pendant le festival de cannes, pas très sérieux
Dans un film de Bergala (le mec qui pour moi parle le mieux de cinéma), Le combat avec l'ange, il met en perspective la scène de la kermesse pour enfants de Mes petites amoureuses avec la scène du champ de course au début de Pickpocket, où comment il s'est approprié la scène pour la rendre à la fois identique et différente. Cette mise en évidence du désir du cinéaste par la scène d'origine est lumineuse, en chaque spectateur il devrait y avoir un cinéaste.
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
- Spoiler:
- Eyquem a écrit:Woot a écrit:bizarrement j'ai eu des sensations qui m'ont rappelé quand je marchais dans les rues de Tokyo lorsque j'y étais de passage. En gros j'y ait retrouvé "mon" japon.
Je me souviens d'une balade que j'ai faite en Corse. Toute la matinée, on avait escaladé cette foutue montagne comme des cons de touristes, ce qui nous empêchait pas d'être parfaitement heureux. Petit à petit, il n'y a plus eu d'arbres, juste des pierres et des herbes rases, et un air lumineux. Inutile de dire que ça faisait bien longtemps qu'on avait dépassé tout ce qui pouvait ressembler à une maison. Il n'y avait personne. De temps en temps, un cairn, et encore, pas suffisamment pour éviter de se paumer. On s'est donc paumé, le chemin était à peine un chemin. Mais on s'en faisait pas trop, vu que pour retrouver le monde, il suffisait de suivre la pente dans n'importe quelle direction. C'était pour s'orienter dans le sens de la montée que c'était une autre affaire, vu qu'on cherchait un lac bien précis, qui ne pouvait être que beau et unique, vu comme il était paumé, et loin de tout et difficile à trouver. Ca valait donc qu'on continue. Et c'est comme ça qu'on a fini par tomber sur ce paysage. Il avait rien de particulier en soi, c'est juste qu'il y avait un arbre, dont on se demandait ce qu'il fichait là. Les autres poussaient plus bas, sur un autre versant, mais lui, il tentait l'aventure en solo, à une altitude que les autres arbres devaient trouver pas raisonnable. Quand j'ai vu ce paysage, avec son arbre planté tout seul en haut de sa colline, j'ai tout de suite pensé à Kiarostami, à la colline de "Où est la maison". J'ai fait la photo dans ma tête, et sans mentir, on pourrait se croire en Iran, près de Koker, du moins l'idée que je m'en fais, à cause des films d'Abbas.
Ceux d'Independencia reprochent à Kiarostami de pas filmer le Japon. Mais est-ce qu'il filmait l'Iran, quand il y tournait ?
Quand je pense aux films de Kiarostami, les images qui me viennent, ce sont d'abord des rues et des routes, parcourues à pied ou en voiture. De la route, on voit des paysages de hauts plateaux qui ne semblent déjà plus tout à fait sur terre.
Le paysage qu'il a peut-être le plus fait exister pour le monde entier, c'est celui des collines poussiéreuses au-dessus de Téhéran, qu'on voit dans "Le goût de la cerise". Mais ce paysage, c'était justement le grand nulle part. Si Badi-î veut y être enterré, c'est pas parce que c'est sa terre, c'est justement parce que c'est pas sa terre ni celle de personne, c'est pas la ville ni la campagne, c'est pas le lieu des vivants ni celui des morts. C'est comme un lieu qui n'a pas lieu, où rien n'a lieu, sinon une disparition sans traces, et c'est pour ça que Badi-î avait choisi cet endroit.
Les paysages que filme Kiarostami, il les filme pas pour leur "iranité". Il les filme pour leur éloignement. Ils pourraient être n'importe où. Ce sont des paysages qu'on voit, où l'on passe, où l'on se perd, mais où on n'est pas.
Un des moments très forts de "Et la vie continue", c'est quand le voyageur s'arrête dans un village démoli par le tremblement de terre: il regarde la terrasse d'une maison, et la fenêtre de cette terrasse donne sur un paysage, que seule la caméra, par l'artifice d'un zoom, peut approcher.
Je défie ceux d'Independencia de me dire de quelle nationalité est ce lointain.
manque la langue ...
