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(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort

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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 9:17

En partant de quelques remarques (répétées) de kafka (journal, 105)) sur le drame (le théâtre) et la littérature, on peut penser le rapport du film et du texte...

on croit que le drame est plus exhaustif que le roman, parce qu'il nous fait voir tout ce que autrement nous ne faisons que lire, les acteurs, le décors... mais hélas, ne voyant pas seulement l'essentiel, nous voyons moins que l'essentiel.. le meilleur drame au sens du roman serait celui qui ne subirait aucune stimulation (...) qui serait lu par des acteurs assis dans un quelconque décor représentant une chambre...le drame se limitant exclusivement au langage, aux pensées mises en monologues...



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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 15:06

(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Shakale%20600

on imagine un mendiant et oedipe, avec straub, sur cette route; ils existent peut-être là avec lui, en lui, comme il est devenu un des personnages de pavese...

(avec cette photo, l'idée, le désir serait de faire de straub un cinéaste de la route, de l'errance, plus que de la stature, et de la station; car, il doit bien le savoir, avec oedipe : les mots, c'est des routes, jour et nuit, sans but; des routes qui ne mènent pas à la fortune, sinon dans l'écart de sens de ce mot...)

"
Oedipe- Une chose est de parler, une autre souffrir, ami. Mais il est certain qu'en parlant, quelque chose s'apaise dans le coeur. Parler, c'est un peu comme aller par les routes, jour et nuit, sans but, comme nous le faisons, et non pas comme les jeunes gens qui cherchent fortune. Et toi, tu as beaucoup parlé, et tu as vu beaucoup. tu voulais vraiment régner?

Mendiant- qui sait? ce qui est certain, c'est que je devais changer. On cherche une chose et on trouve tout autre chose. Cela aussi c'est le destin. Mais parler nous aide à nous retrouver nous-mêmes.

Oedipe-As-tu de la famille? As-tu quelqu'un? Je ne pense pas.

Mendiant-Je ne serais pas ce que je suis.

Oedipe- Etrange chose que pour comprendre notre prochain nous ayons à le fuir. Et les propos les plus vrais sont ceux que nous partageons par hasard,entre inconnus. Oh, c'est ainsi que j'aurais du vivre, moi, Oedipe, le long des routes (...) quand j'avais mes yeux. Et non pas gravir les montagnes, ni écouter les oracles.

Mendiant-Tu en oublies au moins un parmi ceux que tu as tenus.

Oedipe-Lequel ami?

Mendiant-celui du carrefour du sphinx."


(pavese, dialogues avec leuco, in oeuvres, p.690-691)


combien d'animaux trouve-t-on dans les films de H/S, en plus de ce chacal, des chacals qui nous occupent, et dont l'existence est purement de parole, absente? je crois me souvenir, du loup-homme, du veau, dans Moïse et Aaron, du boeuf qui tire le char d'oedipe-tirésias...

c'est bien entendu dans l'adaptation de l'homme-loup (pavese) qu'on trouve le plus d'éléments à penser; on sait par Ovide(métamorphoses) comment lycaon fut transformé en loup; pavese, lui, nous raconte sa mort; la question pour les chasseurs, leur débat, est de savoir s'ils ont tué un homme ou un loup...quelle est leur responsabilité, celle des dieux...

le sujet du livre, du film, penser les frontières entre les hommes, les bêtes, la nature...





je me demande si l'on trouve des loups dans les textes de kafka (pas fait de recherches); je crois pas, mais il avait un chien-loup, dit la légende (une étrange légende)

je pensais ne pas en trouver de photo; ce fut facile...

(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Z



le plus étrange est que c'est la photo de la couverture du livre de blanchot que je lis-relis depuis des dizaines d'années... de kafka à kafka : ce n'est qu'aujourd'hui que je vois le chien-loup...



(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Images?q=tbn:ANd9GcSTGSoYhldBGK046yaRlc9neuojesiFHIWFEe8tBIseE_rhTtfO

notons : sur la photo, ça ne semble pas un chien-loup...



"comme un chien, c'était comme si la honte devait lui survivre"




Dernière édition par Borges le Lun 16 Jan 2012 - 19:01, édité 1 fois
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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 15:49


"
Joseph K meurt, dans la banlieue déserte où deux hommes l'exécutent sans un mot, mais ce n'est pas assez qu'il meure « comme un chien », il doit encore avoir sa part de survie, celle de la honte que l'illimité d'une faute qu'il n'a pas commise lui réserve, en le condamnant à vivre aussi bien qu'à mourir. On peut croire que la mise à mort est le terme de l'interminable; seulement il n'y a pas de fin, puisque Kafka précise que la honte survit, c'est-à-dire l'infini même, la dérision de la vie comme au-delà de la vie.

"

(blanchot)

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Bouna & Zyed R.I.P ان الله يحمي لك

pouchinito il y a 4 ans



là, il y a le chien des voisins qui aboie

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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 16:17

pour NC : quand l'antisémitisme se répand, disait derrida, on risque d'hésiter à critiquer quoi que ce soit de la politique d'Israël, ou de telle communauté juive, pour que l'on ne vous soupçonne pas de collusion avec cet antisémitisme.

C'est un piège mortel, dit-il, et il faut se battre et se débattre avec ceux qui disposent ces pièges, car il ne faut dénier à personne, pas même à soi, le droit de critiquer israël ou telle communauté juive sous prétexte que cela risque de servir l'antisémitisme.

C'est dans cette situation piégée qu'il faut montrer du courage, intellectuel, politique, éthique...


"Le pire à mes yeux, du côté où je me trouve, c'est l'appropriation et surtout l'instrumentalisation de la mémoire historique. Il est possible et nécessaire, sans le moindre antisémitisme, de dénoncer cette instrumentalisation, par exemple, ce calcul proprement stratégique (politique ou autre) qui consiste à se servir de l'holocauste, à l'utiliser à telle ou telle fin. On peut juger cette fin contestable, ou détestable la stratégie qu'elle commande, sans dénier le moins du monde la réalité de cette monstruosité..."

(derrida-roudinesco, de quoi demain, 188/189)


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Message par NC Lun 16 Jan 2012 - 17:07

Oui le négationnisme n'est pas nécessaire.

