Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
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Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Des deux plus fameux blockbusters de l'été, Inception et Le dernier maître de l'air, ma préférence va largement pour le second qui, loin d'être raté (cf : le massacre de la presse ainsi que d'une majeure partie du public), s'inscrit pleinement dans la cohérence du cinéma de Shyamalan. Pour Inception, j'avoue que je suis parti après 1h15, tant je trouvais le film mauvais. Sur le forum des cahiers, nos compères discutent, à juste titre, d'une comparaison avec Shutter Island, d'une retour à Memento, etc. Pour ma part, je n'ai jamais accordé d'intérêt à Nolan, si ce n'est peut-être pour Le chevalier noir.
J'ai donc aimé Le dernier maître de l'air. Bien qu'il représente l'archétype du blockbuster, ce film a quelque chose d'autre : il est hanté par les fantômes des autres films de Shyamalan. Ce qui a toujours travaillé le cinéaste semble recevoir ici un traitement différent, mais la question reste la même : quid de l'articulation entre l'invisible, la matière, les corps et la volonté ? Qu'est-ce que cet autre monde auquel Shyamalan fait sans cesse référence ? Que représente le fantastique ? Quelle cosmologie et réarticulation géopolitique apporte-t-il ? Les différentes couches de sens se mêlent avec autant de bonheur que dans les autres films. Bon, certes, on attend autre chose de lui, mais on aurait tort de passer sous silence ce Dernier maître de l'air.
D'ailleurs, Shyamalan disait, dans Le monde (qui n'a pas manqué de mépriser le film), que c'était son meilleur film. C'est étonnant, mais cette phrase doit avoir ses raisons...
J'ai donc aimé Le dernier maître de l'air. Bien qu'il représente l'archétype du blockbuster, ce film a quelque chose d'autre : il est hanté par les fantômes des autres films de Shyamalan. Ce qui a toujours travaillé le cinéaste semble recevoir ici un traitement différent, mais la question reste la même : quid de l'articulation entre l'invisible, la matière, les corps et la volonté ? Qu'est-ce que cet autre monde auquel Shyamalan fait sans cesse référence ? Que représente le fantastique ? Quelle cosmologie et réarticulation géopolitique apporte-t-il ? Les différentes couches de sens se mêlent avec autant de bonheur que dans les autres films. Bon, certes, on attend autre chose de lui, mais on aurait tort de passer sous silence ce Dernier maître de l'air.
D'ailleurs, Shyamalan disait, dans Le monde (qui n'a pas manqué de mépriser le film), que c'était son meilleur film. C'est étonnant, mais cette phrase doit avoir ses raisons...
Le_comte- Messages : 336
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Salut Le_comte,
Juste pour rappel, Largo avait déjà ouvert un sujet par ici lors de la préparation du film de Shy.
J'ai un peu lu les avis sur internet, des médias, et en effet il semble que le film se fasse largement dégommer par le public comme par la presse. Cela dit, il me semble que ça fait un moment que les films de Shy, assez casse-gueule sur le fond comme sur la forme, sont à la limite de se faire descendre par tout le monde. "Phénomène" avait reçu un accueil peu chaleureux et j'en garde pourtant un plutôt bon souvenir, notamment d'un point de vu formel : le côté inachevé, fragmentaire sans frime...
Pas encore regardé le film, j'irai probablement dans les prochains jours..
Quant à Nolan...
Juste pour rappel, Largo avait déjà ouvert un sujet par ici lors de la préparation du film de Shy.
J'ai un peu lu les avis sur internet, des médias, et en effet il semble que le film se fasse largement dégommer par le public comme par la presse. Cela dit, il me semble que ça fait un moment que les films de Shy, assez casse-gueule sur le fond comme sur la forme, sont à la limite de se faire descendre par tout le monde. "Phénomène" avait reçu un accueil peu chaleureux et j'en garde pourtant un plutôt bon souvenir, notamment d'un point de vu formel : le côté inachevé, fragmentaire sans frime...
