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Quoi donc, qui donc... du dernier Resnais?

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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 16:00

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Pour la petite histoire, le Spit des Herbes folles d'Alain Resnais est un modèle rare, le F XXI propulsé par un moteur Griffon 85 à hélices contrarotatives à 6 pales. Mais où donc Alain R. et son équipe a-t-elle été le dénicher?



http://susauvieuxmonde.canalblog.com/archives/2009/11/17/15831863.html
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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 16:07

Resnais m’a raconté cette histoire (...) Il a six ou sept ans, en Bretagne, à Arradon, et il vient de voir L’Opérateur de Buster Keaton. Puis il va se promener avec sa mère. Tout d’un coup, dans une décharge, il aperçoit une boîte en métal avec un trou. Il la prend, la rapporte à la maison, trouve des petits bouts de pellicule dans les bonbons au chocolat. Il a fourré ça dans la boîte en métal. Et puis ça y est, il était cameraman, metteur en scène.

Je connais des photos de lui petit : il a la même tête, c’est le même avec ses yeux bleu gris des ciels bretons, émerveillés et curieux du monde. Quand il m’a raconté ça, je me suis dit : la vocation, c’est vraiment quelque chose qui existe. Après, il faisait des séances de projection à ses copains. Il a toujours aimé réunir autour de lui des amis pour partager sa passion du cinéma, du spectacle. Il faisait ça avec ses copains et maintenant, il le fait avec les comédiens, les êtres qu’il admire le plus au monde. Il est devenu metteur en scène pour devenir l’ami des comédiens. C’est pour ça que tourner avec Resnais, c’est ce qu’il y a de plus simple. Avec lui, j’aurais tous les culots du monde, je ne crains pas le ridicule, je n’ai peur de rien.

(Sabine Azéma, Libération - 22 mai 2009.)
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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 16:11

Je me disais : quoi de commun entre cet avion et la bagnole de Clint Eastwood, du dernier Eastwood?

Quoi de commun entre cette image, extraite d'un film qu'on aura reconnu, sans mal, et la fin du Resnais, et son étrange question sur le devenir-animal domestique d'une petite fille?

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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 17:33

Que penser du dernier Resnais?

Je sais pas; je sais de moins en moins quoi penser d’un film, ou si même il faut en penser quelque chose ; l’idée c’est pas qu’il y a rien à penser, ou que le cinéma, les images, et tout ça ne se pense pas ; l’idée c’est bien plutôt que l’idée manque; et sans idées, vous avez beau faire, quelque chose de la vie vous manque, quelque chose de la vie ne vous touche pas, et vous ne touchez pas à quelque chose de la vie ; car, les idées, aussi, comme les mains, ça sert à toucher, les autres, les choses, soi, se toucher, aussi, essayez de vous toucher sans idées, sans vous faire des idées, une idée, et vous verrez combien c’est pas possible ; ici, il faudrait bien entendu dire quelque chose de la nausée (de sartre, comme disent ceux qui ne l'ont jamais lu), et peut-être de ce film terrifiant de l’auteur de Freaks, avec une histoire de mains ;

les idées, c’est comme des mains, et les mains, comme disait Aristote, ce sont les âmes du corps ; là je cite vraiment sans la moindre certitude, c’est peut-être vraiment n’importe quoi ; c’est pourquoi sans doute Bresson, chez qui elles prennent presque la place du visage, les filme tant; un truc repris par Haneke, mais sans le génie, sans le fond, sans l’idée que la main, c’est l’équivalent, l’analogue de l’âme : si vous ne croyez pas à l’âme vous ne pouvez pas filmer une main ;

C’est une autre affaire, cela dit ; j’aime beaucoup cette idée de Machiavel :

« les hommes jugent beaucoup plus selon leurs yeux que selon leurs mains ; car chacun a la capacité de voir, pas celle de ressentir. Chacun voit ce que vous paraissez, peu ressentent ce que vous êtes »

Donc, une idée ; il faut ; il faut une idée, qui permette de voir, et ressentir ; une main, comme une idée ; mais pas comme un instrument, pas même comme l’instrument des instruments…

ce qu’il faut, c’est une idée ;

car comme disait l’autre, c’est par l’idée que le sensible se donne, comme ombre, ou comme copie, ou simulacre ; vous prenez une idée, ou vous la fabriquez, et loin que le monde se fasse lumineux, simple et évident, vous vous retrouvez parmi les ombres, avec les ombres, je dis pas comme dans la grotte, ou la caverne, mais peut-être plutôt avec Achille, roi d un royaume d’ombres, mais n’aspirant au fond que la vie sans l’idée, sans gloire, la vie des derniers des vivants, des hommes qui marchent sous le soleil, et mangent du pain, quand ils en trouvent, quand ils se font pas tabasser d’avoir osé cru parler avec les rois dans les assemblés ; mieux vaut-il être vivant et sans idée, que mort, et glorieux ? je sais pas, c'est ce que dit Achille; j’ai aucune idée, sur la question ; on peut ne pas partager cet avis ; comme le grand boxeur, Mike Tyson, qui préférait être « un faux quelqu'un plutôt qu’un vrai n’importe qui"

