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Road to nowhere : les films de Monte Hellman

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Message par Borges Mar 22 Fév 2011 - 17:39



revu; sur grand écran et tout. C'est pas que ça change tout. Ca change rien, en fait, essentiellement, mais ça fait sa différence, à quelques moments, bien précis, que je détaillerai pas. Pas envie, ni le temps. Rien ne m'en empêche pourtant... oui, c'est vrai; disons le début, alors, oui, le début par exemple. Je ne l'avais pas en tête, en le revoyant, je me souviens pas d'à quoi il avait ressemblé la première fois que j'ai vu le film, mais je suis sûr de ne l'avoir pas vu de la sorte en dvd...


l'ai-je revu, ou vu?




On sait que le film n'a pas eu de succès; c'est contenu dans sa définition, c'est un de ses prédicats essentiels; quand on en parle, on dit qu'il n'a pas eu de succès; on dit aussi que c'est un film culte, un film maudit; mais rien de maudit dans son échec. Hellman donne des raisons; les salauds ne l'ont pas soutenu.



Comparé à easy rider, TLB n' a rien de glamour; c'est pas un film pop, qui flatte la jeunesse rebelle, et la contreculture; il serait plutôt proche de zappa, de ce point de vue; en un sens. Si zappa avait été moins potache et plus travaillé par le vide et le négatif, par la mort; il l'était bien entendu, mais à la manière d'un bouffon plutôt que de Hamlet;

TLB, c'est pas un film sur la vitesse, sur la liberté découverte sur la route, c'est un film sur la mort. "Tu n'iras jamais assez vite" dit JT, je crois à GTO.


Tu n'iras jamais assez vite pour échapper à la mort; c'est ce qu'il faut comprendre; et en tentant d'aller plus vite qu'elle tu te diriges vers elle. Comme dans ce conte des 1001 nuits, où le personnage se précipite vers l'endroit où la mort l'attend en pensant la fuir.


On dit toujours "échapper à la mort", comme si elle nous poursuivait, mais toute course est une course à la mort, c'est pourquoi les sages, qui l'ont acceptée, ne bougent pas. On n'imagine ni bouddha, ni Jésus courant...rien ne sert de courir, on part toujours à point; et tous les malheurs des hommes viennent de ce qu'ils ne peuvent pas se tenir tranquillement seuls dans leur chambre; beckett ou pascal?

Il leur faut une balle ou l'autre après quoi courir... nécessairement.






Two-lane blacktop, dit Hellman, n’est pas un film politique, mais plutôt sociologique et philosophique. Les héros ne se droguent pas, ils ne sont pas violents, ils ne se foutent pas en l’air à la fin du film. Ils n'affirment rien, ne font aucune proposition, morale, politique... Ils ne sont simplement pas intéressés ; en ce sens, ils sont plus proches de Bartleby que de l'absurde attribué à Beckett. Le côté Beckett, si on le cherche dans le film, plus profondément, se trouve du côté de GTO, qui ne cesse de (se) raconter des histoires.

Mais que faire d'autres, avant de mourir?

Ce que tous nous ferons, comme le dit l'un des mecs que GTO prend en stop...


le mécanicien et le driver ne se racontent aucune histoire; que signifie cette différence?


Quand GTO veut en raconter une à JT, je crois : ce dernier lui dit simplement : "c'est pas mon problème"






«Je serai quand même bientôt tout à fait mort enfin. Peut-être le mois prochain. Ce serait alors le mois d’avril ou de mai. Car l’année est peu avancée, mille petits indices me le disent. Il se peut que je me trompe et que je dépasse la Saint-Jean et même le Quatorze Juillet, fête de la liberté. Que dis-je, je suis capable d’aller jusqu’à la Transfiguration, tel que je me connais, ou l’Assomption. Mais je ne crois pas, je ne crois pas me tromper en disant que ces réjouissance auront lieu sans moi cette année. J’ai ce sentiment, je l’ai en moi depuis quelques jours, et je lui fais confiance. Mais en quoi diffère-t-il de ceux qui m’abusent depuis que j’existe ? Non, c’est là un genre de question qui ne prend plus, avec moi je n’ai plus besoin de pittoresque. Je mourrais aujourd’hui même, si je voulais, rien qu’en poussant un peu, si je pouvais vouloir, si je pouvais pousser. Mais autant me laisser mourir, sans brusquer les choses. Il doit y avoir quelque chose de changé. Je ne veux plus peser sur la balance, ni d’un côté ni de l’autre. Je serai neutre et inerte. Cela me sera facile. Il importe seulement de faire attention aux sursauts. Du reste je sursaute moins depuis que je suis ici. J’ai évidemment encore des mouvements d’impatience de temps en temps. C’est d’eux que je dois me défendre à présent, pendant quinze jours trois semaines. Sans rien exagérer bien sûr, en pleurant et en riant tranquillement, sans m’exalter. Oui, je vais enfin être naturel, je souffrirai davantage, puis moins, je ne serai plus froid ni chaud, je serai tiède, je mourrai tiède, sans enthousiasme. Je ne me regarderai pas mourir, ça fausserait tout. Me suis-je regardé vivre ? Me suis-je jamais plaint ? Alors pourquoi me réjouir, à présent. Je suis content, c’est forcé, mais pas au point de battre des mains. J’ai toujours été content, sachant que je serai remboursé. Il est là maintenant mon vieux débiteur. Est-ce une raison pour lui faire fête ? Je ne répondrai plus aux questions. J’essaierai aussi de ne plus m’en poser. On va pouvoir m’enterrer, on ne me verra plus à la surface. D’ici là, je vais me raconter des histoires, si je peux. Ce ne sera pas le même genre d’histoires qu’autrefois, c’est tout. Ce seront des histoires ni belles ni vilaines, calmes, il n’y aura plus en elle ni laideur ni beauté ni fièvre, elles seront presque sans vie, comme l’artiste. Qu’est-ce que j’ai dit là ? Ca ne fait rien. Je m’en promets beaucoup de satisfaction, une certaine satisfaction. Je suis satisfait, voilà, je suis fait, on me rembourse, je n’ai plus besoin de rien. Laissez-moi dire tout d’abord que je ne pardonne à personne. Je souhaite à tous une vie atroce et ensuite les flammes et la glace des enfers et dans les exécrables générations à venir une mémoire honorée. Assez pour ce soir.»


