Drive (Refn) : parler ou conduire
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Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Il y a quelque chose dans le film qui m'a fait le trouver assez répugnant, c'est la bande son. Bah non, pas la bande originale, très cool si j'en crois les spécialistes, et tout à fait coulante entraînante. Non, la bande son pendant les scènes de violence (que j'ai eu du mal à supporter quand même). Par exemple, le driver se défend dans un ascenseur contre un tueur qu'il réussit à prendre de vitesse, mais il n'a pas d'arme. C'est donc à coups de pied qu'il se défend, le met à terre, et le tue. Les scènes de violence précédentes montraient quand même à moitié l'action, dans un dosage bien étudié. Là, c'est étudié également, on ne voit rien, à part l'acharnement fou du driver, qui devient une machine à tuer (ce qui effraye, on imagine bien, sa copine). La tête du gars sur qui il tape est hors du cadre, en bas à gauche, dans le coin de l'ascenseur. On pourrait se dire que le film nous accorde un peu de répit. Mais non, parce qu'on l'entend. On l'entend vraiment, l'os du crâne qui se brise sous les coups de pied.
Dans la dernière scène, Refn remet le couvert : c'est le manche du couteau qu'on entend entrer sous une côte de Bernie…
Dans la dernière scène, Refn remet le couvert : c'est le manche du couteau qu'on entend entrer sous une côte de Bernie…
adeline- Messages : 3000
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Oui, apparemment, Gaspar Noé l'a bien conseillé pour ces scènes-là...
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
(Thomas Bangalter ou) Cliff Martinez ou Kavinsky, pour cette fumeuse BO de Drive. Les gars testostéronés de FDC ont oublié la participation de ce dernier. Un chic type pourtant. Comme ils l'entendent.
Kavinsky que Lolo doit connaître, ici, pour sa fameuse réplique:
Tant de connexions, de ramifications autour de cette génération du bon gu .
ps: je serais surpris de ne pas lire une ligne là dessus mon Lolo dans ton prochain texte
careful- Messages : 690
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Vu. Et en mesure d'exprimer un point de vue, très en retard, en rapport avec la discussion.
Je m'étais un peu trop facilement joint au concert de sifflets conspuant un nième remake du "justicier de minuit" ou autre machine à fantasme fasciste. Sans avoir vu.
J'avais vu la trilogie Pusher, que j'avais appréciée, et Bronson, que j'ai pas apprécié du tout.
C'est pas mauvais comme film, il y a quelque chose. C'est stylé, une tentative d'atmosphère. Mais je vais pas hurler au sublime non plus.
Alors, Refn, il me fait penser inévitablement à Lars, pour deux choses: le côté frégoli multi-cartes (je change de manière pour montrer que j'ai des obsessions que je peux exposer dans plein d'esthétiques différentes, c'est à qui sera le Kubrick danois), et la stéréotypie du contenu derrière cette esbroufe (les rapports h/f, l'amour, chabadabada: c'est du Lelouch version techno-pop. D'ailleurs on pense à Un homme et une femme: le pilote automobile et la gonze flanquée de son môme). Mais Refn a plus de talent que Lars, et a un peu plus de choses à dire, enfin de mon point de vue.
Le scénario, on dit que c'est ultra-basique, une affaire de mafia et de coup foiré entrainant un jeu de dominos. ça tient peut-être sur un ticket de restaurant, mais perso, j'ai trouvé ça assez subtil, pas idiot, et d'ailleurs j'ai pas tout compris. Qui voulait faire quoi, et qui a trahi qui sans le savoir ou tout en sachant qu'il l'ignorait, etc? Y a eu un début de migraine, j'étais pas au top de la faculté d'entendement, alors j'ai plus trop essayé de chercher à comprendre sur le coup, et je me suis plus attaché à suivre le profil des persos, leur destin, et regarder la photographie numérique, qui est jolie. Avec de beaux effets de noir et de profondeur. Et le montage, qui est loin d'être nul.
Un mix d'influences constamment exhibées signale le truc "post-moderne", mais bon, ça passe mieux qu'avec lars. Parce que c'est un peu plus consistant, concis, moins boursouflé.
Ici, on se croit d'abord dans two lane blacktop, mais fausse piste. Le gars n'est pas une prothèse d'auto, un bug mélancolique tragique, non, c'est un romantique qui cède au sentimentalisme avec des jeux de prunelles brillantes à la Homar Sharif. Un ultra-romantique très pur, tellement pur qu'il y a comme des zones de psychose qui font peur, bien entendu (la manière dont il remballe, au café, le mec d'un ancien casse venu le remercier, avec une menace verbale ultra-violente, sans sourciller - c'était pour moi la scène la plus violente).
Donc, y a un peu du Michael Mann "miami vice", un petit côté Farrell aux yeux énamourés luisants, pour le romantisme comprimé dans le lisse, donc attisé dans l'effet de perte. Mais là encore, référent-reflet qui est une fausse piste. Le formalisme, lui, emprunte plutôt au ghost dog de Jarmush. Enfin, j'y ai vu pas mal de similitude - et on est loin de la maitrise du Jarmush, en se cantonnant à ce seul plan formel.
Pour le reste, la trame, y a de fortes similitudes avec Ghost Dog aussi: histoire de mafia, des mafieux vieux, comme un monde-folklore ancien qui s'effrite, remplacé par la froideur technologique, le perso solitaire, sa discipline, sa méticulosité, sa technicité; fantôme, homme hanté par une perte, homme asexué, homme-enfant qui établit un lien direct avec l'enfant, l'errance en voiture, femme et enfance, les dessins animés devant la télé, la dette ambiguë envers le vieux protecteur, plein de trucs en fait.
Mais le samouraï, qui n'a certes pas grand-chose à voir avec ce "scorpio", est un personnage plus dense, méditatif, habité par la mélancolie. Le driver, lui, est presque du côté de la suture de ses émotions, menacé par une psychose.
La photographie, le traitement de la profondeur de champ, me rappelle fort celle de Robbie Müller, le chef op de Wenders, qui a officié sur GD.
La touche 80s Walter Hill est fort accusée, elle aussi.
La bande son musicale, oui bon, c'est pas mal. Y a un chouette truc au vocoder. Mais tout ça s'oublie assez vite. D'ailleurs le film s'oublie assez vite. Je l'ai vu cette nuit, et j'ai oublié bcp de choses. C'est en égrenant quelques mots dessus que je commence vraiment à m'en souvenir.
L'ultra-violence, mix entre Tarantino, Carpenter, Argento, Sergio Leone, Peckinpah, plein d'autres (très chorégraphiée, à la sauce trash-gore). Et Gaspar Noé en conseiller technique pour la scène d'écrabouillage de la tête, hommage direct à son "irréversible" (la scène y est bien plus complaisante et interminable).
Comme par hasard, on retrouve Noé sur le bonus, transi d'admiration avec son côté obsessionnel psycho-rigide sous exta, qui tremblotte de partout comme s'il allait se faire pipi dessus: y dit, "mais comment est-ce possible? Nicolas qui a fait Pusher, l'est si gentil, y boit pas, y fume pas, y s'drogue pas, etc. Je connais personnellement des dealers, et tous me disent que Pusher c'est presque un documentaire sur le milieu de la dope, m'enfin, c'est incroyable, je suis tout excité houlala".
Sinon, le reste.
Je ne vois aucun racisme là-dedans.
