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De la confusion conceptuelle érigée au rang de bel art (de la ratiocination permanente) - suivi de petites fugues...

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 7:42

Baudouin II de Barvaux a écrit:
Breaker: totafé, ce film ne saurait mieux illustrer tout ce que j'ai pu raconter au sujet de rancière (enfin, mon approche de rancière). C'est un film ranciérien, sans déc. De la même manière que Maine océan l'est... Et j'ai puisé dans l'expérience de ce film, de longue date, la matière de plusieurs développements sur les questions traitées, eh oui. Comme quoi... Very Happy

scuzi, c'est quoi un film rancérien ?

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 14:18

slimfast a écrit:
scuzi, c'est quoi un film rancérien ?
Rancérien, j'en sais rien. Ranciérien, c'est une façon de parler, mais j'en rediscuterai une autre fois. Ou pas du tout. Si t'as suivi les débats, tu devrais comprendre ce que j'entends par là. ça veut pas dire que ce film "illustrerait" un propos de Rancière, bien entendu. Pas la peine de m'expliquer qu'un film est un film, etc, je sais tout ça...



Careful, ça stagne à 60,39. J'ai laissé l'ordi tourner toute la nuit et il continue de tourner. cyclops

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Message par careful Mer 10 Juil 2013 - 14:39

Il y a un problème dans le potage.
Lorsque j'ai voulu revoir quelques scènes du film avec cette version de 4Go32, VLC m'a meurtri en m'affichant que le fichier était cassé, bordel.

Du coup, je l'ai effacé aujourd'hui pour tenter à nouveau un rapatriement. Et là, je suis au pied de la falaise bloqué à 60,30%, itou.
Je peux, si tu le souhaites, nous acheter une corde chacun.


potage:
careful
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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 14:55

Qu'entends-tu par "nous acheter une corde chacun"? Je ne maitrise pas cette conceptualité technique... A moins que tu parles de corde pour se pendre? Laughing 

Conclusion: c'est définitivement un film rare. On ne le trouve dans une aucune médiathèque belge.
Anyway, au pire, je suis bien content avec ma version qui fait 10 minutes de moins. Et je remarque ceci:à 1,42 go, c'est étonnant comme la baisse de qualité est peu perceptible.

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Message par careful Mer 10 Juil 2013 - 15:40

Baudouin II de Barvaux a écrit:A moins que tu parles de corde pour se pendre?  
C'est bien cela. Smile
careful
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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 16:06

Bah. Pô grave.

Merci pour ce bel et émouvant effort. Wink 

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 16:10

Spoiler:

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 16:39

spoiler:

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 17:12

slimfast a écrit: Mais si j'ai envie maintenant d'en savoir un peu plus (fonction rechercher) c'est pour une chose que tu as dite : que Les petites fugues soit ranciérien ok, l'exploitation etc. ça à priori je peux admettre.
Mais où Maine Océan a-t-il sa place là dedans ?

Comme disait Thierry Lhermitte dans Les bronzés font du ski: "j't'expliquerai". Very Happy 

Ce n'est pas "l'exploitation" qui serait pour moi la question essentielle ici, le thème qui me ferait relier ces deux films dans leur "esprit", leur "tonalité" si tu préfères. C'est plutôt, dans les deux cas, une expérience de dés-assignation des places assignées par le champ social et économique.

Dans les deux films, différents dans leur facture je ne le nie pas, mais assez proches dans leur traitement des durées, on a affaire à des personnages qui sortent de leur "définition", liée à la valeur-travail: par une sorte de dérive, ou ligne de fuite (géographique autant que définitionnelle) qui les emmène dans le champ de l'esthétique (au sens kantien: finalité sans fin, plaisir désintéressé, universel sans concept - et goût du partage sensible associé).
Je ne vois pas tellement pour ma part le mouvement que Pipe opère en termes de "transgression", pour reprendre le terme de Breaker. Terme qui suggère une sorte de délibération consistant à contester un ordre établi. Mais plutôt en termes de "passage" d'un état dans un autre, un "devenir".
Tout est dans le passage, dans le "entre". Le devenir n'étant pas un processus d'identification, où l'on part d'un état x ou arriver à un état y, mais celui d'être entrainé (ou sur) la frontière, à (ou sur) la limite, de chacun des états ou territoires.  



