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La vie et ses copies : le cinéma de Kiarostami

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Message par Invité Sam 23 Juil 2011 - 12:01

Copie conforme.
K est un formaliste : il fait subir au film la même chose qu'il fait subir au couple dans le film.
copia/coppia, comme le faisait remarquer Eyquem.
au moment où le couple est désuni, n'existant pas encore, il s'unit : séduction de la 1° partie.
dans la 2° partie, c'est l'inverse : le couple constitué se déchire.
il arrive la même chose au film : un va-et-vient entre une union (vieux couple jouant la rencontre ou son contraire, flirt jouant la durée) et une désunion (la bascule au café fait coupure entre les deux parties du film : le flirt est sans rapport avec la dispute).
on peut décider pour l'un ou pour l'autre, mais je crois que c'est passer à côté du film.
l'important dans les deux cas, il me semble que c'est l'idée de processus.
processus à l'oeuvre dans le couple (un couple générique : pas celui-ci ou celui-la) et à la fois dans le film.
un processus qui est : recherche de retrouvailles dans un monde perpétuellement mouvant. "où est la maison de mon aimé(e)".


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Message par Invité Sam 23 Juil 2011 - 12:06

encore que le mouvement du monde ici, ce soit surtout le mouvement de l'humain à la poursuite de... "son désir" serait un peu simple. Wink


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Message par Borges Sam 23 Juil 2011 - 17:42

Stéphane Pichelin a écrit: "où est la maison de mon aimé(e)".

rappelons que le titre du film est emprunté à un poème de Sohrab Sepheri :

La vie et ses copies :  le cinéma de Kiarostami - Page 3 1009-7-26d8e

on le trouve sur le net ; dans le petit livre que je lis, le dernier vers n'est pas traduit par "où est la maison de mon ami" ? mais par "où est la maison de l'Ami".

L'Ami est l'un des noms du Prophète, cela peut aussi désigner Dieu.

dans le livre de Nancy, très bien d'ailleurs, il y a une très grosse erreur ; dans l'un des plus beaux passages du film, l'enfant discute avec une mère, qui a perdu deux de ses enfants, si je me souviens bien...

C'est pas dieu dit l'enfant qui les a tués, dieu n'aime pas tuer ses enfants...

"La femme, écrit JL Nancy, demande : «Alors c'est qui ?» - et l'enfant: «C'est le tremblement de terre. Et l'enfant va raconter l'histoire d'Abraham et Isaac, l'histoire emblématique, pour toutes les traditions du Livre, de la justice qui surgit et qui tranche en pleine injustice."

En fait, l'enfant ne raconte pas l'histoire d'Abraham et Isaac, il raconte l'histoire d'Abraham et de son fils, il ne nomme pas le fils ; je ne sais pas si c'est intentionnel, mais c'est très riche en terme de lecture ; et il très intéressant de voir que Nancy déplace le récit dans la tradition judéo-chrétienne (sa tradition) et opère (inconsciemment, et par ignorance) finalement le même geste d'exclusion que le bible, ou plutôt la femme d'Abraham, Sarah ; dans la tradition musulmane, le fils de l'épisode (nous en avions parlé avec Eyquem) c'est Ismaël...








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Message par Borges Sam 23 Juil 2011 - 18:12




à la fin de "Et la vie continue", on ne retrouve pas les deux gosses, pour deux raisons, me semble-t-il, l'une, éthique, qu'explique Kiarostami : tout le monde aurait voulu que je retrouve ces deux enfants, et qu'on le voit à la fin, mais j'ai préféré montrer deux autres enfants ; il ne fallait pas accorder trop d'importance aux héros de "Où est la maison de mon ami ?" ; 20.000 enfants avaient trouvé la mort dans ce tremblement de terre.

- la seconde est plus cinématographique, ontologique, on ne peut pas retrouver dans le réel, deux êtres de fictions... Les routes du réel rencontrent parfois des impasses ; c'est ce que raconte le fils au père, quand ce dernier lui dit, peu importe la route, toute route mène quelque part ; qu'est-ce qu'on appelle alors une "impasse" demande le fils... y a des routes qui ne mènent nulle part ; par exemple, la route qui mène à la mort... ce lieu dont nul ne revient dit Hamlet... ou plus exactement dont nul voyageur n'est jamais revenu...