C'est vraiment pas le trip du héros blond qui dégomme les basanés, les youpins, etc, non, faut vraiment se contorsionner pour décoder quelque chose de cet ordre, ou alors plaquer sur le film des tas "d'évidences" un peu trop évidentes sur la violence-jouissance-fasciste-autodéfense justicière, etc.
Rien à voir, vraiment. Faut simplement regarder et suivre le récit, sans plaquer d'emblée une grille d'interprétation clef en main, mais fausse, à travers laquelle on va tordre tout ce qu'on perçoit dans le sens de l'abjection pure.
A la limite, y a une ironie sur les poncifs sociologiques, comme Ghost Dog sur les mafieux-ritals fans de rap. C'est les figures habituelles du roman noir et le jeu habituel sur leur détournement. Albert Brooks et Ron -hellboy- Perlman se délectent à camper un duo sadomasochiste de vieux juifs looseurs immondes. Brooks a l'air encore plus juif que Perlman même s'il n'est pas juif. C'est plein d'understatement, un jeu sur les codes, sur le renversement des codes, encore une fois très "roman noir post-moderne", à l'humour très "juif anti-juif", si on va par là... Le juif c'est le méchant, mais pas pour la bonne cause, pas du côté du bien. Comme un pied de nez à Tarantino.
« À l’origine [explique Refn], le personnage de Nino n’était pas très intéressant. J’ai demandé à Ron [Perlman] pourquoi il voulait se joindre à nous, alors qu’il avait joué dans tant de grands films. Ron m’a répondu : « J’ai toujours rêvé de jouer un Juif qui veut devenir un gangster. » Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit : « Parce que c’est ce que je suis au fond : un petit gars juif de New York. »
Le driver, l'est pas raciste, rien à voir avec je ne sais quelle affaire d'icone de blondinet nazi séducteur qui embrasse d'une main et écrase du pied tout en défendant la sécurité de l'honnête citoyen père de famille. J'y reviendrai, plus bas, sur cette fausse lecture d'une icone fasciste de l'ordre dominant.
La victime, l'écrasé, dans ce film, c'est le latino.
Le driver protège le pauvre ex-déliquant latino racketté, non pour prendre sa place dans un calcul pervers, mais dans une sorte de respect absolu pétri de nostalgie pour l'image d'un bonheur perdu. Image représentée par cette cellule familiale imaginale, une sorte de mythe personnel (renvoyant à un trauma personnel de séparation, c'est suggéré dans le rapport "père-fils" de substitution noué avec le garagiste), et qu'il veut protéger...
Il veut pas du tout prendre la place du type sorti de taule. Il est bien plutôt éthique, de ce côté là. Il assume son deuil, son effacement.
Le pauvre type qu'a pas de chance, Standard Guzman qu'il s'appelle et aime à le rappeler, quand il raconte à table comment il a rencontré sa meuf en se présentant. Elle lui avait aussitôt répliqué: "où est le modèle deluxe?", et ça le fait marrer de façon triste. C'est un personnage émouvant, ce mec...
On suspecte, dans le remplacement du perso de la fille latino (dans le roman) par une blanche-blonde, un indice de racisme... Allons allons, pourquoi une petite blonde américaine standard ne pourrait pas s'éprendre d'un voyou latino? Aller suggérer du racisme dans cette affaire... Vraiment, non.
Il veut aider le mec à s'en sortir, éponger sa dette. En collaborant au braquage du prêteur sur gages, en offrant sa discipline de driver. Mais c'est la poisse, ça merde. Pour quelle raison: à cause d'une trahison (dont les ressorts complexes m'échappent un peu, comme dit plus haut).
Le driver est bien plus affecté par la mort de Standard que par l'impossibilité de concrétiser son amour. Ce qu'il ne peut supporter, c'est la destruction du couple précaire tentant de se reconstruire, que l'enfant ait été fait orphelin de ce père fragilisé.
Sa violence criminelle inquiétante se dirige alors sur celle qui a trahi Standard, qu'il menace de ses poings gantés (une sorte de Bullitt sous l'angle pathologique-violent, encore un jeu sur les références): Blanche (et à mon avis c'est peut-être un signifiant pas hasardeux: le seul truc que j'interprète selon ma fantaisie. Le reste, j'invente rien, c'est juste le récit qu'on raconte, que j'ai regardé sans chercher midi à quatorze heures).
Le bonus : une espèce de mise en scène documentaire destinée à nous présenter Refn comme une sorte de génie para-autiste sympatoche, scotché dans l'enfance, avec un côté punk destroy authentique, l'amour des jouets et des effigies de robots made in Bangkok. Son amour inconditionnel pour Texas chainsaw massacre, l'art-trip expérimental, la musique concrète, John Cage, etc.
Refn nous explique qu'il conçoit chacun de ses films comme une transposition-hommage à un style musical précis, une époque musicale précise. Pour Bronson, c'était l'Angleterre de Thatcher et les Pet shop boys. Pour Drive, c'était Brian Eno. Sur le tournage, il mettait du Eno en continu dans ses intra-auriculaires. Paraît, d'après Gosling, que c'était à un point tel qu'il n'écoutait même pas les questions que lui posaient les acteurs...
Son épouse, une gentille blondasse (se mettant en scène comme) un peu simplette qui fait contraste équilibrant avec sa dark side: elle a foutu ses figurines dans un sac poubelle qu'elle a mis à la cave, alors qu'il était en tournage à Hollywood. Le pauv'Nicolas en est encore traumatisé. "Ma femme est la quintessence de la fasciste danoise". Bon, c'est marrant.
Le petit Nicolas nous explique sa vie, son enfance, sa haine du Danemark, son adolescence aux States. Ses parents, post-baba (sa mère a vu Hendrix à Woodstock), nous causent de sa dyslexie. La mère explique à quel point elle le reconnaît à chaque fois dans le perso principal de ses films: un ptit gars timide plein de tendresse maladroite et nourri d'imagerie z ultra-violente. Car faut pas trop s'y frotter: derrière son côté ultra-lisse et ses shorts de touriste du club-med, c'est un gars qui est hanté par une violence intérieure super inquiétante. Refn en rajoute trois tonnes dans le rôle du vilain petit canard, pour nous faire un petit peu peur. Là encore, c'est plutôt promo-rigolo.
Mais ce qui m'a surtout intrigué, c'est la caution too much du film fournie par les témoignages de Jodorowsky, qu'on avait rarement vu aussi exalté: "Nicolas m'a sauvé de ma dépression artistique... Enfin un artiste majuscule, intègre, honnête, qui lutte contre la machine hollywood, toute cette merde, Spielberg cet immonde truand, cette ordure, etc... Et c'est tellement sublime, cette représentation de l'amour... La scène de l'ascenseur: l'homme qui dans un geste place la femme dans un espace de protection absolue, mais en même temps la protège dans un déferlement de sauvagerie énormissime... Quelle plus belle image de l'amour, et en même temps tragique, de l'impuissance de l'homme, sa violence, qui le condamne à la solitude", et patati et patata... (enfin, je retraduis l'idée qu'il exprime de façon assez maladroite).
Mais non, me suis-je récrié tout d'abord, j'étais scandalisé: l'a rien percuté le Jodo! On serait plutôt du côté de Spielberg, apparemment. L'image du père (ici par substitution et procuration) violent-sacrificiel-mélancolique qui protège l'image de la famille et veut recoller les morceaux, au prix de devenir soi-même un monstre sanguinaire, etc. Tom Cruise dans WOW, etc.
