Et quoi et qui donc de la BD en vérité?

« Le genre est susceptible de donner des livres, des drames, des poèmes tout comme un autre, à quelques égards mieux qu’un autre... » Qui parle ici ? Nous sommes le 29 décembre 1840, Rodolphe Töpffer écrit à Sainte-Beuve à propos d’une forme d’écriture nouvelle. Le dessinateur genevois excelle à créer des histoires par la succession d’images : c’est la naissance de la bande dessinée . Le genre a déjà un admirateur en la personne de Goethe : « C’est vraiment trop drôle ! C’est étincelant de verve et d’esprit ! Quelques-unes de ces pages sont incomparables. » L’auteur de Faust dégustait d’ailleurs ces albums avec lenteur, de peur de « prendre une indigestion d’idées ». Il supposait des potentialités immenses à cette nouvelle forme artistique, évoquant « des choses qui dépasseraient l’imagination. »

merci de suivre

je suis un enfant de la BD

oui, où avais-je la tête? ce topic doit-être supprimé, il existe déjà.

Le film de Sfar sur Gainsbourg est une machine à faire des entrées et à vendre des dvd. Sujet en or, traitement consensuel : Gainsbourg était un sympathique génie, séducteur de belles femmes.

C'est parce qu'enfant il avait été victime de l'antisémitisme ; le monstre aux doigts crochus dont la société pétainiste lui renvoyait l'image, il se l'était incorporé, il en avait fait son ami, son totem. Il jouait avec ce monstre, avec panache et talent, comme un dompteur. Puis c'est la chute, lorsqu'il finit, loque vieillissante usée par les excès, par perdre sa plasticité, sa faculté de métamorphose. Incapable d'une transformation de plus, d'une absorption-imitation supplémentaire, il se rapproche inexorablement du monstre, finit par lui ressembler.

Cette chute, et toutes les zones d'ombre du personnage, sont soigneusement filtrées dans le film. Ce n'est pas une "vie héroïque", c'est une succession de vignettes, d'images d'Epinal. Gainsbourg devient ici l'icône positive d'une certaine identité française, le pont entre culture noble et culture populaire, celui qui recycle du Bach pour en faire des bluettes pop.

Gainsbourg cartoonisé. Il y a là un malaise : peut-être parce qu'il en était déjà un. Deux indices : les chansons, réinterprétées, perdent l'essentiel de leur saveur : c'étaient avant tout les chansons d'un personnage ; séparées de leur auteur, interprétées par d'autres, elles ressemblent à de laborieux exercices de star academy. Gainsbourg, génie du casting : il cherche la fille avec qui il pourra chanter "Je t'aime moi non plus" ; la chanson finalement n'est qu'un support, Gainsbourg vise l'image. Alors, ce "sujet en or" n'en est peut-être pas un ; les imitations poussives de Bardot et Birkin sont vouées au ridicule avant même d'être tournées ; elles se révèlent, deuxième indice, dépourvues de tout érotisme.

Biopic supposément ambitieux, le film se retrouve plus mortifère, plus empailleur encore que les autres. Après Piaf-Cotillard aux Oscars, se lancer dans le biopic de prestige est pour le moins une démarche intéressée. Sfar en croque-mort opportuniste donne de l'Association une image peu flatteuse.

nous ne saurons pas ce qu'en pense Burdeau, ce grand fan de biopics !

et par rapport à sa BD puisqu'on est dans le sujet là-dessus, BC, tu vois des chose dans le film qui évoquent d'une manière ou d'une autre ce qu'il fait dans ses pages ? C'est de la "vignette" mais pas vraiment de l'image d'épinal..

JM a écrit: tu vois des chose dans le film qui évoquent d'une manière ou d'une autre ce qu'il fait dans ses pages ?

Il ya les oeuvres dessinées de Sfar dans le film : elles sont supposées être celles de Gainsbourg. C'est un petit peu mégalo, mais ce qui est curieux, c'est que ces oeuvres finissent brûlées, lorsque que le jeune SG décide d'abandonner la peinture. Ça me fait penser aux carnets de Sfar, journaux plus ou moins intimes à la manière de ceux de Trondheim, mais en beaucoup plus prétentieux et bâclé. C'est l'envers de l'attitude de Trondheim, où un regard de moraliste entomologiste posé sur soi-même devient un pur nombrilisme et un refus de l'art. Vu sous cet angle on comprend qu'il n'hésite pas tellement à brûler son travail. Il mime d'ailleurs jusqu'au bout la démarche de SG, puisqu'il apparaît dans le rôle de Brassens et interprète une chanson. "Tous les talents !" : l'artiste tient lieu d'oeuvre en quelque sorte. C'est assez pénible.

balthazar claes a écrit:Sfar en croque-mort opportuniste donne de l'Association une image peu flatteuse.

Sfar n'a plus rien à voir avec l'Asso depuis belle lurette.

Pour imaginer ce qu'en pense maître Burdeau, il suffit de lire ce qu'en dit son fidèle Eugenio Renzi (qui est quand même allé, dans sa critique de Two Lovers, jusqu'à reprendre presque mot pour mot ce que disait le grand Manu dans son journal de Cannes), ici : http://independencia.fr/indp/6.0_GAINSBOURG_VIEHEROIQUE_SFAR.html

On notera au passage cette phrase mémorable signée Camille Brunel :
"Or les fans de Gainsbourg ne sont quand-même pas les fans de Hallyday. On peut attendre des premiers une certaine fantaisie, une certaine liberté créative, que l'on serait moins en droit d'attendre de la part des seconds, avec leurs t-shirts noir, leurs tatouages – tu dois connaître l'imagerie beauf qui circule jusqu'au fin fond de la province autour du personnage de Hallyday."