Pas encore regardé le film, j'irai probablement dans les prochains jours..
Quant à Nolan...
Invité- Invité
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Oui, pareil, l'impression que donne le film est désastreuse, apparemment plombé par une 3D inutile/ratée...
Mais c'est vrai que le traitement de Phénomènes, que j'avais beaucoup aimé (superbe texte d'Eyquem à l'époque) m'incite à aller le voir par curiosité. A suivre !
Mais c'est vrai que le traitement de Phénomènes, que j'avais beaucoup aimé (superbe texte d'Eyquem à l'époque) m'incite à aller le voir par curiosité. A suivre !
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Le dernier maître de l’air de M. Night Shyamalan
On pouvait craindre le moment où Shyamalan allait prendre les rênes d’un blockbuster, avec la peur de voir un des meilleurs cinéastes américains des années 2000 se morfondre dans le système toujours trop formaté d’Hollywood. Ces craintes se sont justifiées, mais en partie seulement : à côté de l’indécrottable logique aristolécienne du récit, de la narration codée et des scènes attendues, Le dernier maître de l’air laisse néanmoins apercevoir un ensemble de signes et de thèmes qui ont hanté l’œuvre de Shyamalan depuis que les fantômes et autres créatures sauvages se mesurent, chez lui, à l’héroïsme boiteux d’une humanité mise à l’épreuve. Shyamalan affirme que Le dernier maître de l’air est son meilleur film et qu’il contient le secret de tous les autres. On peut certes douter de la première assertion, mais moins de la seconde, tant le film déploie, presque à l’état pur, des traits qui furent auparavant dissimulés, disséminés.
Ce Dernier maître de l’air serait ainsi, dans l’échiquier complexe de l’œuvre, le film aux traits surlignés, faisant remonter, à la surface de l’image, les secrets enfouis des autres films. La rhétorique hollywoodienne fonctionne sur ce principe simple : rien ne peut lui échapper, rien ne peut stagner dans les marges ; tout, au contraire, doit subir la dictature du récit, l’invisible doit devenir visible, le mystère doit s’incarner et de se polariser dans une logique rationnelle. Shyamalan se réapproprie ce principe, et l’applique à son film pour en surligner les traits, pour en matérialiser les flux et reflux souterrains. Le dernier maître de l’air met en scène un médiateur qui va assurer ce passage. Ce médiateur est, bien entendu, l’avatar lui-même : dégagé de sa glace, de retour sur terre, il doit venir accorder les éléments entre eux ainsi que le présent et l’au-delà. C’est, littéralement, un maître, quelqu’un qui maîtrise ce qui est censé être diffus et insaisissable. Dès lors, l’ambition du film sera, à l’instar du jeune héros, d’actualiser le monde latent dissimulé auparavant (dans les autres films de Shyamalan).
