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Message par Invité Ven 18 Avr 2014 - 15:50

Le maccarthysme, en ce qui concerne le cinéma, est apparu avant que Joseph Raymond McCarthy n'entre en scène et en tout état de cause, parler de maccarthysme relève d'une erreur commune puisque le sénateur ne s'intéressa jamais aux studios de cinéma, enfin d'après ce que j'ai pu lire, contrairement à Hoover (je sais plus si Eastwood en parle, de liste noire etc, dans son biopic … je crois pas).

La liste des 10 d'Hollywood: Alvah Bessie, Herbert Biberman, Lester Cole, Edward Dmytryk, Ring Lardner Jr, John Howard Lawson, Albert Maltz, Sam Ornitz, Robert Adrian Scott et Dalton Trumbo fut édictée par la commission des activités anti américaines (HUAC) en 1947 pour le refus de ces écrivains, scénaristes, réalisateurs, de se soumettre à la pression des hommes du congrès au nom de l'article premier de la constitution américaine;
nombreux sont les commentateurs qui déplorèrent qu'ils ne se limitèrent pas au cadre de cet article, comme s'ils avaient récolté ce qu'ils avaient semé … la prison, l’exil.
Il furent par la suite mis à l'index par les potentats des studios.

Le gouvernement prit conscience du pouvoir du cinéma sur les masses sous la présidence de Roosevelt ; il s'impliqua personnellement dans le cinéma de propagande anti nazi.
Il souhaitait préparer les consciences à l'entrée en guerre des états-Unis (c'est pas comme si ça arriverait de nos jours lol).
Mais bien avant cela, dans les années trente, à la suite de grèves, au moment de l'élection au siège de gouverneur, la MGM et Louis B Mayer obligeaient les exploitants à passer des newsreel de propagande montrant des foules de chômeurs fictives attendant aux frontières de l'état de Californie la victoire du socialiste Sinclair qui menaçait de nationaliser l'industrie du film.

Avant la guerre, bien des personnalités des studios, y compris les dirigeants, ménageaient les susceptibilités d'Hitler ou convoyaient avec les sirènes du fascisme italien.
Gary Cooper ou Ward Bond entre autres fantasmaient sur les uniformes (et puis l'homme de l'Ouest en figura la mise à nue).
(Il paraît que des Banquiers et des businessmen avaient comploté un renversement fasciste de Roosevelt en 34.)

A la fin de sa vie, Lloyd Bridges racontait qu'à l'époque de la chasse au sorcières, il avait dû aller jurer devant Wayne et Bond qu'il ne connaissait pas de communistes à Hollywood afin de pouvoir bosser de nouveau dans le système. Mais la vérité, c'est qu'il dû dénoncer d'autres personnes pour se mettre lui même à couvert, a l'instar de Dmytryk.

Au sein de la commission HUAC, il n'y avait pas que des anges : John Rankin ou Arnold Forster étaient des antisémites notoires et six des dix d'Hollywood étaient juifs.
« … our evaluation of the general mood was that the people felt if you scratch a jew, you can find a communist. »  disait Forster.
Comme si, après la parenthèse de la seconde guerre mondiale, la réaction politique et xénophobe, pro-fasciste, revenait à la charge au prétexte d'une idéomanie américaine, l'effacement des classes sociales, des combats sociaux, au profit d'un effort collectif et transcendant de l'âme américaine.
Jack Warner établit à la demande de la commission une liste de personnes potentiellement communistes et quand cette dernière fit part de sa perplexité face à certains noms, il dû confier qu'il les avaient ajouté en raison de leur participation à la grève des studios de 1946.
De fait la mémoire de la grande dépression amplifia la critique d'un système économique immoral, les luttes syndicales pour l'égalité des salaires, l'égalité homme-femme, etc …
Eric Johnston, président de la motion picture association, qui désavoua les 10 d'Hollywood à la suite de leur passage devant la commission dira: « plus de raisins de la colère, plus de route au tabac, … plus d'allusions aux grèves, ou à des banquiers traités de gangsters... ».

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Message par Borges Ven 18 Avr 2014 - 16:20

"Alvah Bessie, Herbert Biberman, Lester Cole, Edward Dmytryk, Ring Lardner Jr, John Howard Lawson, Albert Maltz, Sam Ornitz, Robert Adrian Scott et Dalton Trumbo"


Si on excepte ED, tous ces types étaient des scénaristes, des gars qui mettaient du contenu politique dans les films, des idées, autres que formelles, de mise en scène, de direction d'acteurs... Je sais plus où j'avais lu que le discrédit du scénariste (l'approche formelle, par la seule mise en scène) était aussi une affaire politique, et qu'il était lié à cette chasse aux sorcières...


Ring Lardner Jr, le fils du héros de holden caulfield Wink



j'avais oublié le "Hi" Wink


Dernière édition par Borges le Ven 18 Avr 2014 - 18:03, édité 2 fois
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Message par Eyquem Ven 18 Avr 2014 - 17:37

Salut,

Aujourd'hui, pour un scénariste hollywoodien, c'est super d'être "blacklisté" pour trouver du travail:

Every December, The Black List survey over 600 production company and film financier executives about their most liked screenplays and aggregate the responses for the industry and the public. http://blcklst.com/lists/

http://articles.latimes.com/2011/dec/13/entertainment/la-et-black-list-20111213
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Message par Invité Dim 20 Avr 2014 - 12:19

La mémoire est une chose étonnante;

je lisais un ouvrage français sur googlebooks intitulé en finir avec le maccarthysme _ rien que le titre avertit de son contenu idéologique lol, tout en m'interrogeant sur les raisons pour lesquelles, dans le monde cinéphile français, cette question soulevait tant de débats houleux, tant d'antagonismes, y compris politiques _ il suffit d'évoquer le nom de Kazan.

Puis plus tard dans la journée, par désœuvrement, je piochais au hasard un numéro des cahiers vieux de 14 ans; Les destinées sentimentales d'Assayas en couv.

J'épluche le numéro et je m'arrête sur une page, une parmi tant d'autres;

le critique Joel Magny y parlait justement de l'essai "en finir avec le maccarthysme" en concluant, "ces réserves devraient rendre le livre de Törok indéfendable. C'est pourtant son énormité qui le sauve. Averti de son a priori américano-nationaliste, on aurait tort de na pas utiliser la mine d'informations proposée."

Bon, je suis resté coi un moment, mais cela semble naturel puisque je n'ai pas encore pris l'habitude de parler, seul, face à l'ombre sur le mur.

