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Habemus Papam ... en passant

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Message par Eyquem Jeu 15 Sep 2011 - 19:03

'soir tout le monde,
Borges a écrit:le point politique du film, c'est la critique de la performance, de l'excellence, de la lutte, je suis le meilleur, le premier, le dernier, métaphorisée par la coupe du monde vaticane de VB, qui oppose les continents...
Je me disais que le film était tendu par deux questions :
- comment parvenir à dire quelque chose qui tienne la route
- comment parvenir à marquer un point

La compétition de volley ne peut pas se lire seulement comme une critique de la performance. C'est une compétition sans vainqueur, suspendue avant la fin, dont le grand moment aura finalement été le point remporté par l'équipe d'Océanie, qui permet à celle-ci de ne pas perdre 0-25. C'est ce point qui semble la vraie victoire du tournoi.
(à l'opposé, il y aurait la manière de marquer des points du psy, qui veut aussi être le meilleur aux cartes et qui assomme les joueurs par ses histoires avant d'abattre une carte surprise)

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Message par Invité Ven 16 Sep 2011 - 10:44

deux remarques avant de retourner voir le film ce soir (car l'important n'est pas de voir mais de re-voir) :

-je ne suis pas à l'aise avec une psychologie de Melville. il me semble que, fondamentalement, il n'a pas de passé avant son apparition dans le conclave pour être élu. pas de rapport à la mère (et d'ailleurs pas de parent, tout juste une soeur), pas de problème sexuel caché, une carrière d'acteur qui n'est là que parce qu'elle est avortée (c'est justement la soeur), une carrière d'ecclésiastique dont on ne sait rien... il est un homme de la foi et "l'inconscient est incompatible avec la foi".
en somme, pas d'intériorité, aucun endroit où accroché des scrupules et des cas de conscience. et si il y a des scrupules et des cas de conscience, 'est qu'il sont ailleurs, sur l'extérieur. Melville est une extériorité quasi pure.
d'autre part, je ne sais pas si on peut dire qu'il choisit la chair contre le symbolique. sa disparition est hautement symbolique, et il y arrive après avoir fait un petit tour d'horizon du monde de la chair et de ses bavardages - qu'il quitte en définitive, car il est vain de vouloir lui imaginer un avenir humain.


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Message par Invité Ven 16 Sep 2011 - 11:08

Borges a écrit:
le vivre sans Etat (ne pas compter sur l'Etat....) c'est une idée de droite, aujourd'hui; non? distinguer comme disait bourdieu deux Etat...la main gauche et la droite...pas mal de penseurs libéraux se sont servi de la critique des analyses de foucault pour nous servir une pensée de l'Etat minimale, libertaire...


ça c'est une autre paire de manches. il faut quand même faire le départ entre le discours libéral et la pratique concrète de ceux qui s'en réclament.
je pense que l'école peut en donner un bon exemple, qui va concerner quelques personnes ici. Wink
on a un double discours de l'Etat sur l'école. d'un côté, il faut limiter le nombre des enseignants - et c'est essentiellement ce sur quoi les enseignants protestent. d'autre part il faut massifier l'entrée à l'école dès deux ans - ce avec quoi les enseignants sont massivement d'accord car il voit ça comme une revalorisation de leur métier et en même temps comme un argument dans leur lutte pour de l'embauche.
en fait, il n'y a aucune contradiction entre les deux aspects dès lors qu'on les reconduit aux besoins de la bourgeoisie. concrètement, l'école est et doit être l'organisme de formation de nouveaux salariés possédant les moyens culturels d'effectuer leur tâche au mieux (lire, écrire, compter - savoir que Strasbourg est en France - savoir situer la Chine sur une carte - savoir que le Moyen âge était une époque violente et obscurantiste) ; mais des salariés également formés à la discipline qu'on exigera d'eux dans l'entreprise.
bien sûr, ce n'est pas l'agenda idéologique des enseignants. ils ne font pourtant pas autre chose en demandant plus de postes pour pouvoir appliquer les logiques déjà à l'oeuvre de façon plus directe et personnalisée. plutôt que d'obliger par les cris et les punitions les enfants à marcher en rang, ils préfèreraient plus de monde pour les convaincre l'un après l'autre de marcher en rang. mais finalement, il s'agit toujours de les faire marcher en rang (pour les petits classes), ce qui se traduit aussi par obtenir leur investissement affectif dans les textes, sujets et matières qu'il a été décidé de leur imposer. (il faut discuter avec des syndicalistes de ce que représente l'accroissement de l'encadrement dans une entreprise en terme de discipline.)
c'est la même chose, mais ce n'est pas tout à fait la même chose. si les enseignants n'aiment pas engueuler les élèves, c'est qu'ils continuent à délirer une école émancipatrice. il faut donc les forcer à forcer les enfants. et le meilleur moyen est de supprimer des postes. bon, malgré tout, on attend toujours une réflexion de fond sur le fonctionnement actuel de l'école, sur ses tris en classes d'âge et sur ses plannings d'apprentissage. tous changements qui demanderaient évidemment plus de personnel enseignant. et la boucle est bouclée en rabattant les revendications non sur les logiques et les finalités mais sur leurs modalités d'application.