C’est donc dans cette extraction du caché et de l’invisible que réside toute la beauté du Dernier maître de l’air. Les choses ne sont plus latentes ou secrètes, elles sont comme arrachées à leur intimité pour être dévoilées de manière pure. Lors de la première scène, Katara, la jeune maîtresse du Pôle Sud, extrait de la banquise une grosse bulle d’eau. Mais ce n’est pas n’importe quelle eau, c’est de l’eau « pure », l’eau de La jeune fille de l’eau, une eau arrachée à ses secrets. Dans Le dernier maître de l’air, tous les éléments sont pris pour eux-mêmes. Ils semblent danser à la surface de l’image sous la patte d’un grand démiurge (Shyamalan). Il y a quelque chose d’émouvant dans les écoulées d’eau et les jets de feu, un peu comme s’ils étaient révélés dans leur nature propre. On doit ce sentiment à la planéité de la mise en scène. L’horizontalité de l’image, par ailleurs très étrange, est traversée par ce bain de couleur, au point de donner l’impression qu’un peintre impose, touche après touche, l’évidence béate du visible. Cette horizontalité trouée se retrouve accentuée lors des impressionnantes scènes de combats tournées en plan séquence. Loin de s’opposer, la planéité et la temporalité de l’image s’accordent pour mieux matérialiser les secrets du monde. Et les secrets d’une œuvre…
Car le cinéma de Shyamalan est un cinéma de la naissance. Et même plus : un cristal aux faces indiscernables mêlant différentes couches de sens et différents régimes affectifs. On est toujours dans ce qui précède, en-deçà des choses. Incassable semblait déjà remonter le temps jusqu’à une conclusion presque préhistorique. Signes mêlait les temporalités pour faire surgir, au final, une décision dont on ne sait de quelle « couche » elle provient. Le dernier maître de l’air prolonge peut-être La jeune fille de l’eau : un monde fantastique caché revient à la surface et organise la réalité. L’en-deça et le non-humain s’emparent de la mise en scène. Les jets de feu ou les rafales que projette le petit avatar, en fait tous les effets spéciaux, sont autant de manifestations presque inhumaines. Rarement l’emploi des effets spéciaux, dans son apparente pauvreté, ne s’est montré aussi cohérent. On pense beaucoup à Myazaki, dont Shyamalan, à notre sens, partage la même technique pour construire des mondes et des « manifestations pures ».
Shyamalan cherche donc à capter l’origine du surgissement des éléments. Le feu n’est pas que le feu. Mais c’est aussi l’origine de la création du sens qu’il semble chercher, une sorte d’état non-humain, de temporalité complexe, qui n’a cessé fissurer ses films. Dans Le dernier maître de l’air, le temps semble être capturé dans les plans-séquences, comme s’il était prisonnier du miroitement de la matière. Il en découle un sentiment très étrange, différent des films précédents. Aussi, peut-être, doit-on ce sentiment à l’attitude de Shyamalan vis-à-vis du temps : loin de le libérer, il semble avoir cherché, au contraire, à l’étudier dans toute sa contraction, dans les piques qu’il produit localement.
Un film de Shyamalan ne se limite jamais à ce seul aspect cosmologique. Comme dans tout cristal, les faces cohabitent les unes avec les autres. La figure de l’humanité est, à nouveau, très présente. L’un des plus beaux plans du film semble résumer la tension humaine qui l’anime. A la fin, alors que tous les habitants du Pôle Nord se prosternent devant l’avatar, celui-ci, filmé en gros plan, laisse transparaître sur son visage sa douleur et son déconcertement. Il n’est encore qu’un enfant avec d’autres aspirations (une famille). Deux choses le tiraillent. D’une part, le fait de devoir faire un sacrifice et, d’autre part, le fait d’assumer son destin de héros. Le sacrifice et l’héroïsme sont deux thèmes très présents chez Shyamalan. Ils sont au cœur d’un questionnement plus général, central chez lui, sur le choix et la volonté. Il semble que tout personnage shyamalanien est pris entre différentes « couches », entre le monde latent et un monde plus rationnel, entre une destinée et un arsenal de choix. Ce cas mériterait une étude plus longue qu’il ne nous est pas possible de faire ici.
