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DES hommes et DES dieux (X. Beauvois)

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Message par Borges Mer 6 Oct 2010 - 12:10

DES hommes et DES dieux (X. Beauvois) - Page 3 B548979166304cde22a9b8d20aaf122b-orig-344x441

ils l'ont vu, et ont aimé; ça étonne les cons;

regardez bien la femme à sarkozy : son visage, c'est l'esthétique du film; la même opération




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Message par Invité Mer 6 Oct 2010 - 13:50

Dans la série "l'humour juif au service de la critique de cinéma", j'aime bien celle là :

"Trois rabbins montent dans un taxi à Tel Aviv. Au bout d'un moment le premier s'exclame :
-Dieu, je pense à toi ; et que suis-je devant toi ? Un grain de sable dans le désert !
Le second rabbin répond :
-Mais si tu dis ça, toi, mon maître, alors que suis-je moi devant Dieu ? Une goutte d'eau dans l'océan !
Et le troisième :
-Mais si vous parlez ainsi, vous qui m'avez tout appris, alors que suis-je moi devant Dieu ? Un atome dans l'univers !
Et le chauffeur de taxi :
-Mais si des savants dans la foi tels que vous dîtes des choses pareilles, alors moi, pauvre chauffeur de taxi, que suis-je devant Dieu ? Je ne suis rien.
A quoi le premier rabbin répond :
-Mais pour qui il se prend celui-là ?"

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Message par Borges Mer 6 Oct 2010 - 20:32

DES hommes et DES dieux (X. Beauvois) - Page 3 B548979166304cde22a9b8d20aaf122b-orig-344x441

je regarde cette photo, et je pense à besson et à ses mariages gris :"mariages de complaisance conclus lorsque l'un des deux époux est sincère et est trompé par l'autre"

dans le bon mariage évidemment, tous les deux sont sincères; dans la mariage gris (d'où vient cette expression? Du livre de marion "l'ontologie grise de descartes"? ) l'un est sincère et trompe l'autre; le sincère bien entendu, c'est le français ou la française; mais je parie qu'il pense surtout aux hommes; je sais pas pq?

Besson dont la femme est comme on dit d'origine tunisienne s'est-il jamais demandé si elle l'avait épousé pour lui-même, ou pour des qualités externes... dont le fait d'être français...
(je plaisante bien entendu)


on peut imaginer le cas où les deux sont insincères, ou chacun des deux épouse l'autre pour des raisons secrètes, qui ne sont pas uniquement d'amour...

ça pourrait être le cas ici :


DES hommes et DES dieux (X. Beauvois) - Page 3 B548979166304cde22a9b8d20aaf122b-orig-344x441


le qui
ou le quoi




comme nous en sommes à causer amour :

zohhilof le con (moins que d'autres, mais en même temps plus) s'étonne devant la scène des "dieux et des hommes" où la fille discute amour avec l'un des moines : ça lui semble invraisemblable, impossible, qu'une jeune fille algérienne dans les années 1990 puisse parler amour, surtout une paysanne; c'est un sentiment qu'ils ne doivent pas connaître dans les montagnes de l'atlas; l'amour pour lui, et les question sur l'amour c'est une invention du cinéma français...il croit dire quelque chose (contre le film; le pauvre en esprit) alors qu'il est tout simplement en train de répéter ce que le film lui raconte : l'éducation occidentale-chrétienne-française à l'amour...on va leur apprendre l'amour à ces pauvres gens...qui ne savent pas ce qu'aimer veut dire, qui n'aiment pas (hegel raconte la même chose à propos des juifs, cf glas, le juif ne sait pas aimer, n'aime pas...);

étrangement : il fut un temps où l'on racontait que l'amour courtois était une invention arabe...






un juif parle d'amour et avec humour







rappelons qu'arendt, qui n'aimait aucun peuple, mais seulement ses amis, liait "terreur totalitaire" et volonté de scruter l'authenticité des sentiments...

les nazis étaient tout de même plus efficaces en interdisant tout simplement les mariages dont ils ne voulaient pas;

(même si ça se débat, ça peut donner à penser)



Dernière édition par Borges le Mer 6 Oct 2010 - 20:50, édité 2 fois
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Message par Borges Mer 6 Oct 2010 - 20:39

on compare indigènes : des mecs morts pour la france
christian de chergé : mort pour dieu et pour l'algérie, dit-il

bien entendu, cela peut s'entendre de bien des manières :



(derrida)


Mes héritages : je voudrais parler comme Algérien, né juif d’Algérie, de cette partie de la communauté qui avait reçu en 1870, du décret Crémieux, la nationalité française et l’avait perdue en 1940. Quand j’avais 10 ans, j’ai perdu la citoyenneté française au moment du régime de Vichy et pendant quelques années, exclu de l’école française, j’ai fait partie de ce qu’on appelait, à ce moment-là, les juifs indigènes, qui ont rencontré parmi les Algériens de l’époque plus de solidarité que de la part de ce qu’on appelait les Français d’Algérie. C’est l’un des tremblement de terre de mon existence. Il y en a eu d’autres.

Il y a eu la guerre, ce qui a suivi la guerre, tous les tremblements de terre symboliques et politiques qui ont secoué l’Algérie depuis 1962 et qui continuent de la secouer.

Je parle ici, comme Algérien devenu français un moment donné, ayant perdu sa citoyenneté française et l’ayant retrouvée. Parmi toutes les richesses culturelles que j’ai reçues, que j’ai héritées, ma culture algérienne est parmi celles qui m’ont le plus fortement soutenu.

L’héritage que j’ai reçu de l’Algérie est quelque chose qui a probablement inspiré mon travail philosophique. Tout le travail que j’ai poursuivi, à l’égard de la pensée philosophique européenne, occidentale, comme on dit, gréco-européenne, les questions que j’ai été amené à lui poser depuis une certaine marge, une certaine extériorité, n’auraient certainement pas été possibles si, dans mon histoire personnelle, je n’avais pas été une sorte d’enfant de la marge de l’Europe, un enfant de la Méditerranée, qui n’était ni simplement français ni simplement africain, et qui a passé son temps à voyager d’une culture à l’autre et à nourrir les questions qu’il se posait à partir de cette instabilité. Tout ce qui m’a intéressé depuis longtemps, au titre de l’écriture, de la trace, de la déconstruction de la métaphysique occidentale –que je n’ai jamais quoi qu’on en ait répété, identifiée comme une chose homogène ou définie au singulier-, tout cela n’a pas pu ne pas procéder de cette référence à un ailleurs dont le lieu et la langue m’étaient pourtant inconnus ou interdits. De plus, en pleine guerre, juste après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, en novembre 1942, on assiste à la constitution d’une sorte de capitale littéraire de la France en exil à Alger –effervescence culturelle, présence des écrivains, prolifération des revues et des initiatives intellectuelles.