Peut être que ce numéro des cahiers me fournissait également un indice, une clé de compréhension, quant à la manière dont est décrit le contexte de la chasse aux sorcières, ici, dans le champ critique français (c'est d'habitude ce qui arrive au cinéma, tout est signe lol).

De ce numéro, je me souvenais confusément de propos échangés entre Assayas et la rédaction des cahiers sur l'auteur des destinées sentimentales, Chardonne, écrivain collaborateur pendant la seconde guerre mondiale.

Faudrait-il comprendre la lecture du maccarthysme, les profondes dissensions qui s'y entendent, comme une nouvelle scène qui ré-institue un débat plus ancien, sur fond de collaboration? C'est une relation certes osée lol, alors disons que c’est simplement une question.

Des films de la continental, créée par Goebbels en 40, l'un des plus fameux reste bien sûr le corbeau de Clouzot. Un des scénaristes blacklisté par Hollywood, Howard Koch, a adapté le scénario de Louis Chavance, en 51, pour Preminger, dans une petite ville du Québec.

Comme souvent chez Preminger, la caméra accompagne un personnage, ici le docteur, de dos, face à la ville et la communauté, épluchée comme un oignon, en ouverture du film, sur un ferry qui s'approche lentement de la rive. Comme dans Laura, l'histoire est écrite par un personnage, l'humanité est décrite sous l'oeil de la maladie, de la névrose, de la petitesse et de la lâcheté. L'enquête va a contre courant, signe un pacte avec l'amour et la confiance en l'autre.

Nombre de dialogues créent des ponts avec la paranoïa instillée par le Maccarthysme.

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hi guys Wink

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Message par Invité Mer 7 Mai 2014 - 16:48

L'intérêt d'Hollywood pour la situation des juifs de Palestine - on parlait de Preminger - ne nous éloigne pas tant du sujet de ce topic;
les enquêtes du congrès, la pression des factions anti-communistes, l'antisémitisme à visage découvert firent que bon nombre d'artisans des idées progressistes délaissèrent la scène politique par crainte de représailles.
En parallèle, l'organisation paramilitaire juive, la haganah, envoyait des émissaires à partir de 1946 pour trouver des fonds à Hollywood et éveiller les consciences au sort des juifs de Palestine et des immigrants rescapés des camps nazis de la seconde guerre mondiale.
Fred Zinneman organisa des réunions de sensibilisation avec des producteurs ou des scénaristes tel Carl Foreman qui écrivit Hign Noon et fut plus tard blacklisté.
Sachant l'ambiance délétère qui régnait à l'époque dans l'usine à rêves, on peut comprendre qu'une majorité de juifs fusse attirée par la propagande pratiquée par la Haganah qui vantait une terre promise en Palestine, une communauté en laquelle se reconnaitre, et une manière aussi de répondre à la détresse des victimes du nazisme pour lesquels les portes d'or de l'Amérique étaient, pour la plupart d’entre elles, fermées.
Robert Blumofe a écrit:Most of us ... had a feeling that we were homeless, waiflike people who got pushed around, not really accepted. And suddenly Israel, even to the least Jewish of us, represented status of some sort. It meant that we had a homeland. It meant that we did have an identity. It meant that we were no longer the stereotype of the Jew: the moneylender, the Jew businessman. These were fighters and they were farmers and they revived the land there ... all of this was terribly, terribly uplifting
Avant Exodus de Preminger, il y eut deux films qui parlèrent du conflit en Palestine: the sword in the desert (La bataille des sables, en 1949) produit et écrit par Robert Buckner et The juggler en 1953 produit par Stanley Kramer.

The sword in the desert décrit la lente prise de conscience, morale et religieuse, d'un cynique capitaine de bateau américain qui fait entrer illégalement des immigrants juifs en Palestine; sa seule motivation étant l'argent qui lui promet l'organisation clandestine pour sa participation. Le capitaine représente l'ingénu spectateur américain, soucieux de ne pas s'impliquer dans cette histoire complexe et lointaine, mais que les évènements va amener à devoir choisir un côté plutôt qu'un autre.
Les soldats britanniques en charge de faire respecter les accords internationaux sont à peine mieux considérés que les nazis dans le cinéma de guerre. Ce sont les véritables ennemis et les cibles des actions de l'organisation secrète juive qui est représentée comme une force de résistance à l'oppression.
Les palestiniens, quant à eux, les arabes, sont croqués de façon sommaire, raciste: ils crachent à terre et maudissent les juifs, quand ils sont sur le bord de la route poussiéreuse, avec leurs chèvres; ils dénoncent leur amis; ils n'ont aucun courage. Il méritent à peine l'attention d'un film qui les remise rapidement dans le hors champ, ainsi la question de la terre n'est jamais soulevée.
A deux reprises, les membres de l'organisation se travestissent en palestinien pour éviter la suspicion des autorités britanniques. Ils les interprètent bien sûr à coup de clichés détestables.
La dernière séquence dans le camp britannique fonctionne assez bien sur le plan dramatique, sur le parallèle artificieux qu'elle forge. C'est la veille de Noël, les soldats sont rassemblés autour d'un arbre aux rares feuilles décoré comme le fameux sapin. Ils chantent un hymne pour l'occasion. Les officiers interrogent le capitaine du navire, indécis, lui démontrent que son intérêt est de leur révéler l'identité du chef des insurgés. Ce dernier acquiesce avant de se raviser quand l'un des officiers, le plus mesuré, lui indique que l'arbre autour duquel sont rassemblés les soldats s'appelle selon la tradition l'arbre de Judas.