Reste que rien n’est clair, acquis, fixé chez Shymalan. Un personnage peut recevoir toute sa sympathie puis, subitement, faire ou accepter le contraire de ses actes. Signes demeure le plus bel exemple. En ce sens, la métaphore politique constitue le résultat d’un tel réseau complexe. Chaque film de Shy est politique. Phénomène fut accusé de consensus autour l’environnement (à tort, car il va beaucoup plus loin que le simple discours alarmiste prônant le retour aux vraies valeurs). Le dernier maître de l’air pourrait se voir reprocher les mêmes choses. Mais qui est qui dans le film ? Ou se situe le Mal ? On pense d’emblée, et logiquement, à la grossière nation du feu, représentée au sein d’un manichéisme puéril. Or, de qui s’agit-il ? Des américains ou des arabes ? D’un côté, on pense aux grands bateaux pollueurs et au meurtre de l’esprit, de la différence, qui réduit tout au Même. De l’autre, la nation du feu est, apparemment, représentée par des indiens, et non des arabes. La tentation d’effectuer le lien est facile… Et que penser, par ailleurs, de l’absence de dialogue entre les quatre nations ? N’accuse-t-on pas aussi le conservatisme de la nation de l’eau, retranchée derrière sa forteresse du pôle nord, en proie au culte de l’apparence (la belle princesse qui attire le regard du jeune héros, le refuge sous la tranquillité des esprits, etc) ? A nouveau, Shyamalan redistribue la carte géopolitique de manière ambiguë. Ne pourrais-t-on pas y voir, au lieu d’une carte du monde, une carte de l’Amérique contemporaine prise dans ses contradictions ? N’est-ce pas un film où l’Amérique se bat contre elle-même, et ou Shy s’amuse à opposer les discours ? Et que représente alors le petit avatar ? Au même tire que Mel Gibson ou Joachim Phoenix, il sera le lieu de la polarisation, des relais, du choix, de l’équilibre,…
Ce qui assure la réussite relative du Dernier maître de l’air, c’est sa capacité, propre à Shyamalan, de mêler sur un seul plan d’immanence, ouvert et sans cesse en mouvement, les éléments, la matière, les forces, la latence, le fantastique, l’héroïsme, la volonté et la métaphore politique. Ce film est certes décevant, et potentiellement moins riche que les précédents, mais j’espère avoir su montré, brièvement, qu’il n’en perdait pas moins d’intérêt.
Ce Dernier maître de l’air serait ainsi, dans l’échiquier complexe de l’œuvre, le film aux traits surlignés, faisant remonter, à la surface de l’image, les secrets enfouis des autres films. La rhétorique hollywoodienne fonctionne sur ce principe simple : rien ne peut lui échapper, rien ne peut stagner dans les marges ; tout, au contraire, doit subir la dictature du récit, l’invisible doit devenir visible, le mystère doit s’incarner et de se polariser dans une logique rationnelle. Shyamalan se réapproprie ce principe, et l’applique à son film pour en surligner les traits, pour en matérialiser les flux et reflux souterrains. Le dernier maître de l’air met en scène un médiateur qui va assurer ce passage. Ce médiateur est, bien entendu, l’avatar lui-même : dégagé de sa glace, de retour sur terre, il doit venir accorder les éléments entre eux ainsi que le présent et l’au-delà. C’est, littéralement, un maître, quelqu’un qui maîtrise ce qui est censé être diffus et insaisissable. Dès lors, l’ambition du film sera, à l’instar du jeune héros, d’actualiser le monde latent dissimulé auparavant (dans les autres films de Shyamalan).