- "Copie conforme", au fond, dans le jeu vrai couple/faux couple, ne fait qu'énoncer une évidence : les couples de l'écran ne sont jamais des couples vrais... ils jouent à être un couple... nous le savons et nous ne le savons pas...


- "Et la vie continue" est l'une des meilleures lectures de "Tree of Life", et inversement ; y a pas de plus belle lecture d'un film qu'un autre film...









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Message par Brundlefly Sam 23 Juil 2011 - 19:49

Mais, Borges, les deux enfants ne sont pas plus fictifs que le vieillard à qui l'on a collé une fausse bosse! Ce sont les acteurs de "Où est la maison de mon ami" que le cinéaste et son fils recherchent, non les personnages... Aucune confusion possible : les gamins, qui jouaient des camarades d'école dans le film de 1987, sont en réalité deux frères, Ahmad et Babak Ahmadpour. Et à défaut de ces deux-là, c'est un autre gosse du film qu'on retrouve en chemin : celui, au regard inoubliable, qui n'avait pas fait ses devoirs et se plaignait d'avoir mal au dos, parce qu'en réalité (on l'apprenait au cours du récit) il travaillait dur pour ses parents.

Il faut savoir que "Et la vie continue" rejoue un épisode réel de la vie de Kiarostami, parti au lendemain du tremblement de terre à la recherche des enfants qui avaient tourné dans "Où est la maison de mon ami". Ce n'est que plusieurs mois plus tard qu'il est revenu sur les lieux filmer "Et la vie continue", d'où la nécessité de reconstruire les décombres.
Voici une explication de Kiarostami à propos de la fin : « Il y avait une telle publicité à propos de ces deux enfants que je n’avais plus envie d’aller à leur recherche, car il n’y avait plus de place pour les sentiments (…) Le film se termine donc sur un hymne d’espoir, d’autant plus qu’on voit de loin les deux enfants. Dans Où est la maison de mon ami ?, l’enfant qui était à la recherche de son ami n’a pas pu trouver sa maison, mais à la place, il a gagné son amitié. Dans ce film, les deux personnages qui sont à la recherche des deux enfants ne les trouvent pas, mais ils arrivent à quelque chose de plus important, c’est-à-dire voir en face la vie qui continue. »

Ces deux gamins, à l'origine de "Et la vie continue" mais dans lequel donc ils n'apparaissent pas, on les retrouvera fugitivement et comme inopinément dans "Au travers des oliviers", au hasard d'une ou deux séquences. Il y a là quelque chose de vertigineux, à mesure de la réflexivité déployée par Kiarostami : absents du film qui part à leur recherche, mais présents presque par inadvertance dans le film qui raconte le tournage de celui où on partait à leur recherche!

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Message par Invité Lun 25 Juil 2011 - 12:36

Brundlefly a écrit:
Ces deux gamins, à l'origine de "Et la vie continue" mais dans lequel donc ils n'apparaissent pas, on les retrouvera fugitivement et comme inopinément dans "Au travers des oliviers", au hasard d'une ou deux séquences. Il y a là quelque chose de vertigineux, à mesure de la réflexivité déployée par Kiarostami : absents du film qui part à leur recherche, mais présents presque par inadvertance dans le film qui raconte le tournage de celui où on partait à leur recherche!

c'est génial !! Laughing



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Message par Maya Jeu 28 Juil 2011 - 13:54

Merci je veisn de voire le film hisre soir

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Message par adeline Jeu 28 Juil 2011 - 17:08

Hello Maya, tu savais que Kiarostami a réalisé un film en hommage à Ozu ? J'ai pas pu le voir encore, mais j'ai vraiment hâte Wink

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Message par adeline Jeu 28 Juil 2011 - 18:57

Ah voilà, il y en a un bout sur youtube :


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Message par Maya Ven 29 Juil 2011 - 14:48

Non je en savais pas que kiarostami avaitrendu hommage à Ozu (qui a inspiré pas mal de cinéastes de HHH à Wendesr...) merci Adeline!

Maya

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Message par adeline Lun 1 Aoû 2011 - 18:08

J'ai enfin vu Où est la maison de mon ami. Il entre dans la catégorie des "plus beaux films du monde", et aussi des plus tragiques.