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Hi,
La question de l'être (japonais, notamment) n'est pas évidente ; on en avait beaucoup parlé, si je me souviens, sur le forum des cahiers, avec woot, notamment...
Le truc c'est qu'il ne faut pas tomber dans le piège de l'universalité abstraite, l'Iran est en Corse, en moi ; nous sommes tous des français belges iraniens japonais américains... même si dans les temps qui courent, à leur perte certainement, il vaut mieux dire ça que son contraire.
Idéalement, avec toutes les précautions du monde, celles qui font dire à Badiou que l'étranger en France ne lui est pas plus étranger que son cousin... il faut, comme dit Derrida, toujours laisser à l'autre la possibilité d'une différence, de sa différence. Jamais je ne pourrai l'intérioriser entièrement. Jamais un paysage iranien ne sera un paysage corse, mais je peux voir un paysage corse depuis un horizon ouvert par un film de Kiarostami, qui en filmant le paysage iranien l'aura détaché de l'espace empirique iranien pour le situer dans l'espace de l'image... Je vois alors les choses en Kiarostami.
Comme dit Proust, les artistes nous donnent un nouveau regard.
Cela dit, si le paysage par le film est détaché de lui-même, c'est tout de même le paysage qui aura rendu possible l'image, et le détachement ; c'est une image sans doute, pas la chose, mais c'est aussi une image de la chose, de cette chose que je vois.
En tant que spectateur quand je regarde "Où est la maison de mon ami ?", c'est à l'Iran que je suis rapporté, mais un Iran qui n'est pas en Iran. Où, alors ? Sur l'écran ? Dans ma tête ? Dans mes émotions ? Aucune réponse n'est possible à cette question, si on croit que les choses sont dans nos têtes, dans nos émotions ; nos émotions et nos pensées, nos perceptions sont toujours orientées vers le dehors ; un film ne se passe pas dans ma tête, même quand je me le repasse dans ma tête.
Pour saisir le phénomène, faut garder ensemble l'image et la chose : dans leur distance ; l'image d'une chose, ce n'est ni sa relève, ni son anéantissement, ni sa mort : l'image c'est la distance à la chose, c'est la chose à distance d'elle-même, et à distance de celui qui la regarde, ou y pense ; c'est pourquoi on nous montre parfois des types qui rentrent dans des images, qui passent de l'autre côté de l'écran, par exemple Keaton, dans "S. Junior", un des films favoris de Malick, un film, dit-il, sur "la tension belle et triste entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être" : la triste et belle tension de son cinéma ; tension du sentiment sublime.
Bien entendu, on ne comble jamais cette distance, c'est la distance de l'homme au monde : la franchir c'est sortir du monde, vers sa valeur, son sens. Dans l'image, le monde est à distance de lui-même ; ce que l'on exprime ordinairement en disant que le cinéma, c'est pas le monde, ou "au cinéma on fuit le monde" ; non, on ne fuit rien au cinéma, dans l'art, dans l'image, bien au contraire, ce sont les seuls lieux où nous ne fuyons rien, ou pour le dire mieux avec Genet, dans son magnifique texte sur Rembrandt : au cinéma les choses nous fuient à une vitesse infinie :
Cette vitesse est-ce la vitesse que Deleuze lit dans Spinoza ? peut-être ; on les a souvent rapprochés, et si c'est pas sûr qu'ils se sont connus, c'est quand même peut-être...
On peut à partir de là s'orienter vers l'idée d'éloignement (un des grands mots de Heidegger et de Derrida) dont parle Eyquem ; un peu plus tard...
Là, faut reprendre l'idée : l'image d'une chose, pas la première venue bien entendu, me situe dans une distance infinie à la chose, qui est une distance infinie de la chose à elle-même. Je viens m'inscrire dans cet écart infini. On connaît les variations de Proust sur le sujet ; faut jamais aller à Venise pour chercher à vérifier que Venise est bien Venise, dans Venise... Cela ne veut pas dire que Venise se situe uniquement dans la peinture, les bouquins... ou dans le cinéma, par exemple de Visconti...
Cela signifie quoi alors ?
