I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
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Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Un peu plus sérieux, mais tout de même assez mou, il doit se défendre d'une confusion républicarde; Badiou ne court pas ce risque...
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Salut DB, Borges,
En tout cas on est loin du "élections, piège à cons !", non ?
Je ne comprends pas grand chose à son discours, pas grave, je crois que je vais laisser tomber et me replonger dans ses anciens bouquins à l'occasion comme me l'a suggéré Borges..
En tout cas on est loin du "élections, piège à cons !", non ?
Je ne comprends pas grand chose à son discours, pas grave, je crois que je vais laisser tomber et me replonger dans ses anciens bouquins à l'occasion comme me l'a suggéré Borges..
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
JM a écrit:Salut DB, Borges,
En tout cas on est loin du "élections, piège à cons !", non ?
Je ne comprends pas grand chose à son discours, pas grave, je crois que je vais laisser tomber et me replonger dans ses anciens bouquins à l'occasion comme me l'a suggéré Borges..
Tout à fait, JM; très loin même de "élections, piège à cons"; très loin aussi de ses analyses du système représentatif, et électoral dans "la haine de la démocratie"...
Je sais pas..
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Pour être en train de relire La Haine De La Démocratie, on est loin oui, ou en tout cas de la critique du système électoral de Badiou.
Piège, je sais pas, hein...
JM, as tu lu le maitre ignorant ?
Piège, je sais pas, hein...
JM, as tu lu le maitre ignorant ?
DB- Messages : 1528
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Rancière, ça représente Rancière. Une pensée radicale dans ses coupures et incertaine dans ses effets. Pensée sans filet, mais jamais molle.David_Boring a écrit:Un peu plus consistant l'article/entretien des Inrocks.
On y voit des choses intéressantes.
Les gars, les filles, Rancière pour vous ça représente quoi ?
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
_Marco a écrit:Rancière, ça représente Rancière. Une pensée radicale dans ses coupures et incertaine dans ses effets. Pensée sans filet, mais jamais molle.David_Boring a écrit:Un peu plus consistant l'article/entretien des Inrocks.
On y voit des choses intéressantes.
Les gars, les filles, Rancière pour vous ça représente quoi ?
Sois sérieux, Marco; c'est quoi ce style? Je te reconnais pas; rien de radical dans ce que devient Rancière; c'est mou; tout le monde peut applaudir des deux mains et sourire; même les gars des Inrock trouvent que ça sonne républicain...Il pense même qu'on l'invite pas assez à s'exprimer à la télé; il va peut-être connaître le même destin que Michel Serres, passer ses journées à la télé en racontant du n'importe quoi que pourrait dire n'importe qui, avec l’air profond du sage consensuel.
On peut finalement se demander si Rancière a réellement réussi à éviter d’être « comme tant d’autres, un renégat, un rallié du consensus, un thermidorien », comme le pensait Badiou à la fin de son article « Rancière et l’apolitique ».
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Rancière veut peut-être devenir un philosophe pensif...
Eyquem- Messages : 3126
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
David_Boring a écrit:
JM, as tu lu le maitre ignorant ?
Hello DB,
Oui, il y a un certain temps, je crois que c'est le premier bouquin de Rancière que j'ai dû lire..je crois. Je vais le relire à l'occasion mais je suis dans d'autres choses actuellement.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Rancière est l'invité aujourd'hui (en ce moment) de l'émission "Tout arrive" sur France Culture.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
_Marco a écrit:Rancière est l'invité aujourd'hui (en ce moment) de l'émission "Tout arrive" sur France Culture.
Il y a pas mal de gens qui se régalent avec Rancière en ce moment, tant mieux.
On voit pas trop à qui ça ferait pas plaisir de tirer sur Debord ou Bourdieu, surtout dans les médias...
Dernière édition par JM le Mar 16 Déc 2008 - 12:18, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
JM a écrit:_Marco a écrit:Rancière est l'invité aujourd'hui (en ce moment) de l'émission "Tout arrive" sur France Culture.