D'avoir vu quelques films de Kiarostami ces temps-ci, j'ai l'impression de "comprendre" mieux Copie conforme, tout en ne comprenant pas comment faire le lien entre ce film, et la trilogie, ou Close up. On dirait qu'un monde sépare ces films, et pas seulement vingt ans. Binoche et Ahmad Ahmadpour ? Comment partir de l'un pour arriver à l'autre ?
Mais dans Le vent nous emportera, dont il semble que Kiarostami ne soit pas content du tout, j'ai senti à la fois la trilogie, et des plans à venir dans Copie conforme. Notamment le plan "caméra à la place du miroir". Dans Le vent nous emportera, c'est l'arrière-plan qui importe, et la scène est construite autour des aller-retour entre ce que le spectateur voit de l'arrière-plan, que l'acteur qui se rase alors ne voit pas, et ce que l'acteur voit lorsqu'il se retourne. Mais dans Copie conforme lorsque Binoche se met les boucles d'oreille, il n'y a pas d'arrière plan.



Dernière édition par adeline le Mar 2 Aoû 2011 - 18:42, édité 1 fois

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La vie et ses copies :  le cinéma de Kiarostami - Page 3 Empty Re: La vie et ses copies : le cinéma de Kiarostami

Message par Invité Lun 1 Aoû 2011 - 18:26

Tiens, tu l'as trouvé "tragique", "où est la maison..."?


Je ne l'ai pas reçu ainsi. J'en ai principalement retiré une ode à la persévérance (et à la solidarité). L'enfant est saisi par une obligation éthique insubmersible, qui lui fait braver tous les ordres et interdits du monde des adultes, même s'il s'acquitte avec respect des nombreuses tâches et corvées, tantôt dérisoires tantôt absurdes, que l'on ne cesse de placer sur sa route. Au terme de son odyssée (spoiler), il fait les devoirs de son ami dans ce fameux cahier, sachant que ce dernier risque d'être renvoyé de l'école.
La dernière séquence: il entre en classe en retard et glisse discrètement ce cahier sur le pupitre de ce dernier. Le maître d'école fait son inspection. Arrivé au cahier, il laisse un "satisfecit" et le tend à l'écolier; s'en échappe une fleur séchée, témoignage du périple insensé du héros sur cette multitude de chemins qui ne menaient nulle part. C'est d'une tendresse bouleversante.

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Message par adeline Mar 2 Aoû 2011 - 19:17

Et bien, je suis aussi tout à fait d'accord avec toi sur l'immense tendresse qui s'en dégage, et l'incroyable humanité qui lie les deux gamins. Ça n'est pas que tragique, mais il y a dans certains moments du film une impression de solitude, d'impasse, de retour du même presque insupportable. Ahmad court à la suite du cousin de Nematzadeh, revient sur ses pas en courant à nouveau, derrière le père de l'autre Nematzadeh, se rend compte de sa méprise, rencontre le vieil homme qui le guide dans toutes ces noires ruelles, pour se retrouver exactement à son point de départ, et on pense à Sisyphe. Mais un Sisyphe qui, au lieu de pousser en vain une pierre dont personne ne s'occupe, tiendrait entre ses mains le sort de son meilleur ami. Le film, sans la dernière scène qui l'illumine, serait uniquement tragique. Heureusement qu'il y la fleur. Aussi, on sent que Ahmad court vers la vieillesse en quelque sorte, tous ces vieux messieurs qui étaient jeunes, qui ont couru comme lui infatigables sur les sentiers en z, on a l'impression que le film nous dit aussi qu'il deviendra l'un d'eux.

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Message par Invité Mer 3 Aoû 2011 - 2:53

Ah oui... c'est une lecture possible, peut-être aussi liée - en partie - aux agencements d'affects au moment où on le voit Wink

Je saisis ça aussi, mais il m'a semblé que K. mettait surtout en avant la position de "résistance" de l'enfant, née de l'impératif éthique intransigeant qui le meut, qui l'amène à braver ces adultes, chacun absorbé dans sa sphère de préoccupations. Le vieux forgeron, qui voudrait l'aider mais qui marche si lentement et qui tient absolument à lui montrer toutes les portes qu'il a faites dans le village en donnant tous les détails.... "vous marchez lentement, monsieur". - "Oui mais si je ne parle pas, je marcherai plus vite". - "Alors ne parlez pas".