Cela conférait une visibilité à la littérature algérienne d’expression, comme on dit, française, qu’il s’agisse d’écrivains d’origine européenne, Camus et bien d’autres ou, mouvement différent, d’écrivains d’origine algérienne. Quelques années plus tard, dans le sillage encore brillant de cet étrange moment de gloire, j’ai été comme harponné par la littérature et la philosophie françaises, l’une et l’autre, l’une ou l’autre.

Une généalogie judéo-franco-maghrébine n’éclaire pas tout, loin de là, mais pourrais-je rien expliquer sans elle, jamais ?

L’arabe, langue interdite : la langue arabe, cet ailleurs, m’était comme inconnue ou interdite par l’ordre établi.

Un interdit s’exerçait sur la langue arabe. Il prit bien des formes culturelles et sociales pour quelqu’un de ma génération.

Mais ce fut d’abord une chose scolaire, un dispositif pédagogique. L’interdit procédait d’un «système éducatif», comme on dit en France. Vu les censures coloniales et les cloisons sociales, les racines, étant donné la disparition de l’arabe comme langue officielle, quotidienne et administrative, le seul recours pour l’apprentissage de l’arabe était l’école, mais au titre de langue étrangère ; de cette étrange sorte de langue étrangère comme langue de l’autre, certes, quoique, voilà l’étrange et l’inquiétude, de l’autre comme le prochain le plus proche. Pour moi, ce fut la langue du voisin. Car j’habitais à la bordure d’un quartier arabe, à l’une de ces frontières, à la fois invisible et presque infranchissable : la ségrégation y était aussi efficace que subtile.

Il y avait encore, avant de disparaître au lycée, des petits Algériens. Proches et infiniment lointains ; voilà la distance dont on nous inculquait, si je puis dire, l’expérience. Inoubliable et généralisable.

L’étude facultative de l’arabe restait certes permise. Nous la savions autorisée, c’est-à-dire tout sauf encouragée. L’autorité la proposait au même titre, et sous la même forme que l’étude de n’importe quelle langue étrangère dans tous les lycées français d’Algérie. L’arabe, langue étrangère facultative en Algérie ! La langue soustraite devenait sans doute la plus étrangère. Parfois je me demande si cette langue, inconnue pour moi, n’est pas ma langue préférée. La première de mes langues préférées. Et comme chacune de mes langues préférées, car j’avoue en avoir plus d’une, j’aime à l’entendre surtout hors de toute communication, dans la solennité poétique du chant ou de la prière. Sur le plan de l’histoire, nous le savions d’un savoir obscur, l’Algérie n’était en rien la province de la France, ni Alger, un quartier populaire. Pour nous, dès l’enfance, l’Algérie, c’était aussi un pays, Alger, une ville dans un pays, en un sens trouble de ce mot.

On pourrait aussi raconter à l’infini ce qu’on nous racontait, justement, de l’histoire de France, entendons par là ce qu’on enseignait à l’école sous nom d’histoire de France, une discipline incroyable, une fable et une bible, mais un endoctrinement quasiment ineffaçable pour des enfants de ma génération. Pas un mot sur l’Algérie, pas un seul sur son histoire et sur sa géographie.

La communauté à laquelle j’appartenais aura été trois fois dissociée : elle fut coupée, d’abord, et de la langue et de la culture arabe et berbère, plus proprement maghrébines ; elle fut coupée, aussi, et de la langue et de la culture française, voire européennes, qui étaient pour elle un pôle éloigné, hétérogène à son histoire ; elle fut coupée enfin, ou pour commencer, de la mémoire juive et de cette histoire et de cette langue qu’on doit supposer être les siennes, mais qui à un moment donné ne le furent plus.

Foi et savoir : quand j’étais étudiant, on distinguait souvent, dans la tradition de Gabriel Marcel, le mystère et le problème, le problème qui est l’objet d’une élaboration philosophique, et puis le mystère qui n’est pas problématisable. Je dirai que tout ce qui touche à ce qui, dans la vie, nous reste encore inconnu, aussi bien au sens où la science a encore à en connaître, dans le savoir sur la vie, sur le génétique sur le biologique, ou aussi bien le mystère au sens de la vie comme existence. Je crois que la sécularisation du politique, c’est-à-dire la séparation entre le politique et le théocratique, ne nuira en rien, au contraire, à l’approfondissement des questionnements sur ce que vous avez appelé le mystère de la vie, sur les questionnements de la foi. Personnellement, je distingue toujours entre la foi et la religion.

Je crois qu’il y a des religions, des religions positives, qui sont multiples et auxquelles on peut appartenir ou ne pas appartenir ; il y a les religions que j’appelle abrahamiques, qui sont les religions juive, chrétienne et musulmane, avec leur fonds ou leur tronc commun. Il y a d’autres cultures que l’on appelle religieuses et qui ne sont peut-être pas des religions. Le concept de religion est un concept obscur. J’ai essayé d’écrire, dans Foi et Savoir à ce sujet, sur l’obscurité du concept même de religion. Le bouddhisme est-il une religion ? le taoïsme est-il une religion ? Ce sont des questions essentielles, que nous devons ici laisser de côté.

Si nous nous en tenons, pour l’instant, à ce que nous avons pour coutume d’appeler religion dans l’univers abrahamique des religions du Livre, eh bien je distinguerai entre les appartenances religieuses au judaïsme, au christianisme, à l’islam, et puis la foi sans laquelle aucun rapport social n’est possible. Je ne peux pas m’adresser à l’autre, quel qu’il soit, quelles que soient sa religion, sa langue, sa culture sans lui demander de me croire ou de me faire crédit. Le rapport à l’autre, l’adresse à l’autre, suppose la foi. On ne pourra jamais démontrer, on ne pourra jamais prouver que quelqu’un ment ou ne ment pas, c’est impossible à prouver.

On pourra toujours dire, j’ai dit quelque chose qui est faux, mais je le dis sincèrement, je me suis trompé, mais je ne mentais pas.