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Message par Borges Sam 10 Mai 2014 - 10:20

Hi Erwan; c'est vraiment passionnant cette histoire; tu devrais en faire un bouquin : " Israël et Hollywood :  de "the sword in the desert" à World War Z "

De quand date, où situer le retrait de la figure cliché de l'arabe romantique et super lover  incarnée par RV (la première super star symbole du sexe de l'histoire du cinéma)
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Message par Invité Sam 10 Mai 2014 - 18:46

salut Borges; j'ai lu que dans le Sheik, Valentino n'était pas arabe mais de père français et de mère espagnole; la fille dans le film pense qu'il a des mains trop larges pour des mains d'arabe ...  Suspect Jamais vu le film lol.
Et j'ai pas tenu 10 minutes face à world war Z ... enfin, je suis quand même arrivé jusqu'à la scène dans l'appartement ... comment peuvent ils écrire des telles choses  pale

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Message par Invité Jeu 29 Mai 2014 - 13:42

the juggler de Dmytryck (1953)
dont les évènements se passent en 49 après la guerre de Palestine.
Un déporté allemand victime de troubles psychologiques essaye de fuir un passé oppressant. En Israël, il a la chance de découvrir une communauté "réelle", en construction.
On nous parle d'un village arabe détruit qu'une femme du kibboutz agricole va visiter afin de savoir si quelqu'un peut y vivre.
Il y a une patrouille à la frontière avec la Syrie; et un champ de mine à l'orée du kibboutz. Quelques signes mais aucune curiosité pour ce qu'il s'est passé auparavant.
Mais beaucoup de complaisance à jouer de la fibre émotionnelle.
Dmytryck effectue une bien étrange synthèse des précédentes années noires à Hollywood, et de l'histoire au moyen orient:
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Message par dreampeace Ven 13 Juin 2014 - 8:34

Hello Erwan, tous,

Merci pour tout ça. Je peux savoir savoir quelles sont tes sources ?
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Message par Invité Ven 13 Juin 2014 - 16:21

hello dreampeace, c'est cool de te voir dans le coin. En quel territoire lointain l'ami K, so far lui même, a t il lancé son hameçon magique pour t'attirer ici Wink
Au commencement il y avait une discussion avec le doc sur un western intéressant, hellgate; il me semble; et puis quelques lectures sur googlebooks (et classiquement dans une bibliothèque lol) ont suivi (c'est passionnant ce que je raconte); j'essaierai de retrouver les refs (demain)  Smile .
Mais c'est donnant donnant: en échange, je te commande une critique d'au moins 1 ligne d'un film lié à cette histoire;  je sais c'est dur mais c'est la crise.  tongue


hollywood in the holy land
an empire of their own
Exiles in hollywood
Recasting America
pour en finir avec le Maccarthysme
The inquisition in Hollywood
the communism in Hollywood
Hollywood's blacklists
the Un-americans
the final victim of the blacklist
l'anticommunisme aux Etas-Unis de 1946 à 1954

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Message par dreampeace Sam 14 Juin 2014 - 16:46

Hello Erwan,

Merci infiniment ! L'ami "K" à lancé son hameçon dans le territoire de l'ami "K.", dans lequel je me trouve depuis quelques temps. Entre K et K., plus rien, plus d'écrit, que des lectures. :-)

Bon tu as mis les références avant que je réponde, je me vois donc obligé de répondre à ta commande par la positive. Je n'arrive plus à écrire sur les films, mais je vais essayer, promis.
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Message par Invité Sam 14 Juin 2014 - 17:31

Wink ne te sens pas obligé mon cher dream.
Cela réchauffe le vieillard que je suis d'agiter comme un fétiche un passé/présent et de faire surgir quelques virtualités propres à redessiner l'avenir lol

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Message par Invité Dim 27 Juil 2014 - 11:01

le scénariste du film zaytoun explique la manière dont son récit a été censuré ou retourné contre son propos initial.
http://www.zaytounthemovie.com/

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Message par Invité Lun 25 Mai 2015 - 17:22

Dissent! Noel Burch _ Red Hollywood from Courtisane Festival on Vimeo.


Je lis en ce moment un ouvrage de Thom Andersen et Noël Burch intitulé "les communistes de Hollywood: Autre chose que des martyrs." C'est l'un des ouvrages les mieux pensé et précis que j'ai pu parcourir sur le sujet. La première partie est une étude de l'historiographie sur la période des purges dans l'industrie du cinéma. Une étude critique qui contextualise et redonne son importance aux étapes et aux contradictions du communisme américain, des années 30, après le krach boursier de 29, jusqu'aux années 50. L'un des aspects qu'ils mettent en lumière est la mise à l'écart de la catégorie politique au profit de la dimension morale et psychologique de la dénonciation dans certains des ouvrages de "référence".
Un autre facteur qui tend à atténuer l'importance des attaques de la HUAC peut être synthétisé par la formule de Billy Wilder: "Deux seulement avaient du talent, les huit autres étaient simplement inamicaux." L'idée en fait que le cinéma américain n'a pas vraiment changé suite aux évictions de nombres de collaborateurs accusés d'être affiliés au parti communiste ou aux idées progressistes. C'est une façon de voir qui opère encore je crois, dans ce que j'ai pu entendre.
S'il est sans doute vrai que les exilés d'Hollywood ne comptaient pas dans leur rang un génie visible et incontestable (encore faudrait il regarder plus sérieusement que je ne le fais), ils ont ouvert le cinéma hollywoodien aux questions sociales, de lutte des classes, à la critique des structures et des systèmes dominants, disons capitalistes, exemplairement entre 30 et 34 à l'aube du parlant et avant l'arrivée du code Hayes, mais aussi juste après la mise au ban des dix d'Hollywood, entre 47 et 51 ou les scénaristes menacés semblent avoir jeté toutes leurs forces dans la bataille.
Mais je ne fais que paraphraser bien modestement et sans doute bien mal cet ouvrage d'Andersen et Burch.

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Message par Invité Lun 25 Mai 2015 - 17:52

https://spectresducinema.1fr1.net/t1863-william-wellman-la-first-national-et-la-depression?highlight=wellman
Le Doc a écrit sur Wellman et le cinéma post-dépression.
Le cinéma est le lieu de contradictions intenses entre les différents acteurs d'un film. Et le scénariste n'était sans doute pas le mieux doté pour faire valoir son point de vue face au metteur en scène ou au dirigeant du studio. Mais il était là.
Je me souviens d'avoir été assez gêné par une séquence d'un film très intéressant de Wellman, heroes for sale (ty K). Ce film construit un embranchement, une ligature, dans une perspective sacrificielle, entre deux périodes, le front de la première guerre mondiale et la période de la Dépression. Au sacrifice des soldats américains courant vers les tranchées allemandes répond le sacrifice des laissés pour compte de la crise de 29. C'est le mouvement de l'Histoire, il n'y a plus qu'à espérer des lendemains meilleurs. Toute possibilité d'un évènement est proscrit.
Si est dessiné, par la relation entre deux amis, un conflit de classe à l’œuvre dans la société américaine, il est très atténué par la fin du film et par une séquence qui m'a assez dérangée, celle d'une grève:
Wellman place sa caméra du côté des forces de l'ordre face à des manifestants qui réclament des droits dans l'entreprise qui menace de les licencier. Ce mouvement collectif et disruptif des salariés, s'il est présent à même la pellicule et dans la réalité du temps de la Dépression, n'est pas accompagné par la sympathie de la caméra. C'est un moment assez étrange. Le film lui même semble imprégné de contradictions. Un personnage d'immigré communiste devient in fine l'apôtre de la compétition sociale la plus déchainée.
Alors j'étais un peu circonspect et j'ai demandé au doc:
"mais tu connais, de ton côté, des films qui portent, qui soutiennent, une vision de la communauté, qui soit, qui puisse être, le lieu d'une naissance à ce "nous" de "l'émancipation" intellectuelle, politique, sensible mais aussi, sans que cela soit une fin, personnelle?".
Dans le contexte Hollywoodien, nous n'avons pas vraiment réussi à trouver de réponse  silent ; et ailleurs, existe t il encore des films pour les spectres?