donc, moins d'enseignant, contre le discours libéral, ça ne veut pas dire moins d'Etat, mais ça veut dire un Etat plus dur, plus stratifié et moins perméable. car les agents de l'Etat sont toujours des points de perméabilité entre l'Etat et la société civile. plus d'agents signifie plus de perméabilité et plus de souplesse dans l'application. moins d'agent signifie plus d'obligation pour chaque agent et infiniment moins de souplesse.
en URSS, où il y avait un maximum d'agents, il y avait aussi un max de souplesse dans l'application quotidienne du règlement social (par exemple par rapport à l'absentéisme, extrêmement facilité - les soviétiques avaient théorisé ça : ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler). mais en même temps, l'Etat s'identifiait petit à petit à l'ensemble du corps social - et c'était apparemment encore plus vrai en RDA où tout le monde avait peur alors que les risques réels étaient minimes.
les deux Etats, celui du libéralisme et celui du socialisme réel - le "capitalisme sans bourgeoisie" de Castoriadis.
une chose n'a pas été essayée : un Etat ni durci ni proliférant mais "évanouissant". et bien sûr, ses formes pratiques restent inimaginables.


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Message par Invité Sam 17 Sep 2011 - 9:47

revu le film.
on a fait quelques erreurs factuelles. on a un peu déliré le film. et puis je ne crois pas que nos lectures soient à la hauteur du film. va falloir être un peu meilleur et plus performant ! Wink (c'est à dire, en fait, moins)


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Message par Borges Sam 17 Sep 2011 - 11:11

ah, moi je n'ai rien délirer; bien au contraire Wink






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"
le vieux pape si pieux a des larmes dans les yeux, et déjà il s'est de nouveau embarqué sur la mer de la mélancolie"

(ainsi parlait zarathoustra; à propos du dernier pape)

(tout le monde a ici une pensée pour le dernier plan de la prisonnière du désert)
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Message par Borges Sam 17 Sep 2011 - 11:15

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(léon morin, prêtre; de melville)
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Message par Invité Sam 17 Sep 2011 - 14:42

Borges a écrit:ah, moi je n'ai rien délirer; bien au contraire

si si, Borges, comme les autres, mais beaucoup moins - faut dire que tu as pris la discussion plus tard. Wink


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Message par Invité Sam 17 Sep 2011 - 14:49

Psaume 101 (traduction d'après les Septante par le R.P. Placide Deseille – une version à usage monastique)
sauf erreur de ma part, le passage cité dans le film est le verset 5 (en gras). mais on peut trouver beaucoup d'autres entrées : le passage des générations (13, 19, 21, 29), le changement(27, 28), l'attention (versets 14, 15), les nations (16, avec les drapeaux dans la foule du film)


1.Prière du pauvre, lorsqu'il était pris d'acédie et répandait sa supplication en présence du Seigneur.
2.Seigneur, exauce ma prière,
et que mon cri parvienne jusqu'à toi ;
3.Ne détourne pas de moi ta face ;
au jour où la tribulation me saisit,
incline vers moi ton oreille ;
au jour où je t'invoque, hâte-toi de m'exaucer.
4.Car mes jours se sont dissipés comme la fumée,
et mes os se sont consumés comme un bois sec.
5.J'ai été flétri comme l'herbe,
et mon coeur s'est desséché,
car j'ai oublié de manger mon pain.

