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Drive (Refn) : parler ou conduire

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Message par Eyquem Dim 9 Oct 2011 - 11:40

Borges, sur True Grit, a écrit:à un moment, la fille s'adresse au marshall, true grit, bien entendu, ivrogne, cynique, sans foi, sans parole, tuant par devant, par derrière, sans raison avec raison, et tout le reste : je ne vous ai pas payé pour entendre du baratin, et c'est très souvent l'impression que l'on a avec ce film, avec le cinéma us, depuis quelques années, je pense à Social Network, au frelon vert, au dernier tarantino, le premier où j'ai senti que tout ce baratin pseudo comique et profond, qui remplacerait l'action, ou je sais pas quoi, qui serait même l'action, c'est du vide sur du vide; dans True grit on fait tout en causant, blablalabla, à cheval, dans le bureau, au feu de camp, en tirant...

Les seuls moments forts dans le film, c'est quand les personnage ferment leur gueule, arrêtent de nous servir ces flots de lieux communs, de clichés, à prétention réflexive

...

ce bavardage insupportable : quel contraste avec les films de la modernité même hollywoodienne, avec TLB, par exemple,
On devrait être content : "Drive" essaie de nous refaire de l'héroïsme à l'ancienne, avec son personnage de pilote-cascadeur, bras croisés, cure-dent au coin de la bouche, qui sauve la fille sans dire un mot de trop.


J'ai détesté. Je m'y attendais un peu, j'avais lu un article où Refn racontait qu'il avait demandé conseil à Gaspard Noé pour savoir comment éclater une tête à coups de pied et que ce soit vraiment cool à l'écran. J'imagine la conversation. C'était vraiment mauvais signe, et le film est exactement ce que je craignais : le genre dobermann, ultra-violence débile mais suffisamment "racée", apparemment, pour aller à Cannes et ravir la critique. Putain ce que je peux détester ce genre de films.


Par où commencer ? Le film est d'une sombre connerie, mais ce n'est pas en le prenant de haut qu'on en viendra à bout. D'abord parce que ça ne semble poser problème à personne de voir un film reposer sur un scénario de mauvais feuilleton télé, avec des personnages tous plus inexistants les uns que les autres. Même, à en juger par les arguments de ceux qui aiment, c'est d'autant mieux : plus le scénario est débile, cliché, mille fois vu, d'une banalité achevée, assumée, plus le film a des chances d'être original, génial, avec une mise en scène qui transcende tout. Et en un sens, les événements leur donnent raison puisque Refn a eu le prix de la mise en scène, et pas Moretti, par exemple.


Autant dire que c'est pas gagné d'avance. Débiner ce film, c'est pas une mince affaire, on s'en sortira pas en disant que c'est bête, puisque tout le monde a l'air de le reconnaître, d'avoir appris à cesser de s'en faire et à aimer la bêtise, d'un étrange amour.

Mais ils iront encore plus loin : ça ne leur convient pas vraiment de dire que ce film est juste un défouloir où on prend son pied à buter des tas de types, qui avec un marteau, qui avec un rasoir, entre autres attractions. Non, ils vont vous dire que c'est débile et c'est pour ça que c'est génial. Qu'est-ce que vous pouvez bien répondre à ça ? Et une fois lancés, ils ne s'arrêteront pas en si bon chemin : ils continueront en disant que c'est sublime, de la dentelle, du niveau de Bresson, qu'on n'a pas vu depuis Miami Vice un film au romantisme aussi absolu * - alors que vous, ce que vous avez vu, c'est tout le contraire : un film sordide, déprimant, d'une violence qui soulève le cœur par moments, un film dont tout le romantisme consiste, d'un pied, à écraser la tête d'un type, et de l'autre, à embrasser la fille.


* je n'invente rien ; je vous donnerai les références précises dans les notes de bas de pages de mes Oeuvres Complètes.
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Message par Eyquem Dim 9 Oct 2011 - 12:22

Je cherchais sur le net des images du film. Et les résultats de Google Images sont intéressants.

Le film, c'est des scènes comme ça :

Drive (Refn) : parler ou conduire Drive11


Et encore, c'est pas la plus saignante.