Dans l'image, la chose est à une distance infinie d'elle-même, et pourtant l'image est bien une image de la chose. La chose est dans l'image, et là où elle est, à sa place, en son lieu ; un paysage filmé par Kiarostami en Iran est en Iran, cela c'est une évidence ; c'est l'Iran qu'il filme, pas le Japon, pas la Corse, pas l'Afrique, pas l'Italie… Sans doute Kiarostami ne filme-t-il pas ces paysages pour leur "iranité", pas plus que Ford ne filmait les siens pour leur "américanité", mais en même temps faut bien admettre que Ford est américain, et que Kiarostami est iranien.
Dans une interview, il dit même que c'est le seul pays au monde où il pourrait vivre ; il peut travailleur ailleurs, mais ne peut vivre qu'en Iran ; voilà qui est clair ; quand il filme l'Iran, il filme le lieu, le monde, l'espace où il vit, l'espace de sa vie, quand il filme un autre lieu, en dehors de l'Iran, la vie et le travail sont séparés. Mais que signifie pour un artiste séparer le travail de la vie ? Les deux ne sont-ils pas absolument liés ?
La question de l'être (japonais, notamment) n'est pas évidente ; on en avait beaucoup parlé, si je me souviens, sur le forum des cahiers, avec woot, notamment...
Le truc c'est qu'il ne faut pas tomber dans le piège de l'universalité abstraite, l'Iran est en Corse, en moi ; nous sommes tous des français belges iraniens japonais américains... même si dans les temps qui courent, à leur perte certainement, il vaut mieux dire ça que son contraire.
Idéalement, avec toutes les précautions du monde, celles qui font dire à Badiou que l'étranger en France ne lui est pas plus étranger que son cousin... il faut, comme dit Derrida, toujours laisser à l'autre la possibilité d'une différence, de sa différence. Jamais je ne pourrai l'intérioriser entièrement. Jamais un paysage iranien ne sera un paysage corse, mais je peux voir un paysage corse depuis un horizon ouvert par un film de Kiarostami, qui en filmant le paysage iranien l'aura détaché de l'espace empirique iranien pour le situer dans l'espace de l'image... Je vois alors les choses en Kiarostami.
Comme dit Proust, les artistes nous donnent un nouveau regard.
Cela dit, si le paysage par le film est détaché de lui-même, c'est tout de même le paysage qui aura rendu possible l'image, et le détachement ; c'est une image sans doute, pas la chose, mais c'est aussi une image de la chose, de cette chose que je vois.
En tant que spectateur quand je regarde "Où est la maison de mon ami ?", c'est à l'Iran que je suis rapporté, mais un Iran qui n'est pas en Iran. Où, alors ? Sur l'écran ? Dans ma tête ? Dans mes émotions ? Aucune réponse n'est possible à cette question, si on croit que les choses sont dans nos têtes, dans nos émotions ; nos émotions et nos pensées, nos perceptions sont toujours orientées vers le dehors ; un film ne se passe pas dans ma tête, même quand je me le repasse dans ma tête.
Pour saisir le phénomène, faut garder ensemble l'image et la chose : dans leur distance ; l'image d'une chose, ce n'est ni sa relève, ni son anéantissement, ni sa mort : l'image c'est la distance à la chose, c'est la chose à distance d'elle-même, et à distance de celui qui la regarde, ou y pense ; c'est pourquoi on nous montre parfois des types qui rentrent dans des images, qui passent de l'autre côté de l'écran, par exemple Keaton, dans "S. Junior", un des films favoris de Malick, un film, dit-il, sur "la tension belle et triste entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être" : la triste et belle tension de son cinéma ; tension du sentiment sublime.