C’est donc dans cette extraction du caché et de l’invisible que réside toute la beauté du Dernier maître de l’air. Les choses ne sont plus latentes ou secrètes, elles sont comme arrachées à leur intimité pour être dévoilées de manière pure. Lors de la première scène, Katara, la jeune maîtresse du Pôle Sud, extrait de la banquise une grosse bulle d’eau. Mais ce n’est pas n’importe quelle eau, c’est de l’eau « pure », l’eau de La jeune fille de l’eau, une eau arrachée à ses secrets. Dans Le dernier maître de l’air, tous les éléments sont pris pour eux-mêmes. Ils semblent danser à la surface de l’image sous la patte d’un grand démiurge (Shyamalan). Il y a quelque chose d’émouvant dans les écoulées d’eau et les jets de feu, un peu comme s’ils étaient révélés dans leur nature propre. On doit ce sentiment à la planéité de la mise en scène. L’horizontalité de l’image, par ailleurs très étrange, est traversée par ce bain de couleur, au point de donner l’impression qu’un peintre impose, touche après touche, l’évidence béate du visible. Cette horizontalité trouée se retrouve accentuée lors des impressionnantes scènes de combats tournées en plan séquence. Loin de s’opposer, la planéité et la temporalité de l’image s’accordent pour mieux matérialiser les secrets du monde. Et les secrets d’une œuvre…
Car le cinéma de Shyamalan est un cinéma de la naissance. Et même plus : un cristal aux faces indiscernables mêlant différentes couches de sens et différents régimes affectifs. On est toujours dans ce qui précède, en-deçà des choses. Incassable semblait déjà remonter le temps jusqu’à une conclusion presque préhistorique. Signes mêlait les temporalités pour faire surgir, au final, une décision dont on ne sait de quelle « couche » elle provient. Le dernier maître de l’air prolonge peut-être La jeune fille de l’eau : un monde fantastique caché revient à la surface et organise la réalité. L’en-deça et le non-humain s’emparent de la mise en scène. Les jets de feu ou les rafales que projette le petit avatar, en fait tous les effets spéciaux, sont autant de manifestations presque inhumaines. Rarement l’emploi des effets spéciaux, dans son apparente pauvreté, ne s’est montré aussi cohérent. On pense beaucoup à Myazaki, dont Shyamalan, à notre sens, partage la même technique pour construire des mondes et des « manifestations pures ».
Shyamalan cherche donc à capter l’origine du surgissement des éléments. Le feu n’est pas que le feu. Mais c’est aussi l’origine de la création du sens qu’il semble chercher, une sorte d’état non-humain, de temporalité complexe, qui n’a cessé fissurer ses films. Dans Le dernier maître de l’air, le temps semble être capturé dans les plans-séquences, comme s’il était prisonnier du miroitement de la matière. Il en découle un sentiment très étrange, différent des films précédents. Aussi, peut-être, doit-on ce sentiment à l’attitude de Shyamalan vis-à-vis du temps : loin de le libérer, il semble avoir cherché, au contraire, à l’étudier dans toute sa contraction, dans les piques qu’il produit localement.
Un film de Shyamalan ne se limite jamais à ce seul aspect cosmologique. Comme dans tout cristal, les faces cohabitent les unes avec les autres. La figure de l’humanité est, à nouveau, très présente. L’un des plus beaux plans du film semble résumer la tension humaine qui l’anime. A la fin, alors que tous les habitants du Pôle Nord se prosternent devant l’avatar, celui-ci, filmé en gros plan, laisse transparaître sur son visage sa douleur et son déconcertement. Il n’est encore qu’un enfant avec d’autres aspirations (une famille). Deux choses le tiraillent. D’une part, le fait de devoir faire un sacrifice et, d’autre part, le fait d’assumer son destin de héros. Le sacrifice et l’héroïsme sont deux thèmes très présents chez Shyamalan. Ils sont au cœur d’un questionnement plus général, central chez lui, sur le choix et la volonté. Il semble que tout personnage shyamalanien est pris entre différentes « couches », entre le monde latent et un monde plus rationnel, entre une destinée et un arsenal de choix. Ce cas mériterait une étude plus longue qu’il ne nous est pas possible de faire ici.