Cette impertinence mêlée de respect donne une certaine allure comique au film, qui peut aussi se voir comme une manière de "polar" au suspense hitchcockien: l'homme d'affaire (concurrent du forgeron), qui prend le cahier pour en arracher une page où il dressera ses comptes. Angoisse: Ahmad va-t-il récupérer le cahier - en partie ou complètement déchiqueté? Puis qui s'en va à toute allure sur son mulet. Ahmad parviendra-t-il à le rejoindre? Mince, voilà qu'il a disparu dans une dénivellation entre deux ruelles. Et la nuit qui tombe. Et Ahmad qui arrive toujours quelques secondes trop tard. Et le chien qui aboie de façon menaçante (incrustation du court-métrage "le pain et la rue"). Etc

Une des ruses du film est également ce regard critique porté sur l'éducation et un certain conservatisme traditionnaliste, ou formaliste: sous couvert d'un film de commande, une propagande à visée éducative, K. remplit le "cahier des charges" en même temps qu'il le contourne, le subvertit - ou plutôt le porte à sa vraie puissance. Il administre bien, en apparence, la leçon de civisme vertueux qu'on attendait de lui, mais pas forcément où on l'attendait. Ou alors, et c'est la générosité de ce film, précisément là où on devrait l'attendre.

L'enfant doit obéir aux adultes, se taire, faire ses devoirs, aider ses parents aux durs labeurs de la ferme, se montrer responsable, discipliné, altruiste, solidaire envers ses camarades, etc, plusieurs de ces recommandations apparaissant dans le film sous forme de "double binds" insolubles, "schizogènes".

Toutes ces tâches vertueuses seront effectivement accomplies par Ahmad, mais pour y parvenir, là est l'ironie profonde, il devra se défaire des règles apprises, qui forment comme un magma indifférencié. Les agencer autrement, les redistribuer, pour dégager les priorités dans des temps non-contradictoires qui ne lui sont pas accordés. Et donc désobéir, afin de mieux obéir.
L'exemple des admonestations de sa mère est frappant: elle lui dit "fais tes devoirs" et dans le même temps "occupe toi de ceci ou cela". Elle ne veut ou ne peut pas entendre non plus qu'un devoir plus important, qui est de rendre un cahier de devoirs à quelqu'un qui ne peut justement pas les faire, est un "devoir" nécessaire qu'il convient de distinguer du droit accessoire "de sortir aller jouer". Et elle élude ce problème par un: "c'est pas ton problème, c'est de sa faute à lui, qu'il en assume les conséquences".

L'instituteur fait pareil dans son registre: il impose ses priorités ou exigences à lui, qui entrent en contradiction avec celles des parents. Quelles que soient les préoccupations des parents (aller chercher le lait, rentrer les moutons, etc), elles sont secondaires par rapport aux priorités qu'il assigne aux enfants. Et les enfants doivent se débrouiller tous seuls avec ce nœud de contradiction, ce conflit entre deux autorités.

On ne peut pas vraiment dire que la figure de l'instituteur soit rendue sympathique, ni le monsieur qui le remballe durement avec ses "je sais pas, je connais pas", ni la dame au balcon qui demande à l'enfant de lui renvoyer le linge mouillé, ni la dame malade qui ne veut pas bouger de sa porte pour aller contempler ce pantalon énigmatique (mais il l'amène doucement à faire quelques pas, douloureux, le temps que le pantalon ait... disparu), ni le discours du vieil homme qui ordonne à Ahmad d'aller chercher des cigarettes alors qu'il n'en a pas besoin (simplement, c'est pour "l'éduquer", invoquant son propre père, qui oubliait une fois sur deux de le récompenser pour ses bonnes actions, mais "n'oubliait jamais de le battre"), ni dans l'ensemble ces figures d'adultes qui n'écoutent pas l'enfant.

A part le vieux forgeron, qui prend son temps (un peu trop par rapport à l'urgence de la mission, certes), qui donne de son corps fatigué, qui parle bcp mais qui écoute, aussi. C'est lui qui dit à l'enfant de prendre la fleur et de la mettre dans son cahier. On l'avait presque oubliée, cette fleur. Elle ressurgit à la fin. Trace discrète de tous ces aller-retour sur cette route "en z", suggérant peut-être qu'une "transmission" a eu lieu, fragile autant que gratuite, mais autrement plus nécessaire que ces tâches et règlements rigides imposés par l'instituteur pour le "bien" des enfants.

Le cousin de Némazadé, qui fait lui aussi de la résistance passive: non il n'a pas fait son devoir. Et pourquoi donc? Parce que j'ai mal au dos. C'est tout. Et c'est dit avec une insolence dans le regard (genre: "t'es con ou quoi?") franchement osée et avec un effet comique imparable.