Un faux vrai film est-il meilleur qu’un vrai faux film ?

l’idée est que presque tous les films valent quelque chose, mais une fois que vous avez décidé de vous pencher un peu sur eux, ils se réduisent à rien ; c’est le conseil que donnait TB : ne pas lire, ne pas regarder avec trop d’attention ; ne pas trop faire attention, si on tient à garder ses illusions sur la valeur des grandes œuvres ; mais une fois que vous avez renoncé à cette illusion, n’avez-vous pas renoncé à l’essentiel ; n’est-on pas menacé par le pire des néants ; c’est ce que croyez Nietzsche, autant continuer à avoir des illusions, seule la vie capable de se projeter dans des illusions, même cinématographiques, peut tenir le coup, peut se continuer dans l’être, se vouloir, et vouloir augmenter sa puissance ; le malheur d’Hamlet, c’est de ne plus pouvoir aller au cinéma ; lisant, il ne voit que des mots ; au cinéma, ce ne serait que des images ;


quand on sait pas quoi penser, il faut co-penser avec quelqu’un , d’ailleurs seuls les idiots pensent penser seul, que penser c’est un truc qu’on fait seul, en solitaire, on ne pense qu’avec,

alors, il faut aller voir ailleurs, si quelqu’un lui parvient à penser, à sentir, à être impressionné, affecté, car ici on ne me fera pas l’injure de séparer les affects des idées, des concepts, ou des mots ;

sur le dernier Resnais, j’ai lu les notes, pas très suivies de Pierre Léon, qui ne dit rien, mais alors rien du film; je dis pas que c’est bête ce qu’il dit, je dis pas que c’est con, mais ça ne parle de rien, de rien, vraiment, peut-être est-ce le but ; ne parler de rien, pour mieux écrire, mais c’est pas toujours facile, c’est pas non plus donné ; dans son dernier fragment, après avoir échoué à entrer dans le film, dit qu’une idée idiote lui est venue, qui a éclairé ses impressions désagréables ; il dit avoir compris quelque chose du film en se disant que c’est un film américain avec des acteurs français , mais des français qui habitent aux usa et parlent pas vraiment français ; des français qui vivent en Amérique et parlent un français qui n’en est pas vraiment un ; je sais pas ce que c’est, parce que je sais pas ce que c’est que le français vraiment français ; même si j’ai une idée de ce que peuvent être ces américains-français ; il y en a des millions, et ils ne vivent pas nécessairement en Amérique ; un français pas vraiment français, c’est un français à qui manque la musique, c’est son idée de l’identité de la langue française, ils ont les notes ces français, mais leur manquent la musique ;

ça peut aider à penser l’identité française, et le débat ; la musique, bien entendu, c’est pas loin de l’accent ;

je pense à ce grand film de Rozier, un des plus grands, « Maine Océan », Rozier, le seul de la dite nouvelle vague à s'être intéressé à la france des accents, à la france d'une autre langue que petite bourgeoise, le seul à avoir fait un cinéma politiquement populaire, un cinéma du peuple, le seul à s'être intéressé à cette France sans identité, sans gloire, sans titre, à la france sans unité, pas une, pas identique à elle-même, parce que les langues, même dans la langue dite française sont plusieurs ; dans ce film, tout commence avec une brésilienne qui ne sait pas le français, mais pas plus les usages français, comment on prend le train quand on est français ; la vengeance de petitgars, l’un des plus beaux personnages de l’histoire du cinéma, c'est la vengeance de ceux qui ne parlent pas français...mais comment lutter contre la connerie ouvrière (celle du contrôleur) quand on est soi-même ouvrier, c'est le problème?

(il faudra reparler de ce film, bien entendu)


donc le dernier resnais; notons que tout film est toujours le dernier, quand on parle du dernier...

Vous voyez un film, mais pas tout, y a des moments, des gestes, des mots, des visages, une couleur, ou un son, qui sont vraiment faits pour vous, ou qui semblent fait pour vous, c’est comme des ouvertures, des signes qui vous sont faits ; on disait qu’on est comme dans un récit de kafka, un fragment, une parabole, ou je sais pas ; à chacun, la porte de sa loi ; ou alors, on disait que c’est comme dans Proust ; à chacun son signe, et il se peut que dans un film vous ne trouvez rien qui s’adresse à vous, rien qui vous fasse signe ; ce film ne vous concerne pas ; et c’est peut-être en cela qu’il peut vous concerner ; c’est pas mon problème, et le film ne s’intéresse pas non plus à moi ; y a pas de quoi pleurer, ou lui en vouloir ; pas ici, pas en ce moment ; et quand un film vous fait signe, c’est toujours pour vous mettre en route vers quelque chose, en mouvement ; un troisième nom doit ici venir, après ceux de Kafka, pour la loi, et la loi du genre (pensez au texte de Derrida, sur l’essence de la littérature, le genre…), ce nom bien entendu, c’est celui de Platon ; quand on n’a pas d’idée, penser à Platon ne peut jamais être mauvais ; même au Platon des lieux communs, le seul au fond qui fonctionne, et vive dans le monde ordinaire ; le seul à être devenu une opinion ; souvent les noms de penseurs, c’est des lieux communs, dans le mauvais et bon sens du terme ;

