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Vénus noire (A. Kechiche)

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Message par Largo Mer 27 Oct 2010 - 23:10

Vénus noire (A. Kechiche) ID2345170_ven7_011XMD_0.JPG

Je vais pas développer à cette heure, mais juste pour dire que j'avais un peu peur, vue la BA et les premiers échos critiques, bah ça s'est confirmé, c'est même pire que ce que je pensais.

On jurerait un film de Bouchareb, c'est dire...

Je suis très triste pour Kéchiche, ce soir. D'autant plus que ce film est une aubaine pour ses contempteurs qui vont s'en servir pour dézinguer ses autres films.

C'est Renzi qui avait ouvert le bal à Venise :

« Vénus noire » de Kechiche : le spectacle de l'humanité avariée
Par Eugenio Renzi | Independencia.fr | 27/10/2010 | 16H55


A l'occasion de la sortie en salles, ce mercredi, du film « Vénus noire » d'Abdellatif Kechiche, nous rediffusons l'article écrit en septembre 2010 par notre partenaire Independencia.fr lors de la présentation du film à la Mostra de Venise. Pas vraiment dans le consensus… (De nos archives)

(De Venise) Chaque spectacle a son type d'applaudissement. Vendredi, Manoel de Oliveira, qui a un court-métrage dans la section Orizzonti, a été accueilli par une double ovation : d'abord quand il est entré dans la sala Perla, ensuite lorsque [le directeur artistique de la Mostra] Marco Müller l'a présenté.

C'est d'ailleurs un enthousiasme qui n'est nullement lié au film. En effet, la fin de « Painéis de Sao Vicente de Fora, Visao Poética » (un film extraordinaire, sur lequel je reviendrai) a été salué par des applaudissements polis. Probablement Manoel aurait-il préféré l'inverse.

Toujours dans la catégorie applaudissements avant le film, il y aussi celui, en général bref, qui salue l'apparition du nom du réalisateur ou d'un acteur. Ça a été le cas pour le film de Vincent Gallo -un mélange entre hommage à l'artiste et impatience de voir le film.

Il y a un troisième mouvement. Il y a trois ans, ayant raté la projection presse de « La Graine et le mulet », j'ai assisté à la projection publique dans la Sala Grande. Applaudissements polis à l'arrivée d'Abdellatif Kechiche, alors peu connu en Italie -« L'Esquive » avait été distribué de façon très confidentielle, doublé (sic), et affublé du titre : « La Schivata » (qui ne veut rien dire). Pourtant, une longue ovation a retenti à la fin de l'interminable séquence de danse du ventre. Un vrai triomphe.

Quel regard portons-nous sur le spectacle ? Vide ? Plein ? Bienveillant ? Malveillant ? Le thème de « Vénus noire » [le nouveau film d'Abdellatif Kechiche inspiré de l'histoire vraie de la « Vénus hottentote », cette Sud-Africaine exhibée dans les salons européens au début du XIXe siècle, ndlr] c'est exactement cela.
Une galerie de spectacle

Le film est une galerie de spectacles. Eternel retour de l'identique : spectacle de la science dans l'amphithéâtre d'une université au moment de la Restauration ; spectacle de cirque dans un petit théâtre londonien où un Afrikaner exhibe une femme callipyge, la Vénus noire. Spectacle de la même Vénus noire, cette fois dans la bonne société londonienne, puis parisienne.

Dans chacun de ces théâtres, socialement très différents, la caméra de Kechiche se meut de façon identique. Ses séquences, mais ce n'est pas nouveau, sont étirées jusqu'aux limites du supportable.

Alors que ses cadrages s'entassent rapidement, soulignant tantôt les expressions de désarroi, de souffrance de la Vénus Noire, tantôt les visages soit surpris, soit hilares des regardeurs. Le jeu qui alterne scène de spectacle et d'appartement n'est pas exactement un champ contre-champ. (Voir la bande-annonce)


Volontairement confus et bavard, le découpage de Kechiche cherche bien plus à malmener l'axe central, l'avant-scène, sur lequel se croisent et s'opposent les regards du public et des acteurs ; et, dans le même temps, de suggérer la sensation qu'il n'existe qu'un seul champ, plat, qui, comme les vitrines d'un musée d'histoire naturelle, accueille et range les différentes espèces.

Que les choses soient claires : chez Kechiche, les spectateurs ont toujours les yeux rivés sur la scène. Dans le champ opposé, les acteurs ont toujours les yeux rivés sur la salle. Mais que voient ces yeux ?

Un exemple. Gros plan sur un spectateur. Contre-champ : détails, en gros plan ou en très gros plan, sur la Vénus. Le contre-champ est trop serré pour représenter la subjectivité du champ. Ou encore, l'œil du film ne se confond, ni ne représente jamais celui du public ou des artistes. Tous ces champs appartiennent à un observateur extérieur à la scène : le cinéaste. Le seul à voir ce qu'il faut voir, c'est lui et vous avec lui.
Une humanité avariée

Que voit Kechiche, que voyez-vous ? Des choses laides, mes amis. Une humanité avariée. Sale, grossière, édentée (le sous-prolétariat londonien) ou alors lascive et sophistiquée (les salons de la Restauration) enfin rigide, ampoulée, parvenu (les savants). Et malgré cette diversité, ces différentes couleurs, c'est une humanité privée de différences morales. Son regard, observez bien, est toujours le même.

Et le vôtre ? « Vénus noire » est le film le plus radical et le plus théorique de Kechiche. Cette danse du ventre vers laquelle tout le film précédent tendait est ici isolée, atomisée, et répétée pendant trois heures.

Et vous vous souviendrez que là aussi, le public n'était pas des plus sympathiques. Pas même enveloppée par quelque cape obscure, mais au contraire illuminée, l'avant scène était une dissection sans pitié : rires grossiers, faces décomposées, ventres et regards affamés de notables de province. Et sur scène une jeune fille, pas moins souffrante que notre Venus, à agiter un ventre gonflé.

Vous regardez une humanité qui n'est pas très différente. Toute aussi prompte à toucher, sectionner, mesurer le corps de la Vénus callipyge. Kechiche réitère du début à la fin la même impatience positiviste. En commençant par un discours scientifique. Dessins, mesures, preuves…

En appuyant la thèse que la Callipyge est une être plus proche du singe que de l'homme. Un bocal en verre contenant ses parties génitales circule dans l'amphithéâtre. Les auditeurs se le font passer et le regardent avec attention. Le film aurait pu s'arrêter là. A partir de cet instant et ensuite, il n'arrivera rien d'autre que la réitération de ce que j'ai déjà décrit.

Sinon la mise en scène de cette curiosité morbide pour la dissection, le détail et la mesure du corps, à travers une Europe cassée, jusqu'à retourner dans cette salle.

Celui qui a vu le film dira maintenant : et l'artiste ? Bien sûr il y a un artiste. Le seul qui regarde Vénus avec respect et intérêt. Le seul à ne pas lui ôter trop rapidement sa culotte. Le seul qui l'a peint dans son entièreté. Dans une scène, deux actions opposées se confrontent au travers d'un montage parallèle.

Alors que le corps médical dissèque la Vénus et qu'ils arrivent à leurs conclusions scientifiques, l'artiste reconstruit son corps, grâce au crayon, puis au pinceau qui le colore amoureusement.
Le moment-clé est raté

La première chose qui saute aux yeux, c'est que la séquence en question qui aurait pu être très belle, est totalement ratée. A cause d'un cinéma qui ne connaît ni le montage, ni l'ellipse, le moment-clé est résolu de façon étrangement rapide et gâchée.