Reste que rien n’est clair, acquis, fixé chez Shymalan. Un personnage peut recevoir toute sa sympathie puis, subitement, faire ou accepter le contraire de ses actes. Signes demeure le plus bel exemple. En ce sens, la métaphore politique constitue le résultat d’un tel réseau complexe. Chaque film de Shy est politique. Phénomène fut accusé de consensus autour l’environnement (à tort, car il va beaucoup plus loin que le simple discours alarmiste prônant le retour aux vraies valeurs). Le dernier maître de l’air pourrait se voir reprocher les mêmes choses. Mais qui est qui dans le film ? Ou se situe le Mal ? On pense d’emblée, et logiquement, à la grossière nation du feu, représentée au sein d’un manichéisme puéril. Or, de qui s’agit-il ? Des américains ou des arabes ? D’un côté, on pense aux grands bateaux pollueurs et au meurtre de l’esprit, de la différence, qui réduit tout au Même. De l’autre, la nation du feu est, apparemment, représentée par des indiens, et non des arabes. La tentation d’effectuer le lien est facile… Et que penser, par ailleurs, de l’absence de dialogue entre les quatre nations ? N’accuse-t-on pas aussi le conservatisme de la nation de l’eau, retranchée derrière sa forteresse du pôle nord, en proie au culte de l’apparence (la belle princesse qui attire le regard du jeune héros, le refuge sous la tranquillité des esprits, etc) ? A nouveau, Shyamalan redistribue la carte géopolitique de manière ambiguë. Ne pourrais-t-on pas y voir, au lieu d’une carte du monde, une carte de l’Amérique contemporaine prise dans ses contradictions ? N’est-ce pas un film où l’Amérique se bat contre elle-même, et ou Shy s’amuse à opposer les discours ? Et que représente alors le petit avatar ? Au même tire que Mel Gibson ou Joachim Phoenix, il sera le lieu de la polarisation, des relais, du choix, de l’équilibre,…
Ce qui assure la réussite relative du Dernier maître de l’air, c’est sa capacité, propre à Shyamalan, de mêler sur un seul plan d’immanence, ouvert et sans cesse en mouvement, les éléments, la matière, les forces, la latence, le fantastique, l’héroïsme, la volonté et la métaphore politique. Ce film est certes décevant, et potentiellement moins riche que les précédents, mais j’espère avoir su montré, brièvement, qu’il n’en perdait pas moins d’intérêt.
Le_comte- Messages : 336
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Le_comte a écrit:
Reste que rien n’est clair, acquis, fixé chez Shymalan. Un personnage peut recevoir toute sa sympathie puis, subitement, faire ou accepter le contraire de ses actes. Signes demeure le plus bel exemple. En ce sens, la métaphore politique constitue le résultat d’un tel réseau complexe. Chaque film de Shy est politique. Phénomène fut accusé de consensus autour l’environnement (à tort, car il va beaucoup plus loin que le simple discours alarmiste prônant le retour aux vraies valeurs). Le dernier maître de l’air pourrait se voir reprocher les mêmes choses. Mais qui est qui dans le film ? Ou se situe le Mal ? On pense d’emblée, et logiquement, à la grossière nation du feu, représentée au sein d’un manichéisme puéril. Or, de qui s’agit-il ? Des américains ou des arabes ? D’un côté, on pense aux grands bateaux pollueurs et au meurtre de l’esprit, de la différence, qui réduit tout au Même. De l’autre, la nation du feu est, apparemment, représentée par des indiens, et non des arabes. La tentation d’effectuer le lien est facile… Et que penser, par ailleurs, de l’absence de dialogue entre les quatre nations ? N’accuse-t-on pas aussi le conservatisme de la nation de l’eau, retranchée derrière sa forteresse du pôle nord, en proie au culte de l’apparence (la belle princesse qui attire le regard du jeune héros, le refuge sous la tranquillité des esprits, etc) ? A nouveau, Shyamalan redistribue la carte géopolitique de manière ambiguë. Ne pourrais-t-on pas y voir, au lieu d’une carte du monde, une carte de l’Amérique contemporaine prise dans ses contradictions ? N’est-ce pas un film où l’Amérique se bat contre elle-même, et ou Shy s’amuse à opposer les discours ? Et que représente alors le petit avatar ? Au même tire que Mel Gibson ou Joachim Phoenix, il sera le lieu de la polarisation, des relais, du choix, de l’équilibre,…
Hello,
Peut-être que ce qui fait l'ambiguité du cinéma de Shyamalan, c'est qu'il fonctionne essentiellement et tout à fait consciemment (voir "The village", mais, plus encore, l'introduction de "Lady in the water") sur du mythe comme vecteur de cohésion sociale et familiale ? Et qu'avec ça on peut fourrer des tonnes de trucs dedans (de Disney à la mythologie grecque..). Là où Godard nous rappelle qu'on en a toujours jamais terminé avec nos vieux mythes antiques, Shy en pond quinze à la douzaine (mais dont on peut presque à chaque fois déterminer une origine plus ancienne - un peu comme avec tous ces nouveaux mythes pots-pourris à la Harry Potter - ce qui pourrait vouloir dire qu'il n'a pas tant d'imagination que ça et qu'il sera peut-être bien, un jour, en panne).