Par contre, la promo du film, une image sur deux, c'est de ce genre :

Drive (Refn) : parler ou conduire Gosling-director-Refn-just-clicked-UUCTPI9-x-large

Drive (Refn) : parler ou conduire Ryan-gosling-nicolas-winding-refn-kiss-cannes-05232011-31-430x284


Pourquoi ces types ne font pas plutôt des films sur leurs soirées entre potes ? Ca donnerait des films moins glauques.
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Message par Largo Dim 9 Oct 2011 - 12:54

Ah celle du marteau je l'avais pas vue.

Le film est effectivement assez détestable.

Jamais les fondements de cette extrême-violence ne sont interrogés. Cette indifférence ostensible à l'égard des sentiments du personnage et de ceux de la société dont il est le produit fait que Nicolas Winding Refn ne parviendra sans doute jamais à faire « son Orange Mécanique à lui ». Ce qui manque au cinéaste danois est peut-être ce qui caractérisait le Nouvel Hollywood pour Jean-Baptiste Thoret, à savoir « une volonté de substituer à l'horizon artificiel du cinéma hollywoodien et des réponses qu'il apporte, la beauté d'un parcours incertain qui s'achève par une série de questions ouvertes à l'intelligence du spectateur » [1]. Devant Drive, on jouit d'un feu d'artifice de références, d'effets de style et du choc d'une violence réduite à l'effet de sidération qu'elle suscite.
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Message par Eyquem Dim 9 Oct 2011 - 13:24

Salut Largo,

Le film n'a effectivement rien à voir avec Orange Mécanique. Il faut le situer du côté de Taxi Driver, donc aussi de La prisonnière du désert (dirait Borges), et aussi de Welles, puisque le scorpion du blouson renvoie explictement à l'histoire du scorpion et de la grenouille, racontée dans M Arkadin.

Drive (Refn) : parler ou conduire Drive-photo-ryan-gosling4

" Un scorpion voulait traverser une rivière. Alors il demande à une grenouille de l’aider. Non, dit la grenouille, non merci, car si je te porte sur mon dos tu me piqueras et le dard d’un scorpion c’est fatal. Il n’y a, dit le scorpion, aucune logique dans tout cela - car les scorpions ont toujours été bons logiciens. Si je te pique, tu mourras et je me noierai. Alors la grenouille convaincue autorisa le scorpion à monter, mais juste au milieu de la rivière elle ressentit une terrible souffrance et elle comprit qu’en fin de compte le scorpion l’avait piquée. Logique ! cria la grenouille affolée en entraînant le scorpion dans les profondeurs de l’abîme. Où est la logique dans tout ça ? Je sais, dit le scorpion, mais je n’y suis pour rien. C’est mon caractère."

Le racisme de Travis Bickle est repris ici, en douce mais sans aucune distance. Je n'ai lu aucun article s'étonner de ce que le héros blond cherche à sauver la girl next door blonde des griffes de tous ces mafieux cosmopolites et bruns, latinos, juifs, italiens.
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Message par Largo Dim 9 Oct 2011 - 13:29

Aux USA on trouve quand même une femme pour porter plainte contre...le trailer mensonger...et les violence dirigées contre les juifs ! On vit dans un monde formidable.


Dernière édition par Largo le Dim 9 Oct 2011 - 13:34, édité 1 fois
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Message par Largo Dim 9 Oct 2011 - 13:34

La fable correspond en effet assez bien à la logique tautologique des comportements "une femme est une femme, elle est faible donc elle se cherche un type pour la protéger", "les hommes sont les hommes, ils sont violents donc ils exercent leur violence pour survivre".

Si Refn devait refaire Kubrick ce serait moins Orange Mécanique que la scène augurale de 2001, transposé dans le monde des hommes : le macaque qui emporte la femelle est celui qui, le premier, aura consenti à faire voler des crânes en éclat.
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Message par Leurtillois Dim 9 Oct 2011 - 13:37

Et pour ce faire, elle veut lancer une action en justice commune, massive (une « class action ») appelant à la rejoindre quiconque pense qu’une bande-annonce doit refléter exactement le contenu du film qu’elle promeut.