La seconde observation que l'on pourrait faire, plus importante, c'est que par rapport à ces deux mondes qui agissent en parallèle, l'un reconstruisant, l'autre disséquant, Kechiche se place nettement dans le camp de la science et de ses doctes disséqueurs.

L'affiche de "Vénus noire" d'Abdellatif KechicheA aucun endroit du film (et on pourrait le dire pour l'ensemble des films de Kechiche) vous ne trouverez une scène qui réponde, qui incarne le prototype respectueux et créatif de l'artiste ; au contraire, chacun des plans du film est l'émanation directe du discours des doctes : nous devons mesurer la tête, le nez, la mâchoire.

Ces trois longues heures n'ont alors pas été vaines, si nous avons compris ce qui dans ses films précédents était uniquement déductible. Avec la « Vénus Noire », les cartes sont sur table. Qui ne veut pas les voir est soit menteur, soit aveugle.

Dans le générique de fin, une surprise. Des images télévisuelles montrent le retour du corps de la Callipyge à Cape Town, fêté à coup de danses africaines. Ce bonus démonstratif était absolument gratuit d'un point de vue narratif. L'épilogue contemporain de l'aventure avait déjà été raconté par de sobres didascalies. Mais il fallait les images. Il fallait encore des ventres et des pennacchi. Cette fois vrai. Il est difficile de dire si Kechiche se rend compte qu'à partir du moment où il rend une image aussi terne du monde, il se place à la tête de l'humanité qu'il décrit.
Un film où chaque regard est raciste

De ce que j'ai lu, il croit avoir fait un film sur le racisme, sur le fait que chaque enfant à un regard. Moi je n'ai vu qu'un film où chaque regard est raciste. Et ça ne me semble pas la même chose.

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans la Sala Grande. A la projection presse, le film a été accueilli de façon glaciale. Peut-être les spectateurs ont-ils été gelés par l'émotion. Qui peut le dire ? Parmi les journalistes, j'ai recueilli ces dernières heures des avis très opposés. Parions qu'un peu par devoir et, comme avec le « Carlos » d'Assayas, on ne lira bientôt que des commentaires admiratifs. Les seuls à avoir osé mettre un bémol (bien que vague et ambigu) ont reçu un texto de mise en garde de la part des attachés de presse.

Traduction : Valentina Novati

► Article initialement publié le 11/09/10

► Correction le 12/9/2010 à 23h30. Modification du dernier paragraphe par l'auteur.

http://www.rue89.com/cineindependencia/2010/09/11/venus-noire-dabdellatif-kechiche-le-spectacle-de-lhumanite-avariee-1661
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Message par Borges Jeu 28 Oct 2010 - 9:29

je me rigole;
Un film où chaque regard est raciste
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Message par Invité Jeu 28 Oct 2010 - 10:09

Borges a écrit:je me rigole;
Un film où chaque regard est raciste

On dit "je me rigole dessus" !

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Message par Eyquem Mar 2 Nov 2010 - 23:51

Un autre film sur le cul et le cerveau. Mais c'est autre chose que le Fincher.


Ce film m'a lessivé, détruit, démoli.
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Message par Largo Mer 3 Nov 2010 - 7:14


Ce film m'a lessivé, détruit, démoli.

Pareil, dommage qu'il n'y ait pas grand chose à construire sur les ruines fumantes qu'il laisse sur son passage...
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Message par Eyquem Mer 3 Nov 2010 - 11:33

Salut Largo,

Je ne sais pas quoi penser de ce film pour le moment, qui m'a pris totalement au dépourvu. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre : je ne connaissais pas le détail de l"histoire de Saartjie, je n'avais pas regardé la bande-annonce, je n'avais lu aucune critique. La seule chose que je craignais en y allant, ce à quoi je m'attendais sur un tel sujet, c'était seulement un regard rétrospectif, qui juge cette histoire vieille de deux siècles depuis aujourd'hui, qui introduise une distance historique à l'intérieur de chaque scène pour nous donner en spectacle la monstruosité de ces gens de 1815. C'est ça que je craignais : un film qui donne en spectacle les spectacles de Saartjie, qui fasse du spectacle un spectacle, pour laisser au spectateur une bonne longueur d'avance, où il aurait tout loisir de s'indigner confortablement d'un spectacle donné dans la distance de deux siècles.
Mais c'est pas du tout comme ça que le film fonctionne finalement. Il n'y aucune distance. En dépit des costumes, des décors, j'ai perdu très vite de vue l'idée que ça se passait il y a deux siècles. Ca se passait maintenant, sous mes yeux (et les images finales de l'Assemblée confirmaient cette proximité). Et comme spectateur, je n'aurais pas pu dire où je me situais, parce que j'étais successivement, d'un plan à l'autre, et sans relâche, sur 2h40, du côté de celle qui est donnée en spectacle, du côté de ceux qui la regardent, puis du côté de ceux qui regardent tout ça de loin, depuis la salle de cinéma, puis de nouveau du côté de celle qui est regardée, touchée, et du côté de ceux qui la regardent et la touchent. Il n'y avait tout simplement aucune possibilité d'être en paix, de regarder ça tranquillement, depuis son fauteuil, à deux siècles de distance, et à bonne distance de l'écran. Sans arrêt, il fallait voir et toucher, être vu et être touché ; c'était impossible de jouir tranquillement du spectacle, ou de maintenir, à deux siècles de distance, cette rectitude morale qui m'aurait permis de juger confortablement le "spectacle de monstres" que je voyais. Sans arrêt, il fallait redescendre dans l'arène, au milieu des regards qui découpent, des mains qui touchent, des mots et des paroles qui nomment, coupent, tranchent en morceaux ce corps ausculté sous toutes ses coutures.
Quand je dis que je suis sorti de l'arène exténué, épuisé, essoré, c'est pas une figure de style. Pardon de donner ce genre de détails : sur ce forum, on aime les idées ; mais pour certains films, les images vont pas directement des yeux au cerveau, elles passent par tout le corps. Les dernières séquences m'ont achevé ; c'était trop, physiquement j'en pouvais plus. On a regagné le métro comme des zombies, complètement sonnés ; moi, c'est bien simple, je ne pouvais pas dire un mot sinon je me serais remis à chialer ; et c'était pas des larmes de tristesse ou d'émotion comme quand on sort d'un mélo ; c'était d'épuisement, comme si j'accusais le coup, ou comme si je remontais de deux heures en apnée, suffoqué. (La dernière fois que j'avais ressenti ça, c'était devant La Blessure : j'avais dû arrêter le DVD au bout d'une demi-heure : pareil, impression d'asphyxier si je pleurais pas un bon coup).
Evidemment, ça prouve rien. C'est juste pour préciser d'où je pars pour parler de ce film.
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Message par adeline Mer 3 Nov 2010 - 12:55

Je comprends tout ce que tu décris. J'ai eu la même réaction en regardant Païsa, de Rossellini, j'ai dû arrêter, car je ne supportais pas physiquement, quelque chose aurait dû sortir de ma poitrine qui me rendait le film insupportable. J'aime bien entendre ça à propos du Kechiche, auquel, comme à Hors-la-loi un sort a été vraiment fait.