Par conséquent, quand quelqu’un nous adresse la parole, il nous demande de le croire.


Cette foi est la condition du lien social lui-même. Il n’y a pas de lien social sans une foi. Eh bien je crois qu’on peut radicaliser la sécularisation du politique, tout en maintenant cette nécessité de la foi au sens général que je viens de définir et ensuite, sur le fondement de cette foi universelle, cette foi partagée, cette foi sans laquelle il n’y a pas de lien social, on peut et on doit respecter les appartenances religieuses proprement dites.

Et je suis persuadé que les croyants authentiques, ceux qui sont authentiquement juifs, chrétiens ou musulmans, qui ne sont pas seulement des dogmatiques de ces religions, sont plus prêts à comprendre la religion de l’autre et à accéder à cette foi, dont je viens de décrire la structure universelle, que les autres.

Par conséquent, je crois qu’il n’y a pas de contradiction entre sécularisation politique et le mystère de la vie, c’est-à-dire le fait de vivre ensemble dans la foi. L’acte de foi n’est pas une chose miraculeuse, c’est l’air que nous respirons. Dès que j’ouvre la parole, même si je mens, je suis en train de vous dire : «Je vous dis la vérité, croyez-moi, je vous promets de vous dire la vérité.» Et cet acte de foi qui est impliqué dans le rapport social, dans le lien social lui-même, je suis persuadé que les croyants authentiques, ceux qui ne sont pas ce que l’on appelle des fondamentalistes, intégristes, dogmatiques prêts à transformer leur croyance en arme de guerre sont plus prêts à comprendre la religion de l’autre et la foi universelle.

Par conséquent, je crois que loin qu’il y ait une contradiction,il y a un lien entre la sécularisation du politique et ce que vous appelez le rapport au mystère de la vie.

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Message par Van Stratten Mar 26 Oct 2010 - 11:56

27 09 2010

Beauvois, Bouchareb, et les petits soldats. Le Petit soldat film d’extrême droite (soufflé par Bonnaud aujourd’hui dans son émission). Film moderne et bien meilleur qu’A bout de souffle en tout cas. Film moderne parce qu’il reprend les codes du film noir, dans la rue, avec un sujet politique, et des jeunes gens, pour porter ce sujet, qui ressemblent à l’auteur, comme au spectateur, qui pourraient être lui. Il se passe exactement l’inverse avec Bouchareb ou Beauvois. Beauvois est plus cultivé, il connaît Mizoguchi et Rossellini. Oui mais il n’a pas dû bien les comprendre, il est un peu passé à côté, parce qu’il donne l’impression dans le même temps de mépriser Walsh, Ford et Kurosawa. Les sept samouraïs étaient payés par les paysans, même si c’était en bols de riz, et il y avait un contrat entre les deux parties. On mettait cartes sur table. Dans Des Hommes et des Dieux il n’y pas de contrat, juste le caprice d’individus, fussent-ils liés par une communauté, le caprice d’individus qui choisissent de mourir pour eux-mêmes, pour leur propre profit moral, ou théologal, pour gagner leur place parmi les justes. Mais ils n’ont pratiquement aucun lien dans l’action avec les gens du village. Ils dispensent leurs bienfaits, et en attendent en retour le respect. D’ailleurs à leur égoïsme, ou plutôt devrais-je écrire égotisme fondamental, répond l’égoïsme des habitants, qui leur demandent de ne pas partir, donc de se sacrifier pour eux, simplement parce que cette présence du monastère les rassure. Il ne s’agit plus de sacrifice réciproque, d’engagement, d’implication morale ou d’échange, mais simplement d’échange marchand, de valeur marchande, de petits profits bilatéraux. La réciprocité est marchande, c’est tout. C’est triste.
L’image est belle, très belle, trop longtemps belle. Le plus embarrassant, le plus gênant est que de nombreuses scène sont « fortes », réussies, intelligentes, mais le film est bien triste tout de même.

Quant à Bouchareb, lui aussi est très intelligent, mais il n’a rien compris au cinéma. Le fait que personne ne s’en rende compte (même Bonnaud disait tout à l’heure à la radio que Indigènes c’était plutôt bien fichu, et comme pour le contredire, je viens justement de le découvrir sur le petit écran) est vraiment ce qu’il y a de plus grave à propos de ce film médiocre. C’est simplement mauvais, très mauvais. Walsh a fait Objective Burma il y a soixante dix ans. Il faut faire mieux que Walsh, et encore plus moderne, ou ne rien faire.

Van Stratten

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Message par Van Stratten Mer 27 Oct 2010 - 20:36

26 10 2010

Des Hommes et des dieux est un film chrétien fait par un athée. Un Tartuffe moderne. Beauvois ne cesse de présenter son athéisme comme étendard, mais son film est une hagiographie. La vie de ces moines est exemplaire, à laquelle le réalisme du cinéma est censé rendre son quotidien, l’inscrire dans une durée. Je devrais être touché (je l’ai été souvent durant le film) mais je suis surtout mal à l’aise. Car Rossellini était chrétien. Et Pasolini, communiste.
Le problème du film est bien un problème d’ordre moral : l’individu Beauvois, ci-après dénommé « l’Auteur », fait un film chrétien tout en revendiquant son athéisme. L'Auteur veut occuper toutes les places à la fois : il n’en occupe donc aucune, et ne peut que nous imposer une image toute-puissante, mais finalement inaccessible. Ça donne un film poseur, un film qui maîtrise le discours de l’image, et qui se dit que si on sait faire des travellings, on a forcément une morale... Bien sûr, on n'obtient qu'un spot publicitaire. La vie des moines comme si vous y étiez. Prenez vite votre billet ! C'est peut-être plus grave encore que Fincher. Je ne sais plus. Comme disait si bien l'oncle Serge, je me sens démuni.