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Message par Leurtillois Dim 9 Oct 2011 - 13:50

Vu le film en VF, par hasard (ça fait drôle : la première fois que je vois un film en VF depuis que j'ai su lire assez vite pour suivre des sous-titres, j'y avais jamais repensé à cette histoire de VF au cinéma, presque oublié que ça existait).
C'est pas tant pour les voix dont on se fiche pas mal ici puisque le film est détestable. Mais lire des sous-titres fait passer le temps, quand c'est très mauvais, inévitablement on regarde moins ce qui se passe à l'écran. Ca craint un peu du coup, peut-être qu'il y a un certain nombre de films que j'ai trouvé chouettes, ou moins nuls, parce que j'avais à suivre des sous-titres.
Drive en VF, je vous le conseille vraiment pas.

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Message par Invité Dim 9 Oct 2011 - 14:32

je n'ai pas trop aimé le film non plus (au moins mon éthique de spectateur en serra quitte lol); prolongement de Valhalla Rising sans doute, par le présence de l'enfant, (et d'une idée de l'Amérique), de son besoin de modèle, de figure paternelle, qui rejoint une vision de l’héroïsme, (érosion, éroisme,) dont parle Eyquem, sans que Refn n'en soit dupe, puisqu'il s'agit d'une doublure, d'un cascadeur;
l'apparition et la disparition du père pose de multiples questions (l'enfant dans VR est orphelin je crois), le type le remplace, comme il remplacerait un acteur trop timoré, pour les scènes présentant un risque physique ou vital, ou nécessitant une certaine habilité.
il y a cette scène où le type et le gosse matent un programme pour enfant à la tv; ils discutent des visages caricaturaux, de ce que leurs traits, leurs formes, suggèrent de l'appartenance des personnages aux domaines du Bien, du Mal, un requin ne peut être que du mauvais côté explique le gosse au type impassible.
Au moment où les coïncidences se croisent, classiquement, comme dans tout polar, et révèlent que la fiction fusionne les débris du réel, père « ex-convict », issu d'une minorité, proie, victime, des créances d'un mafieux juif, lui même en but au paternalisme de la « famille » de l'est (faut il en effet entendre quelque chose comme un sens politique à ces embranchements périlleux?), le cow boy de l'asphalte revêt un masque chauve en latex imitant la peau humaine, qu'il utilisa auparavant pour une cascade, habillé en flic et tout ; on pense bien sûr à la conversation avec le gosse.
C'est grimé ainsi qu'il se rend chez le mafieux et voit ce monde pimpant en smoking comme un reflet des buildings étoilés du centre financier de la ville que la caméra volante de Refn saisissait dans la nuit d'errance du driver, dans la première partie, comme pour en exprimer l'envers.
L'aspect violent du film, la tête éclatée (déjà dans VR, Lynch dans Sailor et Lula), et les autres gimmicks sanguinolents, est sans doute là pour exprimer l' impossibilité d'incarner le rôle du père autrement que de manière idéale, illusoire, enfin je ne sais pas trop.
Chouette rapprochement avec le film de Scorcese Largo.

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Message par Leurtillois Dim 9 Oct 2011 - 15:49

Le "texte" d'Independencia sur le film s'appelle "Rien de trop" Neutral
http://www.independencia.fr/revue/spip.php?article384

Eyquem a écrit:Le racisme de Travis Bickle est repris ici, en douce mais sans aucune distance. Je n'ai lu aucun article s'étonner de ce que le héros blond cherche à sauver la girl next door blonde des griffes de tous ces mafieux cosmopolites et bruns, latinos, juifs, italiens.

Independencia a écrit:Un sourire qui dit tout à l’aimée de son amour naissant, sans timidité aucune, et demeure de secondes en secondes comme un aveu tranquille. Un regard trop droit pour le mari revenu de prison, dont le langage est celui de tous les chiens de la ville : si tu ne baisses pas les yeux tu me défies, tu me bafoues, tu me fais cocu. Un silence de trop face à ces gangsters dont la démarche seule dit tout de ce qu’ils sont, et du peu de cas qu’ils font des hommes.