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Message par Largo Mer 3 Nov 2010 - 13:23

Oui, c'est flagrant dans les retours critiques ou de proches qui ont vu le film : le film vécu comme une épreuve de résistance physique. Expérience de spectateur quasi-masochiste. Pour la première fois depuis longtemps, je voulais quitter la salle avant la fin.

Sensation d'écœurement, de nausée, on est débordé à la fois par l'agressivité des sentiments et l'ampleur du dégoût que les images suscitent. La dernière fois que j'avais éprouvé ça, je pense que c'était Hunger.

Souvent pour ce genre de films "à sujet", sous-tendus par des revendications politiques/historiques, on parle de lourdeur de la démonstration. La Vénus Noire, c'est lourd et pesant, littéralement et symboliquement, ça c'est évident. Pour la démonstration en revanche... Maintenant que je repense le film, à froid, je me dis que ce qui me gêne le plus c'est que c'est même pas de la démonstration, terme qui suppose une progression du discours, l'articulation d'arguments etc. Là, il faudrait plutôt parler de "monstration", terme très moche et très juste qui propose la fusion de "monstre" et de "montrer". Montrer le "monstre", c'est le seul programme du film.

On voit beaucoup dans la bande-annonce la scène chez les libertins français je crois où elle danse en tournant en rond, encerclée par le public. Pour une fois, c'est pas de la publicité mensongère. Le film tourne en rond, furieusement, comme une toupie, titube puis s'affaisse en revenant à son point de départ dans la dernière scène (le moulage du corps dans l'amphi). Le film raconte l'histoire d'une réification, il part du moulage pour arriver au moulage, son histoire est l'histoire de cette fabrication. On a l'impression que Kéchiche craint d'en reste là, au symbole, alors il hyper-incarne son personnage, son corps, comme le personnage de Gourmet qui propose de la toucher pour montrer qu'elle est "vraie", qu'elle a existé. Est-il victime de l'illusion du cinéma : recréer ce qui n'existe plus en se persuadant qu'on peut ranimer les morts ?

"Quand les hommes meurent, ils vont au cimetière, quand les sculptures meurent, elles vont au musée. Cette botanique de la mort, c'est ce qu'on appelle la culture." (Les sculptures meurent aussi, de mémoire)

Et La Vénus ? C'est à la fois une femme et une sculpture, un symbole et un personnage. Alors qu'en faire ? Et bin, mettons-là au cinéma...

Dans ce que j'ai pu lire sur le film, on dit beaucoup "un film éprouvant mais nécessaire" grosso modo. Ce serait dans la répétition d'une même scène, d'une même représentation spectaculaire, qu'on donnerait à sentir dans sa chaire, le calvaire de la pauvre femme. Ca me fait penser aux professeurs rigides qui rabâchent la même règle de grammaire ou la même date, jusqu'à ce que "ça rentre dans la tête" des élèves abrutis. Sébastien, tu me dis si je me trompe, mais un élève qui comprend pas quelque chose, si on explique dix fois de la même manière, il comprend pas mieux.

Je me demande quel réalisateur tient une idée de scène si riche et si passionnante qu'il s'estime en droit de la décliner sur 2h40. Parce que c'est vrai, soyons justes, il y a des variations. Je me demande quand même au nom de quoi, en tant que spectateur, on me fait subir dix fois le même schéma. Si c'est pour nous dire que la colonisation, le racialisme scientifique c'est mal, que c'est notre histoire et qu'il faut se repentir de l'inhumanité de nos ancêtres ? Evidemment pas la peine. J'espère pour Kéchiche que c'est un peu moins bas de plafond que ça. Le problème, c'est que les images documentaires insérées dans le générique (rapatriements des restes de la Vénus dans son pays d'origine) offrent comme première piste, ce sous-texte pédagogique ridicule. Tu parlais tout à l'heure du point de vue, de la place du spectateur : tantôt avec la Vénus, tantôt avec les spectateurs... On peut poser la question autrement : dans ce dispositif où se situe Kéchiche ? Au-dessus ?

L'autre problème pour moi, c'est que l'expérience douloureuse de la projection appelle cette conception du cinéma melgibsonnienne comme un étrange exercice d'auto-flagellation... Croyance religieuse dans le cinéma qui ne devrait filmer que des martyrs édifiants. "Mange, ceci est mon corps", c'était le titre d'un autre film lourdement symbolique sur les rapports entre les noirs et les blancs, la colonisation etc :



Michelange Quay, cinéaste haïtien, encore un type pour qui le corps, noir comme blanc, dans toute ses imperfections mais aussi ses beautés, ne vaut pas pour lui même, il vaut toujours en tant que symbole de quelque chose. Il a vocation à incarner l'idée qu'il s'agit d'illustrer. Je pense aux prêtres qui distribuent les hosties et leur litanie : "le corps du Christ...le corps du christ...le corps du Christ...". Quelle angoisse.

Il y avait un critique, dans Télérama je crois, qui disait à la sortie de La Passion de MG quelque chose comme "gageons que si Gibson avait pu faire gicler le sang sur les spectateurs des premiers rangs, il l'aurait fait". Je me demande : si Kechiche avait pu nous faire toucher la chaire molle de la Vénus, l'aurait-il fait ? A défaut de mieux, il nous la filme sous toutes les coutures, en gros plan...

Il faudrait que je revoie les scènes concernées, mais on pourrait refaire la filmographie de Kéchiche sous l'angle du spectacle, de la représentation. Dans La faute à Voltaire, j'ai un souvenir très vague du film, mais il y avait je crois, déjà, une ou deux scènes festives plus ou moins improvisée dans un bar ou dehors. On dansait, pour soi, avec ses amis, pour le simple et nécessaire plaisir d'oublier ses tracas. Encore une fois, on dansait pour lâcher prise, se défouler, rire, se sentir un peu plus léger.
Dans L'Esquive, on en avait pas mal parlé, on ne danse pas, mais on joue, devant ses proches, sa famille. On se grime, on imite le bourgeois pour sortir de sa condition sociale, de sa langue, pour se prouver qu'on peut s'investir et manier l'ironie dans le champ "bourgeois" du théâtre et des classiques. Déjà, on sentait affleurer dans le discours rance de la prof, la condamnation et l'échec annoncé de cette tentative d'esquive, d'émancipation, de révolte. Mais le mouvement de l'héroïne était là.

Idem dans La Graine et le mulet : échec annoncé de la tentative de sortir de son milieu, de sa condition d'immigré et d'enfant d'immigré, mais encore, la révolte, l'insoumission qui agitait jusqu'à la transe le corps de la jeune fille. Elle danse, et s'offre au regard "des blancs", mais au fond, elle danse pour ses proches, pour défendre son désir ; elle s'avilit d'une certaine manière, mais c'est en dernier recours, dans un don de soi quelque peu désespéré, par amour pour le vieil homme et son rêve de grande arche de Noé pour toute sa famille.
Le fatalisme se fait plus prégnant, plus lourd, et le trait de la caricature plus épais quand il filme la bureaucratie et les petits commerçants blancs engoncés dans leur costard cheap et leur médiocrité, mais assis confortablement sur leurs quelques privilèges. Sauf qu'encore une fois, le mouvement de la danse est tout entier guidé par la croyance en une fin, un happy end qu'on lui refuse, et que le film lui refusera.