Van Stratten

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Message par Borges Mar 9 Nov 2010 - 8:53

Trente-cinq Irakiens blessés dans l'attaque (......) de Bagdad, menée le 31 octobre par un commando d'Al-Qaida, sont arrivés par avion lundi soir à Paris pour y être soignés dans le cadre d'un rapatriement sanitaire organisé par la France. En provenance de Bagdad, l'avion médicalisé de la compagnie française Aigle Azur s'est posé vers 22 h 45 à Orly. L'appareil transportant les 35 blessés (.......)a été accueilli par le ministre de l'immigration, Eric Besson. Les blessés ont été acheminés en ambulances vers des hôpitaux de la région parisienne. "Dès demain, ils vont avoir une carte provisoire de demandeur d'asile, valable six mois et renouvelable, avec autorisation de travail. Et ils pourront faire une demande d'asile. Cet asile leur sera très généreusement accordé", a déclaré M. Besson à la presse.




pourquoi tant de générosité ?
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Message par Le_comte Sam 13 Nov 2010 - 19:41

J'ai vu et je n'ai pas aimé le film. Non pas qu'il soit mauvais (car il marquera sans doute l'histoire d'une certaine qualité française), mais c'est que nous avons affaire à un énième produit de l'idéologie dominante : ce sont ses mots, ses idées et sa vision du monde qui construisent Des hommes et des dieux, film policier par excellence.

Le film me paraît effrayant en un point : il se réapproprie ce qui reste une belle histoire (résister tout en soignant son ennemi) pour la transformer en une espèce d'appel à la vengeance. A quoi sert l'écriteau final, qui ancre l'histoire dans la réalité, sinon à inviter à prolonger le "combat" ? Cette conclusion est complètement hors-propos par rapport à ce que vit la petite communauté.

En ce sens, Des hommes et des dieux n'a rien à envier à toutes ces merdes américaines qui nous chantent le pardon, la rédemption, la tolérance envers l'autre après la guerre en Irak.

Comme le note Borges (le grand) dans sa référence à l'article de Libération, on pourrait ajouter qu'esthétiquement, on est très loin des grands films sur la religion. Il n'y a absolument rien dans Des hommes et des dieux. C'est le vide absolu, le règne de superficialité.

Et puis, certaines scènes me choquent pour un film "tolérant" et soi-disant dédié à l'Algérie :

-Le peuple froussard, invisible et inactif. Quand les ""terroristes" arrivent pour faire soigner l'un d'entre eux, tous s'enfuient
-Ce regard du moine, en gros plan, sur la télévision, avec une compassion dégoulinante.
-Le retour du dernier moine, vers la fin du film, complètement inappropriée, et qui impose un contraste saisissant avec la "sous-humanité" des algériens.
-Ce pathos horrible lors du dernier repas (lol). Comme si ces gens incarnaient la rupture, la paix, le dernier rempart, alors qu'ils sont tout le contraire : ils incarnent le pouvoir et le visage démasqué de ceux qui imposent l'idéologie dominante.

Bref, rien de politique, d'humain, de vrai, de fort dans ce film. Seulement de la Police, et une affectivité qui correspond, mot pour mot, au répertoire du débat de société à la TV...

Le_comte

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Message par minimax Mar 16 Nov 2010 - 21:16

ce qui me fait problème dans le film de beauvois, plutôt bon cinéaste, est que les hommes sont les moines et les dieux une part d'eux mêmes, et qu'autour le village, les terroristes mêmes sont sans vie, de carton pâte ; une drôle d'impression celle de voir leur monastère, une prison finalement transfigurée en lieu de vie à mesure que le dehors prend les allures de la mort.
une inversion salutaire ou morbide, c'est selon, mais quand on lit ensemble le dehors et le dedans, il y a beaucoup d'ambiguïté.

minimax

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Message par Borges Mar 16 Nov 2010 - 22:37

dans la 5ème de ses méditations cartésiennes husserl appuie sa notion d'aperception analogique à celle de transfert en imagination; "dire que vous pensez comme moi, que vous éprouvez comme moi peine et plaisir, c'est pouvoir imaginer ce que je penserais et éprouverais si j'étais à votre place. Ce transfert en imagination de mon "ici" dans votre "la" est la racine de ce que nous appelons intropathie..."

(ricoeur)

dans le film on voit le moine-médecin lire "les lettres persanes", mais le film date d'avant les lettres persanes.

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Message par minimax Jeu 18 Nov 2010 - 22:13

ricoeur, bien ; mais pour le reste où veux tu en venir ?

minimax

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Message par Largo Sam 4 Déc 2010 - 12:40

Au fait, vous aviez entendu parler de ça ?



Depuis fin avril, soit neuf semaines consécutives, les trois ecclésiastiques sont numéro 1 des ventes d'albums en France avec Spiritus Dei ! Le record réalisé par les Black Eyed Peas entre début décembre 2009 et fin janvier 2010 avec sept semaines d'affilée est donc battu.

http://www.musiquemag.com/news-les-pretres-numero-1-des-ventes-d-albums-en-france-depuis-neuf-semaine-2556.htm
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http://www.raphaelclairefond.com/

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Message par Borges Sam 4 Déc 2010 - 12:47

Largo a écrit:Au fait, vous aviez entendu parler de ça ?



Depuis fin avril, soit neuf semaines consécutives, les trois ecclésiastiques sont numéro 1 des ventes d'albums en France avec Spiritus Dei ! Le record réalisé par les Black Eyed Peas entre début décembre 2009 et fin janvier 2010 avec sept semaines d'affilée est donc battu.

http://www.musiquemag.com/news-les-pretres-numero-1-des-ventes-d-albums-en-france-depuis-neuf-semaine-2556.htm

Nietzsche est mort, comme disait dieu
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Message par Invité Dim 5 Déc 2010 - 3:49

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Message par Eyquem Ven 10 Déc 2010 - 23:23



Des moines et des cow-boys
8 décembre 2010, par Frederick Bowie

Frederick Bowie est journaliste indépendant, spécialisé dans les rapports Nord-Sud. Il fut notamment correspondant pour Al-Ahram Weekly (Le Caire).

(...)


Ce dont on parle moins, et à quoi le film lui-même ne fait jamais allusion, c’est l’implication de l’Etat français dans le dénouement de ce drame. Mon propos n’est pas de revenir ici sur les récits contradictoires qui font état de rivalités politiques et de guerres de services à l’intérieur de l’administration nationale, et qui auraient fait échouer une possible libération des otages qui n’étaient pas encore des martyrs [4]. L’essentiel du message ne réside pas, bien sûr, dans la réfutation de telle hypothèse particulière, mais dans le fait qu’un champ sémantique entier est ainsi balayé. Pour le film, et son spectateur, le drame des moines se décide in vacuo, entre les forces algériennes en présence : que ce soit tel groupe de terroristes, ou tel commando militaire, travesti ou non en « fous de Dieu », qui les a effectivement mis à mort, c’est secondaire. Le drame peut ainsi se dérouler dans un monde imaginaire où toute responsabilité de l’Etat français, aussi bien dans cet événement particulier que dans tout le cours qu’a pris l’histoire de l’Algérie depuis l’indépendance, est largement évacuée. Cela ne rend pas le film plus précis sur le plan historique, mais cela le rend sans doute beaucoup plus « consommable », au moins en métropole.