(Beckett)




les enfers, l'enfer : hell, hellman, au fond, c'est ce pseudo qui nous donne une entrée dans le film : TLB, c'est un film sur l'enfer, un film sur des damnés; l'errance, comme damnation, comme malédiction;


revenir sur la vitesse : qu'est-ce qu'être pris dans la vitesse, comme un damné;











Where we goin'? I've never been east.
I met a gyspie girl and took her on the track
Mechanic don't walk
The driver don't talk
20 bucks between them just to keep them alive

Drivin'
Drivin'
Drivin'
Blacktop rollin'

Where we goin', goin' to Amarillo
A zero to a sixty, in a 7.5
A model and a bagel steels California
A glass of a beer, a shot of a rye

Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Blacktop rollin'

Come on baby, I ain't crazy
Come on baby, pick me up, pick me up!
Come on baby, do me baby
Come on baby, hook it up, hook it up!

Come on!
Come on!
Come on!
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Blacktop rollin'

Where ya goin', an airport road
A clean machine, a real home girl
Barracuda, '68
Nothing there, she can wait

Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Blacktop rollin'

Come on baby, I ain't crazy
Come on baby, pick me up, pick me up!
Come on baby, do me baby
Come on baby, hook it up, hook it up!

Come on!
Come on!
Come on!
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Come on!
Drivin'
Blacktop rollin'

Road to nowhere : les films de Monte Hellman  Images?q=tbn:ANd9GcQPVk9njP8rqXB380cYi6kL45L-zz2gxLABUB2hSi0-gNt146-iKQ

il a cette beauté très années 1970, ou alors, c'est la beauté des photos;



Road to nowhere : les films de Monte Hellman  Images?q=tbn:ANd9GcRnOeJPFrx6BdYJqkQXiL5EDBISiRQQEWBlkT_cd3AvneiqJlVi

j'aime le visage de WO;




Dernière édition par Borges le Mer 23 Fév 2011 - 13:26, édité 1 fois
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Message par Le_comte Mar 22 Fév 2011 - 20:10

As-tu vu "Road to nowhere", projeté après ?

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Message par careful Mar 22 Fév 2011 - 20:31

Salut Le comte,

Tu as vu des films intéressants pr cet Offscreen? Et ceux de Phil Mulloy ?
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Message par Le_comte Mar 22 Fév 2011 - 20:58

Non, je n'y ai pas été, mais j'ai approché de très près Hellman. Plutôt décevant le type quand même : impossible de lui tirer les verres du nez ! Tout ce que raconte Borges, hé bien il ne veut rien dire !

En gros, il m'a dit :

- Je ne réfléchis pas quand je fais un film, je raconte seulement des histoires

- Même réponse quand je lui demande quel est son rapport à la mort, au néant, à la liberté, à la philosophie, à la lutte à mort, au destin, sur sa conception de l'homme...

- Il dit tout faire inconsciemment, quand une idée lui tombe du ciel

Ça et plein d'autres trucs dingues. Maintenant, on pouvait s'attendre à ce type de réaction, comme c'est souvent le cas chez les "outsiders". Je n'espérais pas grand chose non plus hein : il garde ses obsessions pour lui, et c'est à nous d'en parler. Personnellement, j'aime bien Cockfighter, qu'il considère pourtant comme son plus mauvais film, il le renie même !

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Message par Rotor Mer 23 Fév 2011 - 10:18

Tu connais "Point Limite zero" ? (aka "Vanishing Point").
http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_limite_z%C3%A9ro
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http://pradoc.livejournal.com/

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Message par adeline Mer 23 Fév 2011 - 11:04

Lorsque je l'avais vu, Two-lane blacktop, il y a des éternités, la scène de la station service m'avait marquée. Sur cette chanson de Kris Kristofferson. Je m'étais imaginé que c'était James Taylor, mais en fait non, il ne chante pas du tout dans le film.



Une scène merveilleuse, du temps en suspens. Avant la course, avant le défi. Et la seule scène où The Driver dit plus de trois mots. Il raconte ce que font les cigales, des "freaky bugs", qui ne sortent de terre qu'une fois tous les sept ans pour se reproduire, elles arrivent juste à pondre avant de mourir. The Girl rétorque au Driver, on a une meilleure vie. Mais le plus important, c'est qu'elle finit la conversation par un "you bore me" sans appel.
Les insectes qui ne sortent de terre que pour mourir.



http://www.danaddington.com/denny/webb.html


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Message par Borges Mer 23 Fév 2011 - 11:06

Rotor a écrit:Tu connais "Point Limite zero" ? (aka "Vanishing Point").
http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_limite_z%C3%A9ro

oui, je connais; très bien même; un de mes grands souvenirs de ciné-enfant, et en dvd, plus tard...

sur le forum des Cahiers; on a eu une belle discussion autour, et avec VP, TLB, Tarantino, capitaine planète...


http://www.cahiersducinema.com/forum/viewtopic.php?p=33633 highlight=vanishing+point#33633

c'était vraiment une grande époque, une grand bande, une bande à part, le meilleur forum de cinéma d'expression française, il y avait JM, GM, SJ, BC... et moi dans cette bande, je brillais comme une super nova, et je marchais comme Brando au soleil...nostalgie, comme dirait Hölderlin ou Beckett, oui ce furent de grands jours pour la pensée du cinéma, l'amitié cinéphilque; des inconnus qui par amour des mêmes "objets" formaient un tout plus forts que ses parties constituantes, augmentant leur puissance, de voir, de penser, leur joie...devenant...





j'opposais alors la moto et la bagnole; notons que la fille, the girl, s'en va avec un con à moto à la presque fin du film de MH.