Pour reprendre plus ou moins ce dont tu parles ; les fantômes, les monstres, les fées, les extras-terrestres, etc il faut après le "qu'est ce que c'est ?" du spectateur (ça c'est pour le suspense initial, construction sur laquelle il faudrait revenir, du moins sur son utilité, sa nécessité, ici), leur donner une existence, puis montrer ce qu'ils peuvent pour nous, humains. Dans ce sens son cinéma est encore très marqué par l'humanisme, même s'il joue avec des mondes fantastiques, "en-deça de l'humain"..
Invité- Invité
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
J'avais tellement de craintes que j'ai reculé le plus possible le moment de le voir. J'aurais bien aimé en dire du bien, mais là, c'est quasi insauvable.
Il y a deux ou trois images intéressantes dans le film, que Shyamalan tire de son jeu avec les éléments. La première scène de combat est plutôt belle de ce point de vue, en un seul plan qui fait alterner la terre, le feu, le vent, sans que les effets spéciaux en fassent des tonnes.
Mais pour le reste, le film souffre de tant de faiblesses... Une narration hasardeuse, des interprétes inconsistants. On ne peut pas faire autrement que de suivre ça d'un oeil vaguement ennuyé.
Mais bon, je suis très mauvais public pour tout ce qui est fantasy ; j'ai pas vu les Harry Potter, les Narnia, et les autres. Ca m'a jamais rien dit d'aller quelque part de l'autre côté de l'arc-en-ciel.
Ce qui m'intéresse chez Shyamalan, c'est quand il joue à la frontière de deux mondes. Là, il est carrément passé de l'autre côté, pour danser la gigue avec les Scrunts et les Tartutics. Faut aimer, quoi.
Il y a deux ou trois images intéressantes dans le film, que Shyamalan tire de son jeu avec les éléments. La première scène de combat est plutôt belle de ce point de vue, en un seul plan qui fait alterner la terre, le feu, le vent, sans que les effets spéciaux en fassent des tonnes.
Mais pour le reste, le film souffre de tant de faiblesses... Une narration hasardeuse, des interprétes inconsistants. On ne peut pas faire autrement que de suivre ça d'un oeil vaguement ennuyé.
Mais bon, je suis très mauvais public pour tout ce qui est fantasy ; j'ai pas vu les Harry Potter, les Narnia, et les autres. Ca m'a jamais rien dit d'aller quelque part de l'autre côté de l'arc-en-ciel.
Ce qui m'intéresse chez Shyamalan, c'est quand il joue à la frontière de deux mondes. Là, il est carrément passé de l'autre côté, pour danser la gigue avec les Scrunts et les Tartutics. Faut aimer, quoi.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Eyquem a écrit:J'avais tellement de craintes que j'ai reculé le plus possible le moment de le voir.
Rhaaa, pareil pour moi. J'ai tellement reculé que je suis toujours pas allé le voir. Et ce que tu en dis confirme mes craintes. Ca sent le roussis...!
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Largo a écrit:Eyquem a écrit:J'avais tellement de craintes que j'ai reculé le plus possible le moment de le voir.
Rhaaa, pareil pour moi.
Même phénomène...
Désamorcé in extremis en apercevant qu'il y avait de l'intérêt pour Erwan et sur Balloonatic.
Mais je ne reçois pas le film comme Eyquem, tout en trouvant que la narration est le point le plus faible.