Pour le dire brièvement (sous condition d'un développement plus ample):

Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit bien de fugues ou de "petites fugues": deux types de "Travailleurs", le valet de ferme Pipe (prolétaire), les deux contrôleurs de la SNCF (petits fonctionnaires), se désintéressent de leur boulot, pour entrer dans un temps autre, un temps second, qui devient leur temps primordial: celui de la vacance, de la musardise, de la rêverie poétique...
Ils prennent la "clé des champs", se rêvent et se vivent autrement. Musiciens (le roi de la salsa pour Ménès). Pour Pipe, selon deux régimes successifs: motocyliste d'abord (cad en déplacement dans l'espace, voyageur), photographe ensuite (cad dans une action contemplative, immobile)...


Dernière édition par Baudouin II de Barvaux le Mer 10 Juil 2013 - 20:02, édité 4 fois

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 17:20

Il y a quand-même un gros mur voire une muraille de Chine dans cette lecture de Maine Ocean, c'est que les deux contrôleurs (qui ne sont pas les seuls personnages du film) rentrent dans ce dépaysement de façon contrainte, malgré eux (à la base il s'agît d'une vengeance contre eux, en espérant qu'ils se feront casser la gueule par les marins, leurs langues), (et les marins ne sont pas du tout dépaysés, ils restent dans leur bistrot), tandis que les niveaux sociaux supérieurs (l'avocate, même si elle s’efface à mesure que le film se déroule, son ami dans le manoir, le musicien, l'impresario) le font consciemment, d'une manière qui qui se veut exemplaire et pédagogique, ou bien restent eux-mêmes. Est-ce que c'est rancérien aussi, cette idée d'émancipation sans égalité, l'émancipation n'est-elle une confrontation à un impensé (ici le désir d'autrui de les revoir afin de se jouer d'eux) que pour les pauvres et les classes moyennes, est-ce que cela ne serait pas souvent l'inverse ?
Par contre "Adieu Philippine" est plus honnête, à la fois plus radical et plus subtil de ce côté là.
Je sais pas moi, un jour tu as taxé la Comédie du travail de raciste contre les chômeurs (parce que même dans la comédie ils restaient une foule) en décrivant avec force répugnance une scène réelle du film, j'aimerais que l'on m'explique la différence politique entre ce film et "Maine Océan"

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 17:37

Tony le Mort a écrit:Il y a quand-même un problème dans Maine Ocean, c'est que les deux contrôleurs (qui ne résument pas le film) rentrent dans ce dépaysement de façon contrainte (et les marins pas du tout), tandis que les niveaux sociaux supérieurs (l'avocate, son ami, le musicien, m'imrpésario) le font consciemment, de manière pédagogique et qui se vaut exemplaire, ou bien restent eux-mêmes. Est-ce que c'est rancérien aussi, cette idée d'émancipation sans égalité?
Par contre "Adieu Philippine" est plus "pur" de ce côté là.

(si tu réédites ta réponse pendant que je rédige la mienne, on s'en sortira pas. De toute façon, on s'en sortira pas. Il ne s'agit pas d'avoir raison ou tort, de mesurer strictement ce que je dis à des oppositions entre les deux films, mais de se rendre sensible à un processus qui les relie, qui n'est ni dans un cas ni dans un autre univoque, "transparent" ou "pur", pour reprendre ce terme...)

Je ne vois pas tellement en cela un problème. Les personnages dans Maine Ocean sont pris dans cette sorte de "fugue", qu'elle ait été plus ou moins contrainte à l'origine est relativement secondaire.

Pas tant contrainte: Rego a envie de partir, il est déjà un peu poète-musicien à la base; Ménès traine la patte au début, mais c'est celui qui va véritablement faire l'expérience d'une dés-assignation de sa définition, le temps d'une "fugue", avant de retourner à sa condition, on imagine, après avoir fait son "petit tour en mer": par paliers successifs obéissant au temps lent de la pêche, jusqu'au rivage.
Quant à l'avocate, elle abandonne assez rapidement toute prétention pédagogique (dans laquelle elle se montrait d'une incompétence burlesque) pour se laisser entrainer dans la salle des fêtes.