Mais ce n’est pas assez pour assurer son succès. Et là nous entrons dans un domaine beaucoup moins sujet à des hypothèses contradictoires. Le film présente les moines de Tibhirine en général, et leur prieur Christian de Chergé en particulier, comme des hommes de bonne volonté, c’est-à-dire, des gens essentiellement « ordinaires » — qui ex-plombier angoissé, qui médecin et bon vivant, qui vieillard diminutif aux yeux nécessairement étincelants. Mus tous, sans doute, par une capacité de se sacrifier pour autrui hors du commun, leurs actions envers leurs voisins algériens se résument néanmoins à un mélange de convivialité un peu guindée (scène de la fête de circoncision, mise en scène réitérée des rapports « humains » qui unissent tel moine à tel villageois), de simplicité partagée (vente de miel au marché, travail de la terre), et de charité inéluctable (dispensaire prodiguant des soins médicaux miraculeusement efficaces en dépit de l’absence quasi totale de moyens matériels, ainsi que des chaussures gratuites pour pauvres hères mal vêtus), avant l’inévitable métamorphose provoquée par la conscience de plus en plus aiguë de leur rôle de bouclier humain.

Il ne s’agit pas de tourner tout cela en ridicule, ni de rentrer dans un débat stérile et sans doute mal placé sur une éventuelle idéalisation des moines de Tibhirine. (Une partie du succès du film vient sans doute de sa capacité de redorer le blason d’une Eglise catholique qui en a fort besoin, mais à mon avis, cela est loin d’être sa fonction essentielle.) Mais en résumant l’engagement des moines à ses seules dimensions spirituelles et humaines, plus quelques poncifs sur la cohabitation pacifique souhaitable entre chrétiens et musulmans (qui ne le souhaiterait pas ?), et une carte très CCFD [5] d’un monde « plus équitable » devant lesquels se déroulent les réunions du chapitre, le film tait une dimension essentielle de la vie des moines de Tibhirine – leur implication dans le processus politique algérien dans ce qu’il avait de plus brûlant, et de potentiellement plus explosif.


Témoins et acteurs

Car au-delà de leur « crime » de traiter les maquisards blessés qui se présentaient au dispensaire sans poser de questions – choix humanitaire sur lequel le film fait porter tout le poids de leur martyre, et qui lui fournit la matière dramatique de ses plus belles scènes – les moines pouvaient poser deux autres problèmes aux yeux du régime algérien à ce moment précis de la « sale guerre » qui l’opposait aux Islamistes.

D’une part, ils étaient témoins des sévices de l’armée dans la région de Médéa : ratissages, déplacements des populations, déboisement, interdictions de pâturage, bombardements au napalm. De tout cela, aucune trace ne subsiste dans le film. Le paysage ne comporte aucun signe visible des horreurs, parfois fort physiques, qui le traversent et le bouleversent à cette période [6]. Résultat : l’hostilité manifestée envers les moines par leur némésis, islamiste ou militaire, n’en semble que plus immotivée, plus « théologique » ; plus abstraite, et donc plus absolue.

Mais les moines de Tibhirine n’étaient pas seulement les témoins passifs des crimes des forces armées. Certains d’entre eux étaient aussi, à leur échelle, et en toute modestie, des acteurs réels du processus politique qui, dans ces temps-là, cherchait à créer un consensus assez fort et assez large pour mettre fin à la violence et relancer le processus démocratique interrompu en 1992. Christian de Chergé était en effet proche de Marco Impagliazzo de la Communauté de Sant’Egidio, dont les efforts ont rendu possible en janvier 1995 la signature des Accords de Rome, plateforme unissant toutes les forces politiques algériennes en faveur d’une sortie pacifique de la crise – toutes, sauf le régime au pouvoir, issu du coup d’Etat de 1992. Impagliazzo était venu plusieurs fois participer aux rencontres entre chrétiens et musulmans qui étaient organisées régulièrement au Monastère de l’Atlas. Et c’est par Christian de Chergé qu’il serait rentré en contact avec le sheikh Hocine Esslimani de Médéa, qui assistera aux rencontres de Rome (et qui sera lui-même la cible d’une tentative d’enlèvement la même nuit que les sept moines…). Le prieur, pour sa part, n’a eu de cesse d’encourager cette contre-offensive diplomatique qui, à un certain moment, a semblé pouvoir aboutir. Et suite à la nuit du 26 mars, la Communauté de Sant’Egidio activera ses propres réseaux pour tenter de faire libérer leurs amis de Tibhirine [7].

Malgré certaines révélations récentes [8], le partage réel des responsabilités dans cette tragédie, et l’enchaînement des causes qui y a abouti, ne sont pas encore connus. Peut-être ne le seront-ils jamais. Ce qui est clair, par contre, c’est que la vision de Christian de Chergé, et l’engagement de toute sa vie de religieux en faveur d’une vraie fraternité entre musulmans et chrétiens, ne refusa pas la dimension proprement politique d’un tel travail, avec tout ce que cela peut comporter de risques, et avec tout ce que cela nécessite de réalisme [9]. C’est en évacuant cette dimension de l’action des moines, plutôt qu’en les idéalisant sur le plan psychologique individuel, que Des hommes et des dieux les trahit le plus sûrement. En privant leur mort de sa vraie densité existentielle, il la transforme en simple surface pour la projection de nos peurs et nos fantasmes de spectateurs européens – surface dont la métaphore exacte est bien l’écran enneigé sur lequel le film se clôt, blancheur à travers laquelle les moines avancent vers leur propre disparition.

De la bonne manière de dépeindre la vie indigène

Si le film déforme ainsi la réalité politique du monastère de l’Atlas, que dire du traitement qu’il réserve aux Algériens eux-mêmes ?