Dans La Vénus Noire, cette danse, ce don de soi, n'est plus le signe d'une révolte désespérée, mais plutôt celui d'une soumission à l'ordre dominant (raciste, mercantile etc). Le trait de la caricature n'est plus épais, il bave, il dégouline de laideur. Et la révolte, quand elle survient, consiste à ne pas montrer, à ne plus s'exposer. Il faudrait aussi parler du mutisme du personnage qui n'offre jamais rien d'autre qu'une résistance muette. Du moins en coulisse. La seule "belle scène" du film, qui fait l'effet d'un baume sur une plaie à vif, c'est celle où elle se met à chanter en jouant de son instrument, alors qu'elle est censé le faire couiner maladroitement pour que le public rie, se moque. Stupeur dans la foule vulgaire, qui se fige et écoute, émue, cette langue étrangère si agréable à leurs oreilles. C'est une scène de cet ordre qui pourrait sauver le film si ce n'était pas une goutte d'eau. J'y repense, et en fait, il y en a une autre, celle où la Vénus joue avec un violoniste, ils se répondent. C'est dans ces moments fugace d'échange, au-delà de l'altérité radicale du corps, au delà du langage, que le film trouve une certaine grâce, un allègement. Mais dans la construction globale, ces scènes nous donnent l'impression que Kéchiche nous sort la tête de l'eau, pour nous la replonger aussitôt.

PS : pourquoi La Vénus noire et pas La Vénus Hottentote ? Pure simplification marketing ? J'ai pas l'impression...


Dernière édition par Largo le Mer 3 Nov 2010 - 23:02, édité 1 fois
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Message par Eyquem Mer 3 Nov 2010 - 16:43

Quand on va au Louvre, dans un musée, on voit ce genre de petits panneaux partout :
Vénus noire (A. Kechiche) N78410831797_6756
Ne pas toucher les oeuvres.

Evidemment, il ne faut pas toucher les oeuvres : ça les abîme, ça les dégrade.
Mais surtout, ces petits panneaux nous rappellent quels spectateurs impurs nous sommes, incapables bien souvent de porter un jugement désintéressé sur l’œuvre d’art, de dissocier l’œuvre de sa représentation, ou encore, de rester à distance de ce qui se donne à voir dans l’œuvre et qui ne se donne que dans ce retrait, à condition de voir seulement, et de ne pas chercher à toucher.

Qu’est-ce qui se donne à voir dans les spectacles de Saartjie ? Assurément quelque chose d’important, quelque chose d’essentiel, puisqu’ils excitent la curiosité, l’intérêt de tous, gens du peuple et du grand monde, savants, artistes, hommes, femmes, enfants, tous viennent voir et veulent toucher la Vénus, tous veulent assister au spectacle et en tirer quelque chose d’essentiel. Mais quoi ? Qu’est-ce qu’elle a de si important la Vénus, pour être l’objet du désir de tous, désir de voir, désir de savoir ?

Elle a pour elle deux déterminations qui sont vues, par tous, comme essentielles : c’est une femme ; et elle est noire. C’est-à-dire qu’elle renferme en elle comme deux mystères : le mystère de la vie, de la naissance, mais aussi la question des origines de l’homme, de la civilisation. Tout ça est dit d’entrée dans l’amphithéâtre de Cuvier : la Vénus est la porte qui ouvre à ces mystères, aux mystères des origines. D’un côté, on exhibe des planches médicales de sexes féminins, des « Origine du monde » d’amphis médicaux ; de l’autre, un crâne de momie, pour mesurer ce qui rapproche telles tribus de telles espèces de singes, ou ce qui sépare telles tribus des premiers hominiens à l’origine de la civilisation égyptienne, d’où découlerait la « race européenne ».

Comment les appeler, ces mystères ? « Mystère » a un sens trop religieux. Ce qui est en jeu, c’est un désir de vérité, un désir d’atteindre aux fondements, aux origines, à l’essence des choses.

Ce qui rend le film presque insupportable, à mon sens, c’est la collusion d’un désir de vérité et d’un désir de spectacle ; d’un désir de voir, de jouir du spectacle, des apparences, de l’exubérance foraine, et d’un désir de toucher, de connaître, de saisir ce qu’il y a de vrai et d’authentique, d’essentiel, dans ce spectacle.

Tout du long, Saartjie tient cette position impossible, intenable, à la rencontre de l’art et de la science : elle s’exhibe comme une œuvre d’art, elle fait de son corps un spectacle, et par là, requiert du spectateur qu’il se tienne à distance pour jouir du spectacle. Mais de l’autre, ce qui est à l’œuvre dans ce spectacle même, ce serait la vérité des origines, qui fait l’objet d’un intérêt scientifique, rationnel, et qui réclame qu’on s’en approche, qu’on le cerne, qu’on le touche, qu’on lui fasse dire ce qu’il a à dire, qu’on le force à sortir de sa réserve, à dévoiler ce mystère des origines qu’il recouvre sur scène du voile du spectacle.

C’est là ce qui fait débat tout au long du film : Saartjié est une œuvre qu’on peut toucher ; elle est à la fois spectacle forain et objet de science, attraction foraine et médicale ; un corps dont on veut jouir de l’image, des apparences, dans la distance d’un spectacle exotique ; et en même temps, un corps qu’on veut toucher, mesurer, dépecer, pour le connaître en surface et en profondeur, pour forcer le secret qu’il dévoile en dansant sur scène.

En principe, une œuvre, ça se regarde, ça ne se touche pas. Un spectacle, ça se contemple dans la distance. Mais le clou du spectacle forain, c’est justement le franchissement de cette limite : on veut toucher les fesses de la Vénus, pour vérifier que ce sont de vraies fesses, et pas un coussin rembourré. On veut toucher ses cheveux, ses seins, pour s’assurer que ce qu’on a vu n’est pas faux, inventé. Touchant le corps de cette femme, on croit toucher seulement ce qui est chose dans l'oeuvre qu'on a vue ; et touchant ce qui est chose dans l'oeuvre, on croit ainsi mettre la main sur le mystère que ce corps donne à voir.

Toucher la vérité du doigt, c’est aussi ce qui obsède les savants : vérifier que la Vénus est bien une « authentique » Hottentote, et pour ça, la mettre nue, la mesurer, la découper, pour pouvoir l’exhiber dans un amphithéâtre comme un nouveau spectacle, où l’on pourrait voir cette fois la vérité nue, entièrement dévoilée, dépouillée jusqu’à l’os.

Et c’est ça, que j’ai trouvé si violent dans ce film : ce désir de toucher la vérité du doigt, de débusquer, de traquer jusque dans les replis les plus intimes, les plus secrets de ce corps, l’essence de ce qu’il est, le corps d’une femme noire qui recèlerait la vérité de toute origine, vérité que tous désirent, comme si ce qu'était cette femme, elle l’était par essence, et que l’essence de cette femme était quelque chose qu’on pouvait arracher à son corps comme une livre de chair.

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Message par Borges Mer 3 Nov 2010 - 17:23


-personne ne parle de "elephant man" et du texte de daney, dont nous avions parlé à propos du film africain du sud, daney aussi distinguait ces différents types de regards, le forain, le médical, l'artistique.