Cela dit, je repensais à la scène, et c'était pas vraiment ça non plus, il me fallait l'admettre, ça collait pas. Je réfléchissais donc à ce qu'essayait de dire Jodorowsky, et qui me semblait à première considération un pur contresens...
Non, c'était pas Spielberg. Pas plus ça que le "history of violence" de Cronenberg, le truc du mâle dominant qui séduit par son ultra-violence protectrice et sexuellement excitante.
Je reviens donc sur cette scène de l'ascenseur.
Parce que justement, comme cela a été souligné, la fille est pas du tout séduite, là, mais au contraire horrifiée, complètement paniquée, pétrifiée, psychologiquement détruite, par le déferlement de cette violence. C'est une des clefs du film.
C'est pour ça, à mon sens, que Refn maximalise de façon insistante la violence horrible de cette scène. Pas pour la signifier du côté de la jouissance. Cette maximalisation, aussi répugnante soit-elle, tête écrasée par des coups de pieds, a une fonction précise pour l'histoire qu'on nous raconte là.
L'impossibilité absolue pour cette femme de se lier au driver, dans son processus du deuil de Standard G., viendra nettement, pour moi, de la révélation de cette violence, de la révélation de sa dimension psychotique. Elle signifie l'échec absolu de la tentative du driver de devenir un homme "standard", bon mari et bon père.
C'est à partir de cette scène de l'ascenseur que la fin de l'histoire d'amour est cruellement signifiée. Le driver et la fille le comprennent, c'est patent. Un dernier regard échangé, apeuré de part et d'autre, puis la porte de l'ascenseur se referme, les séparant à jamais.
Il retournera à sa solitude automobile, le temps d'assumer ce qui reste de sa responsabilité, régler le problème de la sécurité de la mère et de l'enfant toujours sous la menace de la dette. Cet échec, et la réparation dernière, signifieront aussi pour lui sa mort, devinée, consentie. Et si ce n'est pas la mort, ce sera un enfer sur la terre, ce qui lui sera annoncé par le vieux mafieux: en ce qui te concerne, je suis au regret de te l'annoncer, mais abandonne définitivement tes rêves de bonheur, d'avenir, etc.
Le driver dira un dernier mot à la fille, au téléphone (la fille, dans une douleur mutique depuis la mort de Standard): "les moments passés avec toi et Benicio sont la seule chose bonne qui me soit arrivée". Game over.
L'ultime fin du film, c'est une manière de citation de Paris-Texas (Wenders dans sa période antiquaire du mythe américain de la route). Le gars, après avoir ressoudé la mère et l'enfant, s'en retourne - mais sur le mode spectral, rêvé: puisqu'apparemment il meurt ou est déjà mort - sur l'autoroute, tailler la zone, i'm a poor lonesome cow-boy, etc.
Mais il a laissé les biffetons sur le parking: c'est encore plus romantique neuneu. L'argent ne faisant pas le bonheur. Maintenant, si tout ça, le départ en voiture, n'est qu'un "fantasma" post-mortem, une relève imaginaire du côté du spectateur, la question de la destination du sac de billets (pour la fille et son enfant, éventuellement) est suspendue dans le vide.
Quoi d'autre au débotté: le perso du garagiste boiteux, le looser absolu, c'est le plus émouvant. Quelque chose de vraiment tragique passe là-dedans. Les persos secondaires m'ont en général plus affecté que le perso principal, mais là encore, plus j'y repense, plus je trouve que c'est un film qui marque, plus dans l'après-coup...
Et je me rends compte en terminant mon post que j'avais commencé goguenard, prêt comme pas deux à étriller ce film comme une vulgaire merde complaisante, puis progressivement plus affecté que je ne voulais l'admettre, si j'essaie de rester honnête dans la transcription de l'expérience que j'ai eue du film.
Je m'étais un peu trop facilement joint au concert de sifflets conspuant un nième remake du "justicier de minuit" ou autre machine à fantasme fasciste. Sans avoir vu.
J'avais vu la trilogie Pusher, que j'avais appréciée, et Bronson, que j'ai pas apprécié du tout.
C'est pas mauvais comme film, il y a quelque chose. C'est stylé, une tentative d'atmosphère. Mais je vais pas hurler au sublime non plus.
Alors, Refn, il me fait penser inévitablement à Lars, pour deux choses: le côté frégoli multi-cartes (je change de manière pour montrer que j'ai des obsessions que je peux exposer dans plein d'esthétiques différentes, c'est à qui sera le Kubrick danois), et la stéréotypie du contenu derrière cette esbroufe (les rapports h/f, l'amour, chabadabada: c'est du Lelouch version techno-pop. D'ailleurs on pense à Un homme et une femme: le pilote automobile et la gonze flanquée de son môme). Mais Refn a plus de talent que Lars, et a un peu plus de choses à dire, enfin de mon point de vue.
Le scénario, on dit que c'est ultra-basique, une affaire de mafia et de coup foiré entrainant un jeu de dominos. ça tient peut-être sur un ticket de restaurant, mais perso, j'ai trouvé ça assez subtil, pas idiot, et d'ailleurs j'ai pas tout compris. Qui voulait faire quoi, et qui a trahi qui sans le savoir ou tout en sachant qu'il l'ignorait, etc? Y a eu un début de migraine, j'étais pas au top de la faculté d'entendement, alors j'ai plus trop essayé de chercher à comprendre sur le coup, et je me suis plus attaché à suivre le profil des persos, leur destin, et regarder la photographie numérique, qui est jolie. Avec de beaux effets de noir et de profondeur. Et le montage, qui est loin d'être nul.
Un mix d'influences constamment exhibées signale le truc "post-moderne", mais bon, ça passe mieux qu'avec lars. Parce que c'est un peu plus consistant, concis, moins boursouflé.
Ici, on se croit d'abord dans two lane blacktop, mais fausse piste. Le gars n'est pas une prothèse d'auto, un bug mélancolique tragique, non, c'est un romantique qui cède au sentimentalisme avec des jeux de prunelles brillantes à la Homar Sharif. Un ultra-romantique très pur, tellement pur qu'il y a comme des zones de psychose qui font peur, bien entendu (la manière dont il remballe, au café, le mec d'un ancien casse venu le remercier, avec une menace verbale ultra-violente, sans sourciller - c'était pour moi la scène la plus violente).
Donc, y a un peu du Michael Mann "miami vice", un petit côté Farrell aux yeux énamourés luisants, pour le romantisme comprimé dans le lisse, donc attisé dans l'effet de perte. Mais là encore, référent-reflet qui est une fausse piste. Le formalisme, lui, emprunte plutôt au ghost dog de Jarmush. Enfin, j'y ai vu pas mal de similitude - et on est loin de la maitrise du Jarmush, en se cantonnant à ce seul plan formel.
Pour le reste, la trame, y a de fortes similitudes avec Ghost Dog aussi: histoire de mafia, des mafieux vieux, comme un monde-folklore ancien qui s'effrite, remplacé par la froideur technologique, le perso solitaire, sa discipline, sa méticulosité, sa technicité; fantôme, homme hanté par une perte, homme asexué, homme-enfant qui établit un lien direct avec l'enfant, l'errance en voiture, femme et enfance, les dessins animés devant la télé, la dette ambiguë envers le vieux protecteur, plein de trucs en fait.