L'impresario est plutôt une sorte de mythomane sympathique (enfin, "sympathique"... Il n'est pas méchant, juste un peu... énergique), qui n'est pas plus imprésario que la Brésilienne n'est chanteuse: il n'a pas une identité propre, c'est un vecteur de transformations. C'est lui qui propose aux autres de changer de "place" et de "fonction", de s'inventer, de faire, performer de nouvelles identités & fonctions.
Ce qui est très différent de "jouer un rôle", voir plus bas, puisque tu reviens à Moullet: quand on "joue un rôle", c'est de la comédie, on fait semblant. C'est un masque, qui peut devenir une "seconde nature", comme "le garçon de café" décrit par Sartre. Mais le "garçon de café" sait qu'il n'est pas "garçon de café". Son adhésion à une nature en soi du "garçon de café" est de l'ordre de la mauvaise foi, par laquelle il étouffe sa liberté (de ne pas être ceci ou cela).
Quand on "joue un rôle", on ne devient pas véritablement quelqu'un d'autre, entrainé dans un devenir-musicien ou danseur, etc, comme c'est le cas de Ménès. Peu importe s'il y est nul, est le seul à ne pas se rendre qu'il s'y rend ridicule. Ce qui compte, c'est qu'il croit vraiment, a vraiment cru, à ce moment là (ensorcelé par les énoncés performatifs de l'impresario: "je te déclare" ou "je te baptise" roi de la samba, comme on dit: "je vous déclare mari et femme") qu'il changeait de vie, de nature, de fonction, etc. Il jouait son rôle de contrôleur, avec la même mauvaise foi que le "garçon de café", mais cette auto-définition de sa nature s'est révélée si friable qu'il se voit entrainé dans un tout autre devenir, ouvert, indéterminé. Même, ce n'est pas tant qu'il désire soudain devenir "chanteur" ou "danseur" de Samba, à proprement parler. La vague qui l'emporte, à ce moment-là, c'est que sa vie entière bascule dans un autre régime: un régime esthétique. L'acmé de son "devenir" est ainsi le moment, dans la dernière séquence, et qui s'étire presqu'à l'infini, où il n'est plus que ce point mobile quasi-imperceptible qui semble danser sur la ligne d'horizon...

Il y a donc dans ce film l'expérience d'une perte et d'un changement de nature, rôle, fonction, par une indétermination des repères et des rôle sociaux préexistants, mais aussi une indétermination planant sur les compétences performatives des uns et des autres. Susceptibles de se penser, de s'envisager et de se vivre autrement, même s'ils reviennent à la fin à leur fonction première. Parce qu'ils ont été traversés par l'expérience d'un changement, d'un passage. Le devenir, pour redire ce que je disais plus haut, étant le processus de passage: il ne s'agit pas de devenir ceci ou cela, mais d'expérimenter une zone "entre" les états fixes.

[ Ainsi de Pipe, le valet de ferme, qui ne devient pas "motocyliste" ni "photographe", mais fait l'expérience d'un passage entre son état "x" et des états "y" et "z".
A la frontière entre ces mondes: par exemple, il croise le monde des "motards" (qui font du rallye-cross), mais ne devient pas l'un d'eux. Il offre une pomme au vainqueur (moment magnifique). Il se croit intéressé par l'exploration des sommets, des hauteurs: le voyage en hélicoptère au dessus du mont Servin. Mais ce voyage le déçoit. Dans la mesure même, semble-t-il, où ce n'est pas ça qui l'intéresse vraiment, le sommet ou la hauteur comme territoire fixe à conquérir. Ce qui le meut, le véhicule, c'est le passage, à la frontière.
Il s'adonne ensuite à la photographie. Non pour "fixer" ou "conserver" les choses de son environnement, mais là encore: comme expérience d'une transformation, d'un passage entre l'objet et sa représentation photographique, qui le fascine. Il est condamné à l'immobilité, à la stase (après la phase "moto"), mais il fait de son nouvel état (statique) un nouveau champ d'expérience qui lui permet de déjouer cette stase pour continuer à éprouver, sous une modalité nouvelle, de la métamorphose.
Pour moi, ce personnage, Pipe (du moins dans le film, donc), c'est le contraire d'un Icare: il ne se brûle pas les ailes à force de trop vouloir s'élever vers les sommets inatteignables, c'est pas son processus. Ces sommets l’ennuient, une fois qu'il en a fait le tour, donc. Ce ne sont pas des territoires qu'il chercherait à conquérir, puis dans l'échec de cette tentative ou de ce désir, retomberait tragiquement à terre. Son processus, c'est un déplacement perpétuel hors de l'état où il était fixé à la base. ]