Mais je ne parlais pas de ça, je parlais du matérialisme délirant de Straub sur lequel tu glisses sans ciller, sans même daigner expliquer autre chose que "ça parle d'animaux, alors je colle ça ici..."

Je me disais, peut être suis je devenu fou, à m'offusquer de choses sans importante. Et puis j'ai trouvé quelqu'un d'autre.

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Quelle mouche a piqué Straub?
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C'est Jean-Marie Straub qui parle. Il répond, en compagnie de Danièle Huillet, à un entretien mené par François Albera et publié par la revue suisse de cinéma Hors-Champ (1). «Le film militant de nouveau enferme les gens dans l'urgence, commence Straub. Et l'urgence, on y est, c'est l'aboutissement du système qui a inventé les chambres à gaz; l'urgence actuellement, elle nous vient de la social-démocratie anglaise et de la social-démocratie française, ça consiste non plus à massacrer des juifs mais à massacrer des centaines de milliers de bêtes de manière préventive pour maintenir le marché. Même si certains juifs en prennent ombrage, il n'y a pas de différence entre ça et le massacre des juifs, c'est le même esprit et c'est le même système industriel et c'est der gleiche Geist (2), comme dirait Hölderlin, qui a inventé les chambres à gaz et ce système-là. Après tout, il n'y a pas besoin d'être hindou pour savoir qu'un être vivant est un être vivant qu'il soit un juif ou un mouton, d'ailleurs les juifs le savent bien parce que l'agneau pascal c'est eux qui l'ont inventé.»

La stupeur que l'on ressent devant ces phrases est spontanée et n'est pas forcément rationnelle. Elle vient d'abord de la brutalité des propos, leur absence de gants. Elle vient aussi, surtout, de la disjonction profonde qui se produit entre ce que l'on sait déjà et ce que l'on craint d'apprendre.

Ce que l'on sait, c'est qu'il n'y a pas cinéaste plus antifasciste que Jean-Marie Straub et Danièle Huillet et que rien, jamais, ne les a rendus suspects d'aucune forme d'antisémitisme que ce soit. Ce que l'on sait aussi, c'est que Jean-Marie Straub n'a jamais eu l'éloquence particulièrement prudente: fort en gueule, véhément, sa trajectoire est depuis toujours parsemée de joutes violentes, qu'elles se tiennent dans l'intimité d'un petit ciné-club de province ou sur les plateaux de la télévision (pour mémoire, un tonitruant Cercle de minuit l'opposa un jour au théoricien des nouvelles images Philippe Quéau: les murs en tremblent encore). Ses façons de clouer le bec à l'adversaire ne sont pas systématiquement de la bonne dialectique, mais la rage qu'expulse Straub lorsque les enjeux méritent qu'il s'emballe a en soi une valeur inestimable: c'est souvent l'incandescence même de cette colère qui, dans l'asepsie majoritaire, nous convainc de sa vitalité comme de son urgence.

Mais là, quelque chose ne passe pas.

Ce «quelque chose» n'est d'ailleurs pas passé non plus auprès des premiers commanditaires de l'interview. Réalisé en mars dernier dans le cadre de l'exposition les Années pop au centre Pompidou, ce dialogue devait ensuite donner lieu à une publication dans un ouvrage collectif consacré au thème Cinéma et politique édité par Beaubourg. Mais l'institution a finalement renoncé à y inclure le brûlant entretien, après avoir, semble-t-il, proposé des coupes aux Straub-Huillet qui, fidèles à leur intransigeance, les ont refusées.

Mais quelle mouche a piqué Straub, exactement? On pourrait le soupçonner de gâtisme mais ses derniers films, dans ce cas, plaideraient contre lui. On pourrait craindre un retour du refoulé stalinien, mais en dépit de tous leurs efforts pour ressembler aux Ceausescu, le couple Straub-Huillet n'offre aucune prise sérieuse sur ce terrain. Le plus probable c'est que ce discours désastreux, qui n'est pas une grande affaire, soit une simple et belle connerie: le produit de ce drôle de syndrome obsidional qui frappe les Straub depuis toujours. Car leur cinéma ne fonctionne que dans ce système paranoïaque qu'ils ont besoin d'entretenir pour y survivre intègres. Fermement campés sur les cimes politiques les plus radicales (il faut abolir l'argent, professent-ils en gros), ils ne s'y maintiennent qu'à cette condition: agir comme de perpétuels assiégés. On connaît les plaisirs de ces altitudes, mais aussi les risques: la solitude jusqu'à l'autisme, le manque d'oxygène. Et la vue qui baisse.

(1) Numéro spécial, août 2001. Rens. + 41 (0) 21/323 92 53 ou hors.champ@unil.ch.

(2) «Le même (état d') esprit».


NC

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Message par Invité Lun 16 Jan 2012 - 18:44

A part ça dans "Déposition" de Léon Werth il y a des développements intéressants, concis et profonds sur la différence a-deleuzienne entre "manier des idées" et "penser", ainsi que des aperçus intéressants sur la philosophie hindoue comme refuge, la bourgeoisie, la bouffe, la propagande, la langue de bois officielle, l'état, la collaboration, le fascisme, le fascisme dans la collaboration, le bergsonisme, le peggysme, l'université, l'antisémitisme, la littérature, l'internationalisme comme réalité, le communisme comme idéologie, le colonialisme, ce que la paix et la guerre changent et ne changent pas dans tout cela.
En fait il est passé d'une fibre surréalisme dandy à une proximité avec Fernand Braudel, Lucien Febvre et Marc Bloch, ce qui n'est apparemment pas l'itinéraire le plus stupide.

Malheureusement le livre est toujours pertinent.
Peut-être une lecture utile?


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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 19:07

NC a écrit:Oui le négationnisme n'est pas nécessaire.

Mais je ne parlais pas de ça, je parlais du matérialisme délirant de Straub sur lequel tu glisses sans ciller, sans même daigner expliquer autre chose que "ça parle d'animaux, alors je colle ça ici..."