6.A force de crier ma plainte,
mes os se sont attachés à ma chair.
7.Je suis devenu semblable au pélican du désert,
je ressemble au hibou des ruines.
8.J'ai passé les nuits sans sommeil,
et je suis devenu comme un passereau solitaire sur un toit.
9.Tout le jour mes ennemis m'outragent,
et ceux qui me louaient font des serments contre moi,
10.Je mange de la cendre en guise de pain
et je mêle mes larmes à ma boisson,
11.devant ta colère et ton indignation,
car tu m'as soulevé et brisé sur le sol.
12.Mes jours se sont évanouis comme l'ombre,
et je me suis desséché comme l'herbe.
13.Mais toi, Seigneur, tu demeures pour les siècles,
et ton souvenir durera de génération en génération.
14.Tu te lèveras et tu auras pitié de Sion,
car il est temps de la prendre en pitié,
car le temps est venu.
15.Car tes serviteurs en chérissent les pierres,
ils sont pris de compassion pour sa poussière.
16.Et les nations craindront ton Nom, Seigneur,
et tous les rois de la terre ta gloire,
17.parce que le Seigneur rebâtira Sion,
et on le verra dans sa gloire.
18.Il a regardé la prière des humbles,
et il n'a pas méprisé leur supplication.
19.Que cela soit écrit pour la génération à venir,
et le peuple qui sera créé louera le Seigneur.
20.Car il a regardé du haut de son lieu saint,
du ciel le Seigneur a jeté les yeux sur la terre,
21.pour entendre le gémissement des captifs,
pour délivrer les fils des victimes,
22.afin qu'ils annoncent dans Sion le Nom du Seigneur
et sa louange dans Jérusalem,
23.lorsque les peuples s'assembleront tous ensemble,
avec les rois, pour servir le Seigneur.
24.L'homme a demandé au Seigneur quand il cheminait dans sa vigueur :
Fais-moi connaître le petit nombre de mes jours.
25.Ne me rappelle pas au milieu de mes jours ;
tes années durent d'âge en âge.
26.Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terre,
et les cieux sont l'oeuvre de tes mains.
27.Ils périront, mais toi, tu demeures,
et ils vieilliront comme un vêtement ;
tu les changeras, comme un manteau, et ils seront changés ;
28.mais toi, tu restes le même,
et tes années ne passeront point.
29.Les fils de tes serviteurs auront une demeure,
et leur postérité sera conduite pour l'éternité dans la voie droite.




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Message par Borges Sam 17 Sep 2011 - 14:53

Stéphane Pichelin a écrit:
Borges a écrit:ah, moi je n'ai rien délirer; bien au contraire

si si, Borges, comme les autres, mais beaucoup moins - faut dire que tu as pris la discussion plus tard. Wink


des exemples? j'ai voulu lire Job dans le film, c'est ma seule faute; sinon tout le reste est juste;



Wink


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Message par Invité Sam 17 Sep 2011 - 15:02

si je me souviens bien, de ce moment : melville raconte qu'en s'avançant vers la fenêtre, il lui a semblé que tout ce qu'il avait connu était en train de se volatiliser;
ce n'est pas en s'avançant vers la fenêtre, c'est à dire vers l'annonce publique de la papauté (tu te rappelles que la différence est faite dans le film entre élection et publication - c'est l'argument de Gregori pour garder les cardinaux en conclave), mais quand les cardinaux s'avancent vers lui après son élection qu'il oublie tous ceux qu'il avait connus (il parle des gens, pas des choses ou des événements).

aussi, sur la temporalité du film et le rapprochement au Christ. sans que ça soit impossible, c'est quand même difficile.

je ne vérifie pas plus loin si il y en a d'autres en ce qui te concerne. d'abord parce que tu as effectivement déliré moins que nous autres. et puis ça me fait penser au psy et au pauvre Brunner qui n'était même pas côté.

désolé pour ceux qui comme moi l'ont cru, mais Melville est présent dès les premiers plans dans la Sixtine.

etc...


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Message par Invité Sam 17 Sep 2011 - 15:11

je n'ai pas fondamentalement changé d'avis sur le film.
en même temps, rien de ce que j'ai écris ne me satisfait plus.
'y reviendrai, je crois, plus tard.


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Message par Borges Sam 17 Sep 2011 - 18:05

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Message par Invité Lun 19 Sep 2011 - 8:43

je relis Au bords de l'eau, de Shi-Nai An. le nombre des bandits-démons redresseurs de torts est de 108, comme le nombre des cardinaux électeurs. sans autre rapport.