Dernière édition par erwan le Jeu 28 Mai 2015 - 17:02, édité 1 fois

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Message par gertrud04 Mar 26 Mai 2015 - 11:20

Salut erwan, j’ai découvert récemment sur cette période non un livre mais un film : Le prête-nom de Martin Ritt. Si tu ne l’as pas vu (ce dont je doute), précipite-toi. Drôle et super émouvant. Un film de 1976 dont Jerzy nous a dit que c'était la meilleure année de cinéma. Je vais finir par le croire Smile
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Message par Invité Mar 26 Mai 2015 - 19:16

Salut Gertrud04; je partage ton enthousiasme à propos de ce film. C’est le meilleur film de Woody Allen non? qu'il fut réalisé par un autre ne me surprend guère ... Razz
C'est dans le milieu de la télévision si je me souviens bien. Le rôle offert à Zero Mostel est très beau et émouvant.

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quelques trucs lus sur la liste noire  Empty Lydia Bailey, Jean Negulesco, 1952

Message par 에르완 Jeu 26 Mar 2020 - 16:44

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J'avais rangé Lydia Bailey dans un tiroir opportun étiqueté « gauche américaine » pour la raison que j'étais assez intrigué par ce film qui plonge un candide homme de loi américain dans la Haïti de la Révolution des esclaves ; je l'avais enfermé là avec d'autres titres de Berry, Dmytryck, K Howard, Curtiz, H Lewis, Litvak, Pichel, Wise etc … sans me poser de question sur la légitimité d'une telle affiliation. Mais le film remuait étrangement dans ma mémoire et je le ressortais à l'air libre d'une attention plus circonspecte.  
La Fox, après guerre,  avait acquis les droits du livre auprès de l'auteur, Kenneth Roberts, sans même le lire, et avant même sa publication en 1947. Roberts, ancien journaliste, s'était fait une spécialité des Romans d'aventures et nombre de ceux-là se situaient dans un intervalle de temps comprenant la révolution américaine et donc sur le sol de la future nation américaine.
Le succès de Northwest passage en 1937 (qui devint un film de King Vidor) lui assura une grande sécurité financière.

L'auteur était également suffisamment passionné par un français du nom de Moreau Saint-Méry pour qu'il traduisit un de ses ouvrages ; Moreau Saint-Méry acteur de la Révolution française mais surtout colon et propriétaire d'esclaves, qui écrivit un traité sur les hiérarchies raciales basées sur la couleur de la peau ; En regardant plus avant on apprend que Roberts au début des années 20, journaliste dans des papiers d'opinion fut des plus intransigeant avec les immigrations d’Europe de l'Est et du Sud. Le roman en lui même n'est pas avare en comparaisons animales des « vengeurs du nouveau monde ».
Pourtant le produit des studio de la Fox s'éloigne sensiblement de leur substrat initial.

Le propos du film tient en ceci : un homme de loi de Baltimore dans le Maryland se rend en bateau à Saint-Domingue (alors que les troupes de Napoléon vont arriver) afin de trouver une femme, Lydia Bailey, dont le père est décédé et qui a légué ses biens par testament à la jeune nation américaine. La signature de sa fille est néanmoins nécessaire à ce don.
Le roman, qui a été passablement remanié par les scénaristes, a un cadre plus vaste et le but du héros est différent, c'est un amour pictural pour un portrait de Lydia Bailey.

Pourquoi choisir Haïti pour un tel récit qui porte sur l'avenir de la nation américaine ?
Il y a évidemment une similarité d'un désir d'indépendance vis à vis d'un état européen.
1802 est l'année où le général Leclerc est envoyé par Napoléon récupérer Saint-Domingue et sans doute rétablir l'esclavage dans la colonie.
Promouvoir en fait les bienfaits de la révolution américaine, seul exemple digne de considération pour le désir de liberté des esclaves ?
En cela le film tord  la vérité historique ; il faut savoir que Jefferson en 1801 lors d'un dialogue avec d'autres puissances (la Grande Bretagne et la France) demandera impérieusement que la colonie et sa radicalité fussent isolées afin que ses préceptes d'égalité n'atteignent pas les côtes du coton. Ainsi il sera refusé à la future Haïti de posséder des navires.

Le récit est donc, à ce niveau politico-historique, une torsion.
Il est chargé de démontrer, d'une part , à travers cette histoire de testament, la supériorité culturelle, politique, américaine à travers la notion de Filiation :
ainsi Lydia Bailey refuse tout legs de son père tandis que l'avocat a reçu du père de Bailey une éducation et des bienfaits sans en être le fils.
A l'opposé, le futur époux de Lydia Bailey, le marquis d'Autremont, membre de la société de plantation et aristocrate français est dans la pensée de la filiation par le sang et, par la suite, est dessiné son amour pour son fils unique comme héritier de son titre et de son nom. En toute logique, en toute morale, par  jalousie contre l'avocat américain, il utilisera son arme et abattra son fils par inadvertance.

C'est bien la morale d'une histoire où l'Origine s'échappe (l'Afrique pour l'ex-esclave) et doit s'échapper pour proposer du nouveau : la société de plantation s'ouvre sur un ailleurs émancipateur.
Mais ce que le film recouvre, c'est bien l'influence de la Révolution Française. Cependant la Révolution haïtienne est presque plus importante que cette dernière car elle démontre la vérité de l’événement ; je crois que c'est Badiou qui dis cela.