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La stupeur que l'on ressent devant ces phrases est spontanée et n'est pas forcément rationnelle. Elle vient d'abord de la brutalité des propos, leur absence de gants. Elle vient aussi, surtout, de la disjonction profonde qui se produit entre ce que l'on sait déjà et ce que l'on craint d'apprendre.

Ce que l'on sait, c'est qu'il n'y a pas cinéaste plus antifasciste que Jean-Marie Straub et Danièle Huillet et que rien, jamais, ne les a rendus suspects d'aucune forme d'antisémitisme que ce soit. Ce que l'on sait aussi, c'est que Jean-Marie Straub n'a jamais eu l'éloquence particulièrement prudente: fort en gueule, véhément, sa trajectoire est depuis toujours parsemée de joutes violentes, qu'elles se tiennent dans l'intimité d'un petit ciné-club de province ou sur les plateaux de la télévision (pour mémoire, un tonitruant Cercle de minuit l'opposa un jour au théoricien des nouvelles images Philippe Quéau: les murs en tremblent encore). Ses façons de clouer le bec à l'adversaire ne sont pas systématiquement de la bonne dialectique, mais la rage qu'expulse Straub lorsque les enjeux méritent qu'il s'emballe a en soi une valeur inestimable: c'est souvent l'incandescence même de cette colère qui, dans l'asepsie majoritaire, nous convainc de sa vitalité comme de son urgence.

Mais là, quelque chose ne passe pas.

Ce «quelque chose» n'est d'ailleurs pas passé non plus auprès des premiers commanditaires de l'interview. Réalisé en mars dernier dans le cadre de l'exposition les Années pop au centre Pompidou, ce dialogue devait ensuite donner lieu à une publication dans un ouvrage collectif consacré au thème Cinéma et politique édité par Beaubourg. Mais l'institution a finalement renoncé à y inclure le brûlant entretien, après avoir, semble-t-il, proposé des coupes aux Straub-Huillet qui, fidèles à leur intransigeance, les ont refusées.

Mais quelle mouche a piqué Straub, exactement? On pourrait le soupçonner de gâtisme mais ses derniers films, dans ce cas, plaideraient contre lui. On pourrait craindre un retour du refoulé stalinien, mais en dépit de tous leurs efforts pour ressembler aux Ceausescu, le couple Straub-Huillet n'offre aucune prise sérieuse sur ce terrain. Le plus probable c'est que ce discours désastreux, qui n'est pas une grande affaire, soit une simple et belle connerie: le produit de ce drôle de syndrome obsidional qui frappe les Straub depuis toujours. Car leur cinéma ne fonctionne que dans ce système paranoïaque qu'ils ont besoin d'entretenir pour y survivre intègres. Fermement campés sur les cimes politiques les plus radicales (il faut abolir l'argent, professent-ils en gros), ils ne s'y maintiennent qu'à cette condition: agir comme de perpétuels assiégés. On connaît les plaisirs de ces altitudes, mais aussi les risques: la solitude jusqu'à l'autisme, le manque d'oxygène. Et la vue qui baisse.

(1) Numéro spécial, août 2001. Rens. + 41 (0) 21/323 92 53 ou hors.champ@unil.ch.

(2) «Le même (état d') esprit».


on avait discuté de "ça" sur le forum des cahiers du cinéma, si je me trompe pas; il y a quelques années déjà; honnêtement, je ne vois pas l'intérêt de cette vigilance bête, maladive...

en écrivant ça, de qui parle-t-il :

"ce système paranoïaque (...) ils ne s'y maintiennent qu'à cette condition: agir comme de perpétuels assiégés. On connaît les plaisirs de ces altitudes, mais aussi les risques: la solitude jusqu'à l'autisme, le manque d'oxygène. Et la vue qui baisse."


comme disait l'autre, soi, c'est toujours l'autre :
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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 19:26

NC a écrit:Oui le négationnisme n'est pas nécessaire.

Mais je ne parlais pas de ça, je parlais du matérialisme délirant de Straub sur lequel tu glisses sans ciller, sans même daigner expliquer autre chose que "ça parle d'animaux, alors je colle ça ici..."


-que veux-tu dire par "matérialisme délirant de straub"?

-je crois que c'est valéry qui disait jouant sur l'étymologie du mot : la méthode, c'est le chemin une fois qu'on l'a parcouru; je vais mon chemin sans méthode, le faisant, le traçant; je ne précise pas tout, je m'arrête pas quand il faudrait, je vais trop vite, mais tout cela c'est nécessaire, pour moi.

-si on m'arrête, je précise : y a deux raisons à la citation de straub, avec les abattoirs : les animaux chez kafka et straub, mais aussi le fait que dans le texte "chacals et arabes" le point essentiel de la discussion, du différend, entre les arabes et les chacals concerne la mise à mort des animaux; pour bien des commentateurs de ce texte, cette discussion fait allusion à l'abattage rituel (shehita)...



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Message par Invité Lun 16 Jan 2012 - 19:30

La question des Straub n'est pas mauvaise; mais gagnerait à être posé plus simplement: est-il possible de sortir de l'antisémitisme sans sortir également de la culture actuelle, où l'antisémitisme apparaît comme la forme d'un rapport extérieur à l'histoire, finalement formel et commun, avant même que les implications de l'adhésion ou du combat soient réelles pour l'individu? Mais elle est formulée comme si elle recouvrait quelque chose, comme si c'étaient les seuls points qui permettent une rupture possible avec la culture dominante. Alors que l'idée d'une histoire comprise directement et pour elle-même, sans médiation, serait déjà une rupture. Un film comme la "Rafle" est sans doute effrayant, j'imagine qu'il transforme en conclusion et résultat d'une dialectique le fait que c'est effrayant que l'antisémitisme de Vichy ait donner une justification pour que des hommes fassent leur métier en tuant "des gens comme nous", c'est à dire des gens qui avaient un métier, alors que l'absurdité de ce crime n'avait pas besoin d'être rapportée à cette relation d'identité pour appraître comme monstrueuse..
Et Séguret a à la fois raison et tort de dire les Straub sont de ce fait eux-même intégrés dans cette hégémonie, mais il le dit d'une manière elle-même fumeuse (que veut dire "syndrome obsidonial"? peut-on expliquer ces idées avec un vocabulaire aussi simple que celui du texte ci-dessous?).