Notons, que j'étais très en avance sur Badiou, du moins publié :

j'écrivais :





Alors que dans le cinéma us, surtout ado, la bagnole est un lieu de partouze, ce n’est jamais le cas dans Tarantino, si je ne me trompe, c’est un espace de discussion.

et dans "cinéma", page 367, badiou écrit : "Chez Kiarostami la voiture devient un lieu de parole. Au lieu d'être une image de l'action comme la voiture des gangsters ou des policiers, elle devient le lieu clos de la parole sur le monde, elle devient le destin d'un sujet. "

dans MH : la bagnole devient un lieu de silence. Au lieu d'être une image d'action, elle devient le lieu clos du silence du monde; un destin sans sujet, une destination sans but; une destinerrance.

De GTO, MH, dit GTO c'est le temps; l'image du temps qui passe...




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Message par Borges Mer 23 Fév 2011 - 11:22

Oui, "freaky bugs"; notons que "bug", c'est aussi un terme d'info, comme on sait; les deux mecs sont traités de freaks par GTO... en un sens les personnages du film sont des "freaky bugs", des espèces d'anomalies du système...

cette discussion m'a fait, bien entendu, penser, comme tous les lecteurs de Platon, au passage sur les cigales dans le phèdre;



« On raconte que les cigales étaient des hommes avant la naissance des Muses. Quand les Muses naquirent et le chant avec elles, il y eut des hommes que leurs accents transportèrent de plaisir, à tel point que la passion de chanter leur fit oublier le boire et le manger, et ils passèrent de la vie à la mort sans même s'en apercevoir. De ces hommes naquirent les cigales ; et les Muses leur accordèrent le privilège de n'avoir besoin d'aucune nourriture ; mais dès le moment de leur naissance jusqu'à leur mort elles chantent sans manger ni boire ; et après cela elles vont annoncer aux Muses quel est celui des mortels qui rend hommage à chacune d'elles. Ainsi, en faisant connaître à Terpsichore ceux qui l'honorent dans les choeurs, elles rendent cette divinité encore plus propice à ses favoris. À Érato, elles redisent les noms de ceux qui cultivent la poésie érotique ; et aux autres Muses, elles font connaître ceux qui leur accordent l'espèce de culte qui convient aux attributs de chacune ; à Calliope la plus âgée et à Uranie la cadette, ceux qui s'étant adonnés à la philosophie, cultivent les arts qui leur sont consacrés. Ces deux Muses, qui président aux mouvements des corps célestes et aux discours des dieux et des hommes, sont aussi celles dont les chants sont les plus mélodieux. Voilà bien des raisons pour parler au lieu de dormir en plein midi. »





dans les bonus du film, en dvd, MH fait remarquer que le rôle du mécanicien et du driver sont tenus par deux musiciens, mais qu'ils ne chantent à aucun moment; contrairement à la fille, mais très faux...





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Message par Largo Mer 23 Fév 2011 - 11:36

J'étais à l'avant-première de Road to nowhere, il a présenté le film, en disant qu'il avait fait toute sa vie le même film et que celui-ci serait encore le même, mais un peu différent. Une bonne manière de parler pour ne rien dire, quoi.

Le film est assez déroutant. Ca part d'une structure classique du type "Nuit Américaine" : le film sur le tournage d'un film. Dans la première scène du film, on voit une main insérer dans un ordinateur un cd gravé sur lequel il est écrit "Road to nowhere" et au générique, le nom du réalisateur n'est pas Monte Hellman mais bien celui du personnage du réalisateur.

Les scènes sur le tournage alternent avec des scènes tirées du film réalisé, semant parfois le doute dans l'esprit du spectateur sur ce qu'il voit à l'écran.

[spoilers à partir d'ici (la fin et tout)]

On sait d'après le titre que tout ça ne mènera nulle part, mais ça paraît quand même assez bancal et mal fichu. Bancal, mais très classe (la photo est superbe) et intriguant en même temps. Deux des premiers plans du film font d'ailleurs leur petit effet. Le premier : plan large sur une maison, de nuit, éclairée de l'intérieur. Un personnage rentre à l'intérieur, le plan dure, et soudain un coup de feu. Le personnage ressort et prend sa voiture. Deuxième plan : une femme contemple un paysage avec beaucoup de verdure, un lac et un ciel gris. Toujours fixe, toujours long. Soudain : un avion traverse le cadre et s'écrase dans le lac. Chaque fois, un tableau lisse, la surface pure d'une vie tranquille, transpercée par un drame, la première fois à l'image, la deuxième au son, sans qu'on comprenne vraiment le lien entre les deux. Ce sont des scènes du film dans le film et on comprendra par la suite le pourquoi du comment.