Dernière édition par Leurtillois le Dim 9 Oct 2011 - 17:11, édité 1 fois

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Message par Invité Dim 9 Oct 2011 - 16:46

Le film le plus dangereux de l'année. Quand la mise en scène est trop cool, culte, on en oublie tout le reste, tous les clichés, tous les présupposés sur lequel le film repose (violence, destin angélique, etc) sans jamais les questionner.

En effet, il faudrait un véritable regard critique. Et au diable l'amour du cinéma !

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Message par Leurtillois Dim 9 Oct 2011 - 17:04

Quand la mise en scène est trop cool, culte,

Vraiment rien vu de tel. A part peut-être la première scène en voiture, avant le générique, je dirais pas trop cool, à la limite plutôt cool, et encore...
Spoiler:
Si "tout le reste" est pourri, la "mise en scène" aussi, et inversement.

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Message par Invité Dim 9 Oct 2011 - 17:12

Disons plutôt quand la mise en scène fait naître chez le spectateur l'idée du "Putain, ça c'est du cinéma !"

Des tas de gens très sérieux, des professionnels, des journalistes, disent déjà que ce film va marquer l'histoire du cinéma.

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Message par Brundlefly Dim 9 Oct 2011 - 17:21

Le film fait (quand même) illusion le temps de son prégénérique.

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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 17:22

c'est une fille qui demande rien de trop chez les indépendants; apollon et l'éthique de la mesure décidément à la mode...
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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 17:31

y avait aucune distance dans le racisme de taxi driver; juste l'hyporcrise de MS...
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Message par careful Dim 9 Oct 2011 - 17:33

Brundlefly a écrit:Le film fait (quand même) illusion le temps de son prégénérique.

Celle ci ? Mouais...

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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 17:45

Eyquem a écrit:

Drive (Refn) : parler ou conduire Drive-photo-ryan-gosling4

" Un scorpion voulait traverser une rivière. Alors il demande à une grenouille de l’aider. Non, dit la grenouille, non merci, car si je te porte sur mon dos tu me piqueras et le dard d’un scorpion c’est fatal. Il n’y a, dit le scorpion, aucune logique dans tout cela - car les scorpions ont toujours été bons logiciens. Si je te pique, tu mourras et je me noierai. Alors la grenouille convaincue autorisa le scorpion à monter, mais juste au milieu de la rivière elle ressentit une terrible souffrance et elle comprit qu’en fin de compte le scorpion l’avait piquée. Logique ! cria la grenouille affolée en entraînant le scorpion dans les profondeurs de l’abîme. Où est la logique dans tout ça ? Je sais, dit le scorpion, mais je n’y suis pour rien. C’est mon caractère."

drive, ç'est aussi "instinct", "pulsion", "conatus"...: ce qui pousse un vivant à se maintenir dans l'être, le bien et le mal, ne sont alors que des déterminations relatives à cette pulsion vitale...ce qui nous mène du côté de hobbes, spinoza, nietzsche...

citons du classique, deleuze lisant welles avec et depuis nietzsche

La volonté de puissance à sa dernière puissance s’appelle, dira Zarathoustra, vertu qui donne. Et les bontés, générosités il n’y a pas d’autres volontés de puissance, ou il n’y en a plus d’autres. C’est la vie ascendante. Et encore une fois ce n’est pas une question de santé. On peut laisser sa peau en tant que une vie ascendante et autant que garder la sienne dans une vie épuisée. Il y a des épuisés qui ne finissent pas de mourir. Ce sont les plus dangereux. Pourquoi ? C’est le scorpion. Comme dit Welles, là qui est pleinement nietzchéen : « la grenouille est une idiote, et le scorpion est un salaud ». C’est du Nietzsche pur. La grenouille c’est l’homme véridique, à la lettre, puisque la grenouille dans la fable - je n’ai pas de temps de vous la raconter, c’est la fable de Mr Arkadin - la grenouille c’est l’animal véridique parce qu’il croit au pacte, il croit que le scorpion ne lui piquera pas puisque ils ont fait un pacte. C’est Vargas, c’est l’homme de la vérité. La grenouille veut la vérité. Le faussaire, c’est le scorpion. Il piquera lui-même, il piquera de toute façon, quitte à en crever. Il ne peut pas s’en empêcher, c’est le grand faussaire. La grenouille est un âne - là je cite exactement -" la grenouille est un âne, le scorpion est un salaud". Qu’est-ce qu’il reste ? Il reste tout ce que vous voulez. Le scorpion, c’est une vie épuisée, il ne sait plus que piquer, il sait que ça, il ne sait faire que ça. C’est une vie complètement épuisée. L’avocat Bannister dans "la dame de Shangaï" ne sait plus que piquer. Quinlan dans "la Soif du mal" ne sait plus que truquer les preuves. Ils ne savent plus faire qu’une chose. Quelle vie ! Quelle vie ! C’est ça que voulait dire Nietzsche, il dit des choses très, très simples : une vie malade, une vie épuisée, une vie dégénérescente c’est pas une vie qui manque des forces, ils peuvent avoir une force colossale. Il est investi dans un seul truc, piquer, piquer, il s’agit uniquement de piquer. C’est le grand scorpion, c’est Hitler, c’est tout ce qui vous voulez.