Depuis la lutte (révolutionnaire au plus haut point) contre l'esclavage, achevée en 1804 avec le début de son indépendance, Haïti a toujours été une exception : « ce n'est qu'en Haïti que la déclaration de la liberté humaine trouva une cohérence universelle et qu'elle fut maintenue à tout prix, en opposition directe avec l'ordre social et la logique économique du jour. » C'est pour cette raison qu'il n'y a pas qu'un seul événement dans toute l'histoire moderne dont les implications furent plus menaçantes pour l'ordre des choses dominant dans le monde ». La révolution haïtienne mérite véritablement le titre de répétition de la Révolution française. Conduite par Toussaint Louverture, elle était clairement « en avance sur son temps », « prématurée », condamnée à l'échec, et pourtant, c'est précisément comme telle qu'elle fut un événement, peut-être plus encore que la Révolution française.
et ailleurs
Je conclurai en disant que l'insurrection de « Saint-Domingue » reste notre contemporaine, peut-être plus encore que la révolution jacobine. Il s'agissait de la première véritable altérité à l’impérialisme occidental et les peuples opprimés qui sont à nos portes sont potentiellement à l'école des Haïtiens. Leur révolte est devant nous.

Un autre aspect m'intrigue, plus difficile à cerner :
le film commence classiquement pour un film hollywoodien d'aventure de cette période comme un livre d'image où défilent les noms du générique et leurs charges respectives mais aussi un court texte introductif donnant la situation historique, comme une préface ;
à la lisière du texte, dans les marges, est dessiné une scène à la plume noire : un homme que l'on suppose être un ancien esclave, une torche à la main (est ce le symbole de la liberté nouvelle?) regarde de dos, depuis la jungle, trois navires (peut être américains?) qui mouillent dans une crique.
On pressent bien dans le film et dans ce passage un partage encore indéchiffrable entre valeur du texte et valeur de l'image ;
par exemple le héros est porteur de documents légaux et après qu'on les lui subtilise, il se réveille torse nu, comme si le corps reprenait ses droits.
Ce partage peut il métaphoriser la distinction état de nature/ état civilisé ?
Il est intéressant de constater que K Roberts, l'auteur du roman, place l'intrigue de ses histoires à ces moments historiques qui représentent une bascule pour des groupes humains, juste avant qu'une constitution formalise une société de droit.

Autre détail, sur le bateau en vue du Cap Français, le capitaine donne à l'avocat un document l'autorisant à quitter le bord, alors se font entendre les tam-tams d'un tambour qui propagent l'annonce de son arrivée. D'un côté l'écriture, le document, de l'autre le son qui participe à un montage de plusieurs lieux où se répondent les joueurs de tambour. On pourrait dire que chacun participe à un déplacement. L'écrit justifie que le héros puisse traverser la ville en plein bouleversement, et le bruit du tambour communique, produit un déplacement de l'image d'un lieu à l'autre où le message est relancé et répété. Le son serait donc comme un auxiliaire de l'image et l'écrit un moyen pour enclencher le récit et l'amener à sa finalité.

Ces papiers représentent bien plus que de vagues termes de droits d'héritage mais bien les liens fondamentaux de la nation américaine. Le refus par Lydia Bailey de l'héritage du père se meut en cours de récit vers une acceptation de l'homme nouveau de l'Amérique en tant qu'amant.

La question du texte côtoie celle de la bonne union, de la bonne alliance, amoureuse, fondatrice, politique, mais uniquement au moment où l'homme de loi peut retrouver les habits de la « civilisation » (quand bien même se trouve t il en contradiction avec le lieu, la plantation ; mais l'est-il vraiment ?).

L'étrangeté du film tient aussi dans ces multiples leurres que les personnages doivent produire afin d'échapper aux dangers. Par exemple King Dick (...), lieutenant de Toussaint et lecteur de Platon (il cite la définition de l'autorité selon ce dernier) ordonne au héros de se teindre la peau afin d'échapper aux soldats de Mirabeau, ennemi de circonstance de Toussaint dans la guerre civile. L'aventure exotique donne l'expérience du dénuement, de la proximité avec le danger et l'épuisement physique et mental, comme un  long tourment qui accompagne le changement de l'épiderme. Comme une nouvelle page où l'expérience tragiquement humaine de la cruauté de l’événement, de la guerre, se serait inscrite.

Il ne fait nul doute que dans le contexte de la ségrégation au moment où le film est sorti aux usa en 1952, le but des scénaristes fut de produire des images en décalage avec les représentations dominantes. Représenter à la fois les affres de la population afro américaine et donner aussi une figure émancipatrice qui n'est peut-être pas exempte de clichés mais tout de même je me demande comment le spectateur américain pouvait la percevoir ? King dick, lieutenant de Toussaint, homme massif, lettré, qui se joue des codes, assumant bien des rôles, polygame, il est l'homme du positif, l'homme d'action dont toute la volonté est dirigée vers l'émancipation des colonisés tandis que le référent américain est en grande partie le jouet des circonstances.
Les héros blancs partagent l'expérience des réfugiés, un milieu auquel ils étaient fermés. L'expérience de la fuite et de la peur.
Cette expérience recouvre toute possibilité de monstration du texte, qui est occulté par l'expérience, la nécessité de survivre (en quoi cela peut être lié à l'effroi vécu de la seconde guerre mondiale aussi?)
L'état de communauté lié par une constitution implique que la survie ne soit plus le socle de l'existence, que les conditions de l'existence dépassent la simple survie.

Cependant en effaçant le principe historique à l'origine de la Révolution Haïtienne (l'égalité de tous les hommes) le film se garde bien de critiquer les principes d'une autre révolution qui fut inachevée, le révolution américaine .

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Message par 에르완 Sam 13 Fév 2021 - 16:39

From this day forward de John Berry,

il y a dans ce film une appétence pour les personnages qu'on ne retrouve pas dans son film de 49, Tension.
Je pourrais le voir et le revoir sans fin.
On est dans l'immédiate après guerre et les question sociales qui remuaient avant guerre depuis la dépression et qui avaient été mises de côté dans un laps de temps de quatre ans resurgissent de manière frontale. Il y a encore une foi dans une possibilité de lutte idéologique, dans un changement à opérer dans la société américaine (deux des scénaristes du film, Butler et Odets, étaient connus pour leurs opinions progressistes).  
Formellement le film se construit par des flash-backs qui évoquent la vie d'un couple issue du prolétariat et de leurs relations, familiales, professionnelles.
L'homme, revenu de la guerre, essayant de retrouver un boulot, une place dans cette société, se remémore les difficultés de son couple, se souvient de l'expérience du chômage dans le secteur industriel de l'avant guerre. Et quand il revient du théâtre armé, rien ne semble avoir changé, il est toujours aussi difficile de construire une vie digne.
Berry met en valeur, avec une belle palette de couleurs, les mécanismes d'entraide au sein du groupe dessiné.