Il y a pas mal de séquences qui ont un air de déjà-vu, sur les amourettes des tournages, les aléas du temps, des sous à trouver, etc. Et puis il y a aussi, forcément, la passion d'un réalisateur pour son actrice, etc. Mais la fin donne tout son sel au film, marquant l'irruption du drame le plus "cinématographique possible", le plus tragique dans le tournage directement. Et ça donne lieu à un usage amusant des appareils photo numérique (le film et "le film dans le film" sont tournés avec des appareils photo). L'actrice principale est assassinée, le réalisateur venge l'affront en tuant à son tour l'assaillant. Ne sachant que faire en attendant la police, il s'empare de l'appareil et filme la scène du double-crime, tournant peut-être ainsi la meilleure scène de son film. Pour faire du cinéma, du bon cinéma, il faut que quelque chose arrive, il faut l'amour, mais il manquait la violence. Et puis, comme il est dans un hôtel, quand les voitures de police arrivent, il braque par la fenêtre son objectif. De loin, les flics prennent ça pour une arme et lui demandent de la baisser, ce qu'il finit par faire. On peut se demander dans quelle mesure le réalisateur n'a pas senti le drame arriver et dans quelle mesure il l'a laissé se dérouler, suggérant par là, qu'avec son appareil il aurait, un peu, tué cette femme qui ne se considérait même pas comme une actrice avant le tournage. On peut penser au Portrait Ovale de Poe : pour peindre la vie, pour que le rose des joues soit authentique, il faut le prendre à son modèle : tuer la personne pour donner vie au personnage.

La dernière scène est la reprise de la première. On comprend, qu'on est en fait dans la cellule du réalisateur. Le type est forcément malheureux, mais on se dit, peut-être pas tant que ça : le film existe, il est sur le dvd qu'on lui montre. Et il a accroché une (belle) photo de son actrice-femme de sa vie sacrifiée. Pour que la belle inconnue devienne une star, une icône, un poster accroché sur les murs d'une cellule pour faire fantasmer un prisonnier, il lui fallait passer par une mort tragique. Et le diabolique Hellman de terminer son film sur un très lent zoom qui nous amène le nez sur le poster, jusqu'à ce qu'on distingue les petits pixels de l'image.
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Message par Invité Mer 23 Fév 2011 - 13:31

quand j'avais vu macadam 2v j'avais été frappé que taylor garde les mêmes fringues durant tout le film et surtout les mêmes chaussures pourries. c'est normal docteur ?

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Message par adeline Mer 23 Fév 2011 - 13:35

ah ah, moi aussi j'ai remarqué les chaussures de James Taylor Wink Des vraies chaussures en toiles hippie. Sous la pluie, et tout. Et le mécanicien a le jean complètement maculé de noir sur les fesses, là où il s'essuie les mains... Ça n'est rien, et en même temps, le film est un tout qui existe par ses détails. Une sorte de réalisme ténu...

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Message par Invité Mer 23 Fév 2011 - 15:25

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Message par adeline Mer 23 Fév 2011 - 19:29

La scène avec la grand-mère et sa petite-fille, prise en stop par GTO, m'a fortement fait penser aux nouvelles de Flannery O'Connor. On est souvent dans des voitures, dans ces nouvelles, et des auto-stoppeurs sont pris qui peuvent être le déclencheur du dénouement de la nouvelle. La mort, chez Flannery O'Connor, est toujours là. Il y a comme une sorte de parenté entre les deux univers. Même réalisme mais qui s'éloigne à des kilomètres de toute volonté de réalisme social, ou sociologique. C'est juste qu'il faut décrire le monde et les êtres tels qu'ils sont. Même économie dans le style. Ça s'arrête sans doute là, car chez Flannery O'Connor, il y a des histoires, des narrations certaines, des dénouement, ce n'est pas une "road to nowhere", d'autant qu'elle a une vision du monde claire et absolument catholique.

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Message par Borges Mar 1 Mar 2011 - 9:26

Road to nowhere : les films de Monte Hellman  Hppp_0806_02_zbehind_the_camera_two_lane_blacktop

quelqu'un sait-il quelque chose du bouquin de burdeau?
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Message par Invité Mer 2 Mar 2011 - 17:56

sort fin mars

Evil or Very Mad

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Message par Borges Lun 7 Mar 2011 - 14:28

Road to nowhere : les films de Monte Hellman  Images?q=tbn:ANd9GcSxKKBQIvsCcO790BOY2SMJCYYI5axsSIaD-0tJ23MCNPhmok8S


Il est bon que vous parliez des vêtements des gars, du sale état où ils sont. Ça me rappelle cette ligne ou ce vers du morceau de Kriss Kristofferson, Me and Bobby McGee, que The Girl met dans le lecteur cassettes de la GTO de GTO :

BUSTED FLAT IN BATON ROUGE,

HEADIN FOR THE TRAINS,

FEELIN NEARLY FADED AS MY JEANS,

cette chanson est essentielle, si on veut dire des choses sur le film, il me semble; aussi essentielle que ses origines : la Strada.


Faded : le mot résonne avec ceux du mécanicien dans ce café où nos quatre compagnons de route sont embêtés par un jeune type qui le prend pour des « hippies ».

« Hippie » : le mot ne nous dit plus rien, il a perdu toute force existentielle, esthétique et politique, comme on le voit dans le film de Lee, qui nous les présente comme de braves gosses que tout le monde adore, mêmes les flics.


« Non, nous ne sommes pas des hippies », croit ou feint de le rassurer The Mechanic :

"we’re just passing through".

« Nous ne faisons que passer ».


On croit que ça va finir en bagarre ; on se trompe, ça ne peut pas finir en bagarre. C’est comme une règle, rien ne semble jamais provoquer la moindre réaction, encore moins de réponse, chez nos personnages. Suffit de voir comment la fille monte dans la voiture des deux mecs ; c’est comme si elle n’existait. Être là, n’y être pas, c’est du pareil au même.