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Message par Invité Lun 19 Sep 2011 - 8:45

TREPLEV : il ne faut pas [filmer] le monde tel qu'il est, ni tel qu'il devrait être, mais tel qu'il apparaît dans les rêves.


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Message par Invité Lun 19 Sep 2011 - 8:51

le film me parait trop riche pour être aborder d'abord comme ensemble. le vois d'abord comme séquences :
-le sport, la compétition, le darwinisme ;
-la dépression, la carence de soin ;
-le théâtre, les personnalités multiples, l'intoxication alimentaire ;
-la fuite les positions successives dans l'espace (l'hôtel, le resto, le bus, la voiture, le théâtre) et dans l'être (le nom, les appartements, l'oubli, la mort, la soeur, le pape) ;
-l'Etat, la politique, la foule, le conclave, l'attention ;
-la parole ;

ou bien, plus près du filmique :
-le pape, de l'élection à la catatonie ;
-le conclave en l'absence du pape ;
-les gardes suisses ;
-la compétition ;
-le théâtre : les répétitions ;
-le théâtre : la représentation ;
-les médias ;
-les séances de psy : lui, elle ;
-la boulangerie ;
-l'hôtel ;
-le bus ;
-le final ;
-le magasin ;
-le bar ;
-le forum ;
-la foule sur la place saint-pierre ;


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Message par Borges Lun 19 Sep 2011 - 9:17

hello SP, du côté de l'asie, il y a un film qui peut être pensé avec le NM, de manière vraiment intéressante : raining in the mountain; deux lignes composent le sujet, l'aventurière, où des voleurs tentent de s'emparer d'un manuscrit hyper rare ; la deuxième concerne la désignation par le chef d'un temple bouddhiste prestigieux de son successeur; pour ceux qui n'ont pas vu le film, j'en dis pas plus... on peut voir tout le film, je crois, sur dailymotion...

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Message par Invité Lun 19 Sep 2011 - 11:12

ouuh, j'ai vu ça il y a un bon moment. c'est de King Hu, je crois. je vais voir si ça peut encore se trouver dans ma médiathèque.

il y a un autre aspect du NM que nous n'avons pas aborder, il me semble. c'est le problème de l'imitation. ça a à voir avec le théâtre mais aussi bien avant. le pape hurle son refus tout de suite après qu'on lui ai dit qu'il pouvait faire une simple bénédiction ou tout un discours "comme notre bien-aimé précédent pape". puis, quand le porte-parole lui propose de confirmer l'ancien secrétaire d'Etat, il ne peut que répondre : "je n'ai rien compris à ce que vous me dîtes".
- ce qui pourrait être lu dans des termes psychologiques (la dépression, la dépossession de soi face à ce qui a déjà été fait et qui nous oblige). mais qu'il faut aussi rapporter à tous les phénomènes d'imitation dans le film : le journaliste répétant les paroles du porte-parole, les acteurs répétant le texte de Tchekov, l'acteur fou se mettant à applaudir à l'instar du public, la soeur imitant son frère en parlant de l'amoureux de sa mère et s'inquiétant de ce que son frère imite le vieux fuyard quand il tape les filles, les psys imitant leur propre discours (l'obsédé de la dépression, l'obsédée de la carence de soin)...
instinct de conformité dont le contraire serait justement la fuite du pape. c'est classique chez Moretti (i.e. Palombella rossa).
mais aussi, la situation du pape en fuite n'est pas uniquement personnelle. le moment de la fuite apparait bien comme un choix dont il lui faudrait être responsable. que se passe-t-il en amont ? on n'en sait presque rien et il ne peut guère en dire plus puisqu'il a tout oublié. sauf au bout d'un moment, il se souvient qu'il a fait des choses bien, et la seule qu'il nous donne est d'avoir été recalé au conservatoire ! rapport du dedans et du dehors. pareil pour l'acteur fou : sa folie est une "intoxication alimentaire", quelque chose qui vient de l'extérieur autant que de l'extérieur. avec abolition de ces frontières et distinctions.
c'est pour ça aussi que le pape en fuite peut dire qu'il est "dans ses appartements" et agir comme s'il était mort : ce qu'on dit de lui est tout autant valable que ce qu'il en vit lui-même.

alors je ne crois pas que le pape fuie le symbolique. au contraire, revêtu d'une distinction symbolique extraordinaire, qui l'isole des autres hommes, il la prend à ce point au sérieux qu'il fait le contraire de ce qui a été fait avant lui, le contraire de l'ordinaire. il prend sur lui le vrai corps du pape dans le temps où il lui est conféré. ce temps étant celui marqué par la première séquence : le pape est mort. c'est à dire que ne pas être à la hauteur du symbolique est la seule façon (très politique) d'être pleinement à la hauteur du symbolique et de l'assumer idéalement.
je rejoins un peu ici l'idée de Borges sur les deux corps du roi, mais par un autre angle, non ?