Alors, on disait, c’est comme dans Platon, c’est peut-être le même lieu, sauf que chez Proust, c est à vous de vous faire le ciel de vos idées, on y retourne moins qu’on l’invente, le crée, l’écrit, le peint, le musique… tous les signes, tous les saluts qu’un film peut vous adresser ne sont pas transformables, ne deviennent pas des portes d’entrées, et encore moins des dons créatifs ; comme disait l’autre, l’occasion vous est donnée, c’est à vous de faire le reste, et le reste, c’est parfois juste quelques associations d’idées, quelques liens… la pensée sous le régime des rencontres, et de l’interprétation; comme nous sommes composés à l’infini, ça peut aller loin, nous mener par le bout du nez ;
-je disais qu’un film peut ne pas vous concerner, c’est pas pour vous, et c’est peut-être en cela qu’il peut vous concerner ; je dis cela, et le disant, je parle du dernier film de Resnais, qui au fond ne dit que cela, qui dit cela aussi : un homme trouve un portefeuille, et croit pouvoir par là entrer dans la vie d’une femme, en être aimé, il se fait des idées, c’est notre destin à tous, de ne rencontrer les êtres, ou de les manquer, en nous faisant des idées ; se faire des idées, avoir une idée ; c’est différents, mais la différence est parfois minime ; cette femme ne veut pas de lui dans sa vie ; elle lui dit merci, au téléphone, et passe à autre chose ; lui, il insiste ; c’est souvent le cas chez Resnais, des hommes qui insistent pour entrer dans la vie d’une femme, les ramener à un moment, un lieu, où ils se sont connus, aimés, au ciel des idées, comme dirait Platon ; c’est pas loin donc de Marienbad , les herbes folles ;

De la femme, et de l’homme, des deux, on ne sait pas qui est le plus fous, celle qui ne veut pas rencontrer ce mec, ou ce mec qui veut plus… qui veut être aimé d’une inconnue, par une inconnue…

bien entendu, comme toujours, c’est de loin que vient ce désir chez cet homme, c’est de loin qu’il lui arrive, de son père, du cinéma américain, de son passé, de son enfance ; faut-il parler de l’objet a (petit a), je sais pas ; mais à l’évidence tout part d’une photo, et plutôt de la photo de cette femme avec ces lunettes d’aviatrice…c’est là qu’ils peuvent se rencontrer, dans le ciel, dans l’amour des avions, en revenant à l’enfance, à leur enfance, là où se forment des drôles d’idées, par exemple, celle de devenir animal, et de manger des croquettes…

-On disait que les noms sont importants ; qui croit regarder un film, voir un film, sans faire attention au nom peut se recoucher ; la femme s’appelle Marguerite, la villa de l’homme s appelle Camille. Qu’est-ce qui lie les deux, qu’est-ce qui lie Marguerite à Camille ; le cinéma, et la littérature ; le théâtre, « la dame aux camélias » bien entendu ; l’amour, l’enfance ; c’est comme dans Resnais, comme dans une histoire sentimentale, populaire, une histoire à l’eau de rose…

« En une minute, comme une folle, j'ai bâti tout un avenir sur ton amour, j'ai rêvé campagne, pureté; je me suis souvenue de mon enfance; on a toujours eu une enfance, quoi que l'on soit devenue…»
(Marguerite à Amand)

Godard aussi sera très marqué par Camille ; ce qui donne à voir autrement BB, dans le mépris ; serait-ce à elle que s’adresse le mépris, plus encore qu’à son mari ; n’est-ce pas elle, au fond, dans cette histoire, la vraie pute ?

Combien de films américains portent ce nom ?
J’en connais au moins un ; et vous ?, mais j’ai pas v ;, de combien de films, ou d’œuvres, je sais l’existence, et le titre, mais dont je sais pas plus ; de combien de films savez-vous le titre, sans les avoir jamais vus ; combien n’en verrez-vous jamais…

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Bien entendu Marguerite aurait pu nous conduire ailleurs…
Marguerite, c’est le prénom ; le nom, c’est Muir ; le père de Marguerite s’appelait Muir, parce qu’elle n’a pas d’autre nom que celui de son père, que le nom du père ; elle ne s’est pas mariée… Muir,c’est bien entendu, Joseph L. Mankiewicz

The Ghost and Mrs. Muir

L’aventure de Marguerite Muir est une aventure avec un fantôme ;
qui est le fantôme…?

C'est pas un marin, c'est pas le mari mort... c'est le possible, ce qui aurait pu avoir lieu, ce qui n'a pas eu lieu, le virtuel...