Etrangement, le Fantasy, tout ça, n'est pas mon goût non plus, mais après avoir vu le film, je repensais au texte de Lorin sur Max & Co. J'avais bien aimé son texte mais ça ne marchait pas pour moi avec ce film-là. Ici, c'est le contraire. Alors ce film qui n'est pas, loin de là, celui de MNS qui m'intéresse le plus m'a apporté beaucoup de joie. Il y a une forme de candeur, qui ne date pas d'hier chez le réal, qui est comme poussé à bout ici.
Le comte m'étonne par sa réflexion sur le manichéisme car je trouve les cartes assez nettement distribuées. Je ne vois rien de comparable entre la nation du feu (la seule truffée d'agresseur, et je ne vois pas comment on pourrait penser aux Arabes) et les autres. En revanche, seule la nation du feu a en son sein des figures "complexes", nécessairement, avec l'oncle et le répudié, mais ce seront bien sûr eux qui sauveront le binz avec l'Avatar. J'ai peut-être une lecture trop simple mais je ne crois vraiment pas que ce film brille par la complexité des pôles.
A mon niveau, les points forts, très forts du film, sont le rapport au mouvement (et l'utilisation des effets spéciaux en rapport avec ça). Depuis quand n'ai-je pas vu des mouvements, de danse/maîtrise ou de combats, restitués dans leur continuité d'où peut émaner leur force comme leur grâce (et quel boulot, par rapport aux trompe-l'oeil qu'on se fade d'habitude à coup de cut MTViesques) ? Je ne ne sais même plus... Je vais faire marrer, mais j'étais par deux fois au bord des larmes devant cette recherche-là. Très doucement, il y a quelque chose par là qui fait que le cinéma de Shyamalan pourrait se "dépuritanismer" !
Très belles et troublantes scènes de combats avec l'enfant sans âge. En particulier celle très peu montée avec le rescapé de Slumdog.
Bref, à mes yeux, tout sauf la catastrophe annoncée, et une oeuvre peut-être en cours de vrai renouvellement, en passant par une sorte de jusqu'au-boutisme d'un lien à l'enfantce, en renouant au plus fort avec ça et en y retrouvant le corps... Une possible route vers un cinéma adulte, je ne sais pas comment dire, bien des gens n'aiment pas ça souvent, mais je continue à croire qu'il y a d'heureuses façons de "mûrir".
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
D&D a écrit:Très doucement, il y a quelque chose par là qui fait que le cinéma de Shyamalan pourrait se "dépuritanismer" !
Bonne nouvelle !
Invité- Invité
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
Lu sa très courte interview dans les cahiers. Je crois que j'ai quand même saisi quelques trucs qu'il reprend brièvement.
Le_comte- Messages : 336
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
(je suis allé le voir, c'est tellement affreux que j'ai dû faire un genre de refoulement, j'ai presque tout oublié. A côté, Le Seigneur des anneaux, c'est du Tarkovski)
Re: Le dernier maître de l'air (Shyamalan)
On lit surtout dans cet entretien que Shy pense surtout en termes "adultes"/"enfants", et de la façon la plus "basique" qui soit, même si il essaye de nous dire qu'il y a de l'"adulte" dans ses enfants et de l'enfant dans l'adulte, ces catégories restent quand même bien (pré)définies pour lui au départ.
Comme dirait l'autre, "penser ces propos avec le cinéma de Gray." lol
Shy a écrit:Cela me permet de traiter l'idée qu'il faut accepter son destin, les responsabilités qui vous incombent. Je veux une famille, et je souhaite aussi que cette famille soit heureuse. Mais je veux aussi être un réalisateur. Est-ce que je passe du temps à étudier un livre sur la mise en scène ou est-ce que je joue avec mon enfant ? Il me faut choisir. C'est ainsi, la vie est faite de situations délicates et quelles qu'elles soient, vous devez accepter la décision que vous prendrez.
Comme dirait l'autre, "penser ces propos avec le cinéma de Gray." lol
Invité- Invité
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