Bien entendu, on ne comble jamais cette distance, c'est la distance de l'homme au monde : la franchir c'est sortir du monde, vers sa valeur, son sens. Dans l'image, le monde est à distance de lui-même ; ce que l'on exprime ordinairement en disant que le cinéma, c'est pas le monde, ou "au cinéma on fuit le monde" ; non, on ne fuit rien au cinéma, dans l'art, dans l'image, bien au contraire, ce sont les seuls lieux où nous ne fuyons rien, ou pour le dire mieux avec Genet, dans son magnifique texte sur Rembrandt : au cinéma les choses nous fuient à une vitesse infinie :
Les portraits faits par Rembrandt (après la cinquantaine) ne renvoient à personne d’identifiable. Aucun détail, aucun trait de physionomie ne renvoie à un trait de caractère, à une psychologie particulière. Sont-ils dépersonnalisés par une schématisation ? Pas du tout. Qu’on pense aux rides de Margaretha Trip. Et plus je les regardais, espérant saisir, ou l’approcher, la personnalité, comme on dit, découvrir leur identité particulière, plus ils s’enfuyaient – tous – dans une fuite infinie, et à la même vitesse.
Cette vitesse est-ce la vitesse que Deleuze lit dans Spinoza ? peut-être ; on les a souvent rapprochés, et si c'est pas sûr qu'ils se sont connus, c'est quand même peut-être...
On peut à partir de là s'orienter vers l'idée d'éloignement (un des grands mots de Heidegger et de Derrida) dont parle Eyquem ; un peu plus tard...
Là, faut reprendre l'idée : l'image d'une chose, pas la première venue bien entendu, me situe dans une distance infinie à la chose, qui est une distance infinie de la chose à elle-même. Je viens m'inscrire dans cet écart infini. On connaît les variations de Proust sur le sujet ; faut jamais aller à Venise pour chercher à vérifier que Venise est bien Venise, dans Venise... Cela ne veut pas dire que Venise se situe uniquement dans la peinture, les bouquins... ou dans le cinéma, par exemple de Visconti...
Cela signifie quoi alors ?
Dans l'image, la chose est à une distance infinie d'elle-même, et pourtant l'image est bien une image de la chose. La chose est dans l'image, et là où elle est, à sa place, en son lieu ; un paysage filmé par Kiarostami en Iran est en Iran, cela c'est une évidence ; c'est l'Iran qu'il filme, pas le Japon, pas la Corse, pas l'Afrique, pas l'Italie… Sans doute Kiarostami ne filme-t-il pas ces paysages pour leur "iranité", pas plus que Ford ne filmait les siens pour leur "américanité", mais en même temps faut bien admettre que Ford est américain, et que Kiarostami est iranien.
Dans une interview, il dit même que c'est le seul pays au monde où il pourrait vivre ; il peut travailleur ailleurs, mais ne peut vivre qu'en Iran ; voilà qui est clair ; quand il filme l'Iran, il filme le lieu, le monde, l'espace où il vit, l'espace de sa vie, quand il filme un autre lieu, en dehors de l'Iran, la vie et le travail sont séparés. Mais que signifie pour un artiste séparer le travail de la vie ? Les deux ne sont-ils pas absolument liés ?
Borges- Messages : 6044
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Copie conforme qui mélange tout, les lieux, les langues, les nationalités, ne rate pas son effet : c'est un navet absolu !
Farhadi de toute évidence moins bon cinéaste que Kiarostami sait beaucoup mieux filmer les femmes.
L'étranger passe aussi par là.
Ici il filme beaucoup mieux les scènes avec le copain de la fille que la fille elle même : ce sont en tout cas pour moi les scènes les plus marquantes, sa jalousie, animale, féroce.
Farhadi de toute évidence moins bon cinéaste que Kiarostami sait beaucoup mieux filmer les femmes.
L'étranger passe aussi par là.
Ici il filme beaucoup mieux les scènes avec le copain de la fille que la fille elle même : ce sont en tout cas pour moi les scènes les plus marquantes, sa jalousie, animale, féroce.
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Bon qu'est ce qu'il y a dans ce film de si extraordinaire ? Peut être parce qu'il a saisi l'âme du japon, entre tradition et modernité comme son film (et jazz - le titre emprunté à Ella Fitzgerald ...
comme Woody Allen) ...
comme Woody Allen) ...
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
slimfast a écrit:
manque la langue ...