Relations avec les moines réduites au plus pur paternalisme, vision déjà résumée dans la scène matricielle où Frère Luc (Michael Lonsdale) expose à la jeune Rabbia (Sabrina Ouazani) la réalité de l’amour des hommes et de l’amour de Dieu, et qui sert beaucoup plus à nous faire prendre en affection ce vieux bougre sympathique qu’à entrer dans la vie des personnes à qui il consacre ses talents de psychologue amateur et de médecin. Clichés que ces bons villageois affalés dans une dépendance à peine post-coloniale. Clichés également, tous les « méchants » – les terroristes « durs mais pas totalement déshumanisés », les militaires « sadiques et totalement déshumanisés », les hauts fonctionnaires « autoritaires et sans doute corrompus ». Escamotage habile du contexte historique long, avec une seule allusion au colonialisme et ses séquelles, savamment placée dans la bouche du wali, représentant de cet Etat « terroriste » dont le prieur refuse toute aide, et ainsi relativisée jusqu’à ne plus être entendue.

Jusque dans sa topographie, le village de Thibirine se retrouve émasculé de ses signes les plus distinctifs, y compris l’entrelacement physique des deux communautés, qui s’était concrétisé par l’accueil de la mosquée à l’intérieur des bâtiments mêmes du monastère. Jamais on n’entendra ce muezzin qui, avec les cloches, rythmait la vie des « priants » chrétiens au même titre que celle de leurs voisins musulmans, et qui a pourtant continué à appeler à la prière pendant toute la période décrite par le film, y compris le jour même de l’enlèvement.

Cette rupture avec la texture concrète de l’Histoire est consommée par le choix de faire représenter l’Algérie par le Maroc, et la plupart des villageois par des figurants marocains, d’où foire d’accents déplacés, de doublages sauvages où ça ne tient vraiment plus la route, et d’inauthenticité généralisée dans la description de la vie quotidienne.

Qu’en penser, alors que tout le battage médiatique autour Des hommes et des dieux ne cesse de mettre en avant les petits soins pris pour assurer l’exactitude de la représentation de la vie du monastère, des rites liturgiques, du comportement des moines ? On nous cite le conseiller monastique, les semaines passées par les acteurs « en immersion » chez les trappistes en Savoie. Et puis, quant il s’agit de dépeindre la « population indigène », autant d’incohérences que si on avait pris Nanni Moretti (d’ailleurs pas si mal en prêtre) pour jouer Christian de Chergé, ou (pour rester entre anciens ennemis de James Bond) Klaus Maria Brandauer dans le rôle du Frère Luc !

On objectera sans doute l’impossibilité d’un tournage en Algérie, encore moins sur les lieux mêmes, et le caractère totalement banal (d’un point de vue « industriel ») de cette substitution d’un pays maghrébin pour un autre. Soit. Mais cela ne fait que généraliser l’approche « deux poids, deux mesures » du cinéma européen dès lors qu’il s’agit de faire passer son naturalisme de plus en plus pathologique de l’autre côté de la Méditerranée, consacrant ainsi l’évacuation complète de toute la dimension politique qu’un tel choix comporte. Pasolini n’a pas filmé la Passion du Christ en Palestine, mais en assumant l’écart géographique entre la Terre Sainte et le Mezzogiorno italien, il a pu s’en servir pour construire un discours plus général sur les relations entre des aires d’expérience humaine anthropologiquement et politiquement distinctes, et pas seulement pour créer un exotisme hard discount. Chez Xavier Beauvois, par contre, aucune conscience du lieu en tant que lieu, réduit (la fente de casemate du Cinémascope aidant) à un simple décor, ni de la vie qui le creuse et l’habite, travestie en sous-folklore, quand elle n’est pas tout simplement absente.

Un film dont nous sommes les héros

Malheureusement, que ce soit face aux moines de Tibhirine, ou aux Algériens avec et parmi qui ils avaient choisi de vivre, les choix de Beauvois, et de ses scénaristes et producteurs, ne sont que trop cohérents. En dépolitisant ce drame inséparablement politique et humain, le film permet une identification (trop) facile du Français moyen à un esprit de résistance fantasmé jusque dans son manque complet de moyens comme de discours, son pacifisme pacifié. Pris entre un Etat auquel on ne saurait se fier, et une violence aussi aveugle qu’inévitable, Des hommes et des dieux est vraiment un film dont, en ces temps de peur et de méfiance généralisées, nous, les Européens, nous sommes les héros.

Dans une lettre circulaire envoyée le 11 avril 1995, après l’échec du processus de Rome, Christian de Chergé écrivait : « Il aura manqué à l’initiative de Sant’Egidio de savoir donner une voix à cette immense foule des ‘petits’ traités par le mépris et dont nous savons le bon sens et la générosité. » [10] Des hommes et des dieux reproduit exactement la même erreur qu’épinglait le prieur, et le même racisme sous-jacent, tout en le sublimant par les prestiges convergents et convenus d’une religion purifiée, une lumière de tableau de vieux maître, et un jeu d’acteur dont le charme indéniable vire parfois au vulgaire à force de « subtilités psychologiques ». Dans le film de Beauvois, cette foule dont parlait de Chergé n’existe tout simplement plus. Et les quelques fragments d’hommes et de femmes qui lui ont survécu n’ont de voix que pour demander aide et protection au « grand frère blanc ».

Peut-être est-ce là, au fond, que nous devons chercher les raisons profondes d’un tel engouement unificateur du public. Comme le dira le réalisateur lui-même, dans un lapsus qu’aucun journaliste français ne semble avoir relevé, « Pour moi, c’est une tragédie universelle. Ou un western effectivement. Mais un western couscous alors, avec les algériens qui joueraient les indiens et les moines qui seraient les cow-boys retranchés dans le fort [11]. »

En effet. On ne saurait être plus clair. Et comme on ne le sait que trop, à force de ne défendre que les « bons » Indiens, ceux qui ont accepté de se soumettre à nous, on finit souvent par exterminer, ou laisser exterminer, tous les autres.

Notes




[4] On lira avec intérêt, mais sans abandonner tout sens critique, les différents scénarios proposés par Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire dans Françalgérie, crimes et mensonges d’États. Histoire secrète, de la guerre d’indépendance à la « troisième guerre » d’Algérie, La Découverte, Paris, 2004.

[5] Comité catholique contre la faim et pour le développement.

[6] « Depuis des mois, ce sont les autorités algériennes qui les poussent à déménager. Désormais, il faut choisir son camp. La zone a été vidée, les populations déplacées, les pâturages interdits. Les militaires ont même tenté de déboiser pour ne rien laisser à couvert, et de longues traînées de terre rouge, comme à vif, balafrent le vert sombre des montagnes. » Florence Aubenas, « La véritable histoire des moines de Tibhérine », Nouvel Observateur, 26 août 2010.