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Message par Invité Lun 19 Sep 2011 - 13:24

d'après Hans Belting, les nobles jusqu'à la Renaissance avaient deux représentations : d'une part leur corps, qui était la représentation de leur pouvoir personnel ; d'autre part leur blason qui était la représentation de leur pouvoir comme lignée. à une assemblée qui les engageait, ils pouvaient validement se faire représenter par leur blason qui était alors installé sur la chaise qui leur était réservé. la présence de leur blason équivalait strictement à leur présence en chair et en os. de la même façon, les portraits portaient sur leur revers leur blason.

il est question de blason dans le film. le pape choisit un blason. le choix est-il traditionnel au Vatican ? probablement mais ça reste à vérifier. en tous cas, il s'opère comme choix, c'est à dire comme application de ce qui dans la tradition est rituel de rupture : nouveau pape, nouveau blason. mais il n'en reste pas moins "pas convaincu". il choisit le blason, la lignée dans la rupture, mais il organise finalement la mise en scène de la disparition du corps, ou plutôt du corps disparu. à l'avers du blason, le disparu.


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Message par Borges Lun 19 Sep 2011 - 13:50

Stéphane Pichelin a écrit:

alors je ne crois pas que le pape fuie le symbolique. au contraire, revêtu d'une distinction symbolique extraordinaire, qui l'isole des autres hommes, il la prend à ce point au sérieux qu'il fait le contraire de ce qui a été fait avant lui, le contraire de l'ordinaire. il prend sur lui le vrai corps du pape dans le temps où il lui est conféré. ce temps étant celui marqué par la première séquence : le pape est mort. c'est à dire que ne pas être à la hauteur du symbolique est la seule façon (très politique) d'être pleinement à la hauteur du symbolique et de l'assumer idéalement.
je rejoins un peu ici l'idée de Borges sur les deux corps du roi, mais par un autre angle, non ?


« Le père en tant qu'il promulgue la loi est le père mort, c'est-à-dire le symbole du père. Le père mort, c'est le Nom-du-Père »

(lacan)

Quand je parle de symbolique, c’est en pensant à Lacan. Refuse le symbolique, c’est refuser d’occuper la place de la loi, du père symbolique, qui est un toujours un père mort ; le film commence par une mort.

« Père symbolique », c’est un concept qui vient de la lecture lacanienne de totem et tabou ; je raconte pas ;le chef de la horde fait tout ce qu’il interdit, il passe sa vie dans la jouissance qu’il interdit à tous ; ses fils le mettent à mort, mais une fois mort, il est encore plus fort.

Notons quelque chose d’assez amusant, il y a dans le film, une espèce de père-de-jouissance, c’est le mec qui se cache derrière les rideaux et passe son temps à manger, danser, à se la couler douce ; il ne peut faire tout ça, finalement que derrière des rideaux, caché ; c’est un peu comme si NM nous demandait d’imaginer l’autre vie du Vatican, celle des rideaux baissés ; derrière ces rideaux, ces murs, on croit qu’il y a le pape, y a juste un gros mecs qui s’empiffre ; c’est l’autre image des papes, l’autre légende, de la luxure…(gourmandise, sans intoxication…) ; tout cela est dit sans l'être ; une autre disparition du pape finalement. Une autre manière de dire que nous n’avons pas de pape. Puissance de l’imagination ; on pense à tous ces films d’aventure ou pas, où un héros Blanc découvre la supercherie d’un pouvoir magique en dévoilant à la tribu que la statue ou je ne sais quelle idole ne parle pas, n’agit pas, qu’il y a un mec caché quelque part qui l’actionne…(ruby my dear...)