Dans Maine Océan, les pêcheurs restent des pêcheurs, certes, mais c'est pas la question. Le film, pour le redire, n'est pas censé "illustrer" ou "appliquer" point par point, au micro-poil une théorie de l'émancipation ou de l'égalité, celle de Rancière en particulier. Ce n'est donc pas en ce sens que je parle de films "ranciériens".
Le monde de la pêche est juste la toile de fond du récit. Et dans l'économie de ce récit, le pêcheur Marcel Petigas, parce qu'il se trouve à un moment précis (au tribunal) court-circuité entre différentes strates sociales, univers hétérogènes qui vont se télescoper, va être l'élément déclencheur du processus des rencontres, de la dérive ou de fugue, ou de "déterritorialisation", des autres (son projet de leur faire faire à tous "un petit tour en mer"), et principalement chez le personnage principal qui était le plus "territorialisé" (Ménès).

Dans ce que je suggère, il faut se garder là encore d'une "application mécanique": je ne dis pas que ces films "illustrent" la pensée ranciérienne de l'émancipation et de l'égalité, je dis juste qu'on peut y ressentir un processus qui fait penser à ce que Rancière essaie de penser quand il parle de "partage du sensible" et de subordination du champ social à un mouvement à la fois esthétique et politique qui déplace ses identités assignées (et que je relie ici, comme je n'ai cessé de le faire, à la pensée de Deleuze sur le Désir, le devenir, etc)...



tony le mort a écrit:
Je sais pas moi, un jour tu as taxé la Comédie du travail de raciste contre les chômeurs (parce que même dans la comédie ils restaient une foule) en décrivant avec force répugnance une scène réelle du film, j'aimerais que l'on m'explique la différence politique entre ce film et "Maine Océan"

Je n'ai pas dit cela: j'ai dit que la représentation du travailleur immigré dans ce film de Moullet est raciste, et je le maintiens absolument. Pour le reste, c'est pas une muraille de Chine qui sépare ce film de Moullet des deux autres films dont je parle ici, c'est carrément un océan. Strictement aucun rapport entre l'univers de Moullet et les univers de Rozier ou Yersin.

Moullet a créé son "personnage" (dans ses autres films, documentaires "parodiques"), sur le mode de l'auto-dérision, mais qui campe toujours dans une forme de jugement (en surplomb) assez peu aimable pour les gens qu'il filme ou observe.
Ce même mépris en sourdine caractérise cette fiction qu'est La Comédie du travail. "Comédie" en effet: chacun y joue, semble nous dire Moullet, son petit "rôle". Le chômeur joue le rôle du "chômeur", le "placeur" joue le rôle de "placeur", le "salarié" joue le rôle de "salarié". Chacun jouant son "rôle" nous est montré comme hypocrite. (Sauf le travailleur immigré, le cantonnier qui, lui, ne semble pas jouer un "rôle": il est en effet montré de façon assez proche d'un singe, causant "petit-nègre" et avec la gestuelle désordonnée d'un grand enfant spontané et hilare. C'est la vision caricaturale, ethnocentrée, que Moullet semble avoir de l'Afrique et des Africains, et il ne me semble pas du tout qu'elle soit parodique dans la mesure où elle se distingue très précisément du traitement des autres figurants du film, qui sont présentés comme des caricatures jouant un "rôle". Ici, c'est bien une caricature d'être humain, mais elle nous est présentée comme "naturelle", "spontanée").
Mais il ne s'agit jamais chez Moullet de quitter ces rôles, de quitter la place qu'assignent socialement ces rôles: c'est un jeu. La société est un "jeu de rôles". Un jeu où chacun semble finalement bien tenir sa place, dans un petit monde au fond bien ordonné, celui de Moullet. Vision assez statique et droitière de la "société".

Je soupçonne Moullet, je l'avais déjà dit, d'être politiquement très réactionnaire. Une sorte de Rohmer qui serait doté de davantage d'humour noir, de méchanceté, d'auto-dérision (apparente) et surtout de dérision des autres (flagrante).
Le film de Moullet participe pour moi d'une forme d'humour franchouillard-égrillard, du registre de la fable, ou moquerie, ironiques ou sarcastiques. Aucun personnage n'y existe, ils sont tous saisis comme des stéréotypes peu ou prou méprisables.
C'est tout le contraire des deux autres, qui sont des films de lenteur, de contemplation, de déplacement, de dérèglement en douceur, de l'ordre de la dérive poétique, et mus par une profonde tendresse pour tous leurs personnages, qui existent comme personnes.