A un moment, je ne sais plus lequel des deux, songe à l’amour qu’ils auraient pu vivre ; à un autre, moment, SA se plaint à sa copine qu’un autre de ses clients n’ait pas osé se déclarer, lui déclarer son amour ; trop vieux, maintenant…elle aura souvent raté ses amours, ce qui aurait pu avoir lieu; on se retrouve alors dans le film de Mankiewicz; enfant, je me souviens que je suivais la série "madame et son fantôme";



La jeune veuve Carolyn Muir et ses deux enfants s'installent dans un cottage dont ils viennent de faire l'acquisition. Mais bien vite, ils découvrent que la maison est hantée par le fantôme du capitaine Gregg, un loup de mer au caractère emporté, mort depuis plus d'un siècle.

Mais alors qu'il avait toujours refusé de voir sa maison occupée, le capitaine va tomber amoureux de Madame Muir...


je connaissais pas encore le film de M, et encore moins l'idée sensible de son cinéma...


« L'Aventure de Madame Muir était une pure romance et le souvenir le plus marquant que j’en garde est celui de Rex Harrison faisant ses adieux à la veuve (Gene Tierney). Il exprime le regret de la vie merveilleuse qu’ils auraient pu connaître ensemble. Il y a le vent, il y a la mer, il y a la quête de quelque chose d’autre… Et les déceptions que l’on rencontre. Ce sont là des sentiments que j’ai toujours voulu transmettre, et je crois bien qu’on en trouve trace dans presque tous mes films, comédies ou drames, de Chaînes conjugales à Ève, en passant par La porte s'ouvre. »(Joseph L. Mankiewicz )
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Message par Le_comte Jeu 10 Déc 2009 - 18:41

L'Aventure de Madame Muir est un de mes films préférés. (Je n'ai pas encore vu le film de Resnais, il est parti trop vite de l'affiche)

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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 19:37

Les herbes folles, c’est le titre du dernier Resnais ; Pierre Léon joue sur la métaphore sexuelle, sur la différence des genres ; même si le film commence par nous laisser penser que SA est attirée par les filles, il reste hétéro ;

sans avoir vu un film, on peut en dire des choses, depuis le titre, ou alors depuis le genre. Même sans l’avoir vu, vous savez déjà des choses d’un film, on dira même, ça c’est encore une leçon de Platon, que vous ne voyez un film que depuis la loi de son genre, la règle de son titre, depuis l’idée, son idée ; autrement : qui n’a jamais vu un film ne pourra pas le voir ; Heidegger disait, lui, « ne voit que celui qui a déjà vu » ; voir, c’est avoir vu ; mais comment disent les gens ordinaires, qui ne font pas de philo, comment voir si pour voir il faut avoir vu ? c’est pas bête, cette question ; mais Heidegger non plus n’est pas bête ;comment voir, sans avoir jamais vu ; voilà un drôle de cercle ; le cercle herméneutique :

Ne voit un film de Resnais que celui qui l’a déjà vu ; ça se discute, parce qu’on peut aussi bien dire ne voit un film de Resnais que celui qui n’a jamais vu de Resnais ;de ce point de vue, pour nous qui avons vu tant de films de Resnais, il y a longtemps alors, que nous ne voyons plus réellement de film de Resnais, ou de Godard, ou de Rivette ; Godard, le savait, quand il se plaignait du mal que faisaient à ses films, son nom ; dans un film de Godard, on ne voit que le nom de Godard ; rien en fait ; dans un film de Resnais, c’est différents, parce que c’est peut-être la même chose ; car seules les différences se ressemblent ; la question bien entendu, c’est celle que font venir en présence, les premiers spectateurs, les premiers à avoir vu un film : comment ont-il pu voir, eux, qui alors n’avaient jamais vu, du moins jamais vu de film ? Cette première fois, c’est l'impossible, pour nous ; avant même le moindre savoir, nous sommes dans les images, tout gosse, on nous place devant la télé…

on sait que Resnais, depuis au moins "mon oncle d'amérique" n'ignore pas les captations imaginaires, la puissance constitutive de l'illusion... cinéma, théâtre, récit...


dans le film, les herbes folles, on retrouve bien entendu ce motif ; c’est la question qui ramène l’homme, le personnage masculin au cinéma, à ce film de son enfance, un film de guerre ; chez Resnais, on n’en finit jamais avec la guerre ; la guerre ne finit jamais ; il avait vu ce film avec son père, un truc qui se passe pendant la seconde guerre mondiale, pendant la guerre de Corée ; j’ai oublié le titre, mais pour le personnage, c’est plus grave encore ; il a oublié ce qu’il a pu trouver alors, enfant, à ce film ; rien ne l’y touche, le film le laisse indifférent ; même la mort de deux personnages ne lui fait rien ; non qu’il soit insensible ; mais, dit-il, et c’est presque une sagesse, une parole étonnante de nos jours : quand on fait la guerre, la mort, c’est normal ; de nos jours, en Occident, l’idée, c’est qu’on fait la guerre pour tuer, et l’on se choque quand on perd « un de ses soldats » ; on tente même des procès ; la mort, c’est pour les autres ; la mort des autres ; chez Resnais, c’est autre chose ; depuis longtemps, la mort, c’est aussi la mort de l’autre ; même si l’autre, les zombies des premiers films, semblent moins présents ; même si son cinéma ne semble plus s' "intéresser" à rien, même si le cerveau n’a plus de dehors…