Mais le samouraï, qui n'a certes pas grand-chose à voir avec ce "scorpio", est un personnage plus dense, méditatif, habité par la mélancolie. Le driver, lui, est presque du côté de la suture de ses émotions, menacé par une psychose.
La photographie, le traitement de la profondeur de champ, me rappelle fort celle de Robbie Müller, le chef op de Wenders, qui a officié sur GD.
La touche 80s Walter Hill est fort accusée, elle aussi.
La bande son musicale, oui bon, c'est pas mal. Y a un chouette truc au vocoder. Mais tout ça s'oublie assez vite. D'ailleurs le film s'oublie assez vite. Je l'ai vu cette nuit, et j'ai oublié bcp de choses. C'est en égrenant quelques mots dessus que je commence vraiment à m'en souvenir.
L'ultra-violence, mix entre Tarantino, Carpenter, Argento, Sergio Leone, Peckinpah, plein d'autres (très chorégraphiée, à la sauce trash-gore). Et Gaspar Noé en conseiller technique pour la scène d'écrabouillage de la tête, hommage direct à son "irréversible" (la scène y est bien plus complaisante et interminable).
Comme par hasard, on retrouve Noé sur le bonus, transi d'admiration avec son côté obsessionnel psycho-rigide sous exta, qui tremblotte de partout comme s'il allait se faire pipi dessus: y dit, "mais comment est-ce possible? Nicolas qui a fait Pusher, l'est si gentil, y boit pas, y fume pas, y s'drogue pas, etc. Je connais personnellement des dealers, et tous me disent que Pusher c'est presque un documentaire sur le milieu de la dope, m'enfin, c'est incroyable, je suis tout excité houlala".
Sinon, le reste.
Je ne vois aucun racisme là-dedans.
C'est vraiment pas le trip du héros blond qui dégomme les basanés, les youpins, etc, non, faut vraiment se contorsionner pour décoder quelque chose de cet ordre, ou alors plaquer sur le film des tas "d'évidences" un peu trop évidentes sur la violence-jouissance-fasciste-autodéfense justicière, etc.
Rien à voir, vraiment. Faut simplement regarder et suivre le récit, sans plaquer d'emblée une grille d'interprétation clef en main, mais fausse, à travers laquelle on va tordre tout ce qu'on perçoit dans le sens de l'abjection pure.
A la limite, y a une ironie sur les poncifs sociologiques, comme Ghost Dog sur les mafieux-ritals fans de rap. C'est les figures habituelles du roman noir et le jeu habituel sur leur détournement. Albert Brooks et Ron -hellboy- Perlman se délectent à camper un duo sadomasochiste de vieux juifs looseurs immondes. Brooks a l'air encore plus juif que Perlman même s'il n'est pas juif. C'est plein d'understatement, un jeu sur les codes, sur le renversement des codes, encore une fois très "roman noir post-moderne", à l'humour très "juif anti-juif", si on va par là... Le juif c'est le méchant, mais pas pour la bonne cause, pas du côté du bien. Comme un pied de nez à Tarantino.
« À l’origine [explique Refn], le personnage de Nino n’était pas très intéressant. J’ai demandé à Ron [Perlman] pourquoi il voulait se joindre à nous, alors qu’il avait joué dans tant de grands films. Ron m’a répondu : « J’ai toujours rêvé de jouer un Juif qui veut devenir un gangster. » Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit : « Parce que c’est ce que je suis au fond : un petit gars juif de New York. »
Le driver, l'est pas raciste, rien à voir avec je ne sais quelle affaire d'icone de blondinet nazi séducteur qui embrasse d'une main et écrase du pied tout en défendant la sécurité de l'honnête citoyen père de famille. J'y reviendrai, plus bas, sur cette fausse lecture d'une icone fasciste de l'ordre dominant.
La victime, l'écrasé, dans ce film, c'est le latino.
Le driver protège le pauvre ex-déliquant latino racketté, non pour prendre sa place dans un calcul pervers, mais dans une sorte de respect absolu pétri de nostalgie pour l'image d'un bonheur perdu. Image représentée par cette cellule familiale imaginale, une sorte de mythe personnel (renvoyant à un trauma personnel de séparation, c'est suggéré dans le rapport "père-fils" de substitution noué avec le garagiste), et qu'il veut protéger...
Il veut pas du tout prendre la place du type sorti de taule. Il est bien plutôt éthique, de ce côté là. Il assume son deuil, son effacement.
Le pauvre type qu'a pas de chance, Standard Guzman qu'il s'appelle et aime à le rappeler, quand il raconte à table comment il a rencontré sa meuf en se présentant. Elle lui avait aussitôt répliqué: "où est le modèle deluxe?", et ça le fait marrer de façon triste. C'est un personnage émouvant, ce mec...
On suspecte, dans le remplacement du perso de la fille latino (dans le roman) par une blanche-blonde, un indice de racisme... Allons allons, pourquoi une petite blonde américaine standard ne pourrait pas s'éprendre d'un voyou latino? Aller suggérer du racisme dans cette affaire... Vraiment, non.
Il veut aider le mec à s'en sortir, éponger sa dette. En collaborant au braquage du prêteur sur gages, en offrant sa discipline de driver. Mais c'est la poisse, ça merde. Pour quelle raison: à cause d'une trahison (dont les ressorts complexes m'échappent un peu, comme dit plus haut).
Le driver est bien plus affecté par la mort de Standard que par l'impossibilité de concrétiser son amour. Ce qu'il ne peut supporter, c'est la destruction du couple précaire tentant de se reconstruire, que l'enfant ait été fait orphelin de ce père fragilisé.
Sa violence criminelle inquiétante se dirige alors sur celle qui a trahi Standard, qu'il menace de ses poings gantés (une sorte de Bullitt sous l'angle pathologique-violent, encore un jeu sur les références): Blanche (et à mon avis c'est peut-être un signifiant pas hasardeux: le seul truc que j'interprète selon ma fantaisie. Le reste, j'invente rien, c'est juste le récit qu'on raconte, que j'ai regardé sans chercher midi à quatorze heures).
Le bonus : une espèce de mise en scène documentaire destinée à nous présenter Refn comme une sorte de génie para-autiste sympatoche, scotché dans l'enfance, avec un côté punk destroy authentique, l'amour des jouets et des effigies de robots made in Bangkok. Son amour inconditionnel pour Texas chainsaw massacre, l'art-trip expérimental, la musique concrète, John Cage, etc.
Refn nous explique qu'il conçoit chacun de ses films comme une transposition-hommage à un style musical précis, une époque musicale précise. Pour Bronson, c'était l'Angleterre de Thatcher et les Pet shop boys. Pour Drive, c'était Brian Eno. Sur le tournage, il mettait du Eno en continu dans ses intra-auriculaires. Paraît, d'après Gosling, que c'était à un point tel qu'il n'écoutait même pas les questions que lui posaient les acteurs...
Son épouse, une gentille blondasse (se mettant en scène comme) un peu simplette qui fait contraste équilibrant avec sa dark side: elle a foutu ses figurines dans un sac poubelle qu'elle a mis à la cave, alors qu'il était en tournage à Hollywood. Le pauv'Nicolas en est encore traumatisé. "Ma femme est la quintessence de la fasciste danoise". Bon, c'est marrant.