"
Juifs d'Alsace réfugiés. ils ne sont pas encore au stade bourgeois. Ils sont de la catégorie de ces marchands de métaux et de peau de lapin, tels que j'en ai connus au régiments, tel qu'il en est au bourg et même dans tel village et qui sont parfaitement chrétiens. Par quoi en diffèrent-ils? En ceci que leur vulgarité ne tend pas vers une ronde cordialité marchande mais vers l'aigu. On leur reproche de prospecter les fermes avec insistances. Mais je vois des chrétiens qui là-dessus leurs rendraient bien des points.

Ces deux brocanteurs juifs: Spinoza
Adjudants corses: Napoléon
Bistrots bougnats: Pascal
Bavards marseillais: Cézanne
Bretons tétus: Renan

Ce n'est qu'un jeu, tout le monde peut y jouer. On peut l'appeler le jeu de l'abstrait et du concret, le jeu de l'individu et du groupe, le chat perché des idées générales.
[...]
Mal en point sur le front russe, Hitler ne fabrique plus à son gré le destin du monde et son propre destin, [lui et Vichy] n'ont plus qu'un recours: la vieille panacée, antisémitisme. Ainsi Maurras sur le plan minuscule de sa politique littéraire: comme on lui reprochait l'abstrait, le théologique de sa doctrine, il répondait qu'elle comportait un élément sentimental, passionnel, propre à galvaniser la foule, à savoir l'antisémitisme."

Léon Werth, juin 1942

Et après un développement sur l'idéologie de Vichy, qui croyait se particulariser dans le fascisme sur l'idée que l'antisémitisme pouvait être "dosé".

et avant "Qui ment sur Cézanne ment sur tout, quand une balance est faussée elle l'est pour tous les poids"


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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 20:54

La plus grande réunion de rabbins européens depuis l'Holocauste s'est ouverte à Varsovie pour évoquer notamment la question de l'abattage rituel d'animaux interdit récemment aux Pays-Bas. "La question brûlante et unique pendant cette conférence est celle de la shehita" ou la méthode casher de l'abattage rituel des animaux, a indiqué à l'AFP le grand rabbin de Pologne, Michael Schudrich. "Il doit bien y avoir un endroit où les droits religieux rencontrent ceux des animaux. Pour nous, c'est ridicule parce que la shehita est une méthode humanitaire", a-t-il déclaré.

En juin, les Pays-Bas ont adopté une loi exigeant que les animaux soient étourdis avant l'abattage juif casher ou musulman halal, à moins qu'il soit prouvé qu'ils souffrent moins lors d'un abattage sans étourdissement. Les chefs religieux juifs et musulmans estiment qu'en étourdissant les animaux, on viole les règles de l'abattage rituel.

"Nous nous rappelons bien que la dernière fois où la shehita était interdite dans beaucoup de pays en Europe c'était sous l'occupation nazie", a noté M. Schudrich. "Même si personne ne dit que les Pays-Bas sont nazis, cela réveille de mauvais souvenirs", a-t-il ajouté.

Considérant l'interdiction néerlandaise comme "un malentendu énorme", M. Schudrich a insisté sur le fait que la tradition de l'abattage casher, vielle de 4.000 ans, "est l'une des méthodes les plus sensibles et humanitaires d'abattre un animal - qui meurt dans les secondes qui suivent". "Il semble que les problèmes actuels des Pays-Bas sont moins liés aux aspects humanitaires réels de la shehita qu'à leurs problèmes internes avec des minorités", a observé M. Schudrich.

juifs et arabes se retrouvent ici, jugés par l'homme du nord; comme on le dit dans l'article, les nazis non plus ne supportaient pas cette barbarie rituelle, ils ont promulgué une loi en avril 1933 interdisant l’abattage de bétail selon les rites juifs (les bouchers juifs étaient bien entendu cruels, et sales)

Un film, "Le juif errant", réalisé dans les ghettos de pologne, de lodz, de cracovie…découvre au berlinois, fin 1940, les juifs, dans leur costumes et coutumes; « une scène d’une extrême cruauté, propre à choquer profondément, montre l’abattage rituel des animaux.

Le commentaire désigne la « race juive » comme un mélange de « races « orientales « avec une pointe négroïde »…

le montage oppose la jolie musique de bach aux musiques orientales, lancinantes, répétitives, des juifs

et puis, un long texte apparaît à l’écran pour prévenir les personnes sensibles de la barbarie des rites judaïques : dans un abattoir, un bœuf a la gorge tranchée avec un couteau. Le commentaire indique que c’est une main juive qui commet cet acte brutal avant de fouiller dans les entrailles de la bête ; des moutons sont ensuite égorgés, et un deuxième bœuf dont la lente agonie est soulignée par des gémissements violents. La tête de l’animal, baignant dans le sang, est filmée au ralenti : des textes de lois nazis contre l’abattage sont évoqués… »

(CD,la vision nazie de l'histoire)





la saleté, la cruauté dans l'abattage des bêtes, c'est ce que reproche le chacal aux arabes...

la question est de savoir, qui est le chacal, aujourd'hui...BB?






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Message par Invité Lun 16 Jan 2012 - 20:56

Ce sont toujours des questions sur la nature des essences et pire, leur survie, ce que le symbole chacal chez Kafka avait justement pour but de contourner. Deleuze a finalement a quelque chose de la part la plus autoritaire du lacanisme , sa notion de devenir proliférant peut être mise facilement à contribution pour neutraliser cette séparation entre le symbole et l'essence, et répétée à tort et à travers devient un expédient commode pour injecter de la métaphysique dans la politique autant qu'on le souhaite.

Léon Werth raconte une manifestation à Bourg en Bresse de lycéens, de professeur (hommes et femmes) et d'un dominicain contre le film de Harlan, ils n'avaient visiblement pas besoin de le voir en entier pour être au fait sur ce qu'il y avait dedans.