Il y a pas mal de gens qui se régalent avec Rancière en ce moment, tant mieux.
On voit pas trop à qui ça ferait pas plaisir de tirer sur Debord, surtout dans les médias...
Chaque matin, pour gagner mon pain
Je vais à la foire aux mensonges
Plein d’espérance
Je me range aux côtés des vendeurs.
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Borges a écrit:JM a écrit:_Marco a écrit:Rancière est l'invité aujourd'hui (en ce moment) de l'émission "Tout arrive" sur France Culture.
Il y a pas mal de gens qui se régalent avec Rancière en ce moment, tant mieux.
On voit pas trop à qui ça ferait pas plaisir de tirer sur Debord, surtout dans les médias...
Chaque matin, pour gagner mon pain
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Je me range aux côtés des vendeurs.
saleté de Brecht.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Vous nous la jouez parano de plus en plus. Mais ils adoooooorent Debord dans les médias ! Vous ne saviez pas ?JM a écrit:_Marco a écrit:Rancière est l'invité aujourd'hui (en ce moment) de l'émission "Tout arrive" sur France Culture.
Il y a pas mal de gens qui se régalent avec Rancière en ce moment, tant mieux.
On voit pas trop à qui ça ferait pas plaisir de tirer sur Debord ou Bourdieu, surtout dans les médias...
Rancière parle à la radio. N'en faites pas tout un fromage.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Rancière sur France Culture dans Les Vendredis de la Philosophie : "Penser le visible" (Vendredi 19 Dec 2008) MP3
avec François Noudelmann, Patrick Vauday et Jacques Rancière
avec François Noudelmann, Patrick Vauday et Jacques Rancière
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
HarryTuttle a écrit:Rancière sur France Culture dans Les Vendredis de la Philosophie : "Penser le visible" (Vendredi 19 Dec 2008) MP3
avec François Noudelmann, Patrick Vauday et Jacques Rancière
Merci pour le lien. Enfin une émission plus intéressante, où apparaît un peu de "contradiction", de scepticisme.. où le discours de Rancière n'est pas accueilli avec quelques ricanements complaisants trop faciles. Après, ce que j'en dit..
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Hi Harry, where have you been ?
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Borges a écrit:Hi Harry, where have you been ?
But, why, in the kitchen !
DB- Messages : 1528
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Salut,
Excusez-moi, je relisais un peu Arendt à propos de Benjamin et je me demandais si Rancière n'était pas allé chercher par là, c'est-à-dire chez Benjamin, cette idée d'enregistrer le petits plutôt que le monumental, les petits murs d'Israël, plutôt que le grand...peut-être que Rancière évoque Benjamin à ce moment-là dans le bouquin, je ne me souviens plus ?
Excusez-moi, je relisais un peu Arendt à propos de Benjamin et je me demandais si Rancière n'était pas allé chercher par là, c'est-à-dire chez Benjamin, cette idée d'enregistrer le petits plutôt que le monumental, les petits murs d'Israël, plutôt que le grand...peut-être que Rancière évoque Benjamin à ce moment-là dans le bouquin, je ne me souviens plus ?
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Hello JM
Le choix du" petit"" contre le "monumental", c'est assez fréquent; le monumental, politiquement, est associé à des "régimes politiques" pas très démocratiques ; les Nazis faisaient dans le monumental, par exemple; mais on peut remonter aussi loin que les pyramides, et plus loin encore... En peinture, la diminution de la grandeur des tableaux (d'immenses tableaux pour les grands sujets historiques) aussi va dans le sens du régime esthétique des arts...