Le petit Nicolas nous explique sa vie, son enfance, sa haine du Danemark, son adolescence aux States. Ses parents, post-baba (sa mère a vu Hendrix à Woodstock), nous causent de sa dyslexie. La mère explique à quel point elle le reconnaît à chaque fois dans le perso principal de ses films: un ptit gars timide plein de tendresse maladroite et nourri d'imagerie z ultra-violente. Car faut pas trop s'y frotter: derrière son côté ultra-lisse et ses shorts de touriste du club-med, c'est un gars qui est hanté par une violence intérieure super inquiétante. Refn en rajoute trois tonnes dans le rôle du vilain petit canard, pour nous faire un petit peu peur. Là encore, c'est plutôt promo-rigolo.
Mais ce qui m'a surtout intrigué, c'est la caution too much du film fournie par les témoignages de Jodorowsky, qu'on avait rarement vu aussi exalté: "Nicolas m'a sauvé de ma dépression artistique... Enfin un artiste majuscule, intègre, honnête, qui lutte contre la machine hollywood, toute cette merde, Spielberg cet immonde truand, cette ordure, etc... Et c'est tellement sublime, cette représentation de l'amour... La scène de l'ascenseur: l'homme qui dans un geste place la femme dans un espace de protection absolue, mais en même temps la protège dans un déferlement de sauvagerie énormissime... Quelle plus belle image de l'amour, et en même temps tragique, de l'impuissance de l'homme, sa violence, qui le condamne à la solitude", et patati et patata... (enfin, je retraduis l'idée qu'il exprime de façon assez maladroite).
Mais non, me suis-je récrié tout d'abord, j'étais scandalisé: l'a rien percuté le Jodo! On serait plutôt du côté de Spielberg, apparemment. L'image du père (ici par substitution et procuration) violent-sacrificiel-mélancolique qui protège l'image de la famille et veut recoller les morceaux, au prix de devenir soi-même un monstre sanguinaire, etc. Tom Cruise dans WOW, etc.
Cela dit, je repensais à la scène, et c'était pas vraiment ça non plus, il me fallait l'admettre, ça collait pas. Je réfléchissais donc à ce qu'essayait de dire Jodorowsky, et qui me semblait à première considération un pur contresens...
Non, c'était pas Spielberg. Pas plus ça que le "history of violence" de Cronenberg, le truc du mâle dominant qui séduit par son ultra-violence protectrice et sexuellement excitante.
Je reviens donc sur cette scène de l'ascenseur.
Parce que justement, comme cela a été souligné, la fille est pas du tout séduite, là, mais au contraire horrifiée, complètement paniquée, pétrifiée, psychologiquement détruite, par le déferlement de cette violence. C'est une des clefs du film.
C'est pour ça, à mon sens, que Refn maximalise de façon insistante la violence horrible de cette scène. Pas pour la signifier du côté de la jouissance. Cette maximalisation, aussi répugnante soit-elle, tête écrasée par des coups de pieds, a une fonction précise pour l'histoire qu'on nous raconte là.
L'impossibilité absolue pour cette femme de se lier au driver, dans son processus du deuil de Standard G., viendra nettement, pour moi, de la révélation de cette violence, de la révélation de sa dimension psychotique. Elle signifie l'échec absolu de la tentative du driver de devenir un homme "standard", bon mari et bon père.
C'est à partir de cette scène de l'ascenseur que la fin de l'histoire d'amour est cruellement signifiée. Le driver et la fille le comprennent, c'est patent. Un dernier regard échangé, apeuré de part et d'autre, puis la porte de l'ascenseur se referme, les séparant à jamais.
Il retournera à sa solitude automobile, le temps d'assumer ce qui reste de sa responsabilité, régler le problème de la sécurité de la mère et de l'enfant toujours sous la menace de la dette. Cet échec, et la réparation dernière, signifieront aussi pour lui sa mort, devinée, consentie. Et si ce n'est pas la mort, ce sera un enfer sur la terre, ce qui lui sera annoncé par le vieux mafieux: en ce qui te concerne, je suis au regret de te l'annoncer, mais abandonne définitivement tes rêves de bonheur, d'avenir, etc.
Le driver dira un dernier mot à la fille, au téléphone (la fille, dans une douleur mutique depuis la mort de Standard): "les moments passés avec toi et Benicio sont la seule chose bonne qui me soit arrivée". Game over.
L'ultime fin du film, c'est une manière de citation de Paris-Texas (Wenders dans sa période antiquaire du mythe américain de la route). Le gars, après avoir ressoudé la mère et l'enfant, s'en retourne - mais sur le mode spectral, rêvé: puisqu'apparemment il meurt ou est déjà mort - sur l'autoroute, tailler la zone, i'm a poor lonesome cow-boy, etc.
Mais il a laissé les biffetons sur le parking: c'est encore plus romantique neuneu. L'argent ne faisant pas le bonheur. Maintenant, si tout ça, le départ en voiture, n'est qu'un "fantasma" post-mortem, une relève imaginaire du côté du spectateur, la question de la destination du sac de billets (pour la fille et son enfant, éventuellement) est suspendue dans le vide.
Quoi d'autre au débotté: le perso du garagiste boiteux, le looser absolu, c'est le plus émouvant. Quelque chose de vraiment tragique passe là-dedans. Les persos secondaires m'ont en général plus affecté que le perso principal, mais là encore, plus j'y repense, plus je trouve que c'est un film qui marque, plus dans l'après-coup...
Et je me rends compte en terminant mon post que j'avais commencé goguenard, prêt comme pas deux à étriller ce film comme une vulgaire merde complaisante, puis progressivement plus affecté que je ne voulais l'admettre, si j'essaie de rester honnête dans la transcription de l'expérience que j'ai eue du film.
Dernière édition par jerzy P le Dim 26 Fév 2012 - 6:34, édité 41 fois
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Dommage, j'aurais bien aimé te lire descendre le film en flèche.
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
(je me suis trop attardé devant l'écran et j'ai raté le moment de sortir faire mon truc, donc je suis revenu ajouter deux ou trois trucs en reedit )
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Eyquem a écrit :
Il faut le situer du côté de Taxi Driver, donc aussi de La prisonnière du désert (dirait Borges)
C'est la grande thèse de Jean-Baptiste Thoret, pleine de dédain pour le premier.
Je ne partage pas toujours ses goûts US, US, US, US. Cause toujours.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
slimfast a écrit:Eyquem a écrit :
Il faut le situer du côté de Taxi Driver, donc aussi de La prisonnière du désert (dirait Borges)
C'est la grande thèse de Jean-Baptiste Thoret, pleine de dédain pour le premier.
Je ne partage pas toujours ses goûts US, US, US, US. Cause toujours.
hi slimfast; avant d'être une thèse de jbt, c'est d'abord un fait; PSchrader lui-même a reconnu que le scénario de TD était construit à partir de la prisonnière du désert, c'est aussi le modèle de son truc sur ce père qui va arracher sa fille au monde du porno, hardcore (un peu nul comme film);
l'influence de the "searchers" sur les gars de la nouvelle hollywood est immense, on retrouve ça dans tous les bouquin sur l'époque;
the searchers lui-même, c'est une reprise de l'odyssée (godard dans un de ses textes, des cahiers, je crois, compare john wayne à ulysse) et de moby dick (l'obsession d'une poursuite un peu maudite; le contraire de la poursuite du graal)
Godard :
"Dans La Prisonnière du désert, quand John Wayne retrouve Natalie Wood et la soulève brusquement à bout de bras, nous passons du geste stylisé au sentiment, de John Wayne soudain pétrifié à Ulysse retrouvant Télémaque. "
on connaît sa fameuse question :
"Comment puis-je haïr [...] John Wayne qui soutient Goldwater et l'aimer tendrement quand il prend
brusquement Natalie Wood dans ses bras dans l'avant-derniere bobine de La Prisonniere du désert?"
l'analogie ulysse-ethan/télémaque-debbie, je sais pas si c'est inconscient, fait de debbie la fille de ethan (beaucoup le pensent), mais révèle aussi la grande obsession de Godard pour les rapports père-fille
Borges- Messages : 6044
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
hi jerzy;
Je ne vois aucun racisme là-dedans.