Dès le titre, les deleuziens peuvent penser des choses ; dès le titre, j’aurais pu m’accrocher à la piste de l’herbe ; et dire le film est deleuzien ; Deleuze aimait l’herbe ; c’est de notoriété publique ; il l’opposait aux arbres, aux racines, à la France ; à Heidegger, à la métaphysique ; en passant, comme Perec, je me souviens que dans les Cahiers de l’Herne consacrés à Heidegger, il y avait une photo de Heidegger prise par Resnais, juste après la guerre, en 1945.



Quoi donc, qui donc... du dernier Resnais? Heidegger_Towarnicki

Je ne pense pas que c'est cette photo, mais je crois me souvenir l'avoir vue dans les Cahiers de l'Herne consacrés à Heidegger; dans mon édition de poche, y a pas de photos.

Le mec à côté de Heidegger, c'est Frédéric de Towarnick.


Alain Resnais fut pote avec ce mec, qui a beaucoup fait pour introduire la pensée de Heidegger en France. Il a aussi écrit un scénario pour Resnais, Les aventures de Harry Dickson :

Adolescent, Towarnicki s'est passionné pour «les Aventures de Harry Dikson», qui étaient publiées en petits fascicules de façon anonyme - le nom de l'auteur, Jean Ray n'a été connu que plus tard. Au début des années 1960, Towarnicki a commencé la rédaction d'un scénario qui s'inspirait de ces aventures pour Alain Resnais. L'aventure, qui va devenir bien vite une épreuve, durera dix ans. Et le film ne se fera jamais.


Langlois raconte que ce film s’il avait vu le jour aurait changé le destin du cinéma français ; bon argument de vente ; hélas, le nez de Cléopâtre serait resté le même…


de Frédéric de Towarnicki, mort en 2008, j’ai lu ses entretiens avec Beauffret.


Dernière édition par Borges le Jeu 10 Déc 2009 - 19:58, édité 4 fois
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Message par adeline Jeu 10 Déc 2009 - 19:43

Merci pour ce texte, Borges.
Ce film, quand je l'avais vu, ne m'avait pas réellement fait signe, comme tu dis. Pas de quoi lui en vouloir, tu as bien raison. Te lisant, je me dis, finalement, que c'est peut-être bien un film qui pourrait me concerner...

(de quel film vient la photo de la petite fille au chien ? je ne le reconnais pas)

Wink

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Message par Borges Jeu 10 Déc 2009 - 19:52

Merci, c'est pas vraiment un texte; juste des notes, presque pour moi-même; en fait, je songe de plus en plus à me faire, pour faire comme tout le monde, un blog, où je serai le roi;


pour la photo;on n'est pas sur le forum des Cahiers; mais je crois qu'on peut jouer; si personne ne trouve, je dirai.

Wink
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Message par ^x^ Jeu 10 Déc 2009 - 20:26

Ou bien Judy Garland...

Quoi donc, qui donc... du dernier Resnais? Photos1
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Message par Invité Jeu 10 Déc 2009 - 21:08

vous avez mis le temps pour parler, enfin, d'un bon film.
Moi non plus ne pense rien des films me contentant de les ressentir.
Dans celui ci des formes merveilleuses : sinon, rien.

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Message par gertrud04 Jeu 10 Déc 2009 - 22:51

Nathalie Wood et son chien dans l'un des plus beaux films de l'univers (en expansion) : le précité The ghost and Ms Muir.

PS : j'attends le blog avec impatience Borges Wink
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Message par Invité Jeu 10 Déc 2009 - 23:13

S'agit-il de l'image manquante entre ton second et ton troisième message Borges ?

Quoi donc, qui donc... du dernier Resnais? Jpeg1165735353

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Message par Invité Ven 11 Déc 2009 - 0:11

Je dis pas que ton texte est raté Borges, sans doute même qu'il n'est pas terminé, que ça n'est que le début ou un morceau, des notes comme tu dis, mais, sans avoir vu le film, il y a des choses qui clochent.

L'écriture avec Deleuze (que tu essayes de filer tout long de ces notes autour de Kafka, puis Proust, etc) paraît pas trop tenir avec un certain nombre d'autres éléments que tu décris du film, tous ces trucs un peu rances liés à l'enfance (même si le but est de débarquer en Amérique).. j'ai l'impression que tu n'es pas trop sûr de ton coup là-dessus, que peut-être le titre du film tend de manière un peu trop évidentes les bras, fait un peu trop "signe" vers Deleuze, .. ?

Sans doute que je devrais moi-aussi aller voir le film, pourtant je m'en fiche complètement, mais après tout qui suis-je pour m'en foutre à ce point ? Peut-être que le film me le dira, mais il sera alors trop tard pour s'en ficher.