-pour tout ça, voir, disséquer, spectacle... oeil du savant, oeil souverain; je ne peux que renvoyer, comme on dit, au bouquin de derrida, "la bête et le souverain"


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Message par adeline Mer 3 Nov 2010 - 18:02

Ah si, ma mère en parle Wink Je lui proposais d'aller voir La Vénus noire, elle me répond : "Oh non, je n'ai pas envie de voir un film comme Elephant man, vraiment pas du tout"...

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Message par Borges Mer 3 Nov 2010 - 18:55

au-delà de l'altérité radicale du corps

hello

Elle a six pieds, trois têtes, huit bras...? et même dans ce cas, il y aurait pas d'altérité radicale du corps; laisse tomber ce genre d'expression, et d'autres du même genre... ça ne sert à rien, et ça empêche de penser...ou alors à la manière du "point", "figaro", ou des trucs du même genre...


pas encore vu le film


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Message par Borges Mer 3 Nov 2010 - 19:05

La seule "belle scène" du film, qui fait l'effet d'un baume sur une plaie à vif, c'est celle où elle se met à chanter en jouant de son instrument, alors qu'elle est censé le faire couiner maladroitement pour que le public rie, se moque. Stupeur dans la foule vulgaire, qui se fige et écoute, émue, cette langue étrangère si agréable à leurs oreilles. C'est une scène de cet ordre qui pourrait sauver le film si ce n'était pas une goutte d'eau.

ça fait penser à la scène finale, ou presque des "sentiers de la gloire", où la musique, la chanson, humanise aux yeux des soldats français la fille allemande exhibée comme objet sexuel; tous se mettent à chanter, dans une langue qui n'est la langue de personne; la langue d'avant les partages, la langue de la compassion, de la nature, comme dirait rousseau;

( le soldat qui refuse d'obéir à l'officier dingue qui veut tirer sur ses propres hommes, s'appelle rousseau)


compassion; être touché, c'est aussi ça; ne plus toucher, profaner, ce qui nous touche, sans nous toucher.










Dernière édition par Borges le Mer 3 Nov 2010 - 19:35, édité 1 fois
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Message par Borges Mer 3 Nov 2010 - 19:14

-voir-toucher; on pense à la fin de Lola montés


cette histoire de voir-toucher-savoir, les liens de la vérité à la distance et au toucher (il faut revenir dessus; c'est une longue tradition; d'aristote, à derrida, en passant par tant d'autres, diderot, nancy, mmponty...)

une question : les filles qui allaient voir les beatles, ou je sais pas, elvis, par exemple, ou d'autres encore, voulaient aussi les toucher; quelle est la différence entre les deux toucher, entre toucher la vénus noire, et toucher elvis...?

toucher c'est à la fois un signe de désir, d'amour, etc, mais aussi de profanation; la vérité se donne dans la distance, mais aussi dans l'immédiateté du contact;




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"La limite interne au toucher, le tact, si vous voulez, fait qu’on ne peut (que) toucher à l’intouchable. Une limite ne se touche pas, c’est une différence, un intervalle qui échappe au toucher ou qui est cela seulement qu’on peut ou croit pouvoir toucher. Sans être intelligible, cette limite n’est pas proprement tangible ni sensible. L’expérience de la limite “touche” à quelque chose qui n’est jamais pleinement présent. Une limite n’apparaît jamais comme telle."
(derrida)

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« Pour les autres sens, en effet, l’homme le cède à beaucoup d’animaux, mais, pour la finesse du toucher, il est de loin supérieur à tous les autres. Et c’est pourquoi il est le plus intelligent des animaux ».
(aristote)
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Message par Largo Mer 3 Nov 2010 - 23:09

Pour mémo, le texte de Daney, en anglais, pas retrouvé la version française :

The Monster is Afraid:
The Elephant Man, David Lynch
By Serge Daney


It is the monster who is afraid

This movie is strange in many ways. And firstly because of what David Lynch does with fear: the spectator’s fear (ours) and the characters’, including John Merrick’s (the elephant man). Thus, the first part of the film, until the arrival at the hospital, works a bit like a trap. The spectator gets used to the idea that sooner or later he will have to bear the unbearable and face the monster. A coarse cloth bag with one eye-hole is all that separates him from the horror that he guesses. The spectator has entered the film like Treves, from the angle of voyeurism. He has paid (just as Treves has) to see a freak (1): this elephant man successively exhibited and forbidden, saved and beaten up, briefly seen in a cave, “showcased” to scientists, taken in and hidden at the Royal Hospital of London. And when the spectator sees him at last, he is all the more disappointed that Lynch then pretends to play the game of the classic horror movie: night, deserted hospital corridors, clouds moving rapidly in a heavy sky, and suddenly this shot of John Merrick raised on his bed, racked by a nightmare. The spectator sees him—really—for the first time, but what he also sees is that the monster who is supposed to scare him is himself afraid. It is at this moment that Lynch frees his spectator from the trap he had first set (the “more-to-see” trap), as if Lynch was saying: you are not the one that matters, it’s him, the elephant man; it is not your fear that interests me but his; it is not your fear to be afraid that I want to manipulate but his fear to scare, his fear to see himself in the look of the other. The vertigo changes sides.

The psalm is a mirror

The Elephant Man is a series of coups de théâtre, some funny (the princess’ visit at the hospital as a “dea ex machina”), others more troubling. We never know how a scene may end. When Treves wants to convince Carr Gomm, the hospital director (magnificently played by John Gielgud), that John Merrick is not an incurable, he asks the latter to learn by rote and to recite the beginning of a psalm: but as soon as the two doctors have left the room, they hear Merrick recite the end of the psalm. Shock, coup de théâtre: this man whom Treves himself considers a cretin knows the Bible by rote. Later, when Treves introduces him to his wife, Merrick does not cease to surprise them by showing a portrait of his own mother (she is very beautiful) and by being the first one to give a handkerchief to Treves’ wife, who has suddenly burst into tears. There is quite a bit of humour in this way of positioning the elephant man as the one who always completes the picture in which he belongs, the one who signs the painting. It is also a very literal and not at all psychological way to move the story forward: with jumps and a signifying logic. Thus John Merrick finds his place in the picture of English (high) society, Victorian and puritan, for which he becomes a must-see tourist attraction. He is something that this society needs, without which it cannot be complete. But what exactly? The end of the psalm, the portrait, the handkerchief, what are they in the end? The more the film progresses, the clearer it is for those around him: the elephant man is a mirror. They see him less and less, but they see themselves more and more in his gaze.

The three gazes

In the course of the movie, John Merrick is the object of three gazes. Three gazes for three ages of cinema: burlesque, modern, classic. Or: the fun fair, the hospital, the theatre. There is first the gaze down below, the gaze of the low people, and Lynch’s harsh, precise gaze, without affability, on this gaze. There are bits of a carnival in the scene where Merrick is made drunk and kidnapped. In the carnival, there is no human essence to impersonate (even with the face of a monster), there are only bodies to laugh it off. Then there is the modern gaze, the doctor’s fascinated gaze (a remarkable Anthony Hopkins): respect of the other and bad conscience, morbid eroticism and epistemophilia. By looking after the elephant man, Treves saves himself: it is the humanist’s fight (à la Kurosawa). Finally, there is a third gaze. The more the elephant man is popular and celebrated, the more the ones visiting him have the time to put on a mask, a mask of politeness that conceals what they feel at his sight. They go see John Merrick to test this mask: if their fear betrayed them, they would see its reflection in Merrick’s eyes. It is in this way that the elephant-man is their mirror, not a mirror where they could see and recognize themselves but a mirror to learn how to play, how to conceal, how to lie even more. At the beginning of the movie, there was the abject promiscuity between the freak and the man showcasing him (Bytes), then Treves’ muted, ecstatic horror in the cave. At the end, it is Mrs. Kendal, the London theatre star, who decides, when reading a newspaper, to become the elephant man’s friend. In a rather uneasy scene, Anne Bancroft, as the guest star, wins her bet: not one muscle of her face twitches when she is introduced to Merrick, to whom she talks as to an old friend, going as far as kissing him. The loop has closed, Merrick can die and the movie can end. On one hand, the social mask has been entirely reconstituted; on the other hand, Merrick has at last seen in another’s gaze something totally different than the reflection of the disgust he inspires. What? He couldn’t say. He takes the height of artifice for the truth and of course he’s not wrong—since we are at the theatre.