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 20:26

Baudouin II de Barvaux a écrit:

C'est tout le contraire des deux autres, qui sont des films de lenteur, de contemplation, de déplacement, de dérèglement en douceur, de l'ordre de la dérive poétique, et mus par une profonde tendresse pour tous leurs personnages, qui existent comme personnes.

Maine océan est sorti en 86. Je l'ai vu fin 85, à peine terminé, projeté en avant première à la semaine des cahiers. Pour les spectateurs présents il n'a fait aucun doute que la longue dérive de Ménés dans les passes et les bancs de sable pour parler de l'issue du film était un rappel ému à la mémoire de Truffaut mort un an auparavant.

Je ne peux pas voir autre chose dans ce film sous la comédie, du langage d'abord, qu'un hommage d'une sensibilité et d'une sincérité extrêmes de Rozier envers son aîné sans l'expliquer formellement.

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 20:56

slimfast a écrit:

Maine océan est sorti en 86. Je l'ai vu fin 85, à peine terminé, projeté en avant première à la semaine des cahiers. Pour les spectateurs présents il n'a fait aucun doute que la longue dérive de Ménés dans les passes et les bancs de sable pour parler de l'issue du film était un rappel ému à la mémoire de Truffaut mort un an auparavant.

Je ne peux pas voir autre chose dans ce film sous la comédie, du langage d'abord, qu'un hommage d'une sensibilité et d'une sincérité extrêmes de Rozier envers son aîné sans l'expliquer formellement.


Si tu veux. C'est possible, mais je dois dire que cette mise en rapport me parait assez hasardeuse.
Il y a une différence essentielle entre ces deux scènes, qui fait que celle de Rozier n'a rien de truffaldien. L'univers de Truffaut et celui de Rozier étant déjà à mon sens de nature fort différente.

Dans le Truffaut, le final est une course éperdue, une errance de Doinel vers la mer, dont la tonalité affective est foncièrement triste, de l'ordre de la perte, de la déréliction. Dernier plan, il erre sur le rivage, et adresse au spectateur un regard caméra, qui exprime le désarroi muet d'un enfant abandonné.
C'est pas du tout ça, la tonalité, ni l'expérience, que donne à ressentir la séquence finale du Rozier. Déjà, elle dégage une sorte d'euphorie, de joie pure ou objective - j'entends par "objective" que l'éloignement de Menès vers la ligne d'horizon (alors que la séquence de fin des 400 coups est une séquence où le corps se rapproche de la caméra) donne la sensation d'une impersonnalisation heureuse, comme s'il était délesté du poids de sa subjectivité, comme s'il se fondait dans l'espace selon un "devenir imperceptible" dont parle Deleuze.  Enfin, moi, j'ai ressenti vivement cette euphorie ou cette joie. Je jubilais dans mon fauteuil.
Il y a dans cette séquence, presque expérimentale, quelque chose qui déplace le film sur sa fin vers une autre dimension, quelque chose de l'ordre d'une pure sensation de flottement dans l'espace, le sentiment d'un flux.
Épousant le rythme fondamental de la musique de piano, guitare et percussions (celle de la séquence de la salle des fêtes), il s'agit bien alors d'une danse aléatoire, d'une danse enfin réalisée, impersonnelle, sans intention ni témoin, sans sujet ni objet.




Dernière édition par Baudouin II de Barvaux le Mer 10 Juil 2013 - 21:11, édité 1 fois

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 21:07

je suis d'accord avec toi sauf que je n'ai pas jubilé, au contraire j'ai été attristé par cette solitude de plus en plus irrémédiable qui l'amène à franchir le styx avec charon. j'ai trouvé cela poignant cette trajectoire du contrôleur, qui trouve un temps le bonheur et qui se perd.

je ne faisais aucun rapprochement avec les 400 coups, pas avec un film de Truffaut, avec Truffaut lui même. Quand on connait le lien de Rozier avec lui, le rapprochement ne semble pas si hasardeux.

Cette route qu'il rejoint à Noirmoutier s'appelle le passage du gois qui couvre à marée haute et découvre à marée basse. Rozier a choisi sa marée.


Dernière édition par slimfast le Mer 10 Juil 2013 - 21:16, édité 1 fois

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 21:15

slimfast a écrit:je suis d'accord avec toi sauf que je n'ai pas jubilé, au contraire j'ai été attristé par cette solitude de plus en plus irrémédiable qui l'amène à franchir le styx. j'ai trouvé cela poignant cette trajectoire du contrôleur, qui trouve un temps le bonheur et qui se perd.

je ne faisais aucun rapprochement avec les 400 coups, pas avec un film de Truffaut, avec Truffaut lui même. Quand on connait le lien de Rozier avec lui, le rapprochement ne semble pas si hasardeux.