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Message par adeline Ven 11 Déc 2009 - 8:57

Merci Gertrud pour la photo, décidément tu es imbattable !

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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 11:59

Bravo, Gertrud; oui, immense film, qui fut pourtant pas très bien reçu : Wink
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Message par Largo Ven 11 Déc 2009 - 12:28

Merci, c'est pas vraiment un texte; juste des notes, presque pour moi-même; en fait, je songe de plus en plus à me faire, pour faire comme tout le monde, un blog, où je serai le roi;

"tout homme sans exception porte en lui sa virtualité d'écrivain en sorte que toute l'espèce humain pourrait à bon droit descendre dans la rue et crier : Nous sommes tous des écrivains ! Car chacun souffre à l'idée de disparaître, non-entendu et non-aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots.

Quand un jour (et cela sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelles"

(...) A l'ère de la graphomanie universelle, le fait d'écrire des livres prend un sens opposé : chacun s'entoure de ses propres mots comme d'un mur de miroirs qui ne laisse filtrer aucune voix du dehors."

Kundera, Le livre du rire et de l'oubli.


Remplacez écrivain par bloggeur, et écrire des livres par tenir un blog...

Moi, je préfère être sourds et incompris ensemble, mais bon...
Largo
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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 12:56

Salut JM, ça va?

Texte raté; je sais pas, c'est possible...peut-être qu'il y a aussi des choses qui ne sont pas très visibles, même si certains semblent y voir des invisibles...

j'écris souvent des énoncés du style "la Recherche du temps perdu" (de marcel proust comme disent ceux qui...); c'est presque instinctif chez moi...


j'écris avec Deleuze, oui, mais c'est pas le seul...



tous ces trucs un peu rances liés à l'enfance

pq rance?

A cause de Deleuze?

Faut pas croire tout ce qu'on dit de Deleuze, et qui se répète, depuis son ABC; il s'est beaucoup intéressé à l'enfance, une autre enfance (contre l'Oedipe, contre les souvenirs d'enfance, l'infantilisme... le moi...);mais plus encore, Deleuze, c'est comme bien des gens, quand il aime, il dit que c'est génial, quand il aime pas, il dit que c'est nul...ainsi il fera tout ce qu'il faut pour arracher Kafka à la psychanalyse même quand ça sonne tellement oedipien, par exemple la fameuse "lettre au père", etc.

De mémoire, bien entendu, l"antioedipe, le kafka, mille plateaux...


-Je ne pensais pas du tout à l'Amérique de Deleuze, juste à celle du film, et des oncles d'Amérique, qu'on appelle parfois Godot...

-je ne dis pas qu'il faut entrer dans le film à partir de l'herbe, je dis, les deuleuziens (ceux qui ne le lisent pas, qui n'en savent rien; je ne suis pas deleuzien, ni derridien... je ne suis même pas Borges, en fait... ) le feraient...

-La théorie des signes, c'est Platon (la beauté étant le plus évident, celui qui rayonne le plus, avec le plus d'éclat; des corps, aux idées; deuleuze dans "différence et répétition" part d'un autre Platon, pour la violence de la pensée, la rencontre, le signe qui force à penser...), et Proust; c'est lui qui dans le Recherche, dit que la vie nous présente des signes, à tous, mais que nous pouvons les voir ou pas, les saisir, et penser ou pas, ce qui fait que l'on rate ou pas sa vie, créative... chez deleuze, c'est les deux, plus Spinoza... la vie dans les signes comme vie de l'interprétation, souvent malheureuse, la vie amoureuse étant la plus évidente...dans le film de Resnais, qui propose aussi une théorie des signes, le mec est prisonnier de la photo-signe-femme-avec des lunettes d'aviatrice...

etc



il y a enfance et enfance :


blocs d'enfance. La mémoire de Kafka ne fut jamais bonne; tant mieux, car le souvenir d'enfance est incurablement oedipien, empêche et bloque le désir sur une photo, rabat la tête du désir et le coupe de toutes ses connexions (<< Des souvenirs, n'est-ce pas ? lui dis-je. En soi le souvenir est triste, triste aussi son objet! »). Le souvenir opère une reterritorialisation de l'enfance. Mais le bloc d'enfance fonctionne tout autrement : il est la seule vraie vie de l'enfant; il est déterritorialisant ; il se déplace dans le temps, avec le temps, pour réactiver le désir et en faire proliférer les connexions; il est intensif et, même dans les plus basses intensités, en relance une haute
(le kafka, 137)