Le film est adapté d'un livre de Thomas Bell, all brides are beautiful, publié dans les années 30 et donc avant guerre . Le travail d'adaptation est assez radical et s'intègre bien dans la logique mise en œuvre ; on pourrait la qualifier d'enjambement, enjambement de la période de la guerre qui doit quand même être médité. Et que l'on peut retrouver au sein même du film quand, aux moments importants de leurs vies, les personnages vont musarder au sommet du high bridge de Brooklyn et contempler le puits d’ombre en contrebas quand la fatalité les accablent ou au contraire affronter du regard un ciel sans étoile où danse l’incertitude ; ils enjambent pour un instant leurs difficultés sur ce pont, font une mise au point, prennent de la hauteur, comme le film enjambe l'expérience de la guerre pour mieux raviver la mémoire de la décennie précédente ; cette prise de hauteur est d’ailleurs un des motifs du film qui semble dès le début, du haut des gratte ciels, rechercher dans les rues un sujet adéquat à son expérience.

On n'a guère que quelques bribes indirectes de la guerre : qu'est ce qu'un homme ayant bombardé des gens depuis un avion peut apporter à une société pacifiée ? se demande-t-on à l’agence pour l’emploi ? Il y a comme des trouées qui ouvrent le film au ciel du réel, aux éclairs, à la foudre.

Un autre aspect qui m’intrigue est la séquence où le personne principal essaye de mettre à profit son talent d’artiste amateur, d’échapper à sa condition d’ouvrier au chômage, en participant à un livre, en dessinant des planches d’après des histoires écrites par l’employeur de sa femme, un libraire (autre détail curieux, il dessine les planches sans connaître la lettre du texte, presque à l’aveugle, ignorant l’aspect sulfureux ou bassement crapoteux de l’ouvrage).
Le livre est censuré et le personnage est accusé d’atteinte aux bonnes mœurs ; C’est une séquence singulière si on la compare au reste du film ; l’affaire présentée au tribunal fait renoncer le personnage à ses velléités d’artiste et il retourne de fait dans sa recherche d’un emploi ouvrier dans l’industrie.
On pourrait se demander pourquoi l’échec doit clore cette séquence ? Quelle en est la morale ?
Berry fait la peinture d’un groupe social populaire et si le personnage avait eu du succès grâce à ses dessins, Berry aurait fait un autre film, un film dans lequel un personnage s’extrait comme un minerai précieux de son milieu, out of the furnace, mais on peut en conséquence se poser la question du sens de cette séquence.
N’est-elle pas de trop ?
Censure, pression du publique, de l’opinion, renoncement, c’est comme si dans ce moment particulier, on sentait, on présentait l’atmosphère de l’époque.

Difficile de ne pas penser à « a wonderful life » de Capra  quand le mot de renoncement est soupesé, caressé, comme l’ultime adieu au cadavre du rêve.
Les deux films sont d’ailleurs sortis la même année, en 1946, et distribués par la RKO.
Un monde séparait sans doute Capra de Berry. Plus qu’un monde, une guerre, la rue d’un studio.
On se souvient que Stewart dans la vie est belle, sacrifie à la communauté ses ambitions. Alors que son frère s’engage et revient en héros, il accepte une vie jugée médiocre et que seul l’appel au surnaturel peut sanctifier.
Il y a dans les deux films une imposition d’une ou de plusieurs autorités qui ferme la focale d’existence et obstrue les possibles.
Si le film de Berry cherche à dénoncer les conditions sociales de vie d’une classe prolétaire tout en en valorisant les gestes, l’éthique, celui de Capra, à travers son prisme religieux, cherche à refonder une communauté qui risque la scission en vantant les mérites de celui qui n’a pas été un exemple mais aura su paradoxalement soutenir à lui seul une idée de l’Amérique.

C’est bien là la différence fondamentale voire politique entre les deux.
Chez Berry, la communauté est multiple, bigarrée, soumise aux aléas sans que de réponse providentielle ne vienne la marquer de manière inexorable là où Capra a besoin de passer par le vide, la perte afin de mieux par la suite embrasser la croyance à travers une figure unique qui rayonne sur tous.
Mais tout cela n‘explique pas complètement pourquoi ce thème du renoncement est présent à la fois chez Berry et Capra. En quoi il permet de mieux comprendre l’époque.
Comme je le rapportais, le personnage d’artiste amateur chez Berry est à la fois innocent _comme dirait Godard, il n’y a pas d’image juste, il y a juste des images, car il ne savait pas la nature du texte, mais aussi reconnu coupable par la machine judiciaire pour son apport.
Est-ce que Berry à travers cet épisode parle de lui ? de la situation d’un réalisateur lambda à Hollywood qui est chargé de mettre en images un scénario orchestré par d’autres. Pourquoi serait-il reconnu coupable de cette simple mise en images ? Quelle est réellement sa responsabilité ? Comme le remarquait Borges il y a quelques années, parmi les dix d’Hollywood, une majorité étaient des écrivains, des hommes qui insufflaient du contenu politique.
Le monde que Berry décrit avec toucher, sensibilité, n’est pas un monde d’affrontement, de lutte, il n’est nulle part fait mention de grève, de combat, il se focalise sur les effets du chômage sur des familles, sur un jeune couple. C’est déjà beaucoup au sein de l’industrie d’Hollywood.

N’y a t il pas Chez Berry une forme de culpabilité ? De ne pas dire et faire ce qu’il pense réellement , de se taire là où l’humanité appelle une voix. La voix humaine. Mais on pourrait dire que chez lui cette voix est multiple, comme la communauté qu'il décrit avec ses désordres, ses cris, ses passions, un melting pot et le film en est le procès entendu comme processus, procès aussi de l'hubris, un personnage ne doit pas oublier cette appartenance au monde collectif.
Chez Capra c'est très différent. Il produit a Wondeful life à travers sa propre société, liberty films. Le film est une ode à l'individualité; le prix du cinéma de Capra est la tension, la contradiction extrême de son idée de l'Amérique. On peut se rappeler d'un échange surréaliste dans  You Can't Take It With You quand Lionel Barrymore demande à un inspecteur des impôts quel est l'intérêt d'en payer; la réponse évidente mentionnerait le système de santé, l'éducation etc ... mais rien de tout cela ne vient à la bouche du représentant de l’État.