Au fond nous ne pouvons avoir un pape, un papa, symbolique, que parce que le père réel est mort ; tant qu’il est là, après tout, ce n’est qu’un homme comme les autres, et dans la légende freudienne, ou plutôt dans le mythe, un père très en dessous de la loi, pure affirmation tyrannique de la jouissance : le père karamazov ;

quand tu dis que le la disparition du pape d’une certaine manière est symbolique, celle de la fin du film, tu as raison, nous disons presque la même chose. Quand le « pape » s’en va après avoir dit « je ne suis pas cet homme que vous cherchez » (répétition inversée de l’ecce homo ), « je ne suis pas le mec qu’il faut en ce temps de détresse », il fait deux choses, il affirme sa finitude, son indignité, mais en même temps il affirme la puissance de l'idée chrétienne, de l'idée qui doit régler l'occupation de cette place; en réalité, les hommes politiques s'avance vers la foule en décrivant les exigences de l'époque, du poste, ils dressent un portrait idéal, puis s'identifient à lui; le pape accomplit la description (les gens applaudissent, ils connaissent cette rhétorique) puis s'écarte du scénario, du rituel de cet acte de langage; "nous savons qui il faut, je ne suis pas cet homme"; voilà ce qu'il dit; un peu comme dylan, dans sa fameuse chanson, It Aint Me Babe .. à cette différence pas minime que c'est précisément en refusant le rôle qu'il se montre à sa hauteur (le pape est le premier et le dernier); melville se tient dans l'écart, cette place impossible; soit on est dernier soit premier; à moins bien d'être pris à tricher...


s’étant présenté comme celui qui refuse le pouvoir, il indique en même temps un autre idéal, non pas celui de l’homme de circonstances, des capacités, mais celui qui refuse le pouvoir, que tous recherchent, c’est donc l’homme le plus propre à la situation ;


comme disait rancière (et eyquem) : le plus con, avec notre système c’est que le pouvoir revient à ceux qui le veulent ; mais il y a tout de même ici une grosse différence ; la différence de capacité ; alors que pour rancière tous nous pouvons, devons affirmer notre capacité, notre égalité, le pape justifie son départ, par une incapacité ; c’est peut-être une ruse, une manière de faire passer son message, après avoir pris un pain de "démocratie", après avoir vécu avec le peuple, les gens ordinaires, mais je ne le crois pas, il se sent vraiment indigne d’être pape ; comme d’autres se sentent indignes d’être roi, même des belges ( peut-être le plus difficile, être roi d’un peuple qui est sans cesse sur le point de démissionner, de s’évanouir)

la fenêtre vide n’indique pas le vide du pouvoir, seulement en un sens négatif ; si j’étais amateur de lefort, je dirais que la fenêtre vide, le vide que le pape laisse en s’en allant, c’est l’idée même de la démocratie qu’il rend ainsi visible ; bref la démocratie, c’est ce vide qui ne peut être occupé par un corps...


il y a aussi une lecture sacrificielle du film; au début les cardinaux prient de n'être pas élus; dénégation ou pas? le film ne nous montre aucune rivalité (en dehors de celle du sport); on ne se bat pas pour être pape; jésus même ne s'est pas battu pour être fils de dieu; être élu pape c'est être sacrifié... melville refuse le sacrifice...en accord avec l'époque, et la crise du deuxième corps; jetons un oeil sur Ber, sarkozy, ne parlons même pas de poutine...

on pense ici bien entendu au roi-sacré, et au très catholique girard,



je suis catholique parce que je pense que le catholicisme détient la vérité du dogme ”. “ Si l’église est divine, si sa doctrine ne peut pas se modifier ... il faut bien en fin de compte s’en remettre à quelqu’un, à une autorité ultime sur notre plan humain, et ce ne peut être que le pape ”







Dernière édition par Borges le Lun 19 Sep 2011 - 14:25, édité 4 fois
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Message par Borges Lun 19 Sep 2011 - 14:08