Mais, en vérité, nous savons que les facteurs actuels sont là dès l'enfance, et déterminent les investissements libidinaux en fonction des coupures et des connexions qu'ils introduisent dans la famille. Par-dessus la tête des gens de la famille, ou dessous, c'est la production désirante et la production sociale qui éprouvent dans l'expérience enfantine leur identité de nature et leur différence de régime. Que l'on considère trois grands livres d'enfance: L'enfant de Jules Vallès, Bas les coeurs de Darien, Mort à crédit de Céline. On y verra comment le pain, l'argent, l'habitat, la promotion sociale, les valeurs bourgeoises et révolutionnaires, la richesse et la pauvreté, l'oppression et la révolte, les classes sociales, les événements politiques, les problèmes métaphysiques et collectifs, qu'est-ce que respirer ? pourquoi être pauvre ? pourquoi des riches ? font l'objet d'investissements dans lesquels les parents ont seulement le rôle d'agents de production ou d'an ri-production particuliers, toujours colletés avec d'autres agents qu'ils expriment d'autant moins qu'ils sont aux prises avec eux dans le ciel et l'enfer de l'enfant. Et l'enfant dit pourquoi?

(antioedipe, 118/119)





dans mille plateaux des tas de pages encore, par exemple les liens de l'enfant, enfance à la ritournelle, à la musique...



Dernière édition par Borges le Ven 11 Déc 2009 - 14:26, édité 1 fois
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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 13:01

Largo a écrit:

"tout homme sans exception porte en lui sa virtualité d'écrivain en sorte que toute l'espèce humain pourrait à bon droit descendre dans la rue et crier : Nous sommes tous des écrivains ! Car chacun souffre à l'idée de disparaître, non-entendu et non-aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots.

Quand un jour (et cela sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelles"

(...) A l'ère de la graphomanie universelle, le fait d'écrire des livres prend un sens opposé : chacun s'entoure de ses propres mots comme d'un mur de miroirs qui ne laisse filtrer aucune voix du dehors."

Kundera, Le livre du rire et de l'oubli.


J'ai lu Kundera; c'est bien, mais c'est pas un écrivain, dans ma hiérarchie; ce passage,
j'appelle ça de la merde idéologique, mettre ça avec les Finkielkraut et les autres; qu'on se souvienne sur le forum, je disais que ce dont nous avons le plus besoin ce n'est pas d'écrivains, mais de lecteurs... un écrivain, c'est quelqu'un qui lit... écrit avec les autres...
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Message par DB Ven 11 Déc 2009 - 14:08

Au mur des miroirs je renvois à Orson Welles et pas celui du procès, donc sans Kafka, mais en chinois !
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Message par Invité Ven 11 Déc 2009 - 14:31

Ouais ça va, je sais pas, ça me parle pas trop Borges. Ce que produit encore la "rive gauche" me fait bailler à m'en décrocher la mâchoire.

Deleuze, pourquoi pas, peut-être - j'essaye de faire un lien avec son précédent film "Coeurs" parce que ça serait super curieux que ça arrive comme ça, pour ce nouveau film : je vois pas -, mais en charentaises alors, la pipe-philosophie, tout ça..

on verra bien ce qu'en disent les deleuziens d'Independencia dans les prochains jours..

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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 17:43

Tout commence par un achat, un achat de souliers, pas n’importe lesquels, évidemment ; ou plutôt tout commence par des plans de pieds, des tas de pieds, des tas de souliers, cela pourrait presque être un plan de Hitch ; dans quel film ? peut-être dans l’inconnu du nord express ; où ce sont les souliers qui produisent l’intrigue ; ici, ce sera pas les souliers, même s’ils sont au début, mais un portefeuille ;

donc, les souliers, une femme veut s’acheter des souliers ; la femme est riche, il lui faut des souliers de riches, pour ses pieds ; la voix off du film nous dit qu’elle marche d’une certaine manière ; j’ai pas compris ce qu’elle avait de spéciale sa manière de marcher ; ce qui est spécial sans doute chez elle, c’est que les souliers, elle en a pas besoin, ces souliers qu’elle s’achète, c’est pas de l’ordre du besoin, mais d’une certaine demande d’amour ; dans la boutique, elle se compromet, révèle presque son désir ; elle ne veut pas seulement des souliers bien déterminés, mais une vendeuse déterminée ; et elle retardera autant qu’elle peut son achat, son choix, de se fixer ; elle essaiera des tas de paire de souliers, juste pour sentir le contact des mains de cette jeune vendeuse ; pas de besoin, du désir, désir d’être touché ;

elle sort avec son paquet, elle se fait voler son sac, plus d’argent, plus de cartes, plus rien ; elle rend les souliers, en expliquant son problème ; on comprend ; elle récupère son argent ;

le film commence par faire jouer, besoin, désir, argent, et par le vol ; comme dans le dernier Rivette, les mots disent plusieurs choses ; le vol sera filmé comme un vol, d’avion, par exemple ; la ralenti insiste là-dessus, on ne peut pas rater cette métaphore, cette image ; le voleur glisse, c’est un skater ; nous ne savons pas encore que cette femme est passionnée par l’aviation ; on ne découvrira, et alors on comprendra le double sens de ce vol, comme envol, mais aussi dépossession de soi ; c’est toute petite que la femme a été volée à elle-même par son désir de vol, de ciel, son désir d’idéal ; c’est bien ainsi que l’on manque sa vie, souvent ; le désir d’idéal, la solitude souvent, c’est un désir d’idéal ;

donc, elle achète ces souliers, les rend, parce qu’elle lui faut pas de souliers, pas plus qu’il ne lui faut tout ce qu’elle peut avoir avec l’argent, avec son argent ;

mais l’avion a quel domaine de son existence appartient-il ? bien entendu, c’est pas du besoin, c’est du désir ;plus encore que les souliers.