"Quelques spectateurs d'âme bourgeoise protestèrent: ils avaient payé leur place, ils étaient venus pour voir le spectacle. Le cri de "A bas Hitler" déconcerta les partisans du maréchal, qui n'osèrent quand-même pas répondre par un "Vive Hitler". Un petit vieux, qui restait sagement assis à sa place, murmurait: "Heil Hitler", doucement, gentiment, sans colère."

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Message par Borges Lun 16 Jan 2012 - 21:18

Tony le Mort a écrit:Ce sont toujours des questions sur la nature des essences, ce que le symbole chacal chez Kafka avait pour but de contourner.

Il faut suivre, sinon tu vas pas arriver à participer activement à la discussion. Mes questions sont rhétoriques, je ne cherche pas une réponse; les questions ne visent pas à incarner ce terme, à dire ce qu'il représente, qui il désigne, à l'actualiser, mais précisément à lui donner un sens vide, flottant, en montrant comment ce chacal a reçu différentes interprétations, selon les contextes, les volontés de sens, ou d'instrumentalisation... selon certaines perspectives, un juif peut occuper cette place, un ami des bêtes, un nazi, un antisémite, un islamophobe... J'ai cité quelques lectures : on dit le chacal, c'est les juifs, les israéliens, à l'époque de kafka, on disait non c'est pas un juif, c'est le juif imaginaire de l'antisémite, kafka parodie, ironise, on dit aussi que c'est le juif orthodoxe...certains disent, ce chacal c'est l'impuissance de l'homme du ressentiment, opposé à l'aristocratie de l'arabe...



le chacal n'est pas un symbole, kafka ne fait ni du symbole ni de la métaphore, ni de l'allégorie... disent certains, dont lui...



Tony le Mort a écrit: Deleuze a finalement a quelque chose de lacanien en plein, sa notion de devenir proliférant neutralise cette séparation entre le symbole et l'essence et répété commodément injecte de la métaphysique dans la politique si on le souhaite.

essaye de savoir ce que tu écris...


"
tuer les bêtes pour manger, ou manger pour nettoyer les charognes. Les chacals posent bien le problème : ce n'est pas un problème de castration, mais de « propreté », l'épreuve du désert-désir"

(D/G, mille plateaux)


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Message par NC Mar 17 Jan 2012 - 9:42

1. matérialisme délirant : Straub ne fait pas de différence entre un animal et un humain. Ce n'est même pas une question d'antisémitisme ici. Il dit juif pour choquer, parce que c'est une provocation acceptable. Il aurait pu dire, il n'y a pas de différence entre un abattage de poulet et le génocide au Rwanda.
Sauf que bien sûr il préfère dédouanner le nazisme pour accuser un "Geist" qui lui survivrait dans la social démocratie anglaise et française. Straub croit aux esprits, il aime l'idéalisme allemand. S'il s'agit d'une paranoïa que de considérer que le meurtre est un terme qui ne peut concerner qu'un humain... voir une maladie...

2. Dans la nouvelle de Kafka, les chacals ne sont pas les juifs, même d'un point de vue ironique ou antisémite. Chacals et arabes sont deux attitudes envers la vie. Kafka montre l'obsession de la pureté et de la propreté. C'est une parabole religieuse, visant à dénoncer un certain type de comportement, qui concerne ici quelque chose de religieux (l'abattage et le casher). En terme freudien, on pourrait dire qu'il s'agit de dénoncer la pulsion de mort dans le religieux (l'ultra casher, l'orthodoxie hardcore etc...).
Je me permet d'être un peu péremptoire là dessus, parce que à mon sens, l'enjeu de ce fragment ce n'est pas de savoir qui sont les chacals. D'ailleurs ils se définissent très bien eux même; par leur nom, leur discours, leurs attentes, et finalement leur comportement. C'est l'attitude de l'homme du nord, celui qui est en dehors du dualisme arabes et chacals, qui est étrange. On lui demande de choisir. Il ne choisit pas, il se tient sur l'indécidable, exactement là où il faut. C'est une nouvelle qui est très belle.

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Message par Invité Mar 17 Jan 2012 - 15:00

Go, go, go, said the bird,
Human kind cannot bear much reality.

salut, NC, Tony. salut, Borges.


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Message par NC Mar 17 Jan 2012 - 15:12

"Nous leur enlèverons donc le sang et la querelle sera finie." C et A (et avant)

"Vous avez oubli un slogan encore plus important : "la dette de sang sera remboursée par le sang" J'étais surpris ; "Pourquoi celui ci ? Pourquoi pas un slogan plus idéologique ? : Duch m'a fixé :"Monsieur Rithy, les Khmers rouges, c'est l'élimination. L'homme n'a droit à rien".

Il y a des humains et des animaux.

Je disais religieux mais je pourrais dire politique, idéologique : celui qui revendique la pureté est un immonde chacal, c'est l'origine du mal, ça parle de ça.

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Message par Invité Mar 17 Jan 2012 - 21:46

NC a écrit:matérialisme délirant : Straub ne fait pas de différence entre un animal et un humain.
[...] Straub croit aux esprits, il aime l'idéalisme allemand.


Oui, mais bon, alors kwè, matérialisme délirant ou idéalisme délirant?
Faudrait savoir...


Perso je m'en fous. C'est juste pour faire avancer le schmilimili...

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Message par Borges Jeu 19 Jan 2012 - 15:12

hello à tous

(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Index

"Parler, c'est un peu comme aller par les routes, jour et nuit, sans but, comme nous le faisons, et non pas comme les jeunes gens qui cherchent fortune."