Y a un texte sur le sujet, dans" minima moralia", de Adorno, la postface de M Abensour...où il est naturellement question de Benjamin, dont la présence est évidente dans le dernier Rancière, mais aussi la critique…
Dans le cas du mur, je crois qu’il faut distinguer deux aspects ; on a l'idée banale que ce mur a déjà été filmé, mis en scène et en lumière, tant de fois, que l'on ne voit plus la situation, mais juste l'icône, au sens pop du mot, une manière de cliché médiatique; on dira que le mur fait mur, comme l'écran faisait écran; donc il faut "imager" des choses qui permettent le retour de l’ attention, qui nous rendent attentif à ce qui se passe dans le coin... là, je crois intervient Benjamin, mais c’est aussi assez logique : le petit, ce qui ne se voit pas, immédiatement, demande de l'attention ; le monumental n'a pas le même sens ici et là... et pas non plus le sens de Nietzsche dans le texte cité par Eyquem, et utilisé par Deleuze dans ses analyses du cinéma historique hollywoodien…
C’est intéressant à creuser comme problème…
Pour Arendt, pas mal de points communs avec Rancière, Kant, évidemment ; mais elle est aussi l'héroïne des républicains, de Finkielkraut, par exemple...N'oublions pas que Arendt, Rancière et Finkielkraut partagent au moins une chose, le refus du social...c'est dans l'intrusion du social, des sans-culottes dans la Révolution de 1789, que Arendt voit l'origine de la terreur...
Le choix du" petit"" contre le "monumental", c'est assez fréquent; le monumental, politiquement, est associé à des "régimes politiques" pas très démocratiques ; les Nazis faisaient dans le monumental, par exemple; mais on peut remonter aussi loin que les pyramides, et plus loin encore... En peinture, la diminution de la grandeur des tableaux (d'immenses tableaux pour les grands sujets historiques) aussi va dans le sens du régime esthétique des arts...
Y a un texte sur le sujet, dans" minima moralia", de Adorno, la postface de M Abensour...où il est naturellement question de Benjamin, dont la présence est évidente dans le dernier Rancière, mais aussi la critique…
Dans le cas du mur, je crois qu’il faut distinguer deux aspects ; on a l'idée banale que ce mur a déjà été filmé, mis en scène et en lumière, tant de fois, que l'on ne voit plus la situation, mais juste l'icône, au sens pop du mot, une manière de cliché médiatique; on dira que le mur fait mur, comme l'écran faisait écran; donc il faut "imager" des choses qui permettent le retour de l’ attention, qui nous rendent attentif à ce qui se passe dans le coin... là, je crois intervient Benjamin, mais c’est aussi assez logique : le petit, ce qui ne se voit pas, immédiatement, demande de l'attention ; le monumental n'a pas le même sens ici et là... et pas non plus le sens de Nietzsche dans le texte cité par Eyquem, et utilisé par Deleuze dans ses analyses du cinéma historique hollywoodien…
C’est intéressant à creuser comme problème…
Pour Arendt, pas mal de points communs avec Rancière, Kant, évidemment ; mais elle est aussi l'héroïne des républicains, de Finkielkraut, par exemple...N'oublions pas que Arendt, Rancière et Finkielkraut partagent au moins une chose, le refus du social...c'est dans l'intrusion du social, des sans-culottes dans la Révolution de 1789, que Arendt voit l'origine de la terreur...
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Borges a écrit:
Pour Arendt, pas mal de points communs avec Rancière, Kant, évidemment ; mais elle est aussi l'héroïne des républicains, de Finkielkraut, par exemple...N'oublions pas que Arendt, Rancière et Finkielkraut partagent au moins une chose, le refus du social...c'est dans l'intrusion du social, des sans-culottes dans la Révolution de 1789, que Arendt voit l'origine de la terreur...
Salut ça va ?
Je pige pas ce que veut dire « refus du social » chez Arendt, Rancière et Finkielkraut.
Que doit-on comprendre par « social » dans cette formule ?