On revient alors à la question de l'artiste empêché. Peut-être peut-on rechercher non pas une réponse mais une question transversale, celle de l'auteur, de la politique des auteurs. Ce temps particulier de l'après guerre aux états-unis est foisonnante aussi de ces questions du nom et de l’œuvre comme le souligne la reprise par Fincher père et fils du texte de Kael, Raising Kane.
La question de l'Auteur devient une question politique, celle de l'Autorité du Nom sur le projet et le travail du groupe, sur le témoignage d'une époque, sur ce que une société donne à un individu et qu'il transforme ou réorganise en œuvre _ passage de la quantité à la qualité. Face à la stature de Welles comme super Auteur _notion encensée par Bogdanovich, créature de Frankenstein cousue invisiblement, Hearst est plongé dans l'ombre ainsi que ses crimes, sa honte, la MGM de Mayer, la honte du cinéma etc ... Mank appelle a la nécessité d'un travail mais aussi au travail sur la mémoire, sur l’origine.
Et c'est ainsi que l’on pourrait regarder, peut-être, le retrait de Berry, son humilité de conteur qui s'efface devant la question toujours irrésolue.

Les deux films jouent sur l’idée d’un renoncement, d’une incertitude ou d’un rejet de l’avenir, d’une angoisse qui freine la projection ;  la communauté semble être le lieu de forces, de relations qui simultanément, éternellement, entravent le personnage (il y a dans les deux films un jeu du temps, des temps, juxtaposés, entrecoupés etc). Chez Capra le sentiment religieux prédétermine l’action humaine ou l’absence d’action, de projet mais qu’en est-il chez Berry ? C’est la loi des hommes qui fait obstacle au désir humain ici personnifiée par un juge. L’impénétrable monde de la justice, ses codes, ses règlements qui par contraste rattache le personnage plus fortement encore à son groupe social comme à une bouée de sauvetage.

(...)

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Message par Dr. Apfelgluck Jeu 11 Aoû 2022 - 20:36

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Message par 에르완 Ven 19 Aoû 2022 - 16:38

hi doc,

Le nom de Kazan est une porte d'entrée évidente dans ce thème; je ne l'avais pas choisie, pour la raison qu'un chemin buissonier se dessine souvent par l'écart qu'il construit avec les figures obligées, figures qui n'exercent pas une attirance telle qu'on se garde bien d'y réfléchir à deux fois avant de revenir à la grand' route cimentée et les poteaux indicateurs qui la recouvre.
J'aurais avec plus de plaisir évoqué "i confess" de Hitchcock, dont le scénario de Tabory devait être une parabole du maccarthysme, ce qui souleva d'après Tabory, l'indifférence de Hitch ou le cinéma de Nicholas Ray, que ce soit party girl ou sa version de l'histoire du Christ qui font une part centrale au thème du dénonciateur.
J'avais bien tenté de regarder certains des premiers films de Kazan mais le conservatisme s'y mesure au monolithisme des thèmes et grosso modo ça m’a gonflé (surtout waterfront).
Cependant et comme le montre certains commentaires à la vidéo que tu partages, beaucoup trouvent à Kazan des excuses ou voire même en font un champion du libéralisme américain.
Kazan, en avril 1952, ne s'est pas contenté de dénoncer des personnes ayant été ou non affiliées au parti communiste américain, il a, deux jours après son audition publié un encart dans le new york times, pour justifier son acte au nom de la défense de la démocratie américaine face à l'influence du parti communiste américain manœuvré par Moscou et le totalitarisme stalinien.
C'est son désir de se justifier et de jeter l’opprobre sur le parti communiste et sur ses anciens camarades qui font de sa dénonciation l'une des pierres angulaires de ce moment de l'histoire américaine.
Sa défense passait par une description du régime totalitaire et de la privation de liberté en URSS. Mais elle ne tient évidemment pas puisqu'il s'agissait d'apporter son soutien à un mouvement réactionnaire et fascistoïde, liberticide, comme un reflet déformé de ce contre quoi il prétendait lutter (lire Naming Names de Navasky).
Le notable critique américain Richard Schickel a en incipit de son livre sur Kazan élaboré une défense complexe de l’homme en fustigeant la naïveté coupable des communistes américains pendant la période stalinienne reprenant en quelque sorte à son compte ce que disait Kazan, que les communistes n’avaient pas de leçons à donner en terme d’éthique politique. Allant plus loin, Schikel affirme ensuite que Kazan n’avait aucune loyauté à avoir envers ses anciens camarades, d’une part  parce qu’ils avaient pris des chemins idéologiques contraires, de l’autre que beaucoup de temps avait passé sous les ponts. C’est quand même assez dingue.
Bon tout le monde se rappelle son Oscar d’honneur. Schickel en profite pour dézinguer ceux qui ont critiqué l’académie à l’époque, certains des blacklistés qui ont pas trop apprécié cet hommage.
Bon c’est Scorcese qui a remis le trophée il me semble lol avec De Niro.

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Message par 에르완 Mar 18 Oct 2022 - 17:40

Je suis tenté de revenir à Welles;
dans le texte consacré au film de Berry, from this day forward, je singeais en quelque sorte la position de Fincher au travers de la question de l’auteur et de la politique.
Dans sa manière de mettre au premier plan, obsessionnellement, la lettre de l’écriture _ traces de l’écriture en amorce des scènes (lettres, cahier vierge, télégramme, exemplaire du scénario de Kane, notification scénaristiques ...) , Fincher suit une tradition (dont l’un des représentants serait Joe Mankiewicz?) qui se dispute à celle de la Nouvelle Vague qui inaugura l’auteur du film dans la personne du metteur en scène.
La charge de Kael contre Welles s’entend aussi dans cette tradition_ peut-être réactive, sans doute.
La polémique qu’elle engendra, de par sa parution dans le New York times, n’est pas vraiment mon souci.
La question de l’attribution des crédits dans le générique d’un film est l’objet de rapports de forces constants surtout à Hollywood, Joe Mankiewicz en fit lui-même les frais s’attirant les foudres de la screen writer guild à certaines occasions.
La RKO voulait miser sur le wonder boy Welles au moment de Citizen Kane et Welles lui même voulait sans doute s’attribuer bien des éloges lol ce qui engendra des disputes avec Herman Mankiewicz, le scénariste du film avec lequel il avait travailler pour la radio je crois.
Rien de nouveau sous le soleil d’encre d’Hollywood.
Il n’en reste pas moins que Kael, par son approche sur cette question, échappe à la vérité de la production de Citizen Kane. Et ce n’est sans doute pas anodin qu’elle s’intéressa à ce film là qui porte exemplairement l’empreinte de Welles, du créateur.
Sydney Ladensohn Stern, auteur d’une belle bio sur les deux Mankiewicz, pointe le manque de sérieux du texte de Kael, citant Carringer qui attribuait environ 60 % des mots du scénario à Herman Mankiewicz.
Il n’en est pas moins vrai que le rôle de « Mank », qui donna le contenu principal au scénario, connaissant personnellement Hearst, apportant des souvenirs d’enfance pour nourrir les personnages, fut essentiel et moteur.