il y a aussi l'idée d'enfermement; n'oublions pas; le vatican est une prison; presque; on enferme le psy, on enferme le mec qui joue le pape; comme disait l'autre la muraille de chine empêche d'entrer, mais aussi de sortir; le pape est un prisonnier de la loi...la place du mort, la place de la loi ; être père, c’est jamais marrant, et être père sans l’être, être un père uniquement symbolique, comme le pape, le père des pères, le saint père, c’est encore moins marrant ; quand je citais le mot de lacan le contraire du rire, c’est l’identification, le sérieux du pape ; c’est pas pour rien ; que se passe-t-il au fond, une fois que le psy est dans le saint des saint, ce lieu si sublime, tellement séparé du monde, les cardinaux s’amusent ; ils redeviennent enfants ; ils jouent ; le psy, père raté, ramène ces vieux monsieur très sérieux à une certaine forme d’enfance ; le pape parti au fond les souris dansent, on a une autre version de cette image dans le film de malick, quand les enfants apprennent que leur père est parti en voyage, c'est la fête dans la maison, ils se mettent immédiatement à courir... après la mère (avec tous les sens œdipiens de cette course; ils la poursuivent même avec un "bête" symboliquement assez signifiante); dans le film de malick nous avons un mec qui s'annule absolument dans son rôle de père....un type qui se prend pour dieu (le dieu de l'ancien testament)



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Message par Borges Mar 20 Sep 2011 - 8:50

curieux, il y avait un message de eyquem; après le mien...non?
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Message par Invité Mar 20 Sep 2011 - 8:55

pas vu le message de Eyquem.
sinon, Borges, nous sommes aussi proches face au film que Eckhart et Lao Zi face à dieu. et je pèse mes mots. Wink


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Message par Invité Mar 20 Sep 2011 - 8:57

c'est très drôle, cette ambiguïté de "symbolique". parce que l'humanisation du pape ne fait pas question. il est humanisé mais de cette façon il est aussi renvoyé à l'homme-dieu. autrement dit, il quitte le symbolique (lacanien) en même temps qu'il devient symbole (christique). c'est tout le film.


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Message par Borges Mar 20 Sep 2011 - 9:19



une sortie fameuse (il y a un texte de daney je crois dessus), inverse de celle de melville ("comme j'ai pas été (ré)élu, ce sera l'apocalypse; une toute autre interprétation du vide..."); on peut aller toute de suite à la fin...



une autre sortie fameuse







James Gordon Jr.: Why's he running, Dad?
Lt. James Gordon: Because we have to chase him.
James Gordon Jr.: He didn't do anything wrong.
Lt. James Gordon: Because he's the hero Gotham deserves, but not the one it needs right now. So we'll hunt him because he can take it. Because he's not our hero. He's a silent guardian, a watchful protector. A dark knight.


(le concept d'un pape "noir" est-il possible; ou alors tout les papes sont "noirs"?)


"Palombella rossa", raconte un peu la même histoire finalement, du point de vue du communisme; à ceux qui lui reprochaient d'avoir trahi l'idéal communiste, NM répondait que sont film avait pour sujet, l'impossibilité ET la nécessité d'être communiste (une espèce de "c'est impossible, donc tu dois"); dans ce dernier film, c'est peut-être plutôt, il faut un pape, mais c'est impossible; allant plus loin, NM dit : "Disons qu'aujourd'hui le personnage de Melville, avec son refus obstiné de toute charge publique, est celui qui est le plus à même de traduire mon sentiment sur le monde qui m'entoure. Au demeurant, le renoncement n'est pas qu'une chose négative, il peut avoir sa grandeur et produire une ouverture."


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Message par Borges Mer 21 Sep 2011 - 17:53

c'était mon premier Nanni, au fait; j'avais toujours réussi à éviter ses films, par un instinct très sûr; jamais il ne m'avait attiré, même les éloges de daney ne m'avaient pas convaincu; vu "la messe est finie", et aussi "palombella ..."; et là, je crois que je peux me donner une idée de son cinéma : le cinéma de l'impuissance, au sens que badiou donnait à ce terme, un cinéma sans courage, sans ce fameux point de réel, ou réel, qui permet d'élever l'impuissance à l'impossible; on se souvient du fameux livre sur sarkozy dont le succès avait un peu tourné la tête à badiou, le grand affect dénoncé c'était la dépression, le cinéma de NM, c'est vraiment le cinéma de l'impuissance, qu'il dépasse sa propre impuissance en faisant des films, c'est son problème, mais pour la mise en scène de l'éthique et de la politique, il ne fait rien d'autre qu'augmenter la tristesse; il reproche souvent à la gauche d'attrister, je pense que son cinéma se complaît pas mal dans ce sentiment, cet affect triste...complaisance dans l'impuissance...narcissique et égotiste; je pense pas qu'on puisse défendre ce mec comme le faisait daney en évoquant la beauté de son nombril; je crois que son cinéma sur un autre ton, c'est un peu le cinéma des rats, de la conscience malheureuse, et une touche un peu heideggerienne, de fuite des dieux, même si lui-même se définit comme "un athée triste de ne pas avoir la foi", formule de communicateur, comme dirait py, formule du consensus...