-C'est une des questions possibles; il faudrait pouvoir définir "la matière d'expression" d'un cinéaste, comme on peut le faire pour un écrivain : dosto écrit en russe, kafka en allemand...joyce en anglais... auraient-ils pu écrire dans une autre langue et être ce qu'ils sont pour nous, ou la langue est-elle absolument nécessaire à la construction de leur univers d'idées, d'affects, de perceptions...la réponse est évidente...dosto n'aurait pas pu écrire des histoires françaises situées en France, des trucs à la balzac, ou proust, le problème, c'est que balzac a exercé une grande influence sur dosto, et dosto sur proust; l'autre est dans le même, et le même est dans l'autre...
-Quelle est la langue-matière d'un cinéaste : le cinéma de Kiarostami ne nécessite-t-il pas, pour être lui-même, des paysages iraniens, des corps, des visages iraniens, la langue iranienne, le monde iranien...? et ozu aurait-il pu filmer une maison victorienne, un appartement parisien, new yorkais...? N'a-t-il pas besoin de la maison japonaise, de la vie japonaise, du corps et de la voix de ses acteurs... séparer les deux, c'est je crois assez difficile; je prends cet exemple de la maison en pensant bien entendu à l'idée d'être-au-monde, d'habitation de la terre et du monde; un japonais n'habite pas comme un américain, c'est évident (ford n'est pas ozu), ce qui ne veut pas dire que la maison japonaise détermine empiriquement le cinéma de ozu, et que le paysage us détermine le cinéma de ford, mais que les deux soient inséparables, je crois pas que l'on puisse le contester simplement : le problème est que l'habitation dans l'un et l'autre cas est une création "poétique", et non pas une imitation du réel...
-dans une de ses sorties Straub raconte que si cela n'avait tenu qu'à lui, il n'aurait jamais sous-titré ses films; les spectateurs n'ont qu'à apprendre l'allemand, l'italien, comme les ouvriers s'étaient cassés le cul pour apprendre l'allemand afin de lire Marx; c'est pas très malin comme argument; comme dit génialement Heidegger à ses étudiants lors d'un cours où il se demande s'il vaut mieux partir du texte grec ou de traduction pour interpréter platon; évidemment, il dit que le texte grec c'est mieux, mais il rajoute qu'il ne suffit pas de savoir le grec pour comprendre platon, si c'était le cas tous les allemands comprendraient Kant, Hegel...donc pour comprendre straub il suffit pas de savoir l'allemand, ou l'italien, ou le français... qu'est-ce qu'il faut savoir? la mise en scène dirait rivette; c'est une bonne réponse, en apparence, hélas, la mise en scène est mise en scène de langue, de musique, de corps... donc comprendre la mise en scène abstraitement ne mène pas très loin...
(Question langue : TTW souffre de la voix française de Marina...c'est pénible, mais je ne sais pas si c'est la voix, en elle-même, le français, qui ne s'accorde pas au cinéma de Malick ou alors tout simplement la voix de l'actrice (tellement mauvaise)... la récitation du poème de rimbaud est magnifique, et la voix du prêtre en espagnol ne pose pas de problème...)
-On était parti de "où est la maison de mon ami?", comme le titre est issu d'un poème, on peut peut-être tenter de penser la situation de la maison de cet ami depuis la langue iranienne, depuis le poème de l'ami; la maison de l'ami est dans le poème, et le poème dans la langue iranienne; où se souvient de la fameuse phrase de Heidegger, que Godard aime à citer : "le langage est la maison de l'être", on pourrait dire aussi de l'ami, puisque la pensée est attirée vers l'être, par l'être; la pensée et l'être sont des amis, qui jouent cache-cache; l'être appelant toujours la pensée (dans le cinéma, dans la peinture...) et le penseur : "find me"; ils peuvent aussi s'engueuler, se battre, mais ils ont absolument besoin l'un de l'autre...
-Dire que le langage est la maison de l'être ne suffit pas, il faut aussi dire qu'il existe plus d'un langue, plus d'un langage; l'être à donc plusieurs maisons; chacun chez soi? non dit Heidegger, dans un de ses bons moments, la langue propre ne peut exister que dans le dialogue avec la langue de l'autre...
"voyage à tokyo" n'est pas une adaptation de "Make Way for Tomorrow", c'est sa traduction en japonais par Ozu...
(la suite après)
Borges- Messages : 6044
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
slimfast a écrit:Copie conforme qui mélange tout, les lieux, les langues, les nationalités, ne rate pas son effet : c'est un navet absolu !