Personne ne commence rien ; rien ne s’achève.

En plus de Beckett, Monte Hellman cite le mythe de "Sisyphe" comme influence décisive ; tous ses films raconteraient la malédiction de Sisyphe ; des êtres damnés pris dans le retour du même ; un enfer. Un de ses films a pour titre "Back Door To Hell", ou quelque chose dans le genre.

« Nous ne faisons que passer » ; nous somme de passage, des passants, ni considérables, ni métaphysiques, ni célestes.

En un sens c’est ça un hippie : celui qui passe, celui qui, ne s’installant jamais, ne fondant rien, ni famille, ni ordre… annule par son seul passage la présence du lieu et de ceux qui l’habitent. Il arrive, passe, et s’en va. Ce mouvement n’est pas du tout celui du cow-boy solitaire sans nom ; en lui, aucune justice, aucune loi, ou force de loi ne passe. Le passage ne résout aucune tension, ne rétablit aucune situation ; il n’est pas dialectique ; ni le positif ni le négatif ne sont donnés.


Dans le film, il n’y a pas à proprement parler d’adversaires, d’ennemis, d’obstacles ; ni les flics, ni l’espace, pas même les pannes mécaniques, n’appartiennent à ces catégories.

Le « passing trought » : on doit distinguer ce mouvement de celui que chantent les Doors, dont on entend un morceau dans le film ; dans le « Break on Trough », il y a un autre côté, un "other side", ici, on ne passe pas de l’autre côté, même en un sens absolu, le mort ne passe nulle part. Il n’y a pas d’autre côté. Le mouvement de passage ne conduit à rien, il est le passage du rien au rien ; passage du rien.

Rien ne se passe, le rien se passe.

Le « passing trought » passe à travers tout. Il ne dit pas l’événement de la différence du monde, ou dans le monde, mais la chose la plus vide qui soit. L’insignifiance même. Une passivité universelle, qui n’est pas seulement celle des personnages, c’est la passivité du temps, de l’évanouissement de toutes choses. Les choses viennent en présence et s’en retirent, comme les cigales.


S’il concernait aussi la vérité, on pourrait comparer ce passage à celui qui anime l’aletheia chez Heidegger, venue et retrait hors du visible.

Le cinéma en un sens.


Les personnages de MH ne sont pas des hippies, mais quelque chose de plus dangereux et inquiétant, encore.

Le hippie affirme encore le refus du monde et des ses règles, la jouissance des corps, une éthique et une esthétique de la jouissance, de l’instant. Il est sur le mode de la sensation ; eux n’affirment rien, ne nient rien. Ils sont sans mystère, sans secret, sans nom. Rien ne sert de chercher à voir du symbolique, ou du métaphorique dans l’énigme de leur trajet, ni un sens derrière le silence du mécanicien et du driver, ou des bavardages de GTO ; rien à chercher non plus dans le nomadisme "sexuelle" de la fille.

Tout est image et mouvement, dit GTO.

L’image et l’espace, le récit et les personnages ne disent rien que le dehors vague et vide, l’indéfini d’existences annulées, absentes aux lieux et à elles-mêmes, où se continue sans cesse le travail désœuvré du néant et, comme le dit admirablement Maurice Blanchot, « l’'impuissance où tout retombe quand le possible s'atténue ».


Ce n’est pas le « On » de Heidegger, celui que les personnages fuient, ou dont ils ont été exclus, c’est plutôt le « On » de Blanchot. Le « On » de la fascination neutre, de la fascination du neutre ; ce qui explique peut-être la fascination que le film exercice sur quelques-uns.

Une fascination sans violence, sans intensité.

On est saisi, mais sans choc, presque sans affect. TLB ne s’impose pas par un effet de rupture ; on ne sent pas non plus le calme de la forme classique, l’autorité du chef d’œuvre.

Il existe des films plus audacieux, plus forts ; c'est évident, mais celui-ci se tient dans une solitude unique et sans héroïsme, à distance de tout, parce que la distance, plus encore que la vitesse, la route, le mouvement, est son thème, ce qui l’anime ; film sur la distance, entre les lieux, les êtres, les choses.

On n’entre pas dans le film, on ne peut pas y séjourner, on ne peut pas l’habiter, on ne peut entretenir avec lui qu’un rapport privé de tout rapport, de toute proximité, un peu à l’image des relations qui lient et mettent à distances les uns des autres, d’eux-mêmes et du monde, les personnages.

Le film n’affirme rien, en dehors de cette distance neutre, la distance du neutre ; une distance impersonnelle, informe, sans limites, indéfinie, qui règne partout.


Le silence du driver et du mechanic ne s’oppose pas au bavardage de GTO. Il est du même ordre. Quand GTO parle, ce n’est pas lui qui parle ; ce n’est pas un sujet libre qui s’affirme, mais une parole anonyme et imaginaire.

Personne ne parle, personne n’écoute, rien n’est dit.

Blanchot, loin de le condamner le "bavardage" comme le fait Heidegger, au nom d’une parole authentique, pleine, assumée par un sujet maître de lui-même, le rapproche de la dépossession de la parole littéraire : « Les gens parlent sans savoir ce qu'ils disent et comprennent ce qu'ils n'écoutent pas, les mots, dans leur emploi anonyme, ne sont plus que des fantômes, des absences de mots et font régner un silence qui est vraisemblablement le seul dans lequel l'homme puisse se reposer, tant qu'il vit. La parole a perdu tout caractère de langage, car elle ne parle plus, elle ne s'écoute plus, elle ne nomme plus, elle n'est qu'un vide et un profond silence, l’impossibilité de toute réalité. »


Le film accomplit son mouvement indéfini, comme les bavardages de GTO, sans lieu, sans destinataire, sans sujet, au double sens du mot, sans liberté qui le mette en mouvement, sans fond qui lui donne une assise et sur lequel on pourrait se reposer pour en parler ; un film sur rien, en route vers nulle part ; mouvement du néant qui néantit, du temps, un temps sans altérité, sans autre.