(je cite badiou on peut remplacer le nom de sarkozy par celui de l'autre, le caïman, ou pas)

je crois qu'on peut analyser la situation subjective des débris de la gauche en France, et plus généralement des hommes et des femmes de bonne volonté, sous l'effet du triomphe de Sarkozy, comme un mélange de pulsion négative, de nostalgie historique et d'impuissance avérée. (…) mon diagnostic, si vous voulez : une asthénie dépressive. C'est donc le moment de s'appuyer sur la définition que Lacan donne de la cure analytique. Puisque nous sommes tous déprimés, la cure s'impose. Lacan disait que l'enjeu d'une cure c'est “d'élever l'impuissance à l'impossible”. Si nous sommes dans un syndrome dont le symptôme majeur est l'impuissance avérée, alors nous pouvons élever l'impuissance à l'impossible. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Beaucoup de choses. Cela veut dire trouver le point réel sur lequel tenir coûte que coûte. N'être plus dans le filet vague de l'impuissance, de la nostalgie historique et de la composante dépressive, mais trouver, construire, et tenir un point réel, dont nous savons que nous allons le tenir, précisément parce que c'est un point ininscriptible dans la loi de la situation. Si vous trouvez un point, de pensée et d'agir, ininscriptible dans la situation, déclaré par l'opinion dominante unanime à la fois (et contradictoirement…) absolument déplorable et tout à fait impraticable, mais dont vous déclarez vous-mêmes que vous allez le tenir coûte que coûte, alors vous êtes en état d'élever l'impuissance à l'impossible. Si vous tenez un tel point, alors vous devenez un sujet enchaîné aux conséquences de ce qui, unanimement tenu pour une désastreuse lubie heureusement tout à fait impossible, vous accorde au réel et vous constitue en exception au syndrome dépressif.

Toute la question est : que veut dire “tenir” un point réel de ce type, à supposer qu'on le trouve ? Tenir un point, c'est exposer l'individu animal que l'on est à devenir le sujet des conséquences du point. C'est s'incorporer à la construction de ces conséquences, au corps subjectivé qu'elles constituent peu à peu dans notre monde. Ce faisant, c'est aussi construire, dans la temporalité d'opinion, une autre durée, distincte de celle à laquelle on a été acculé par la symbolisation étatique.

Si vous êtes prisonniers de la temporalité d'opinion, vous allez vous dire, comme tant de caciques ou d'électeurs socialistes, “Nom de Dieu ! On subissait Chirac depuis douze ans, et maintenant il va falloir attendre le prochain tour ! Dix-sept ans ! Peut-être vingt-deux ! une vie entière ! Ce n'est pas possible !” Et alors, au mieux vous êtes déprimé, au pire vous devenez un rat. Le rat est celui qui, interne à la temporalité d'opinion, ne peut supporter d'attendre. Le prochain tour commandé par l'Etat, c'est très loin. Je vieillis, se dit le rat. Lui, il ne veut pas mariner dans l'impuissance, mais encore moins dans l'impossible ! L'impossible, très peu pour lui.

Il faut reconnaître à Sarkozy une profonde connaissance de la subjectivité des rats. Il les attire avec virtuosité. Peut-être a-t-il été rat lui-même ? En 1995, quand, trop pressé, d'en venir aux choses ministérielles sérieuses, il a trahi Chirac pour Balladur ? En tout cas, trouvant les usages d'Etat de la psychologie du rat, il mérite un nom psychanalytiquement fameux. Je propose de nommer Nicolas Sarkozy “l'homme aux rats”. Oui, c'est juste, c'est mérité.

Le rat est celui qui a besoin de se précipiter dans la durée qu'on lui offre, sans être du tout en état de construire une autre durée. Le point à trouver doit être tel qu'on puisse lui annexer une durée différente. N'être ni rat ni déprimé, c'est construire un temps autre que celui auquel l'Etat, ou l'état de la situation, nous assigne. Donc un temps impossible, mais qui sera notre temps
.

Alain Badiou

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