Farhadi de toute évidence moins bon cinéaste que Kiarostami sait beaucoup mieux filmer les femmes.
L'étranger passe aussi par là.
Ici il filme beaucoup mieux les scènes avec le copain de la fille que la fille elle même : ce sont en tout cas pour moi les scènes les plus marquantes, sa jalousie, animale, féroce.
c'est pas un navet, c'est une copie; une copie conforme, mais une copie...ah, "like someone in love" fait aussi signe vers la "copie", y a un "comme"
Borges- Messages : 6044
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
moi j'avoue ne pas aimer le cinéma de kiarostami, de ne pas y entrer, de ne pas être touché par lui, ni par ce ce qu'il dit ni comme il le dit. c'est un cinéma qui me laisse totalement de marbre et à la fois je sais rater quelque chose, ne pas partager l'enthousiasme général est inconfortable ... plus inconfortable encore de penser que je ne ferai peut être plus jamais l'expérience qu'il fallait de ce cinéma. le forum invite au partage sur certains films ou cinéastes. ici je bloque. j'aurais pu ne rien dire, mais non, avec l'espoir que je trouverai le chemin vers ce qui quasi unanimement ici est apprécié, je crois bien à sa juste valeur.
je pense que c'est une expérience commune.
je pense que c'est une expérience commune.
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
il m'a fallu assez longtemps pour entrer par l'émotion dans les films de K, et curieusement, elle est venue après la réflexion; maintenant les titres seuls, par exemple, "où est la maison de mon ami?", sont "déchirants"... Pas tous, "copie conforme" m'a laissé assez froid... LSIL, pas encore vu...
Borges- Messages : 6044
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Tu cherches trop dans le sens textuel, pas assez dans la gestion de l'espace et des sens... Je trouve.slimfast a écrit:Bon qu'est ce qu'il y a dans ce film de si extraordinaire ? Peut être parce qu'il a saisi l'âme du japon, entre tradition et modernité comme son film (et jazz - le titre emprunté à Ella Fitzgerald ...
comme Woody Allen) ...
Dernière édition par wootsuibrick le Jeu 20 Juin 2013 - 10:35, édité 1 fois
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Ici il filme beaucoup mieux les scènes avec le copain de la fille que la fille elle même : ce sont en tout cas pour moi les scènes les plus marquantes, sa jalousie, animale, féroce.
étrangement les scènes avec le copain de la fille sont celles qui m'ont un peu fait douter de la qualité du film...
trop de narration qui donnait à voir la superficialité du côté anecdotique de cette histoire... heureusement rattrapé par la densité de l'espace, des lieux tels que les donne à voir AK.
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
je lis cela comme un encouragement, une direction par où saisir ce film et ce cinéaste qui à priori justement ne fait pas sens chez moi.
en revanche oui, la densité de l'espace et des lieux, s'est quelque part imprimée et ton évocation la fait resurgir (l'appartement dans la pénombre, la ou les courses de jour en voiture ...).
en revanche oui, la densité de l'espace et des lieux, s'est quelque part imprimée et ton évocation la fait resurgir (l'appartement dans la pénombre, la ou les courses de jour en voiture ...).
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
quand même j'ai du mal à admettre que cette histoire somme toute un peu idiote, à laquelle ne se frotteraient que peu de cinéastes et de toute façon uniquement dans certaines régions, c'est inimaginable en France, ou alors dans les années 60, devienne sous la férule de Kiarostami ce grand film. Non pour moi c'est un film idiot que l'art de Kiarostami rend moins idiot, tout au plus.
Invité- Invité
Re: Like someone in love (A. Kiarostami)
Oui il y a quelque chose d'assez idiot dans ce film... c'est la situation dans laquelle se retrouve ce vieux monsieur. Mais l'histoire, le pitch ne fait pas un grand film... y a des histoires vraiment pauvres qui donnent de grands films. Millenium Mambo c'est quoi? L'histoire d'une fille qui a du mal à quitter son mec complètement con et qui un jour croise deux taiwano-japonais qui l'invitent à faire un tour au japon pour se relaxer?
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