Ben je peux rien dire, alors, si toi tu as ressenti là de la tristesse, une histoire de solitude et de Styx, ça t'appartient, comme on dit. 
Chaque fois que je la revois, moi, je suis euphorique, et disons que ça m'appartient aussi. Nous nourrissons ce que nous voyons de nos histoires et de notre horizon d'affects associés, of course.


Je sais pas, vraiment, si ça a lieu d'être saisi comme un hommage à Truffaut. C'est placer la saisie de cette séquence sur un plan référentiel et interfilmique, ce que pour moi elle n'est pas. Ce dont elle est même le contraire, je trouve. Tu penses trop, slimfast, tu interprètes, théorises et analyses trop en termes de sens, de référence, et d'hommages. Laisse toi aller, va, laisse toi aller à la sensation, à la sensualité, sans y greffer toute cette intellectualisation, que diable! Very Happy

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 21:26

ce n'est pas seulement cette scène, c'est tout le film sans qu'aucune péripétie ne soit repérable dans un film de Truffaut mais que tout dans le ton laisse à penser qu'il y a une infinie tendresse qui plane comme celle qu'on destine par dévotion presque à un ami attachant, en l'ayant à l'esprit l'air de rien, mais c'est bien là.
Rozier fait acte ici de choisir son camp dans le groupe que tous ceux de la nouvelle vague ont formé. Il est le seul suffisamment à fleur de peau pour avoir métaphoriquement filmé à Truffaut des funérailles cinématographiques. Il y a un travail de deuil dans ce film ; les illusions, la loi, la nature, sa langue, tout ça fait deuil.

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Message par Invité Mer 10 Juil 2013 - 21:33

Travail de deuil... A métaphoriquement filmé à Truffaut des funérailles cinématographiques... Je vois pas ce film, mais alors pas du tout, comme ça. Pour moi, tu surinterprètes, tu "psychanalyses"... Enfin, bon, je peux pas te "prouver" qu'y s'agit pas de ça.


slimfast a écrit: Rozier a choisi sa marée.

La mariée était en noir, mais la marée est plutôt blanche et virginale.

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Message par Invité Jeu 11 Juil 2013 - 14:47

et moi je ne peux pas prouver le contraire : plutôt que psychanalyser peut être que je projette ce que j'ai envie d'y voir et que peut être Rozier y a mis. Qui sait je suis peut être un bon spectateur du film romanesque en diable.

Tu parles de mariée ou de brésilienne qui n'a pas fait "klong- klong" ...

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Message par Invité Jeu 11 Juil 2013 - 23:31

Comme promis, j'informe Erwan de l'épopée du loading des deux fichiers rar de M.O.:

- le premier est passé merveilleusement, comme une lettre à la poste.
- le second s'est interrompu à mi-parcours une première fois, aux trois-quarts une seconde; à la troisième, tous les iodes de mon routeur se sont mis à clignoter aux deux-tiers, de bas en haut et de haut en bas comme une guirlande de Noël, pendant 5 minutes, avant de planter la connexion (j'ignore pourquoi, et c'est la première fois qu'il me fait ça); et à la quatrième, cad il y a 10 minutes, il a décliné une fois de plus mon invitation aux trois-quarts.
Donc, humblement, je vais m'en tenir (provisoirement) à ma version "avec 10 minutes en moins".

Mais un grand merci pour ta participation, et tous les espoirs fous qu'elle a suscités Laughing

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Message par Invité Ven 12 Juil 2013 - 5:17

ah fichtre ... je vais tester le lien turbobit pour voir si mon modem peut avaler cette couleuvre sans passer en mode gyrophare ... (n'efface pas le premier tout de suite lol)

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Message par Invité Ven 12 Juil 2013 - 5:25

Je l'ai pas effacé, penses-tu, je conserve tout. Mon disque dur est une vraie brocante...

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Message par Invité Ven 12 Juil 2013 - 11:07

bon ... et bien je ne sais combien de mètre de corde il va falloir.
Le fichier de 1.55 go donnant prétendument accès aux dix minutes mystérieuses et manquantes du film a accouché de la version basique de 2h10 et 22 secondes.
Peut on attaquer les pirates pour publicité mensongère lol ?
Spoiler:

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