For the elephant man cultivates two dreams: to sleep on his back and to go to the theatre. He will realize them both the same evening, just before dying. The end of the film is very moving. At the theatre, when Merrick stands up in his box to allow those who applaud him to see him, we really no longer know what is in their gaze, we don’t know what they see. Lynch has then managed to redeem one by the other, dialectically, monster and society. Albeit only at the theatre and only for one night. There won’t be another performance.

(1) In English in the text.

This text first appeared in Cahiers du cinéma, n° 322, Paris, 1981, and is reprinted in La maison cinéma et le monde, Volume 1 « Le temps des Cahiers 1962-1981 », Editions P.O.L, Paris, 2001, pp. 266-269. It appears here with the permission of the publisher Editions P.O.L (www.pol-editeur.fr). Translation by Laurent Kretzschmar.

http://www.cinema-scope.com/cs30/feat_daney_lynch.html
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Message par Borges Mer 3 Nov 2010 - 23:37




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« le “voir par soi-même”, inspecter de ses propres yeux. C’est ce que veut dire à l’origine autopsia : l’expérience qui consiste à voir de ses propres yeux, et donc à pouvoir témoigner (...) Le savoir théorique, c’est, du moins dans sa figure dominante, un voir, un theôrein théâtral, un regard jeté sur un ob-jet visible, une expérience d’abord optique visant à toucher des yeux ce qui vient sous la main, sous le scalpel»

(derrida)




il était pas très loin; sur le site des cahiers, par exemple


C’est le monstre qui a peur

- Etrange, le film l’est de bien des manières. Et d’abord par ce que David Lynch fait de la peur. Celle du spectateur la notre) et celle de ses personnages, dont John Merrick l’homme-éléphant). C’est ainsi que la première partie du film, jusqu’à l’installation à l’hôpital, fonctionne un peu comme un piège. Le spectateur se fait à l’idée qu’il devra tôt ou tard soutenir l’insoutenable et regarder le monstre en face. Un sac de toile grossier perce d’un seul œil trou est tout ce qui Ie sépare de l’horreur qu’il devine. Le spectateur est entré dans le film, à la suite de Treves, par le biais du voyeurisme. II a payé (tout comme Treves) pour voir un freak : cet homme-éléphant tour à tour exhibe et interdit, sauvé et battu, entrevu dans une cave, « présenté » à des savants, recueilli et caché au Royal Hospital de Londres. Et quand il le verra enfin, il sera d’autant plus déçu que Lynch fait alors semblant de jouer le jeu du film d’horreur classique : la nuit, les couloirs déserts de l’hopita1, l’heure du loup, la fuite rapide des nuages sous un ciel plombe et soudain ce plan de John Merrick dresse sur son lit, en proie à un cauchemar. Il le voit - vraiment - pour la première fois, mais ce qu’il voit aussi c’est que ce monstre censé lui faire peur a peur lui-même. C’est à ce moment là que Lynch libère son spectateur du piège qu’il lui a d’abord tendu (le piège du « plus-de-voir »), comme s’il lui disait : ce n’est pas toi qui compte, c’est lui, l’homme-éléphant ; ce n’est pas ta peur qui m’intéresse, c’est la sienne ; ce n’est pas ta peur d’avoir peur que je veux manipuler, c’est sa peur de faire peur, la peur qu’il a de se voir dans le regard de l’autre. Le vertige change de camp.

Le psaume est un miroir - Elephant Man est une suite de coups de théâtre, certains drôles (la visite de la princesse à l’hôpital, en « dea ex machina »), d’autres plus troublants. On ne sait jamais comment une scène peut finir. Lorsque Treves veut convaincre Carr Gomm, Ie directeur de l’hôpital (joué magnifiquement par John Gielgud), que John Merrick n’est pas un incurable, il demande à ce dernier d’apprendre par coeur et de réciter le début d’un psaume : mais a peine les deux médecins ont-ils quitté la pièce qu’ils entendent Merrick réciter la fin du psaume. Choc, coup de théâtre : cet homme que Treves lui-même tient pour un crétin connaît la Bible par cœur. Plus tard, lorsque Treves le présente à sa femme, Merrick ne cesse de les surprendre en leur montrant un portrait de sa propre mère (elle est très belle) et en étant le premier a tendre un mouchoir à la femme de Treves qui a soudain fondu en larmes. II y a beaucoup d’humour dans cette façon d’inscrire l’homme-éléphant comme celui qui toujours complète le tableau dont il fait partie, le signe. C’est aussi une façon très littérale, pas du tout psychologique, de faire avancer le récit : par bonds, par une logique signifiante. C’est ainsi que John Merrick trouve sa place dans le tableau de la (haute) société anglaise, victorienne et puritaine, pour qui il devient une sorte de must touristique. II est quelque chose dont cette société a besoin, sans laquelle elle n’est pas complète. Mais quoi au juste ? La fin du psaume, Ie portrait, le mouchoir, qu’est-ce que c’est, en définitive ? Plus le film avance, plus il est clair qu’e pour ceux qui l’entourent, I’homme-éléphant est un miroir : ils le voient de moins en moins, lui ; mais ils se voient de plus en plus dans son regard.

Les trois regards - Au cours du film, John Merrick est l’objet de trois regards. Trois regards, trois âges du cinéma : burlesque, moderne, classique. Ou encore : la foire, l’hôpital, le théâtre. Il y a d’abord le regard d’en-bas, celui du bas peuple et le regard (dur, précis, sans aménité) de Lynch sur ce regard. Il y a des bouts de carnaval, dans la scène ou Merrick est saoulé et kidnappé. Dans le carnaval, il n’y a pas d’essence humaine a incarner (même sous les traits d’un monstre), il y a du corps pour en rire. Il y a ensuite le regard moderne, celui du médecin fasciné, Treves (Anthony Hopkins, remarquable) : respect de l’autre et mauvaise conscience, érotisme morbide et épistémophilie. En s’occupant de l’homme-éléphant, Treves se sauve lui-même : c’est le combat même de l’humaniste (à la Kurosawa). II y a enfin un troisième regard. Plus l’homme-éléphant est connu et fêté, plus ceux qui lui rendent visite ont le temps de se faire un masque, un masque de politesse qui dissimule ce qu’ils ressentent à sa vue. Ils vont voir John Merrick pour tester ce masque : s’ils trahissaient leur peur, ils en verraient le reflet dans le regard de Merrick. C’est en cela que l’homme-éléphant est leur miroir, pas un miroir où ils pourraient se voir, se reconnaître, mais un miroir pour apprendre a jouer, à dissimuler, à mentir encore plus. Au début du film, il y avait l’abjecte promiscuité entre le freak et son montreur (Bytes), puis- il y avait l’horreur muette, extatique de Treves dans la cave. A la fin, c’est Mrs Kendal, star du théâtre londonien, qui décide, à la lecture du journal, de devenir l’amie de l’homme-éléphant. Dans une scène assez malaisante. Anne Bancroft, en guest-star, gagne son pari : pas un muscle de son visage ne tressaille quand elle est présentée a Merrick à qui elle parle comme à un vieil ami, allant jusqu’à l’embrasser. La boucle est bouclée, Merrick peut mourir et le film se terminer. D’un côté, le masque social s’est entièrement recompose, de l’autre, Merrick a enfin vu dans le regard de l’autre tout autre chose que le reflet du dégoût qu’il inspire. Quoi ? II ne saurait dire. Il prend le comble de l’artifice pour du vrai et, bien sur, il n’a pas tort. Puisque nous sommes au théâtre.

