Le poing serré du Cuirassé Potemkine et de Drive
Le poing serré du Cuirassé Potemkine et de Drive
"le poing serré", c'est une citation des notes de Barthes sur le cinéma d'Eisenstein (L’obvie et l’obtus).
«Le poing serré de l'image signifie l'indignation, la colère maîtrisée, canalisée, la détermination du combat ; uni métonymiquement à toute l'histoire de Potemkine, il symbolise la classe ouvrière, sa puissance et sa volonté ; car, miracle d'intelligence sémantique, ce poing maintenu par son porteur dans une sorte de clandestinité(c'est la main qui d'abord pend naturellement le long du pantalon et qui ensuite se ferme, se durcit, pense à la fois son combat futur, sa patience et sa prudence), ne peut être lu comme le poing d'un bagarreur, je dirais même : d'un fasciste : il est immédiatement un poing de prolétaire. Par quoi l'on voit que l'art de S.M. Eisenstein n'est pas polysémique : il choisit le sens, l'impose, l'assomme ; le sens eisensteinien foudroie l'ambiguïté. Comment? Par l'ajout d'une valeur esthétique, l'emphase. Le "décoratisme" d'Eisenstein a une fonction économique : il profère la vérité.
...
Baudelaire parlait de "la vérité emphatique du geste dans les grandes circonstances de la vie" ; ici, c'est la vérité de la "grande circonstance prolétarienne" qui demande l'emphase. L'esthétique eisensteinienne ne constitue pas un niveau indépendant : elle fait partie du sens obvie, et le sens obvie, c'est toujours, chez Eisenstein, la révolution.»
Cet extrait du Cuirassé (cité précédemment) n'est pas le montage du film, ce sont des plans choisis (presque par dérision) dans cette "séquence du poing serré", et j'y vois assez peu la colère maîtrisée, canalisée, je ne capte pas trop non plus la distinction poing d'un bagarreur / poing de prolétaire, ou en tout cas l'immédiateté du poing de prolétaire. A vrai dire, le prolétaire est (aussi) un bagarreur dans le film d'Eisenstein et proche du fasciste dans cette séquence telle qu'on la voit dans le film :
Tout contredit la patience et la prudence du combat futur quand les enfants sont piétinés sur les marches d'Odessa ; l'organisation et la puissance du combat sont clairement du côté de la répression. Le sens eisensteinien est loin de foudroyer l'ambiguïté...
Je découvre ce texte de Roland Barthes qui date de 1970, publié dans les Cahiers.
- Spoiler:
Dernière édition par breaker le Jeu 4 Juin 2015 - 15:00, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Le poing serré du Cuirassé Potemkine et de Drive
Salut Borges.
Ces notes sur le poing serré de l'image du Cuirassé Potemkine m'ont rappelé une autre image de poing dans Drive, qui revient d'ailleurs avec insistance dans le cinéma de Nicolas Winding Refn ; c'est une image qui tourne à vide chez Refn, ce poing n'a aucune valeur émancipatrice, il est immédiatement le poing d'un bagarreur...
Une vérité emphatique du geste qui n'a plus d'autre circonstance que celle de la rage de détruire.
J'ai quand même un peu de mal à lire cette crispation du poing dans le Cuirassé Potemkine comme un miracle d'intelligence sémantique de la "grande circonstance prolétarienne",
ou en tout cas son sens me paraît suffisamment ambigu pour entretenir des rapports avec l'esthétique refnienne...
Ces notes sur le poing serré de l'image du Cuirassé Potemkine m'ont rappelé une autre image de poing dans Drive, qui revient d'ailleurs avec insistance dans le cinéma de Nicolas Winding Refn ; c'est une image qui tourne à vide chez Refn, ce poing n'a aucune valeur émancipatrice, il est immédiatement le poing d'un bagarreur...
Une vérité emphatique du geste qui n'a plus d'autre circonstance que celle de la rage de détruire.
J'ai quand même un peu de mal à lire cette crispation du poing dans le Cuirassé Potemkine comme un miracle d'intelligence sémantique de la "grande circonstance prolétarienne",
ou en tout cas son sens me paraît suffisamment ambigu pour entretenir des rapports avec l'esthétique refnienne...
Invité- Invité
Re: Le poing serré du Cuirassé Potemkine et de Drive
Hi;
Je ne suis pas non plus très convaincu par Barthes, je ne vois pas au nom de quoi le vouloir-dire d'un auteur, ses intentions de sens, sa volonté de perception, toutes choses dont le rejet est quand même l'une des bases de la nouvelle critique, seraient soudain dans ce cas absolument déterminants, normatifs...
Je ne suis pas non plus très convaincu par Barthes, je ne vois pas au nom de quoi le vouloir-dire d'un auteur, ses intentions de sens, sa volonté de perception, toutes choses dont le rejet est quand même l'une des bases de la nouvelle critique, seraient soudain dans ce cas absolument déterminants, normatifs...
Borges- Messages : 6044
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