(pavese)

il est peut-être trop tôt, ou trop tard, pour comprendre straub comme un metteur en scène du chemin, de la route, du cheminement... les images restent, les mots cheminent

le lieu sans lieu de la demourance



NC :

rappelons que l'on peut être anticommuniste et antisémite, anticapitaliste et antisémite, on peut même être sioniste et antisémite...

si le matérialisme ne protège de rien, son contraire, l'idéalisme, les spiritualismes, avec ou sans table tournantes, non plus ; et je partage la pensée de adorno, de derrida, de deleuze, kafka, et d'autres, sur les animaux...


le chacal, c'est le chacal ;

Oui, bien entendu, mais en même temps, il y a un contexte de lecture, une tradition de la lecture de ce texte. On peut dire le chacal, c’est le chacal ; l’arabe, c’est l’arabe ; l’homme du nord lointain c’est l’homme du nord lointain… La lecture littérale, sans interprétation, serait l’idéale. Hélas, l’identité de l’être, de la pensée, et de la lecture est impossible. Le texte lui-même nous l’interdit, par l’écart qu’il crée entre le réel, l’être, et ce qu’il fictionne, qui est toujours de la différance, de la trace. Dès qu’il y a écriture, le sens est perdu, l’unité du sens originaire, littéral, l’entente et a communauté de compréhension, le monde en un sens. Même si ce que je dis là est vraiment trop rapide, schématique. Il y a une entente, une lecture première…sur laquelle nous pouvons tous nous mettre d’accord, quelque chose qui occupe la place des faits dans la pensée politique d’arendt. Il n’y a pas que des interprétations, y a aussi des faits, mais au-delà de ces faits, en tenant compte d’eux, pour la constitution d’une communauté de sens nécessaire : un texte est littéralement métaphorique, et métaphoriquement littéral ; une figuration de l’allégorie, et de la lecture. Il engendre nécessairement de l’interprétation, de la lecture, de la fabulation.

C’est la loi de tout texte; c'est aussi le texte de la loi, d'être écrite


Tu dis qu’il y a des animaux et des hommes, tu reproches à straub de nier cette différence ; tu peux, mais en même temps, c’est ce que fait le texte, une affaire de frontière.

Que nous ne puissions pas lire simplement ce texte, en rester à la lettre, au littéral, s’impose immédiatement : dans le réel, les chacals ne parlent pas, ils ne viennent pas trouver les voyageurs dans les oasis pour se plaindre à eux.

Ainsi le texte viole la règle essentielle de la différence entre l’homme et les bêtes, qui sont supposées ne pas parler (ici déjà il faudrait faire dialoguer aristote et rancière).

Il y a bien d’autres subversions de la règle de l’essence de l’humanité, du partage nature-culture, les animaux ne peuvent pas attendre, n’ont pas le sens de l’histoire, etc.

Il y a de la fable dans cette histoire d’animaux.


On ne peut donc pas dire, affirmer que ce chacal n’est qu’un chacal, qu’il n’est pas la trace, la promesse, le signe, la figure ou l’ironie d’autre chose. De quoi ? De Qui ? C’est la question, à ne pas fermer. Comme disait l’autre, il ne faut pas boucler la boucle. Il faut laisser le texte et son sens, ses sens, errer, dans le désert du sens, et le désir du sens, comme nous le conseille, le dit le texte, « la petite paire de ciseaux de couture couverts de vieille rouille, qui doit trancher, mettre fin au différend, à la différence, arpentera le désert, tant qu’il y aura des Arabes, jusqu’à la fin des temps."


(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Images?q=tbn:ANd9GcQBJq6KHV2ZizwAvsS40ny6u1fURRI8R5LB9jJNFkog1OEdYt3q_Q

Il y a de la fable, dans cette histoire d’animaux ; une fable qui remonte très loin, à l’inde, à la perse, à l’arabie… aux fables des chacals Kalîla et Dimna (Karataka et Damanaka), qui inspirèrent, on le sait, la fontaine. Parce nous sommes dans une histoire d’errance du sens, rappelons :


En français, chacal s’est d’abord écrit jackal (comme en anglais moderne).

Le mot vient du turc, issu du persan شغال, šaḡâl (« l’animal »), lui-même issu du sanskrit, sṛgāláḥ (« le hurleur »).

Dans bible, on le nomme Iü, (hurlement, cri aigu) ; les arabes Ebn-avi… fils ou enfants du hurlement… deux termes évidemment proches.


fidèle à ce sens, kafka introduit le chacal par le hurlement, le premier contact entre le voyageur et le chacal est un hurlement...

(j'imagine que Ka-f-ka n’a pas du être insensible au « ka » du mot « Schakale » (allemand)…

"Je trouve les "K" laids, ils me dégoûtent presque et pourtant je les écrits, ils doivent être très caractéristiques pour moi"
(kafka, journal, 27 mai 1914)

(on ne compte pas les K dans les noms des personnages de ses textes)



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Message par NC Jeu 19 Jan 2012 - 16:55

Rapidement, le matérialisme... et son contraire, l'idéalisme. La même chose, exactement, du moins dans une certaine pensée, la pensé dialectique bien entendu. Où les termes se renversent car c'est dans leur plus intime nature : Hegel l'idéaliste renversé par Marx le matérialiste, pour dire exactement la même chose ; le même chemin, enfin plutôt la même pente. Voilà du moins une croyance dans un esprit de l'histoire, que celui ci fonctionne comme la trinité chrétienne pour Hegel et rejoigne le paradis du savoir absolu, ou comme un matérialisme historique fondant vers sa fin de l'histoire, le communisme, pour tous. Hors sujet en fait par rapport à Kafka, c'était juste par rapport au Gleiche Geist.

Je ne dis pas que le chacal est juste un chacal, je dis qu'il est l'allégorie du mal (ou de la mort), tout comme la fourmi est l'allégorie du travail et la cigale l'allégorie du fun.
Si tu disposes de l'intégrale des fragments de Kafka à la Pléiade (volume que je recommande chaudement à tous, tout est là, notamment "le plus proche village", ou "à cheval sur un seau à charbon"), tu y verras une petite notice concernant l'accueil critique fait à ce texte. Cela décline les différents éléments que tu as énuméré, mais s'accorde sur une interprétation intéressante : le chacal c'est Kafka.
C'est Kafka qui refuse la vie, de s'engager dedans, qui reste dans le désert, qui veut la pureté, et les arabes c'est le père, celui qui est bien dans la vie, et qui tolère le chacal comme un chien domestique, et que le mauvais chacal veut tuer, sans en avoir le courage de le faire. Kafka s'accable ici, il accable le mal qui le soustraie à la vie. Cela n'épuise bien entendu le sens du texte, mais ferme pour moi l'interprétation en rapport avec le conflit israélo palestinien.