Car l’homme-éléphant nourrit deux rêves : dormir sur le dos et aller au théâtre. Il les réalisera tous deux le même soir, juste avant de mourir. La fin du film est très émouvante. Au théâtre, quand Merrick se lève dans sa loge pour que ceux qui l’applaudissent puis sent mieux le voir, on ne sait vraiment plus ce qu’il y’a dans leur regard, on ne sait plus ce qu’ils voient. Lynch a alors réussi à racheter l’un par l’autre, dialectiquement, le monstre et la société. Mais seulement au théâtre, seulement pour un soir. Il n’y aura pas d’autre représentation.








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"Cet éléphant mort, mis à mort ou tenu en respect parce que mort par le roi, c’est aussi un peu dans cette nécropsie, la représentation déniée, conjurée, vaguement totémique, du roi mort, du roi mortel, du roi mort d’une mort du roi que tout le monde redoute et espère à la fois, et que tout sujet projette dans l’autopsie où la nécropsie de la souveraineté. Oraison funèbre dont le refrain ne cesse jamais : Vive le roi, le roi est mort vive le roi le roi est mort vive le roi le roi est mort."
(derrida)


on en avait parlé dans le topic consacré au film de RR; dans ce séminaire cité de derrida, des pages sur Louis XIV assistant à une leçon d’anatomie sur un éléphant; deux rois; l'un vivant, l'autre mort.


Plus curieux, quelques passages sur les hommes politiques français et le rite de la visite au salon de l'agriculture; Derrida se "scandalise" que chirac (je crois) "touche", "caresse" le derrière des vaches, sans rien leur demander, comme si elles étaient naturellement consentantes...comme si elles ne demandaient que ça, ou que leur avis au fond n'importait pas...



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Message par brc Jeu 4 Nov 2010 - 1:08

La seule "belle scène" du film, qui fait l'effet d'un baume sur une plaie à vif, c'est celle où elle se met à chanter en jouant de son instrument, alors qu'elle est censé le faire couiner maladroitement pour que le public rie, se moque. Stupeur dans la foule vulgaire, qui se fige et écoute, émue, cette langue étrangère si agréable à leurs oreilles.C'est une scène de cet ordre qui pourrait sauver le film si ce n'était pas une goutte d'eau. J'y repense, et en fait, il y en a une autre, celle où la Vénus joue avec un violoniste, ils se répondent. C'est dans ces moments fugace d'échange, au-delà de l'altérité radicale du corps, au delà du langage, que le film trouve une certaine grâce, un allègement.



Cher Largo,
Je ne suis pas d’accord sur cette phrase, et je pense que c’est fondamental. Je ne suis pas d’accord, parce que cette affirmation présuppose que le cinéaste doit (souligné) offrir de la matière agréable au spectateur. Même si ce n’est pas tout, parce qu’il deviendrait un vendu, au moins un peu. Et bien, je me permets de dire que non, que le cinéaste, s’il le souhaite, n’a aucune obligation autre que celle d’offrir du sens. Vouloir faire de l’agréable ou de l’humaniste un critère de jugement de l’art, c’est pour moi une erreur fondamentale. C’est la posture des moralistes et des tenants du cinémaspectacle, qui refusent tout œuvre qui aurait refusé de leur plaire, qui souhaiterait exister en soi. Pour moi, la simple idée de demander à un cinéaste plus de chair à son œuvre, plus de « beauté morale » (sans se placer d’un point de vue esthétique, qui je pense ici n’est pas le sujet) que celle qu’il a voulu offrir, c’est lui demander de se prostituer. On ne peut questionner l’œuvre d’un auteur ou d’un artiste, sur l’absence de concessions faite au public et aux sentiments, lorsque l’on est les tenants d’une certaine exigence critique, comme nous le sommes tous les deux. On la questionne sur son sens.
Par contre, je pense qu’il est légitime (ça l’est toujours) de contester que le sens que donne Kechiche soit pertinent. J’ai trouvé qu’il l’était, car il propose une fusion inédite de l’expérience cinématographique du spectateur et de la vie de son héroïne. Tu n’a peut être pas adhéré, je comprends. Je n’avais pas adhéré à Antechrist pour cette même raison, ou plutôt, parce que selon moi, justement, il ne proposait aucun sens, seulement une torture gratuite du spectateur. Ca n’est pas le cas de Kechiche. Tu peux ne pas être d’accord sur ce point. Tu parles justement de ce vide de sens (« des ruines fumantes »), et t’en étonne toi même. Je ne suis pas d’accord, je trouve que le film a une résonnance forte dans l’actualité, propose un regard différent à celui que l’on porte habituellement sur le racisme et le racisme ordinaire. Je pense en ce sens que c’est une question de perspective : alors que tu adopte celle de la Venus, comme tu adopte celle de la danseuse de la graine et le mulet, j’adopte moi le point de vue de la société qui la regarde. A mon sens, la Venus comme la danseuse sont les objets du film, pas les sujets. Ils sont des points de fixation de ce que souhaite analyser Kechiche, qui se situe en dehors d’elles, dans la société, dans son rapport à la différence. Mais encore une fois, l’on peut disserter là-dessus, et tu peux m’opposer mille arguments sur le fait que ce n’est pas la bonne méthode, ou que cela dessert le film, ou que je me trompe. Mais centrer la critique du film sur le fait qu’il n’offrirait pas de respirations agréables, et comparer Kechiche à Bouchareb ou Mel Gibson… Moi aussi j’ai été sensible aux deux scènes que tu décrit, et j’ai eu la tentation pendant le film de les voir répétées. Mais cela aurait diminué la proposition du réalisateur, l’aurait rendue bien moins radicale, bien moins intéressante car faisant bien moins corps avec son histoire et son propos. Tu pense qu’elle ne débouche sur rien. Moi au contraire, je la trouve cinématographiquement passionnante, dans la droite ligne de ce qu’avait fait Hugo Vieira da Silva notamment. Mais aussi politiquement : car il ne fait pas qu’afficher la laideur du racisme. Il interroge son origine. Cherche le pourquoi à la peur de la différence, mais peut-être surtout au comment, à ce processus de déshumanisation par lequel les humains sont obligés de passer pour laisser libre cours à ce sentiment. A cette ambivalence sur la question de l’être et de l’étant, le jeu d’attributions de rôles, de différenciation mensongère d’inné et d’acquis qui fluctuent selon le moment du spectacle, selon l’intérêt du spectateur, de l’homme. Je ne pense d’ailleurs pas que la mise en abîme n’ait un quelconque intérêt en ce qui concerne un discours sur le spectacle et la représentation, ni que Kechiche n’ait souhaité à lui en donner. La mise en abîme, c’est celle du réel dans le spectacle. C’est comment le spectacle donne à révéler ce qui est ailleurs caché, implicite. Comment il permet de voir de façon non détournée, d’épurer les relations humaines jusqu’à l’os pour mieux les disséquer. De tout cela, de son intérêt, de la réussite de l’œuvre du Kechiche à l’heure d’agir comme révélateur, comme interrogateur, on peut discuter, critiquer. Mais on ne peut ignorer que c’est justement ces questions qui ont amené à la lourdeur du film, à sa pesanteur, recherchée par le réalisateur. Que demander à l’alléger n’a dès lors aucun sens, cela reviendrait à le dénaturer, à atteindre son essence, à rentrer en contradiction avec le propos qui sous-tend le film, le porte. Kechiche aurait pu le faire, jouer le virtuose, comme il a montré qu’il savait si bien lorsque nécessaire. Je pense que nous sommes tous d'accord là dessus. Son refus en est rendu d'autant plus explicite qu’essentiel à la portée, ou à l’échec, de son œuvre et de son intégrité.