C'est vraiment pas le trip du héros blond qui dégomme les basanés, les youpins, etc, non, faut vraiment se contorsionner pour décoder quelque chose de cet ordre, ou alors plaquer sur le film des tas "d'évidences" un peu trop évidentes sur la violence-jouissance-fasciste-autodéfense justicière, etc.
vrai, y a pas de racisme, d'antisémitisme, au premier degré, il faut dépasser les évidences trop évidentes, de vraies leurres, mais, y a peut-être l'essence du racisme, si on veut parler comme heidegger, distinguant la technique de l'essence de la technique, et c'est un truc qui peut se révéler, si on compare le film à taxi driver, comme je crois l'avoir dit : le film de MS est très ambivalent, voire plus qu'ambivalent; le héros, inconscient de l'amérique à ciel ouvert, rêve d'une grande purification, d'un déluge qui nettoierait la ville de ses saletés, dont il n'est peut-être pas la moindre; il hésite d'ailleurs entre se tuer et massacrer tout le monde.
Le film de refn, avec son image, son esthétique, extra léchée, propre, purifiée, c'est l'accomplissement de ce désir, du désir de TB. Suffit de comparer la psyché des deux personnage (rien de porno dans la tête du driver, l'amour plus que courtois ado) la ville, la musique.
Y a plus rien de sale dans ce monde, dans cet univers. Une vraie opération de purification.
C'est là que se situe l'idéologie du film. Si on le compare au roman, c'est encore plus évident et inquiétant. C'est pas seulement la fille qui a été "blondisée", la ville du livre est très mélangée, "ethniquement", très "hispanique", socialement et politiquement très marquée par les descriptions de sallis.
par exemple : Y a les juifs méchants, comme dans le livre, mais dans le livre, y a aussi, comme je le disais, un personnage de scénariste "juif" très important pour le driver, une espèce de père spirituel, avec qui il discute sens, vie, littérature, celan , V woolf, etc; c'est la rencontre de ce mec (plein de fric, mais qui vit de manière très "ascétique", le seul mec de tout hollywood à n'être pas sorti d'une grosse faculté,comme il dit) qui je crois me souvenir l'a plus ou moins protégé de l'entrée en psychose, de répéter le destin de sa mère.
(notons côté clichés que les juifs n'ont pas à rêver de devenir des maffieux italiens, il y a une maffia juive, très puissante, qui je crois l'avoir lu a participé très activement à l'éclosion du jazz, en prenant sous sa protection des musiciens noirs)
Ce serait intéressant d'étudier les procédures d'adaptation mis en oeuvre; mais là, je crois que je me répète;faut lire sallis.
Borges- Messages : 6044
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
La victime, l'écrasé, dans ce film, c'est le latino.
-je crois pas que cela protège du "fascisme", du "racisme"; ça va ensemble, dans la configuration actuelle, dans la configuration "impérialiste"...
-lors de la scène de la version de luxe, le spectateur répond à la question de la fille : la version de luxe du gars standard, de la vie standard, c'est le driver, le mec qui met de l'ivresse romantique, des intensités dans la vie de la pauvre serveuse; comme souvent dans ce genre de film, la nostalgie de la vie ordinaire, impossible au héros, est contrebalancée par le désir d'autre chose, de l'aventure...
Borges- Messages : 6044
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
le film est émouvant, mais je crois que l'émotion (durable, pas celle que dégage la solitude, stylisée par la musique ado et l'image, du personnage; le truc "le grand bleu") vient des traces laissées dans le film par le roman, et l'univers de sallis...
Dernière édition par Borges le Dim 26 Fév 2012 - 12:32, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
salut Borges, un truc intéressant dans Taxi driver est que Scorcese à plusieurs reprises s'associe à l'érotisation des armes à feu, et au passage du voyeurisme vers l'action. Procédé contestable mais terriblement efficace qui fait passer les incohérences du scénario. A ce propos Shrader voulait aller plus loin en faisant jouer Sport, le maquereau d'Iris à un noir, ce que MS a refusé ( peurs des émeutes dans les cinémas ). Même chose avec ce noir ( un acteur ) qui passe vers la fin du film au milieu de la foule du trottoir en guelant qu'il va tuer sa femme ( autant de signes entendus par Travis ) : MS a renoncé, pour les mêmes raisons à commencer son film par cette scène.
Sinon The searchers figure en bonne place dans le livre dee Scorsese Voyage à travers le cinéma américain : " Puis Ford métamorphose John Wayne en Ethan Edwards, le désaxé de La Prisonnière du désert, qui revient de plusieurs années d'errance pour découvrir que sa famille a été massacrée par les Indiens. La figure mythologique de John Wayne est devenue sombre et obsessionnelle. La mort physique de l'Indien ne lui suffit pas. Ethan veut également s'assurer de sa mort spirituelle".
Et pour citer Thoret ( 26 secondes l'Amérique éclaboussée ) : " Quand le président Kennedy fut assassiné en 63, l'éditorialiste Mary McGrory déplora la fin de Camelot. " Nous ne rirons plus jamais ", écrivit-elle. Ce à quoi M.Moynihan ( un sénateur ) répondit : " Mon Dieu ! Mary, bien sûr que nous rirons encore. Mais nous ne serons plus jamais jeunes ".
Sinon The searchers figure en bonne place dans le livre dee Scorsese Voyage à travers le cinéma américain : " Puis Ford métamorphose John Wayne en Ethan Edwards, le désaxé de La Prisonnière du désert, qui revient de plusieurs années d'errance pour découvrir que sa famille a été massacrée par les Indiens. La figure mythologique de John Wayne est devenue sombre et obsessionnelle. La mort physique de l'Indien ne lui suffit pas. Ethan veut également s'assurer de sa mort spirituelle".
Et pour citer Thoret ( 26 secondes l'Amérique éclaboussée ) : " Quand le président Kennedy fut assassiné en 63, l'éditorialiste Mary McGrory déplora la fin de Camelot. " Nous ne rirons plus jamais ", écrivit-elle. Ce à quoi M.Moynihan ( un sénateur ) répondit : " Mon Dieu ! Mary, bien sûr que nous rirons encore. Mais nous ne serons plus jamais jeunes ".
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Borges a écrit :
l'analogie ulysse-ethan/télémaque-debbie, je sais pas si c'est inconscient, fait de debbie la fille de ethan (beaucoup le pensent)
Maintenant que tu le dis : c'est exactement ce que j'avais ressenti.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Une question en passant à ceux qui auraient lu le livre...
La fille est blanche ? Le driver aussi ? Les gangsters juifs ? Standard hispanique ?
La fille est blanche ? Le driver aussi ? Les gangsters juifs ? Standard hispanique ?
NC- Messages : 44
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
voir le conte de Borges, Le guerrier et la captive de 1949 dans L'aleph, dont La prisonnière du désert est l'étange réplique.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
NC a écrit:Une question en passant à ceux qui auraient lu le livre...