Mais pourquoi ce projet aujourd’hui ? Au delà de la relation de Fincher au scénario écrit par son père ?

Lors des interviews promotionnelles pour la sortie du film, Fincher n’hésite pas à donner une image un brin caricaturale de Welles, mettant en avant son immaturité, son hubris, son amateurisme, lui reprochant sa carrière chaotique en quelque sorte.
Je trouve étrange d’entendre cela de sa bouche car Welles aura aussi été une victime de la chasse aux sorcières, son nom apparaissant dans les listes du comité des activités anti-américaines.
Welles avait à cette époque une forte activité politique, participant à des comités pour l’amitié américano russe, prenant la parole pour l’antifascisme, pour les réfugiés de la guerre d’Espagne etc ...
Hearst demandera à son ami Hoover de surveiller Welles, cela avant la sortie compliquée de citizen Kane.
De plus ses journaux présenteront Welles comme un communiste au moment où l’inquisiteur comité Dies enquêtait, à partir de 1938 et jusqu’à 1944, sur les activités subversives et de propagande (dont le parti communiste et les partis d’extrême droite).
Cela aura aussi déterminé une partie de sa carrière errante.

Toujours est-il que cette description d’un Hollywood, sous l’égide de Mayer et Thalberg, qui fabrique des bobines d’actualités mensongères lors de l’élection pour le siège de gouverneur_ en 1934, afin de favoriser le candidat républicain ne peut manquer de rappeler et réfléchir à la période Trump _et de la post-vérité.
La manière dont est représenté Welles, vision autocratique, va peut-être aussi dans ce sens ?

Mank abonde aussi dans l’orientation en apparence « féministe » du cinéma américain ;

dans le film, la figure de l’actrice Marion Davies, compagne et égérie de Hearst est centrale de par sa relation à Herman Mankiewicz ;
d’ailleurs la première fois qu’on la voit, elle est sur un bûcher, vision prémonitoire?
Mank participe à une forme de réhabilitation d’une image faussée répandue par la confusion entre son parcours et sa représentation au cinéma telle qu’elle est apparue, déformée, dans Citizen Kane : femme enfant, actrice ridicule etc ... confusion que Welles lui-même regrettera publiquement à de nombreuses reprises.

Dans le film elle est personnifiée par l’actrice Dorothy Comingore qui fut par la suite la cible des attaques de l’empire médiatique de Hearst.
Ses opinions politiques et progressistes en firent une victime désignée de la réaction, de la HUAC ; elle refusa de livrer des noms.
Son ex-mari au contraire, le scénariste Richard Collins, qui a participé au scénario de Invasion of the Body Snatchers, collaborera avec la HUAC en  livrant 26 noms en pature et obtiendra la garde de leurs enfants par la suite.

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Dorothy comingore est une figure bien plus tragique que ne le fut Marion Davies en un sens.
Sa carrière fut stoppée nette en 1951.

On pourrait ajouter que la peinture de Hearst dans Mank laisse de côté bien des aspects déplaisants comme les liens de Hearst avec le nazisme (Dans Citizen Kane, on aperçoit Kane sur un balcon avec Hitler) :

William Randolph Hearst, par exemple, payait à Hitler et à d’autres responsables nazis une moyenne de 1 500 dollars par article – soit 20 000 dollars en monnaie actuelle.
« En donnant aux dictateurs fascistes accès au public américain et en leur permettant de se présenter comme des champions pacifiques de l’ordre, Hearst a contribué à normaliser le fascisme auprès de ses 30 millions de lecteurs », explique Olmsted. « Ces barons de la presse ne se contentaient pas de vendre les nouvelles, ils les construisaient et mentaient en rapportant les événements afin de gagner beaucoup d’argent et afin également d’acquérir une influence politique. » "The Newspaper Axis", Kathryn S. Olmsted

Seldes reports that a $400,000 a year deal was struck between Hearst and Hitler, and signed by Doctor Joseph Goebbels, the Nazi propaganda minister. "Hearst," continues Seldes, "completely changed the editorial policy of his nineteen daily newspapers the same month he got the money."

Sachant que l’antisémitisme était très présent aux usa avant guerre.

Les isolationnistes comme Lindbergh accusait les juifs de vouloir plonger l’Amérique dans la guerre contre l’Allemagne nazie.

Depuis les années 1920, dans le contexte d’une Amérique en processus d’urbanisation, de changement culturel profond (la culture de masse), les critiques antisémites visaient Hollywood l’accusant de violer les valeurs  proprement chrétiennes de l’Amérique blanche et protestante, provinciale.

Ces critiques peignaient Hollywood comme un domaine essentiellement contrôlé par les juifs, contrairement à la réalité des faits, et utilisaient abondamment tous les stéréotypes antisémites puisés chez Henry Ford et dans les protocoles des sages de Sion.

Même le socialiste Sinclair qu’évoque le film de Fincher n’était pas exempt d’utiliser de tels clichés dans ses caricatures des magnats d’Hollywood.

Les isolationnistes, à partir de Pearl Harbor, durent changer leur fusil d'épaule, remisant les propos antisémites sous le tapis, se rapprochant de la droite conservatrice, et misant sur l'anticommunisme qui conduisit après guerre au maccarthysme et à un modification de l'identité américaine.
(Hollywood and Antisemitism, steven alan Carr)

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Message par 에르완 Mar 29 Nov 2022 - 17:15



(...)
If I had a song
I'd sing it in the morning
I'd sing it in the evening
All over this world
I'd sing out danger
I'd sing out a warning
I'd sing out love between
My brothers and my sisters ah-ah
All over this land
(...)

에르완

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