[7] Le processus de paix mis en oeuvre par la communauté de Sant’Egidio est raconté in extenso par deux de ses architectes principaux dans Mario Giri et Marco Impagliazzo, Algeria in ostaggio : Tra esercito e fondamentalismo, storia di un pace difficile, Milan, 1997. Pour leurs rapports avec Notre-Dame-de-l’Atlas, et avec Christian de Chergé en particulier, voir pp. 211-221, et aussi les propos de Marco Impagliazzo rapportés par Aggoun et Rivoire, op.cit. Sur la plate-forme de Rome, voir Ignacio Ramonet, « Pacte pour l’Algérie », Le Monde diplomatique, février 1995.

[8] Voir, entre autres, Fabrice Arfi, « Tibéhirine : les révélations cachées dans le coffre-fort du juge » (réservé aux abonnés), Médiapart, 28 mai 2010.

[9] Cf. les phrases de Christian Bobin recopiées dans son journal par le frère Christophe Lebreton quelques jours après l’irruption dans le monastère du guérillero islamiste Sayah Atia la veille de Noël 1993 : « Aujourd’hui, les solutions militaires semblent à nouveau prendre le relais. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire là-dedans ? Il faut résister, résister. (...) Résister au mal, c’est résister au monde, et résister au monde, c’est faire de la politique quand les politiques n’en font plus. » Cité par John Kiser, Passion pour l’Algérie – les moines de Tibhérine, tr. Henry Quinson, Nouvelle Cité, 2006, p.238. Phrases qu’on peut rapprocher de ces paroles prononcées par Christian de Chergé lors d’une retraite de carême à Alger le 8 mars 1996 : « On entend dire que ce sont des bêtes immondes, ce ne sont pas des hommes, qu’on ne peut pas traiter avec eux. Je dis, moi, si nous parlons comme ça, il n’y aura jamais de paix. » Christian de Chergé, L’invincible espérance, Bayard, Paris, 1998, p. 309.

[10] Cité par Aggoun et Rivoire, op. cit.

[11] Voir « Des Hommes et des dieux : 2 millions de spectateurs ! Les raisons du succès », Première, 9 octobre 2010.

http://blog.mondediplo.net/2010-12-08-Des-moines-et-des-cow-boys
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Message par Invité Sam 11 Déc 2010 - 10:56

Ouaaaah. beau papier.

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Message par adeline Lun 17 Jan 2011 - 9:53

Je viens enfin de le lire, et je suis impressionnée aussi. Très contente surtout d'avoir appris que Christian de Chergé avait une vraie action politique. Je n'avais trouvé nulle part dans mes recherches sur le net de traces de ce travail pour les Accords de Rome.

Le film, aussi fort m'avait-il émue, est vraiment puant.

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Message par Largo Ven 11 Mar 2011 - 17:05

"Si vous deviez résumer votre film en trois mots ?
Liberté, égalité, fraternité." (X. Beauvois)

« La chrétienté nous a laissé un magnifique héritage de civilisation - président de la République laïque, je peux dire cela - et le premier devoir est de conserver et restaurer cet héritage » (NS)

Et le troisième terme :
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Message par Invité Sam 12 Mar 2011 - 0:03

Vu rapidement et distraitement (offert à un membre de ma famille, malade, pour lui changer les idées, ça n'a pas vraiment marché).

En effet pas terrible. par exemple le dialogue entre les moines et un officiel algérien en cravate qui ne peut plus assumer leur sécurité est montré d'emblée comme une opposition entre le martyre de la foi et la raison d'état en tant que tels, sans moyen terme.
De manière très peverse, il n'y aucune différence entre le discours qui amène la prise de conscience que l'islamisme tue vraiment et la raison d'état. A la limite l'islamisme est juste un problème sécuritaire particulièrement aiguisé, pas un scandale moral.
Pas étonnant que Sarkozy l'ait aimé.
Il n'y pas de discontinuité entre la contestation de l'ordre social comme principe et une situation de guerre civile (qui trouvait son origine dans un contexte politique socialement agité et évolutif, avec des élections organisées pour diluer des émeutes socialement meurtrières, elles-mêmes annulées, l'assassinat d'un président en exercice - il n'y pas que des moines qui ont été tués).

A l'opposé les moines sont les seuls à comprendre la dimension d'activisme moral individuel authentique mais déformée que l'islamisme peut éventuellement contenir, parce qu'ils ont la foi aussi.
Les personnage sont réduits à une opposition binaire logique d'assentiment au pire ou d'un enracinement extrême, qui en doit rien au sort et au fortuit (le film est encore plus intégriste que des cinéastes comme Dreyer ou Bresson qui mettent quand-même en scène une interrogation sur l'impuissance de la foi, ou en tout cas du manque de volonté possible du croyant, sans forcément les condamner).


La question "partir ou rester" revient comme un leitmotiv, mais il me semble qu'il n'accorde aucune attention au monde qui l'entoure et qu'il n'a pas réellement de durée.
Par exemple au moment ou les moines reviennent de l'entretien avec l'officiel, il y a un long plan très étiré sur la Peugeot 504 break qui s'arrête près d'un groupe de femme voilées, puis continue sa route et s'enfonce dans la nuit, la scène d'après montre directement les moines déjà arrivés, dialoguant (la scène est pleinement signifiante idéologiquement: la communauté villageoise ne soutiendra plus les moines et que ceux ci acceptent de payer le prix à la foi la mort et de la solitude face à l'opposition...mais il me semble qu'elle est cinématographiquement très faible, la durée contemplative du plan faisant oublier l'impuissance à montrer les gestes simples de l'arrivée et du passage qui malgré tout sont toujours les mêmes face à la mort et dans l'insignifiance).