La fille est blanche ? Le driver aussi ? Les gangsters juifs ? Standard hispanique ?
nc; si tu te donnes la peine de lire le topic, les réponses à tes questions ont été données et discutées, précisément.
Pour le reste, y a une fiche wiki sur le film, qui donne des détails sur la genèse de l'adaptation, les modifications apportées, etc.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Borges a écrit:La victime, l'écrasé, dans ce film, c'est le latino.
-je crois pas que cela protège du "fascisme", du "racisme"; ça va ensemble, dans la configuration actuelle, dans la configuration "impérialiste"...
-lors de la scène de la version de luxe, le spectateur répond à la question de la fille : la version de luxe du gars standard, de la vie standard, c'est le driver, le mec qui met de l'ivresse romantique, des intensités dans la vie de la pauvre serveuse; comme souvent dans ce genre de film, la nostalgie de la vie ordinaire, impossible au héros, est contrebalancée par le désir d'autre chose, de l'aventure...
Salut Borges,
d'accord, mais il faut aussi tenir compte de la suite de ma lecture: le fait que le driver cherche à l'aider, éponger sa dette, pas pour prendre sa place mais lui permettre de retisser le lien avec sa femme et son enfant, qu'il soit plus affecté par sa mort que par le deuil de son idylle et que c'est ça, la mort de Standard, la destruction du lien familial père-mère-enfant, qui va faire revenir sa violence, puis que la révélation de sa violence psychotique détruise psychologiquement la fille et que ça signale l'impossibilité radicale de la poursuite d'un lien entre eux. En quoi cette scène renverse le schéma du Cronenberg: ce n'est pas la consécration de la puissance du mâle protecteur, une intensité sexuelle, mais le moment tragique où l'expression de son amour très romantique-ado est contrecarrée par sa pulsion destructrice-sadique. C'est une scène de séparation et non de réunification.
Il me semble également que le driver ne procure pas tellement l'ivresse romantique ou l'aventure, juste un petit frisson de ça: ça se réduit quasiment au fait d'emmener la femme et son enfant faire un tour en voiture dans ce barrage asséché (à la GTA San Andreas). Et ça lui fait plaisir à elle surtout parce que ça divertit un peu l'enfant. Pour le reste, il tient momentanément la place du père absent, pas tant dans sa version "deluxe" que dans une configuration très classique: il est là, il tient compagnie à l'enfant, regarde les dessins animés à la télé, aide à faire les courses... Ce sont des intensités très "cocooning", un romantisme très intériorisé.
A propos de la violence du film, tu l'avais signalé d'une autre façon, elle me semble bien moins omniprésente que ce qu'on semble suggérer. Elle intervient donc essentiellement à partir de la mort de Standard. Très chorégraphiée dans les références-hommages, cette connexion inter-filmique dont tu parlais.
Et elle se dirige de façon très localisée sur les protagonistes du braquage raté. Ce n'est donc pas la pulsion de nettoyage (qui plus est ethnique), dont parlait Eyquem en comparant le driver au Bronson du justicier dans la ville.
La scène du marteau: on en a trop fait, là aussi. Qu'est-ce qui se passe, dans cette scène (le marteau, renvoi à oldboy, bien sûr)? Le driver fait avaler au type la cartouche du revolver, donnée au môme. Mais le type est épargné. Ce sont les mafieux qui s'accorderont sur son exécution à l'arme blanche. Bon, c'est violent, immonde, etc, mais dans cet iconisme, on est loin, d'une part, de pulp fiction ou de kill bill. Et surtout, pour les films de mafia, des Affranchis ou de Casino, qui offrent des tas de concentrés de situations atomiques-violentes autrement plus complaisantes et spectaculairement frontales.
Et pour cette perception du film comme ayant déjà en quelque sorte accompli l'idéal fasciste de pureté, propreté, qui était la pulsion du taxi-driver de Scorsese, je suis un peu réticent. C'est surtout une forme de lenteur perceptive qui est celle de l'engourdissement "psychique" du driver dans son habitacle auto-protecteur, son immersion dans la musique, son côté "décalé de la vie".
Mais avant d'en venir à cette "pureté" des lieux, images, du tissu urbain, absent donc, une petite réflexion au sujet des "vitesses".
Le film est plus fait de lenteurs que de vitesses, quand on y repense. Les poursuites ont un côté immobilité, équation mathématique, géométrique, irréalité, pas de l'ordre de l'ivresse vrombissante pied au plancher à la french-connection par exemple. La compétence du driver, n'est pas de cet ordre d'une intensité d'ivresse romantique-deluxe, ou des lignes de fuite géographiques, plutôt de l'ordre d'un contrôle chronométrique interne, qui mathématise l'espace des rues, des angles, etc, et qui annonce sa dimension psychotique-autiste. Poursuites par ailleurs rares, on l'a souligné, qui ne sont qu'au nombre de deux.
Aucun rapport avec un "fast and furious". Et ceux qui se plaignent soit que ce film ne remplit pas son contrat, ou au contraire le remplit trop bien (action, vitesse, violence, pas de blabla), me semblent, dans ces deux angles de perception, être passés manifestement à côté de l'essence de l'objet.
Maintenant, pour le côté lisse, épuré, abstrait, les interactions avec les autres personnages, il y a plein de vulnérabilité, de failles, de brisures, de tristesse, un peu partout. Y compris celles du driver, car on sent bien le personnage triste, une sorte de dépression contrôlée, qui ressort de son côté lisse. Ce côté chien battu, ce spleen, cette vulnérabilité qu'on sent en lui, c'est ça, je crois, qui séduit davantage la fille. Elle ressent son isolement, sa brisure, me semble-t-il, un besoin de "famille", qui renvoie d'une certaine façon à sa brisure à elle, l'absence du mari-père.
Puis le contact immédiat qu'il établit avec son enfant: fait de tendresse, de pudeur complice, etc.
Je ne te suivrai pas sur l'idée, déjà suggérée par Eyquem quand il parle de "couple blond", que la "blondisation" de la compagne latino-américaine du livre constitue un indice de "purification" ethnique. J'ai proposé une autre lecture dans mon post précédent: il me semble plutôt que le choix du couple "américaine bien blanche"/"latino bien brun" soit bien plutôt une manière d'échapper au stéréotype socio-déterministe du cloisonnement ethnique. C'est une image de mélange, de métissage, et non le contraire.
Je suis donc plutôt surpris, pour le redire, que ce choix de casting soit sujet à une interprétation en termes de fantasme de "blanchissement", de "pureté ethnique". Refn souligne son intention d'un sous-texte "Roméo & Juliette" pour ce couple , la rencontre de deux strates du champ social qui n'étaient pas censées se mélanger, mais qui justement se mélangent. Après, on peut certes trouver là un indice d'uniformisation par rapport au livre, mais cette grille de lecture me paraît forcée. Encore plus si on tient compte du processus de retrait du driver, au retour de Standard, sa position solidaire et non pas conflictuelle par rapport à ce retour, son soutien au père, etc.
Et pour le caractère émouvant des personnages secondaires, donc, le garagiste, mais je voulais aussi insister sur le personnage de la fille: qui est du côté de cette brisure, ténuité, d'une douleur diffuse dans sa douceur. La mort de Standard, puis quand elle interrogée par la police, la douleur est telle qu'elle est happée, effacée dans un mutisme qui ne la quittera plus jusqu'à la fin. Et la scène de l'ascenseur, j'y reviens, par ce qu'elle lui révèle du driver, est tragique, maximalisant sa détresse et sa solitude...