Dernière édition par Borges le Dim 9 Oct 2011 - 17:58, édité 2 fois
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Message par Invité Dim 9 Oct 2011 - 17:48

Refn, il faisait encore illusion pour les volets 1 et 3 de sa trilogie "pusher", pour lequels je m'étais (un peu) enthousiasmé.

Puis j'ai vu son "Bronson", dont on chante les louanges (un remake déguisé de OM de Kubrick... la sculpture de soi d'un gars violent, si ça se trouve criminel devenu "œuvre d'art"... Mise en scène d'une rare intelligence, performance hallucinante de Tom Hardy, etc etc):

Une bouse intersidérale, une fascination à peine ambiguë pour l'individualisme esthétiquement fasciste. Et la prestation de Tom Hardy est aussi exaspérante que son perso bouffon.

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Message par Eyquem Dim 9 Oct 2011 - 18:20

Hello Borges,
Je voulais citer ce passage de l'Image-temps, qui dit tout du film :
C'est un type de force épuisée, même quand elle est restée quantitativement très grande, mais elle ne peut plus que détruire et tuer, avant de se détruire elle-même. C'est là qu'elle retrouve un centre, mais qui coïncide avec la mort. Si grande soit-elle, elle est épuisée parce qu'elle ne sait plus se transformer. Aussi est-elle descendante, décadente, dégénérée : elle représente l'impotence dans les corps, c'est-à-dire ce point précis où la "volonté de puissance" n'est plus qu'un vouloir-dominer, un être pour la mort, et qui a soif de sa propre mort, à condition de passer par celle des autres.
(Image-temps, p183)
Le plan final montre le chauffeur, littéralement, en mort-vivant.

L'histoire du scorpion n'est pas racontée dans le film ; c'est juste une allusion qui reste chiffrée si on ne la connaît pas.
Elle rejoint la scène que citait Erwan au-dessus : devant la télé, le môme conclut : "Il n'y a pas de bons requins". Un requin reste un requin. Pareil pour les humains : les hommes restent des scorpions, ou des requins, ou des loups pour l'homme.



Il faudrait tenter une petite histoire du polar urbain, et surtout une histoire de sa réception. Les critiques font référence aux Friedkin ou Walter Hill des années 80, mais on peut remonter aux films de justicier des années 70, ceux avec Charles Bronson, la série justement nommée : "Un justicier dans la ville" (1974 pour le premier). Un genre qui s'est développé en même temps que les films catastrophes, pour les mêmes raisons je suppose : regain de nationalisme, désir de retour des "valeurs morales", au moment du Watergate, du Vietnam, et après les désordres des années 60.

Ces films se faisaient piler par la critique : « apologie fasciste de l’autodéfense », etc : on n’y allait pas par quatre chemins. Je serais curieux de savoir, par exemple, comment Taxi Driver a été accueilli à sa sortie : à mon avis, le film est pas passé comme une lettre à la poste et les noms d’oiseaux ont dû voler.


C’était une autre époque. « Drive » aussi va à Cannes, et personne ne trouve rien à redire à cette histoire de blondinet en veste satin qui fait la peau, un à un, à tous les mafieux parce qu’ils s’en sont pris à un père de famille.