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Message par Borges Jeu 19 Jan 2012 - 19:03

oui, on peut dire kafka, c'est le chacal; les différents éléments des différents messages permettent cette lecture, c'est à ça que je fais allusion bien entendu en parlant du K; mais en même temps, c'est une possibilité comme une autre... kafka est aussi l'homme du nord, le voyageur insomniaque, et l'arabe, comme image de la pureté...

Je ne vois pas comment cette lecture "kafka c'est le chacal" fermerait la lecture sioniste, conflit arabes-juifs, puisque kafka (qui était aussi juif) comme je l'ai dit était traversé par ce conflit, à trois termes (ne l'oublions jamais, c'est jamais un conflit arabo-israélien) attrait et dégoût pour le sionisme; ce texte ne peut pas ne pas être lu dans le contexte actuel comme une "allégorie", une pensée de ce conflit, et nous ne pouvons pas ne pas le penser depuis ce conflit...

Si la situation d'interprétation, de lecture, est une décision de lecture, la décision de la lecture est aussi en situation...

ne pas oublier que le texte fut publié d'abord dans la revue de MB, une revue sioniste...


si tu identifies kafka au chacal, que fais-tu de ce que tu as appelé le désir immonde de la pureté, du meurtre...?



c'est un peu simpliste ce que tu dis de hegel-marx; et puis l'idéalisme et le matérialisme ça ne se réduit pas à ces deux noms...




la notice dans la pléiade est tellement péremptoire avec les interprétations qu'elle écarte qu'on a le sentiment d'une suite de dénégations..."c'est pas ça"



nous ne sommes toujours pas arrivés au film de straub;



-l'écran au générique n'est pas gris, comme je l'avais écrit, cru, vu, mais blanc; ce qui change des choses, mais pas tout; jeu du blanc (fragments chantés de textes de kafka) et du noir (straub le voyageur venu du nord);


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Message par NC Jeu 19 Jan 2012 - 20:08

La notice n'est pas fouillée, mais l'extrait de lettre cité est encore une autre énigme, à creuser peut être.

Concernant l'interpretation chacal=kafka=le mal, pour moi ça serait prendre la nouvelle comme un conte moral, et au delà, comme une réflexion sur l'origine du mal. Enfin c'est pas de l'ordre de la réflexion, plus un oracle. Ce n'est peut être qu'un écho ici, mais je suis moi même assez persuadé que le mal en religion tout comme en politique a rapport avec la notion de pureté. Pureté racial/pureté idéologique, la pureté des corps, ds âmes (en religion).
Que Kafka se voit comme un être dégueulasse, mauvais, veule lâche, bouffant des cadavres (cf la lettre de la notice), plein de haine : ça pourrait lui arriver. Il y aurait une sorte d'ironie à se présenter sous un jour aussi défavorable. Qu'il interprète lui même son mal comme étant un refus de la compromission dans la vie, donc un réflexe de pureté, et qu'il analyse ceci comme étant une pulsion mortifère, je ne pense pas que cela soit inconcevable. Qu'il veuille tuer l'arabe, noble, plein de vitalité, avec un vieux ciseau rouillé : l'arabe c'est son père, il ne s'est jamais remis de ne l'avoir jamais tué, d'avoir toujours été écrasé par lui, d'avoir été traité comme un chien. C'est peut être trop psychologisant, mais quand on connait l'importance qu'a eu son père dans sa vie.
L'homme du nord est aussi kafka se voyant lui même, indécis par rapport à sa propre situation. Vu à la troisième personne. Prêt à accepter la condamnation des arabes sur lui même chacal.
Si l'on veut chercher une allégorie plus vaste, donc pour moi un conte morale, une dénonciation de la pureté.

Bon c'est très mal écrit et approximatif.

Je ne sais pas si la revue était sioniste. Qui connait cette revue ? De Jude ? Buber est davantage connu pour ses histoires hassidiques que pour des discours sionistes. Connaissant ses écrits, superficiellement, il me semble que Chacals et arabes est dans cette veine. Des histoires juives, mystérieuses, ouverte au commentaire, avec des animaux.

Du point de vue sioniste de l'époque, l'arabe n'entre aucunement en compte. Je suis désolé mais c'est comme ça. Personne n'a réfléchi à ça (hormis Jabotinsky). Les résistances sont ailleurs (les assimilationnistes, les religieux etc...).

C'est pourquoi une lecture contemporaine, à la lumière du conflit israélo arabe actuelle, qui serait une interprétation tordue dans ce sens (pourquoi les juifs seraient ils si veules ?), ne me semble ni correspondre à l'intention de l'auteur, ni à l'esprit de son temps.
Ce serait voire un oracle là où il n'y en a pas, mais si on le veut, pourquoi pas. Dans cas, il n'y a pas besoin de Kafka.

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Message par glj Jeu 19 Jan 2012 - 22:01

borges : il faut supprimer ce message !
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Message par Invité Ven 20 Jan 2012 - 1:13

Pour ne pas faire (trop) dévier la discussion, je place ceci en:


Spoiler:


Dernière édition par jerzy P le Ven 20 Jan 2012 - 19:22, édité 1 fois

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Message par Invité Ven 20 Jan 2012 - 13:30

salut Jerzy, j'aurais été déçu de ne pas être sur ta liste. Wink
je pourrais bien mettre un truc sur Jésus le Juif Palestinien persécuté par l'Empire, ça serait drôle.
je préfère attendre la suite des réflexions de Borges sur le Straub, ça me parait plus intéressant.


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Message par Borges Sam 21 Jan 2012 - 10:48

Un chacal qui parle ;

Je disais que nous sommes dans l’ordre de la fable. Un animal ne parle que dans la fable (dans le conte, aussi, mais c’est une autre histoire, une autre forme du récit, dont la discussion ferait intervenir d’autres arguments, un autre horizon, d’autres mondes et modes de la signification). Seule la fable peut le faire parler, lui donner la parole. Mais, par le jeu des interprétations, des lectures, cette parole lui est tout de suite, très vite, presque immédiatement, confisquée au profit de l’homme. Par la lecture, elle est rendue à l’homme, à qui elle revient, bien entendu; c’est son propre. Si un animal parle, ce n’est que par image, dans l’image, dans le récit, quand l’homme le fait parler, lui donne la parole, la lui prête, plutôt, lui faisant finalement dire ce qu’il veut bien, ou ce qu’il ne peut pas dire, directement.