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Message par Borges Dim 13 Mar 2011 - 19:14

comme tout le monde j'ai été fasciné par la voix de L, pas dans ce film, bien entendu; Foucault dit de lui des choses assez belles :

"Lonsdale, c'est tellement un acteur pour Marguerite Duras. Il a en lui une espèce d'épaisseur de brouillard. On ne sait pas quelle forme il a. On ne sait pas quel visage il a. Est-ce que Lonsdale a un nez, est-ce que Lonsdale a un menton? Est-ce qu'il a un sourire? Tout ça, je n'en sais rigoureusement rien. Il est épais et massif comme un brouillard sans forme, et puis de là surgissent ces sortes de vrombissements qui viennent on ne sait d'où, et qui sont sa voix, ou encore ses gestes qui ne sont accrochés nulle part, qui traversent l'écran et qui viennent jusqu'à vous. Une espèce de troisième dimension, où il n'y aurait plus que la troisième dimension et pas les deux autres pour l'appuyer, de sorte que c'est toujours en avant, c'est toujours entre l'écran et vous, ce n'est jamais ni sur ni dans l'écran. C'est ça, Lonsdale. Il me semble que Lonsdale fait absolument corps avec le texte de Duras, ou plutôt avec ce mélange texte / image. Il est à la fois coton et plomb."
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Message par Invité Sam 19 Mar 2011 - 8:40

Borges a écrit :

comme tout le monde j'ai été fasciné par la voix de L, pas dans ce film, bien entendu;

c'est vrai que dans la scène où, appuyés contre le mur, lui et la jeune arabe qui les aide au monastère parle de l'éveil à l'amour, il a une voix de fausset qui confine la scène à une trivialité dérangeante, impudique, contre ( sa ) nature, quelque chose de plaqué, un coup de scénario digne du meilleur de la " qualité française ", avec un soupçon de francisque.

De façon générale si l'on voit le film comme une succession de scènes à l'intérieur du monastère puis à l'extérieur on peut trouver complètement déconnectées et à la limite du crédible, faibles, de simples filets d'air un peu vicié ces scènes dehors par rapport aux fumigations des scènes d'intérieur.

Le film n'est ni dedans, ni dehors : il n'a pas de site.

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Message par Largo Mar 3 Mai 2011 - 17:15

Un "retour" un peu tardif :

Culture 27/04/2011 à 00h00
Retour sur «Des hommes et des dieux»


Par Sylvain Loiseau Linguiste, université de Caen


Le film Des hommes et des dieux a eu un grand succès public et critique. Au-delà du message apparent de tolérance religieuse, peu de critiques se sont interrogés sur la représentation donnée de l’histoire récente et particulièrement de l’image donnée de la colonisation.



Plusieurs séquences du film véhiculent une image condescendante du rapport entre moines français et villageois algériens. Les moines fournissent aide médicale et administrative, pallient les carences d’un Etat «corrompu». Mais le film ne dit rien sur le fait que les terres du monastère étaient cultivées en commun dans le cadre d’une coopérative, rien sur le dialogue interreligieux défendu par Christian de Chergé, qui est représenté sans interlocuteur théologique à sa hauteur, rien sur la présence d’un muezzin appelant à la prière au cœur du monastère. Sous le prétexte de décrire la grande abnégation et la profondeur de la vie spirituelle de ces moines, qu’il ne s’agit pas de mettre en cause, c’est une image complaisante, non exempte de clichés coloniaux, qui est donnée d’une relation entre un établissement de Français et un village algérien. On peut bien sûr souligner que ce n’est pas le propos du film, que celui-ci concerne uniquement la passion des moines, et qu’il s’agit de détails secondaires qu’il est malséant de venir relever. Mais c’est la réflexion sur l’histoire, plus généralement, qui est écartée. Le point de vue choisi par le film, qui gomme toute dimension historique et particulièrement tout arrière-plan colonial, signifie que cet arrière-plan n’importe pas à l’intelligibilité du destin de ces moines. C’est faux : il est nécessaire à sa compréhension, comme à celle de toute histoire algéro-française.

Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance des propos de l’ancien moine cistercien Henry Quinson. Celui-ci connaissait les moines de la communauté de Tibéhirine, dont il a raconté le destin dans plusieurs livres, et a conseillé Xavier Beauvois dans la réalisation du film. Il confiait à Thierry Leclère (Télérama, n° 3 165) son regret de ne pas voir prise en compte «la raison profonde» de la présence des moines en Algérie : «Christian de Chergé, l’intellectuel de la communauté, féru de dialogue islamo-chrétien, avait été sous-lieutenant pendant la guerre d’Algérie. Son ami Mohammed, un garde champêtre, s’était interposé et l’avait sauvé de la mort face au FLN. Quelques jours plus tard, Mohammed avait été retrouvé égorgé. Christian en avait été marqué à jamais. Frère Paul, comme parachutiste, avait fait - ou au moins vu - des choses horribles. Quant à frère Luc, "le toubib", il avait déjà été enlevé, en 1959, par des membres du FLN. Amédée était pied-noir et frère Christophe était venu faire la coopération après 1962.» Presque tous les moines étaient donc marqués par l’horreur des rapports coloniaux et de la guerre d’indépendance ; c’est un élément essentiel de leur histoire, un élément essentiel à la compréhension de leur choix et de leur passion. C’est leur rendre un piètre hommage que de dissimuler ce stigmate de leur humanité. Plutôt que de représenter cette dimension, le film choisit d’insister sur des questions malsaines et oiseuses d’attachement à la terre, jusqu’à représenter, avec une lourdeur démonstrative, frère Christian caressant l’écorce d’un arbre centenaire pour signifier son enracinement en Algérie. Ce point de vue an-historique dessine une situation totalement compatible avec la vision des nostalgiques de l’Algérie française : les Algériens auraient souhaité, au fond, le maintien de la présence française ; celle-ci leur aurait apporté de façon désintéressée les avantages matériels d’un niveau de civilisation plus élevé ; les colons auraient eu un sincère intérêt pour la culture musulmane et pouvaient arguer d’une forme d’autochtonie.

En définitive, on ne peut pas exclure que le succès de ce film, au-delà de ses bonnes intentions apparentes, s’explique par sa complaisance pour l’histoire française et par l’image qu’il permet de contempler d’une relation irénique et fantasmée entre Français et Algériens où seul l’amour désintéressé aurait motivé les premiers et où les seconds leur en auraient gardé une reconnaissance éperdue. Xavier Beauvois est bien sûr libre de choisir un point de vue, le fait est que le point de vue choisi ne risque pas de servir la connaissance critique de notre histoire récente.

http://www.liberation.fr/culture/01012333921-retour-sur-des-hommes-et-des-dieux
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Message par Invité Mar 3 Mai 2011 - 18:30

c'est dans l'air du temps et particulièrement chez les bobos de la côte ( d'azur ) de passer la colonisation par perte et profit.

bonne initiative de la rappeler à notre ( pas si bon ) souvenir.

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