Quand est-ce qu’on a commencé à merder ?

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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 18:40

hello eyquem; manny farber a écrit un texte paradigme de ce que doit être un texte critique sur taxi driver : "gore et âme"; j'en donnerai quelques passages...
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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 19:40

Largo a écrit:Ah celle du marteau je l'avais pas vue.

Le film est effectivement assez détestable.

Jamais les fondements de cette extrême-violence ne sont interrogés. Cette indifférence ostensible à l'égard des sentiments du personnage et de ceux de la société dont il est le produit fait que Nicolas Winding Refn ne parviendra sans doute jamais à faire « son Orange Mécanique à lui ». Ce qui manque au cinéaste danois est peut-être ce qui caractérisait le Nouvel Hollywood pour Jean-Baptiste Thoret, à savoir « une volonté de substituer à l'horizon artificiel du cinéma hollywoodien et des réponses qu'il apporte, la beauté d'un parcours incertain qui s'achève par une série de questions ouvertes à l'intelligence du spectateur » [1]. Devant Drive, on jouit d'un feu d'artifice de références, d'effets de style et du choc d'une violence réduite à l'effet de sidération qu'elle suscite.


(lire sur le ton des voix des anciennes réclames)

Vous aussi, faites comme largo, grâce à Vodkaster , échappez à vos plaisirs solitaires de cinéphile, créez votre profil, ne gardez plus votre avis pour vous. Laissez-vous guider par vos amis dans la plus grande base d'extraits de films au monde et mesurez-vous au célèbre MovieQuiz™..
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Message par Borges Dim 9 Oct 2011 - 19:53


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Message par Largo Dim 9 Oct 2011 - 20:02

Borges a écrit:
Largo a écrit:Ah celle du marteau je l'avais pas vue.

Le film est effectivement assez détestable.

Jamais les fondements de cette extrême-violence ne sont interrogés. Cette indifférence ostensible à l'égard des sentiments du personnage et de ceux de la société dont il est le produit fait que Nicolas Winding Refn ne parviendra sans doute jamais à faire « son Orange Mécanique à lui ». Ce qui manque au cinéaste danois est peut-être ce qui caractérisait le Nouvel Hollywood pour Jean-Baptiste Thoret, à savoir « une volonté de substituer à l'horizon artificiel du cinéma hollywoodien et des réponses qu'il apporte, la beauté d'un parcours incertain qui s'achève par une série de questions ouvertes à l'intelligence du spectateur » [1]. Devant Drive, on jouit d'un feu d'artifice de références, d'effets de style et du choc d'une violence réduite à l'effet de sidération qu'elle suscite.


(lire sur le ton des voix des anciennes réclames)

Vous aussi, faites comme largo, grâce à Vodkaster , échappez à vos plaisirs solitaires de cinéphile, créez votre profil, ne gardez plus votre avis pour vous. Laissez-vous guider par vos amis dans la plus grande base d'extraits de films au monde et mesurez-vous au célèbre MovieQuiz™..


Le contraire m'aurait étonné. Je préfèrerais encore que tu démontes mon texte, mais bon.

(merci Erwan)
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Message par Eyquem Dim 9 Oct 2011 - 21:57

Leurtillois a écrit:
Solness a écrit:Quand la mise en scène est trop cool, culte,

Vraiment rien vu de tel. A part peut-être la première scène en voiture, avant le générique, je dirais pas trop cool, à la limite plutôt cool, et encore...
Careful a écrit:
J'ai trouvé cette ouverture plutôt cool aussi. Déjà, il y a une course poursuite, et j'étais venu pour ça : un peu d'action. Ensuite, ça change, parce qu'il ne s'agit pas d'aller le plus vite, et de foncer comme une tête brûlée aux feux rouges, comme on voit d'habitude : il s'agit de se faufiler, de se cacher, de savoir s'arrêter quand il le faut, pour accélérer ensuite, et tout ça sans suer une seule goutte, en écoutant un match à la radio : bref, une forme d'art, qui ne donne pas le sentiment de l'effort, et qui a une allure vraiment classe. Le film était bien parti.
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