Il n’y a pas de rencontre dans le film, ni entre les quatre personnages, ni entre GTO et ceux qu’il prend en stop ; des solitudes entrent en rapport, sans se rapporter les unes aux autres.



Dernière édition par Borges le Mer 9 Mar 2011 - 9:44, édité 1 fois
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Message par Borges Lun 7 Mar 2011 - 14:53

Si le bavardage affirme le silence anonyme, il est aussi comme le silence, privation de l’autre. Quand je bavarde je ne parle à personne de particulier, je ne m’adresse à personne et je suis plus ou moins assuré que personne ne me m’écoute. Je monologue sans attention à l’autre ; tout est faux, imaginaire, illusion ; ce n’est pas moi qui parle, je ne suis pas écouté, je ne dis rien ; tout est neutralisé, hors du monde ; tout se fait sur le mode de la privation, ou, plus sûrement encore, sur le mode de la distance neutre ; bavardant, je suis à distance de moi, de l’autre, du monde, de ce qui est à dire. Il n’est même pas certain que GTO se tienne au bord d’une énigme ou que son bavardage voile son vide, son manque d’être, son absence absolue d’identité. À la fin, il raconte aux types qu’il prend en stop le récit de la course en se donnant le rôle du mécanicien et du driver. Ce qu’il faut dire, plus sûrement, sans doute, c’est que bavardant ou me taisant, je n’échange rien, ne donne rien ; je suis en-deçà, ou au-delà, je me tiens à distance, du partage du monde sur le mode de l’universalité de la parole commune. Dans la parole commune échangée, comme le dit Levinas, je suis dans l’élément de l’universel ; la singularité des choses, la mienne, celle de l’autre, à qui je me destine, à qui je m’adresse sont relevées. La communication est toujours partage du monde, monde mis en partage dans l’élément de l’universalité. « Le langage jette les bases d'une possession en commun. Le monde dans le discours, n'est plus ce qu'il est dans la séparation du chez moi où tout m'est donné, il est ce que je donne, le communicable, le pensé, l'universel ». En ce sens, à distance de tout, les personnages du film sont aussi sans générosité, sans écoute : « C’est ton problème », dit le driver à GTO, qui tente de lui raconter comment il est devenu l’errant qu’il est. On peut ne pas le condamner. Peut-être n’est-il pas dupe de cette parole vide, de ce récit sans référent, de cette parole sans objet ; intransitive ? GTO parle, mais ne communique rien aux autres, sinon le vide de mots sans intériorité, sans référent. Peut-être n’y peut-il rien ? Peut-être a-t-il ses propres problèmes ?

TLB : un monde sans monde, sans temps, sans autrui ; le monde de la distance neutre de l’indifférence.
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Message par adeline Mer 9 Mar 2011 - 17:16

Hello Borges !

tout ce que tu écris éclaire incroyablement TLBT. On est bien loin de ce que racontait le mec qui présentait le film lorsque je l'avais vu. Mais ce que tu décris du rien ne passe, rien ne se passe, est coupé à chaque fois dans le film par ce qui se passe durant les courses de voitures. Les vraies courses, pas le pari avec GTO, mais celles organisées. Là, il y a de l'intensité, un but, gagner les dollars pour continuer à rouler, battre d'autres voitures, montrer que son moteur est le plus fort, que ce qu'on sait faire on le fait mieux que les autres. C'est important je crois, ces différences d'intensité, aussi.

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Message par Invité Jeu 10 Mar 2011 - 15:44

Pour ma part TLB m'a toujours agacé par ses emprunts jamais revendiqués au Départ de Skolimowski alors que le cinéaste n'hésite pas à se revendiquer de Camus.
"The Cockfighter" est bien plus singulier et attachant mais Hellman n'assume justement pas ce film.
Et s'il n'y pas de communication entre les personnages c'est juste qu'il sont vraisemblablement trop stoned pour parler mais restent suffisament lucides et intégrés pour conduire une voiture voire en être le propriétaire.

Du reste le film est complètement en retard sur la réalité et le "Cannonball" Run qui s'est déroulée la même année:
http://www.allamericanracers.com/cannonball.html

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Message par adeline Jeu 10 Mar 2011 - 18:14

Hellman renie Cockfighter car des scènes ont été retournées par d'autres que lui (celles des combats de coq), et car il y a eu un remontage après le sien. Ce n'est pas vraiment un film d'Hellman.

A propos de ce que tu dis, on peut voir les deux fins ici :

http://youtubedoubler.com/?video1=mGSD_83zLrI&start1=240&video2=apw5rxYw6V8&start2=75&authorName=

merci à

http://365joursouvrables.blogspot.com/2010/05/jeunesse-brulee.html

Je ne sais pas si Hellman se revendique tant que ça de Camus, qui n'a pas la propriété absolue sur le mythe de Sysiphe, je crois, mais en fait, est-ce que tu es sûr que Hellman avait vu "Le Départ" quand il a tourné TLB ?

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Message par Invité Sam 12 Mar 2011 - 0:28

Je ne sais pas s'il a vu le Départ, mais c'est possible (4 ans les séparent). Ce n'est pas forcément un plagiat, la photographie, le rythme et la direction d'acteurs sont très différentes mais la fin des deux film est quand-même formellement très similaire, et finalement les personnages.