mais il y a désir et désir
celui qui produit,
et celui qui par principe croit manquer, et veut s'élever; désir dépressif d'élévation; échapper à la terre, ne plus marcher; tant qu'elle marchait ça allait encore, on peut dire, elle avait encore les pieds sur terre, mais quand elle s'envole, alors là, c'est fini, le désir vécu comme manque atteint à son intensité la plus dangereuse...


Que doit-on comprendre ? Politiquement, économique, en terme d’aliénation ; je sais pas ; on se souvient que Resnais faisait des films très engagés, des films politiques ; c’est quoi la politique ? ici, si on pense politiquement, on voit l’écart désir-besoin ; une aliénation qui n’est celle de ceux qui n’ont pas de sous, d’argent (et qui peuvent voler, alors les autres) mais celles de ceux qui en ont au-delà de tout besoin, ceux qui sont à l’abri du besoin ; pas tant que ça, cette femme a des sous, mais c’est une bosseuse ; elle pourrait pas tout abandonner pour sa passion, pour le ciel, son avion ; même si ce qu’elle fait finalement, assez suicidairement ; car, c’est la grande affaire du film ? Comment vivre ? Ma vie vaut-elle la peine d’être vécue ?

Donc à travers cet achat, des souliers, on se dit que cette femme n’a besoin de rien, qu’elle ne manque de rien, mais tout de même il y a du manque, quelque chose manque, c’est pourquoi les personnages vivent dans les idées, en se faisant des idées, ils vivent en fantasmant, ils vivent en doublant, le réel, en doublant leur vie, et comme on sait depuis longtemps, quand on double la vie, quand on rêve de ciel, des idées, dans le ciel, c’est le mauvais platonisme ; celui que dénonce Nietzsche, deleuze, et d’autres après, par exemple, Rosset, "chaque fois que l’on détermine le désir depuis le manque, le monde se voit doublé d'un autre monde quel qu'il soit, le monde ne contient pas tous les objets, il en manque au moins un, celui dudésir ; donc il existe un ailleurs qui contient la clef du désir (dont manque le monde). "
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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 17:59

Quand l'avion, avant de s'écraser, se met à faire de la voltige sous le regard (très savant) d'un "paysan" sur son tracteur (la terre), bien entendu (ou pas si bien entendu que ça) Resnais peut nous inviter à penser à :


Quoi donc, qui donc... du dernier Resnais? Icarus-600
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Message par Borges Ven 11 Déc 2009 - 18:26

Entre le dernier Rivette et le dernier Resnais, il y a pas seulement une histoire de vieillissement, un monde fini, qui finit, le cirque et l’avion, l’amour perdu, ou jamais trouvé, une rencontre impossible, du point de vue de l’idée, des idées, il y a surtout deux manière de les penser ; un énoncé-axiome du dernier Resnais, c’est, « le destin de l’homme, c’est de se faire des idées »; dans le Rivette, l’idée c’est qu’il n’y a pas de mauvaise idée en soi, une mauvaise idée, un peu changée, peut devenir une bonne idée; d’une part, la solitude de ceux qui se font des idées, qui avant de rencontrer le réel, ne peuvent pas ne pas s’inventer, et puis, là, c’est plutôt l’idée de ceux qui font équipe, qui échangent des idées, pour créer, arriver à quelque chose, faire quelque chose ; une image de la pensée, une image de l’idée, du cinéma ; seul, ou en équipe, en complot, ou en mort-vivant ; car, comme le disait Deleuze, le cinéma de Resnais, c’est un cinéma de zombie, avec des zombie ; les vrais, pas ceux de Romero. On dira que JB aussi est un zombie, et que le cinéma de Rivette ne manque pas de fantômes ; oui, et il faut le dire. Mais un zombie n’est pas un fantôme ; et puis, il y a toute la différence du monde entre un zombie qui se fait des idées, et un zombie qui a des idées, mêmes fausses. Lequel est le plus à plaindre ?




sur le choix du titre, Resnais :

"Cela me semblait correspondre à ces personnages qui suivent des pulsions totalement déraisonnables, comme ces graines qui profitent d'une fente dans l'asphalte en ville ou dans un mur de pierre à la campagne pour pousser là où on ne les attend pas."
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Message par Le_comte Sam 12 Déc 2009 - 14:13

C'est le meilleur film de l'année selon les cahiers, tout juste devant le Tarantino et le Eastwood.

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Message par Borges Sam 12 Déc 2009 - 14:17

Je suis pas loin de penser la même chose, mais tout de même "inland" est meilleur.

T'as leur liste?
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