L’homme ne donne, ne prête la parole aux animaux que selon des stratégies bien déterminées, précises, selon ses propres calculs.

Dans la fable, c'est une règle de la lecture de la fable, pour nous qui savons que les animaux ne parlent pas, sous l’animal parlant, derrière sa parole, empruntée, aussi habile soit-elle, il s’agit toujours de l’homme.

La fable dit-on est un moyen détourné, pour l’homme, de parler de l’homme, du pouvoir, de la force, de la cruauté, de la ruse, de la faiblesse, de dire de l’homme ce que l’on ne peut pas dire directement, dans les régimes politiques où une critique directe, ce qu’on appelle bêtement, la liberté d’expression, n’est pas possible.

Sous l’animal parlant, faut donc chercher l’homme à qui il est interdit de parler, l’homme interdit de parole, exclu de la parole, du droit à la parole.

L’animal qui parle dans la fable, c’est donc en dernière analyse toujours un homme qui ne peut pas parler, une nostalgie humaine de la parole, absolument libre, sans censure, sans refoulement, sans interdit, une parole qui ne craint rien à dire la vérité, toute la vérité, que les mots autorisent, ce qui lui revient par droit d’essence.

En ce sens, l’animal parlant, une bête qui parle, un être donc privé de raison, la bête est toujours bête (ces animaux ont un espoir stupide, ils sont fous, dit l’Arabe), c’est un peu le fou de la cour, celui qui est autorisé à dire ce qu’on ne peut pas dire, ce qui ne peut pas se dire.

Les animaux, comme les fous, du roi, ne parlent que là où l’homme ne peut pas parler, là où la parole est interdite à l’homme.

Un autre moyen, c’est l’enfant ; par exemple chez kiarostami ; se faire passer pour fou, un enfant, un animal, c’est le moyen d’échapper à la censure, à cet interdit de la parole, qui ne s’adresse qu’à ceux qui peuvent parler, qui sont capable de la parole.

L’enfant, le fou, l’animal, qui ne peuvent pas parler, peuvent parler là où l'homme ne peut pas parler, mais leur parole, tout en disant la vérité, est tenue pour irresponsable; elle dit la vérité sur le mode de l'ironie, de l'innocence, de l'irresponsabilité.



l'animal qui parle, c'est le fou de l'homme...


"ces animaux ont un espoir stupide (unsinnige) ce sont des fous(Narren), des vrais fous (wahre Narren). C'est pourquoi nous les aimons;
"
(chacals et arabes)
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Message par Borges Sam 21 Jan 2012 - 11:34

Dans cette histoire d’animaux, le chacal parle, c’est un animal parlant.

Notons le paradoxe, l'ironie, combien c'est comique : animal parlant, c’est la définition de l’homme. L’homme est un animal parlant, c’est même le seul. Le seul animal qui parle, ce qui pour aristote en fait un animal politique, le seul ; politique et non pas social ; il y a une différence ; bien des animaux sont des animaux sociaux, ont une société, l’homme par la parole est le seul qui ajoute à la société, à la vie en société, une autre vie, qui n’est plus simplement la vie, la dimension supplémentaire du politique.

Mais je vais pas aller immédiatement dans cette direction, emprunter trop vite ce chemin.


Prenons la parole là où elle définit l’animal en tant qu’homme, sans détermination.


Ce chacal parle, donc c'est plus un animal, un chacal... si l'homme est un animal parlant, il suffit à l'animal de parler pour n'être plus un animal, pour devenir "homme". Oui, il suffirait de ça, si on était logique, hélas, ça ne suffit pas ; parler ne suffit pas à faire de l’animal un homme, un animal qui relève son animalité ; il lui faut encore paradoxalement un corps d’homme, l’érection, le visage, la station debout, la main, les mains, même, même si une seule suffit, une seule jambe, même s’il marche à quatre pattes, se déplace en chaise roulante, à l’aide d’un bâton. Le chacal ne possède rien de tout ça, hélas pour lui ; il ne se tient pas debout, il n’a pas de visage, pas de mains, et il le sait, il s’en rend compte, s’il ne peut pas utiliser lui-même ces ciseaux pour trancher la gorge des arabes, ou de l’Arabe, c’est que lui manquent les mains.

Il le dit à l’homme du nord, en lui donnant les ciseaux rouillés, qui doivent mettre fin à l’histoire, à son exil : nous n’avons que nos dents, pour le bien et le mal, tout ce que nous pouvons faire en bien et en mal, nous le faisons avec nos dents ; ce détail est important, ce n’est d’ailleurs pas un détail, c’est un point essentiel,

Beaucoup de critiques, commentateurs l’ont marqué, relevé, comme D et G, par exemple : constance du thème des dents chez Kafka. Le grand-père boucher; l'école ruelle de la Boucherie; les mâchoires de Felice; le refus de manger de la viande. Kafka manifeste une permanente obsession de l'aliment, et de l'aliment par excellence qui est l'animal ou la viande, et du boucher, et des dents, des grandes dents malpropres ou dorées (…) C'est un des principaux problèmes avec Felice. Dès la première rencontre avec Felice, Kafka végétarien est attiré par ses bras musclés, riches en sang, effaré par ses grandes dents carnassières (...) Le Champion de jeûne, surveillé par des bouchers, termine sa carrière à côté des fauves qui mangent leur viande crue, plaçant les visiteurs dans une alternative irritante. Les chiens tentent d'occuper la bouche du chien des Recherches, en la remplissant de nourriture, pour qu'il cesse de poser ses questions - et là aussi alternative irritante : «

(pour une littérature mineure)

écrire, pour ne pas manger, disent G/D, ou pour bien manger, manger bien ; écrire, c’est jeuner, devenir le champion du jeune.


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(Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort  - Page 2 Empty Re: (Tu n'es pas un Arabe, t'es un chacal) De Straub à Kafka : Canaan à l'instant de la mort

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