Confronter les deux films est embarrassant pour Hellman qui si je me souviens bien affirme dans les Bonus du DVD de Carlotta qu'il avait complètement inventé de façon "instinctive" l'emploi de la pellicule brûlée

Même Taylor ressemble à Léaud

https://www.youtube.com/watch?v=ANdYNGHvnlc

Loin de moi l'idée de suggérer que tout l'engouement pour Two Lanes Blacktop depuis 10ans est en fait sans le savoir dirigé vers une sous-produit US issu d'un cinéma européen que l'on a depuis oublié.
Si Hellman assumaient que les deux films (que nous nommerons "TLB" et "LD"") se répondent je serais moins agacé, ça diminuerait un peu le statut d'œuvre culte de "TLB" mais représenterait une assez belle idée.


"Cockfighter" est un film Roger Corman avec une photographie de Nestor Almendros, mélange intéressant quand-même.

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Message par Borges Mar 15 Mar 2011 - 18:14

Dire que ce film n’est pas de hellman, c’est aller très vite en besogne ; le projet lui a été présente par Corman ; le script ne lui plaisait pas trop, il veut le réécrire ; corman est ok, mais ça prend du temps et il décide d'arrêter la réécriture. Hellman dit n’avoir eu le temps que de réécrire le début, la scène de la rivière entre frank et mary, et la dernière très belle scène, d’adieu ou de promesse de retour, entre les deux.

Après avoir vu le film, corman n’est pas content, il ne le trouve pas assez violent, pas assez de sang, peut-être dans les combats de coqs; il fait retourner des scènes, qu’il ajoute au film de Hellman, et change même le titre en « born to kill » ; ce qui ne change rien à rien ; le film est un échec ; ce qui fait comprendre à corman comme il le dit dans son autobiographie pourquoi personne avant lui n’avait fait de film sur les combats de coqs, ça n’intéresse personne. Ce qui est vrai et faux.

Le film, s’il n’est pas de Hellman, pas tout à fait en tous les cas, trop énergique, et d’un comique trop vitaliste, a tout pour être un film de hellman ; les coqs et leur combats, c’est un peu le monde des bagnoles et de leurs courses ; dans les deux cas on a la description presque documentaire d’une obsession pour le jeux, le gambling, située dans une subculture, pour employer le terme de Hellman lui-même ; proche aussi de TLB, le monde rural, même si ici on entre plus avant dans les vies des ruraux.


Le film commence de manière très forte, avec la voix de Oates ; on se croirait dans une des histoires qu’il raconte à ses passagers au volant de sa GTO, dans TLB. La présence de fille qui jouait "the girl" appuie cette continuité, même s'ils ne restent pas longtemps ensemble.



La différence est pourtant essentiel, le bavard est devenu muet, après avoir fait un vœux ; sa trop grande gueule l’a empêché de remporter la médaille de « la southern conference cockfighter of the year « ; il se taira donc, jusqu’à ce qu’il la remporte ; il parle dans son sommeil, du moins c'est ce que raconte la fille au début, et surtout en voix off ;

le début est d’ailleurs remarquable, dans un train, on l’entend raconter ce qui l’a amené à ces combats :

“I learned to fly a plane... and I lost interest in it.Water skiin’... I lost interest in it. But, this is somethin’ you don’t conquer. Anything that can fight to the death and not utter a sound, well...”


Le combat, la lutte à mort , c’est ce que raconte le film, c’est l’élément qui manquait à TLB, il y avait la mort, il y avait la lutte, mais ils étaient séparés ; ici, aussi, ils sont séparés, mais pas de la même manière ; on est dans hegel, et en même temps à la fin de l’histoire ; les combats à mort se situent dans le monde animal, sans possibilité de relève d’ailleurs ; on voit ce qui sépare l’histoire humaine, de l’histoire animale ; les combats vont jusqu’au bout ; pas de quartier, pas d’abandon, pas de constitution d’une hiérarchie ; le coq vainqueur survit, les vaincus laissent des dépouilles qui s’entassent ; images fortes. Les coqs se battent sans dire un mot, c'est l'extrême du courage, mais c'est un courage abstrait, qui ne peut pas faire une histoire, qui ne peut pas faire histoire; l'histoire humaine, suppose que l'un des deux combattants parle d'une manière ou d'une autre, et dise "assez", "pitié", "merci"...beauté des combats, mais une beauté entièrement située dans l'imaginaire (cf lacan, lien de l'imaginaire au monde animal), la lutte à mort; on ne passe pas au symbolique; autour de ces combats, les hommes sont dans le rite, dans la codifications, dans le rituel... la discussion, la parole donnée, et tenue... ayant gagné sa médaille, Frank prononce ses premiers mots du film, en dehors de la voix off : "she loves me, Omar"...




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Message par Invité Jeu 14 Avr 2011 - 15:26

Largo a écrit:
J'étais à l'avant-première de Road to nowhere, il a présenté le film, en disant qu'il avait fait toute sa vie le même film et que celui-ci serait encore le même, mais un peu différent. Une bonne manière de parler pour ne rien dire, quoi.

Le film est assez déroutant. Ca part d'une structure classique du type "Nuit Américaine" : le film sur le tournage d'un film. Dans la première scène du film, on voit une main insérer dans un ordinateur un cd gravé sur lequel il est écrit "Road to nowhere" et au générique, le nom du réalisateur n'est pas Monte Hellman mais bien celui du personnage du réalisateur.

Les scènes sur le tournage alternent avec des scènes tirées du film réalisé, semant parfois le doute dans l'esprit du spectateur sur ce qu'il voit à l'écran.