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Bonsoir,
Sur la vita activa et la vita contemplativa, Rancière semble s'opposer en fait nettement à Arendt qui affirme, elle, contre la philosophie moderne que "penser n'est pas agir, ce n'est pas la même chose, au contraire (je souligne)". Pour Arendt, lorsque l'on pense, on doit, "pour l'essentiel, renoncer à participer, à prendre des engagements." Pour Rancière "l'émancipation commence lorsque on remet en cause l'opposition entre regarder et agir." (p.19). Mais "agir" prend un sens particulier ici, il s'agit d'"observer, sélectionner, comparer, interpréter", ne s'agit-il pas finalement de ce que Arendt appelle "penser" en opposition à l'"agir" de l'action, de l'engagement politique, ce que Rancière appelle sans beaucoup de sympathie le "militantisme" ? Arendt oppose l'"agir" qui ne peut se produire qu'en groupe, et le "penser" qui ne peut se réaliser que seul. Là encore on a l'impression de retrouver un peu le discours de Rancière à propos de l'expérience en banlieue qu'il évoque un peu partout actuellement, de ses personnes que l'on invite à l'émancipation, en s'isolant d'un tissu social aux mailles trop serré, étouffantes.
A propos de la sphère sociale qui devrait être séparer de la sphère politique pour Arendt, on pourra lire cet extrait où elle évoque un problème concret, celui des logements :
"Il me semble clair que les discours et les discussions, ainsi que les débats, aussi nombreux soient-ils, ou ce qui les remplace malheureusement aujourd'hui, à savoir les commissions d'experts, qui fournissent un alibi pour ne rien faire - que rien de cela, donc, ne suffira pour résoudre les graves problèmes sociaux que nous posent les grandes villes. [..]
Prenons le problème du logement ! Le problème social consiste certainement dans la possibilité d'avoir des logements qui répondent aux besoins. Mais la question de savoir si de tels logements répondant aux besoins signifient intégration ou non est certainement une question politique. Toute question de ce type a deux aspects. Et l'un des deux ne devrait pas être sujet à discussion - il ne devrait pas y avoir de discussion sur la question de savoir si tout le monde a droit à un logement décent. [..]
Le problème politique est que les gens aiment leur quartier et ne veulent pas partir, même si vous leur donnez une salle de bain supplémentaire ailleurs. C'est en effet une question très controversée, et c'est un problème public, donc cela devrait être tranché publiquement et non par en haut. Mais s'il s'agit de la question de savoir de combien de mètres carrés chaque être humain a besoin pour pouvoir respirer et mener une vie décente, c'est quelque chose que l'on peut vraiment calculer."
Cela permettra aussi éventuellement de rediscuter du dernier film de Costa défendu par Rancière ? Car ce film, comme l'explique très bien Rancière (pp. 87-89) et d'autres personnes, donne voix par l'art aux sans-voix à propos de cette "question politique publique" pour utiliser les mots d'Arendt. .. "Art tout court" qui glisse vers "art politique", et vice-versa, les moyens de la civilité n'étant jamais que des énoncés, des signes, et des rôles : là c'est plutôt Balibar.
Sur la vita activa et la vita contemplativa, Rancière semble s'opposer en fait nettement à Arendt qui affirme, elle, contre la philosophie moderne que "penser n'est pas agir, ce n'est pas la même chose, au contraire (je souligne)". Pour Arendt, lorsque l'on pense, on doit, "pour l'essentiel, renoncer à participer, à prendre des engagements." Pour Rancière "l'émancipation commence lorsque on remet en cause l'opposition entre regarder et agir." (p.19). Mais "agir" prend un sens particulier ici, il s'agit d'"observer, sélectionner, comparer, interpréter", ne s'agit-il pas finalement de ce que Arendt appelle "penser" en opposition à l'"agir" de l'action, de l'engagement politique, ce que Rancière appelle sans beaucoup de sympathie le "militantisme" ? Arendt oppose l'"agir" qui ne peut se produire qu'en groupe, et le "penser" qui ne peut se réaliser que seul. Là encore on a l'impression de retrouver un peu le discours de Rancière à propos de l'expérience en banlieue qu'il évoque un peu partout actuellement, de ses personnes que l'on invite à l'émancipation, en s'isolant d'un tissu social aux mailles trop serré, étouffantes.