(cf statut fb:la Venus Noire trace le même sillon que la graine et le mulet, montre ce même regard abject que notre société porte sur "la différence", qui ne l'accepte que lorsqu'elle est mise en scène, prostituée. Les répétitions,la durée insupportable du film deviennent nécessaires afin de retranscrire la douleur, l'humiliation, non pas cinématographiquement ‎, ce qui aurait amené le spectateur à tirer un plaisir (par l'émotion, même négative) de la Vénus et dès lors la souiller exactement comme elle le fut toute sa vie, mais dans toute la lenteur, la pesanteur, exempte d'un quelconque climax artificiel, que fut la réalité de cette souffrance sans fards, sans perspectives. En présentant au spectateur cette vérité crue, cette vérité nue, en la lui faisant subir et vivre pendant une durée hors du commun, Kechiche trouve la la seule façon de faire honneur à sa Venus, de la montrer, elle qui a tant souffert de ces regards posés sur elle, sans la trahir, sans la vendre.)

brc

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Message par brc Jeu 4 Nov 2010 - 1:16

je pense, et j'assume là complètement ma part de subjectivité, qu'on a rarement vu de film qui tienne autant en cohérence son propos avec son rythme et son esthétique. Et je ne pense vraiment pas que ce propos soit grossier ou caricatural. C'est pourquoi je pense que c'est un film qui doit être défendu. Et la critique de Renzi, qui n'y a rien vu qu'une bête opposition de bons sentiments entre gentils noirs et méchants racistes, ne fait que renforcer ma conviction, tant je la trouve bête. Prendre prétexte sur le fait que les autres critiques vont l'encenser (cf ses commentaires) pour s'y attaquer, de façon aussi binaire...c'est quoi cette conception de la critique? Ca donne envie de leur interdire de se parler entre eux et de se lire les uns les autres, pour qu'ils aient enfin le courage de dire ce qu'ils pensent des films qu'ils voient, par eux mêmes, sans avoir à priori à savoir ce que pense le voisin pour être sur que ce qu'on pense est correct ou au contraire suffisamment non-conventionnel... couille molle.

brc

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Message par Largo Jeu 4 Nov 2010 - 7:54

Hello brc,

Welcome here What a Face


Je ne suis pas d’accord sur cette phrase, et je pense que c’est fondamental. Je ne suis pas d’accord, parce que cette affirmation présuppose que le cinéaste doit (souligné) offrir de la matière agréable au spectateur. Même si ce n’est pas tout, parce qu’il deviendrait un vendu, au moins un peu. Et bien, je me permets de dire que non, que le cinéaste, s’il le souhaite, n’a aucune obligation autre que celle d’offrir du sens.

Tu as mal interprété mes propos. Bien évidemment qu'un cinéaste n'a aucune obligation de rendre son film agréable ou joli ou quoi ou qu'est-ce. Ce que je regrette c'est que ces scènes auraient pu constituer des moments forts dans une autre construction. Là, je les trouve prises en étau dans le bruit et la fureur du reste des scènes tellement répétitives. Du coup, je les reçois comme des alibis, comme on dirait "j'suis pas raciste, j'ai un ami arabe", Kéchiche peut dire "j'suis pas binaire et caricatural, regardez, une entente, une alchimie est possible", d'où l'image de la tête sous l'eau (trouble) qu'on nous tire un instant pour mieux la replonger...


En présentant au spectateur cette vérité crue, cette vérité nue, en la lui faisant subir et vivre pendant une durée hors du commun, Kechiche trouve la la seule façon de faire honneur à sa Venus,

C'est bien cette argument que je conteste dans mon message : celui qui consiste à penser que le spectateur doit forcément endurer le martyr de l'héroïne pour bien comprendre ce que qu'elle a vécu. Boire le calice jusqu'à la lie... C'est pas tant le propos que la manière de faire que je n'accepte pas.

Borges : merci pour la VF du texte. Par contre j'suis allé sur le site des Cahiers, il est en travaux. study

Eyquem : ce que tu dis sur la recherche des origines, de l'essence de la Vénus qu'on pourrait découper comme un bout de chaire, me paraît bien vu (ou bien touché du doigt) Wink
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Message par Borges Jeu 4 Nov 2010 - 8:01

Largo a écrit:
Eyquem : ce que tu dis sur la recherche des origines, de l'essence de la Vénus qu'on pourrait découper comme un bout de chaire, me paraît bien vu (ou bien touché du doigt) Wink

mais l'allusion au marchand de venise est curieuse;
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Message par Eyquem Jeu 4 Nov 2010 - 14:56

En fait, c'est de la paresse, et pas une allusion littéraire : ça sonnait mieux que "bout de chair", c'est tout.
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Message par Présence Humaine Sam 6 Nov 2010 - 19:08

ce film m'inspire une terreur sacrée, je n'ai même pas envie d'aller le voir, tiraillée entre une sorte de conscience professionnelle cinéphilique et mon penchant capricieux qui est d'aller seulement voir les films que j'ai envie de voir.
Quelqu'un tranche pour moi?
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Message par adeline Sam 6 Nov 2010 - 19:30

D'après tout ce que j'ai lu ici, je dirais "Vas-y" Wink

Je veux vraiment le voir (j'ai failli y aller ce soir, et je compte bien le faire avant mercredi prochain) ; sans doute ça ne sera pas une partie de plaisir, mais à mon avis, comme pour les autres films de Kechiche, il doit être très pensé, et un film pensé vaut toujours le coup...

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Message par Présence Humaine Lun 8 Nov 2010 - 0:24

Allez j'irai. Je m'occupe d'aller voir "Les rêves dansants" qui va bientôt disparaître et je fais de Vénus noire ma priorité.
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Message par Largo Lun 8 Nov 2010 - 9:18

Ah, oui, j'ai pas dit ici mais Les rêves dansants, ça vaut vraiment le coup. Il y en a un qui a parlé de "beau teen-movie" j'suis assez d'accord. Par contre faut surtout pas y aller en pensant voir un documentaire sur le travail de Pina Bausch.
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