Et je conçois aisément que ce qui passe là, ce soit davantage la trace du roman de Sallis, plus que le film de Refn qui, en définitive, est assez quelconque, qui ne mérite ni l'excès d'honneurs ni tant d'indignité.
J'ai juste donné ma perception en contrepoint, qui est éloignée de tout ce schéma qu'on avait plaqué d'emblée: figure fasciste du justicier blond, film exaltant la violence punitive, l'autodéfense, scénario ultra-débile, joints à une totale absence de réflexion sur les ressorts de la violence, etc.
Dernière édition par jerzy P le Dim 26 Fév 2012 - 19:13, édité 11 fois
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Ce qui ressort de cette page wikipédia en français, c'est que c'est jamais Refn qui décide de faire des gangsters des juifs, ou de Irene une blanche, mais toujours les autres. Ce qui est très bien, quand bien même on dirait que son film est fasciste, ce n'est pas sa faute.
Les films de Refn sont les fantasmes qu'il se fait de lui même, qu'il soit un viking, un driver ou un voyou ultra violent.
Finalement il s'est rendu compte que ça ne plaisait pas aux femmes, d'où la scène de l'ascenseur. Mais il s'en est remis.
Les films de Refn sont les fantasmes qu'il se fait de lui même, qu'il soit un viking, un driver ou un voyou ultra violent.
Finalement il s'est rendu compte que ça ne plaisait pas aux femmes, d'où la scène de l'ascenseur. Mais il s'en est remis.
NC- Messages : 44
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
N'importe quoi. Interprétations abusives et opportunistes pour entretenir tes petites obsessions habituelles...
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Bah oui je sais bien, mais ce que tu racontes n'a tellement aucun interêt ni aucune espèce de pertinence - ça en devient même spectaculaire - qu'il faut bien s'amuser un peu.
Il m'arrive même de finir de lire tes posts, juste pour entrevoir jusqu'où on peut ne rien dire.
Il m'arrive même de finir de lire tes posts, juste pour entrevoir jusqu'où on peut ne rien dire.
NC- Messages : 44
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Ce que je dis n'a en effet aucun intérêt, je décris le déroulement du film, son enjeu, qui sont éloignés des schémas clefs en main qu'on s'empresse de plaquer dessus.
Que ce ne soit pas pertinent, c'est ton avis. Encore faudrait-il que tu produises une lecture, description, interprétation, détaillés, qui démontrent tes inférences, réduites à de vagues supputations, associations, sans la moindre argumentation.
Et pour le peu que tu as en général à dire, à penser, à voir, je comprends que tu congédies ce que je raconte. ça met un peu l'exigence du regard en travail, et ça, tu n'en veux pas.
Tu préfères de loin les petits schémas pipi-caca de deux trois lignes, comme quand tu t'amuses à résumer les philosophes à un trait spirituel digne du Collaro-show. Grand bien te fasse, si t'es content avec ça et si tu t'amuses un petit peu.
Que ce ne soit pas pertinent, c'est ton avis. Encore faudrait-il que tu produises une lecture, description, interprétation, détaillés, qui démontrent tes inférences, réduites à de vagues supputations, associations, sans la moindre argumentation.
Et pour le peu que tu as en général à dire, à penser, à voir, je comprends que tu congédies ce que je raconte. ça met un peu l'exigence du regard en travail, et ça, tu n'en veux pas.
Tu préfères de loin les petits schémas pipi-caca de deux trois lignes, comme quand tu t'amuses à résumer les philosophes à un trait spirituel digne du Collaro-show. Grand bien te fasse, si t'es content avec ça et si tu t'amuses un petit peu.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Encore une fois je t'ai lu jusqu'au bout et encore une fois je n'ai pas été déçu.
NC- Messages : 44
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
Tant mieux pour toi et merci pour ta contribution éclairante.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
je l'ai pas vu, Jerzy, mais tu m'as bien donné envie de le faire.
Invité- Invité
Re: Drive (Refn) : parler ou conduire
salut jerzy;
-nous sommes d'accord sur le recul de la fille, sur la distance qui se creuse entre elle et le driver, lors de la scène d’ascenseur, j'avais indiqué aussi la différence avec l’histoire de violence de cronenberg ; mais en même temps, on sent aussi que le gars standard c'est comme une erreur de jeunesse pour la fille ; la relation entre les 4 personnages, c’est vraiment dérivé de « shane » ;
-Oui, je suis tout à fait d’accord, le driver a une éthique; il cherche pas du tout à piquer la fille; la relation entre les 4 personnages est très belle ; dans le roman, si je me rappelle, le mari sait que sa femme et driver s’aiment, couchent ensemble même (mais faut que je vérifie) et tout ça, mais ça ne nuit pas à leur amitié ;
-pour le truc de l’ivresse romantique, t’as raison, et en même temps, j’ai aussi raison, comme c’est un film qui se déplace et se fabrique avec des sentiments très ados, une virée en bagnole, avec un super conducteur, c’est pas rien ;
-driver est à la fois le père de substitution, de l’intervalle, et le fils à la recherche d'une famille; quand il regarde la télé avec le gosse, il a l’air aussi gosse que lui ;
-l’idée de purification, j’y tiens un peu ; je crois qu’elle permet vraiment de saisir la différence entre taxi driver, et drive ; c’est encore plus sensible si on rapporte le film au livre ; driver est un « psychotique » dont les passages à l’acte sont terrifiants, mais il exerce une attraction romantique, quelque chose de similaire à ce que l’on peut éprouver, que j’ai éprouvé en tous les cas, pour le héros du "grand bleu ; le monde de la bagnole, ce mouvement sans mouvement, de glisse dans la nuit, tu parles d’« immersion dans la musique », une musique plein d’affect gros comme de maisons, c’est celui de la plongée, d’une forme d’enveloppement, océanique, un peu régressif, une espèce d’ « engourdissement "psychique"; on retrouve la même chose chez les personnages de malick, dans la ligne rouge, surtout ; la solitude du gars de taxi driver, sa « folie », son isolement n’ont rien de séduisant...
-pour la conduite, je crois qu’il faut tout de même distinguer plusieurs formes, types, y a la glisse, la violence, et le calcul ;
-oui, c’est un film plein de failles, de ruptures, de cassures ; presque aucun personnage n’est mauvais, pas même les plus mauvais ; on est ému par toutes ces vies, mais en même temps, c’est des « fêlures "romantiques-ados"; manque la dimension empirique, réelle, sociale, politique; manquent les rides, comme dirait levinas ; la chair, la vie ; c’est des fêlures en images, très proche de la pub.
- Je suis pas d’accord avec ton idée du couple comme « une image de mélange, de métissage. » ; on ne peut faire dans ce cas l’économie du livre; c’est beaucoup trop sensible : la ville a été privée de ses minorités…de toutes les petites vies que croise le personnage du driver.
Mais on peut aussi dire que le film n’est pas le livre et qu’il ne faut pas voir l’un dans l’autre, avec, contre…
le film m'a plus ému, touché, que le livre (et il me touche encore); "drive" c'est pas le meilleur sallis, mais pour la profondeur de la pensée, de la vie, de la conscience, pour un tas de choses, y a pas photo;
je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel, à propos de ce film, avec des variations dans les sensations et les pensées; c'est logique
Borges- Messages : 6044
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