A propos de la sphère sociale qui devrait être séparer de la sphère politique pour Arendt, on pourra lire cet extrait où elle évoque un problème concret, celui des logements :
"Il me semble clair que les discours et les discussions, ainsi que les débats, aussi nombreux soient-ils, ou ce qui les remplace malheureusement aujourd'hui, à savoir les commissions d'experts, qui fournissent un alibi pour ne rien faire - que rien de cela, donc, ne suffira pour résoudre les graves problèmes sociaux que nous posent les grandes villes. [..]
Prenons le problème du logement ! Le problème social consiste certainement dans la possibilité d'avoir des logements qui répondent aux besoins. Mais la question de savoir si de tels logements répondant aux besoins signifient intégration ou non est certainement une question politique. Toute question de ce type a deux aspects. Et l'un des deux ne devrait pas être sujet à discussion - il ne devrait pas y avoir de discussion sur la question de savoir si tout le monde a droit à un logement décent. [..]
Le problème politique est que les gens aiment leur quartier et ne veulent pas partir, même si vous leur donnez une salle de bain supplémentaire ailleurs. C'est en effet une question très controversée, et c'est un problème public, donc cela devrait être tranché publiquement et non par en haut. Mais s'il s'agit de la question de savoir de combien de mètres carrés chaque être humain a besoin pour pouvoir respirer et mener une vie décente, c'est quelque chose que l'on peut vraiment calculer."
Cela permettra aussi éventuellement de rediscuter du dernier film de Costa défendu par Rancière ? Car ce film, comme l'explique très bien Rancière (pp. 87-89) et d'autres personnes, donne voix par l'art aux sans-voix à propos de cette "question politique publique" pour utiliser les mots d'Arendt. .. "Art tout court" qui glisse vers "art politique", et vice-versa, les moyens de la civilité n'étant jamais que des énoncés, des signes, et des rôles : là c'est plutôt Balibar.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Il y a un auteur que nous n’avons pas encore cité et qui me semble d’une influence assez considérable dans le travail de Rancière, il s’agit de Michel De Certeau. De Certeau n’a pas spécifiquement travaillé sur le « voir », mais s’est interrogé « sur les opérations des usagers, supposés voués à la passivité et à la discipline » dans son livre L’invention du quotidien – 1.Arts de faire.
« A une production rationnalisée, expansionniste autant que centralisée, bruyante et spectaculaire, correspond une autre production, qualifiée de « consommation » : celle-ci est rusée, elle est dispersée, mais elle s’insinue partout, silencieuse et quasi invisible, puisqu’elle ne se signale pas avec des produits propres mais en manières d’employer les produits imposés par un ordre économique dominant. » (p.XXXVII.)
On retrouve chez De Certeau la même critique de la passivité du spectateur devant les simulacres du spectacle médiatique, la même critique des experts et leur prétention pédagogique :
« Au lieu d’un nomadisme, on aurait donc une « réduction » et un parcage : la consommation, organisée par ce quadrillage expansionniste, ferait figure d’activité moutonnière, progressivement immobilisée et « traitée » grâce à la mobilité croissante des conquérants de l’espace que sont les médias. Fixation des consommateurs et circulation des médias. Aux foules, il resterait seulement la liberté de brouter la ration de simulacres que le système distribue à chacun.
Voilà précisément l’idée contre laquelle je m’élève : pareille représentation des consommateurs n’est pas recevable. » (p.240.)