[spoilers à partir d'ici (la fin et tout)]

On sait d'après le titre que tout ça ne mènera nulle part, mais ça paraît quand même assez bancal et mal fichu. Bancal, mais très classe (la photo est superbe) et intriguant en même temps. Deux des premiers plans du film font d'ailleurs leur petit effet. Le premier : plan large sur une maison, de nuit, éclairée de l'intérieur. Un personnage rentre à l'intérieur, le plan dure, et soudain un coup de feu. Le personnage ressort et prend sa voiture. Deuxième plan : une femme contemple un paysage avec beaucoup de verdure, un lac et un ciel gris. Toujours fixe, toujours long. Soudain : un avion traverse le cadre et s'écrase dans le lac. Chaque fois, un tableau lisse, la surface pure d'une vie tranquille, transpercée par un drame, la première fois à l'image, la deuxième au son, sans qu'on comprenne vraiment le lien entre les deux. Ce sont des scènes du film dans le film et on comprendra par la suite le pourquoi du comment.

Il y a pas mal de séquences qui ont un air de déjà-vu, sur les amourettes des tournages, les aléas du temps, des sous à trouver, etc. Et puis il y a aussi, forcément, la passion d'un réalisateur pour son actrice, etc. Mais la fin donne tout son sel au film, marquant l'irruption du drame le plus "cinématographique possible", le plus tragique dans le tournage directement. Et ça donne lieu à un usage amusant des appareils photo numérique (le film et "le film dans le film" sont tournés avec des appareils photo). L'actrice principale est assassinée, le réalisateur venge l'affront en tuant à son tour l'assaillant. Ne sachant que faire en attendant la police, il s'empare de l'appareil et filme la scène du double-crime, tournant peut-être ainsi la meilleure scène de son film. Pour faire du cinéma, du bon cinéma, il faut que quelque chose arrive, il faut l'amour, mais il manquait la violence. Et puis, comme il est dans un hôtel, quand les voitures de police arrivent, il braque par la fenêtre son objectif. De loin, les flics prennent ça pour une arme et lui demandent de la baisser, ce qu'il finit par faire. On peut se demander dans quelle mesure le réalisateur n'a pas senti le drame arriver et dans quelle mesure il l'a laissé se dérouler, suggérant par là, qu'avec son appareil il aurait, un peu, tué cette femme qui ne se considérait même pas comme une actrice avant le tournage. On peut penser au Portrait Ovale de Poe : pour peindre la vie, pour que le rose des joues soit authentique, il faut le prendre à son modèle : tuer la personne pour donner vie au personnage.

La dernière scène est la reprise de la première. On comprend, qu'on est en fait dans la cellule du réalisateur. Le type est forcément malheureux, mais on se dit, peut-être pas tant que ça : le film existe, il est sur le dvd qu'on lui montre. Et il a accroché une (belle) photo de son actrice-femme de sa vie sacrifiée. Pour que la belle inconnue devienne une star, une icône, un poster accroché sur les murs d'une cellule pour faire fantasmer un prisonnier, il lui fallait passer par une mort tragique. Et le diabolique Hellman de terminer son film sur un très lent zoom qui nous amène le nez sur le poster, jusqu'à ce qu'on distingue les petits pixels de l'image.

salut Largo,

j'ai vu le film hier et c'est marrant mais j'ai pas l'impression que c'était le même.
d'abord, il n'y a pas un film dans le film, il y en a quatre : un film (celui de Hellman) sur un film (celui sur l'ordinateur) sur un film (celui tourné par Haven) sur un film (celui que Haven voulait tourner) - grosso modo parce qu'à un moment, une première vision ne permet pas d'affiner plus.
il y a aussi que l'actrice qui joue Velma Duran est probablement Velma Duran elle-même sous sa nouvelle identité - à moins qu'il s'agisse d'une actyrice qui se fait passer pour Velma Duran se faisant passer pour une actrice jouant le rôle de Velma Duran.
donc je crois que la structure du film est un rien plus compliquée que ce que tu en écris, non ?

par ailleurs, tu ne dis rien sur la pléthore de "citations", un vrai délire de cinéphile compulsif et j'aimerais qu'on réussisse à en faire une recension parce que peut-être que tout le film est une enfilade de citations mises bout à bout, un énorme collage.
pêle-mèle, j'y ai vu du Lynch (Mulholland Drive pour la structure et esthétiquement dans le premier plan sur ordi, quand Velma se sèche les ongles), Cronenberg (eXistenZ pour la structure en matriochka), Godard (le dernier plan du Mépris), Richard Kelly (Donnie Darko, la scène de l'avion recommencée et le jeu sur la temporalité à plusieurs moments), plus les citations directes : le Fuller de House of Bamboo, le Bergman du 7° Sceau, Victor Erice (L'esprit de la ruche), Preston Sturges (The lady Eve).
et puis je vois deux autres références : la question du réalisateur Mitchell Haven (soit les initiales de MH) : "you ask me wether I print the truth or the legend" est bien sûr tirée de Liberty Valance (Ford) et je la crois au centre du film, et répondue par un minnellien "Life is a stage and the stage is a life of entertainment" - moins l'entertainment, bien sûr.

je pense que je reviendrai sur le film plus tard. vu trop récemment. et j'irai peut-être le revoir. mais j'ai hâte d'avoir vos avis sur tout ça. franchement, je trouve que le film vaut le visionnage.

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Message par Borges Ven 15 Avr 2011 - 11:30

où est le texte de erwan? j'ai rêvé?
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Message par Invité Ven 15 Avr 2011 - 11:45

un cauchemar, juste un cauchemar; c'était nul, j'ai suffoqué de honte, je l'ai retiré lol Wink

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