Une ellipse paradoxalement assez violente nous indique que Ahmad, de retour chez lui, a été sévèrement puni par son père: l'enfant pleure, le père mutique tourne le bouton des ondes de la radio, la mère demande à l'enfant de manger, il refuse. La résistance de cet enfant n'est pas vaincue. C'est un héros, un insubordonné. Non pas en raison d'une caractérisation psychologique quelconque, mais parce qu'il est littéralement habité par une loi "objective" ou "universelle" qui le transcende, de l'ordre de l'amour ou de la compassion. Pas l'amour pour "x" ou "y". L'amour comme priorité, le souci pour l'autre plutôt que l'indifférence.

A cet égard, je ne vois pas tellement que l'accent soit mis sur le fait que Ahmad soit "le meilleur ami" de Nemazadé, et que cette affection particulière, ce lien privilégié, constitueraient le mobile de son action. On verserait, si c'était le cas, du côté du sentimentalisme un peu convenu de ces films "sur l'enfance", un éloge de l'amitié de type "spielgui-truffaldien" opposant la complicité des enfants au monde des adultes. Or ce n'est pas le cas ici: on aurait plutôt, je le vois ainsi, un Nemazadé du côté de l'enfance, et un Ahmad du côté des adultes, en un sens plus adulte que les adultes, habité par une responsabilité, une discipline, qui leur font défaut et que pourtant ils enseignent. Obligé d'agir en "adulte" à la place des adultes, envers et contre les adultes. Je vois plutôt Ahmad comme un petit garçon simplement gentil et attentionné, soucieux des autres, de Nemazadé en l'occurrence parce qu'il est fragile, sans défense, et exposé à une injustice redoutable. Ensuite le fait d'avoir emporté son cahier par inadvertance, le sentiment intolérable de culpabilité découlant de l'issue inévitable de cette méprise, maximalise son sentiment de responsabilité envers autrui, Nemazadé ici, mais ça aurait pu je crois être n'importe qui dans la classe qui se serait retrouvé dans cette situation...


Ahmad n'est pas vraiment un Sysiphe: il trouve la parade, la ruse. Il fait le devoir de son ami. Il ne touche pas au plat que sa mère, tendre finalement, lui apporte; se prostre pour écouter le vent de la nuit, puis reprend ses travaux d'écriture. On devine que ça lui coutera bcp, car il arrivera en retard en classe le lendemain, "alors qu'il n'habite même pas Pochté".

Il y aurait bien des choses à dire encore sur ce film si simple en apparence, mais aussi opaque, quelque part, comme la nuit qui tombe et donne à la distance entre "Koker" et "Pochté" une étrangeté inquiétante. J'en retiens aussi une poétique du voyage, sur ces "Holzwege" qui ne menaient peut-être nulle part, ou alors au cœur de la clairière de quelque chose... d'oublié, comme ces anciennes "portes" du forgeron, dont les fenêtres projettent des hiéroglyphes de lumières sur les murs, remplacées une par une, et dont il aimerait bien savoir ce qu'elle sont devenues...

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Message par Invité Jeu 4 Aoû 2011 - 20:12

je viens de voir Copie conforme . Ma première impression est d'étonnement face à ce beau film fait de trivialité des personnages ... dans ce monde trivial.

C'est sur le fil du rasoir, toujours du bon côté, du côté de l'émerveillement, de la croyance, du voyage.

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Message par Invité Ven 5 Aoû 2011 - 18:23

fait de trivialité des personnages ... dans ce monde trivial

Ah whouais. Whouais...

Qu'entends-tu par là?


Pas grand chose, j'imagine. Rhzz

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Message par Invité Ven 5 Aoû 2011 - 19:35

trivial veut dire commun. Ici dans le film il s'agit de cantonner les scènes, comme dans les restaurants, Binoche avec son fils, ou avec le conférencier par exemple, dans des rapports limites ridicules et de ce fait vrais.

Les exemple peuvent être multipliés.

Tu ne connaissais pas le mot ?

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Message par Invité Ven 5 Aoû 2011 - 19:37

sinon le film semble être fait pour Binoche avec ses changements de ton, classe, vulgaire etc...

tu as remarqué peut être ?

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Message par Invité Ven 5 Aoû 2011 - 19:48

tu es un vrai obsessionnel !

albino

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Message par Invité Ven 5 Aoû 2011 - 19:54

game over

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