« Les protestations mêmes contre la vulgarisation/vulgarité des médias relèvent souvent d’une prétention pédagogique analogue ; portée à croire ses propres modèles culturels nécessaires au peuple en vue d’une éducation des esprits et d’une élévation des cœurs, l’élite émue par le « bas niveau » des canards ou de la télé postule toujours que le public est modelé par les produits qu’on lui impose. C’est la se méprendre sur l’acte de « consommer ». On suppose qu’ « assimiler » signifie nécessairement « devenir semblable à » ce qu’on absorbe, et non le « rendre semblable » à ce qu’on est, le faire sien, se l’approprier ou réapproprier. Entre ces deux significations possibles, le choix s’impose, et d’abord au titre d’une histoire dont l’horizon doit être esquissé. » (pp.240-241.)
Rancière dans l’émission radiophonique Les vendredis de la philosophie parlait le langage de De Certeau :
« Il n’existe nulle part d’individus passifs en face des images. Si l’individu est passif, le spectacle n’existe pas, l’image n’est pas vue. En face d’une image, en face d’un spectacle, il y a un travail d’attention, un travail de sélection, un travail de réenchaînement. Un film n’existe que par l’attention du spectateur. Le spectateur fait un peu son propre film avec celui qui est en face de lui, à travers toute une série d’enchaînement avec les spectacles qu’il a déjà vu, les montages d’images et de mots qui l’ont construit lui-même et qui font sa propre aventure intellectuelle. Pas besoin d’être « un intellectuel » pour avoir une aventure intellectuelle.
[…]
Il y a comme une ruse du spectateur. On le programme, on lui propose du plaisir, il le prend mais pas forcément comme on veut qu’il le prenne. »
De Certeau a développé exactement la même idée à propos de la lecture :
« En fait, l’activité liseuse présente au contraire tous les traits d’une production silencieuse : dérive à travers la page, métamorphose du texte par l’œil voyageur, improvisation et expectation de significations induites de quelques mots, enjambements d’espaces écrits, danse éphémère. […] [Le lecteur] insinue les ruses du plaisir et d’une réappropriation dans le texte de l’autre : il y braconne, il y est transporté, il s’y fait pluriel comme des bruits de corps. Ruse, métaphore, combinatoire, cette production est aussi une « invention » de mémoire. Elle fait des mots les issues d’histoires muettes. » (p.XLIX.)
« A une production rationnalisée, expansionniste autant que centralisée, bruyante et spectaculaire, correspond une autre production, qualifiée de « consommation » : celle-ci est rusée, elle est dispersée, mais elle s’insinue partout, silencieuse et quasi invisible, puisqu’elle ne se signale pas avec des produits propres mais en manières d’employer les produits imposés par un ordre économique dominant. » (p.XXXVII.)
On retrouve chez De Certeau la même critique de la passivité du spectateur devant les simulacres du spectacle médiatique, la même critique des experts et leur prétention pédagogique :
« Au lieu d’un nomadisme, on aurait donc une « réduction » et un parcage : la consommation, organisée par ce quadrillage expansionniste, ferait figure d’activité moutonnière, progressivement immobilisée et « traitée » grâce à la mobilité croissante des conquérants de l’espace que sont les médias. Fixation des consommateurs et circulation des médias. Aux foules, il resterait seulement la liberté de brouter la ration de simulacres que le système distribue à chacun.
Voilà précisément l’idée contre laquelle je m’élève : pareille représentation des consommateurs n’est pas recevable. » (p.240.)
« Les protestations mêmes contre la vulgarisation/vulgarité des médias relèvent souvent d’une prétention pédagogique analogue ; portée à croire ses propres modèles culturels nécessaires au peuple en vue d’une éducation des esprits et d’une élévation des cœurs, l’élite émue par le « bas niveau » des canards ou de la télé postule toujours que le public est modelé par les produits qu’on lui impose. C’est la se méprendre sur l’acte de « consommer ». On suppose qu’ « assimiler » signifie nécessairement « devenir semblable à » ce qu’on absorbe, et non le « rendre semblable » à ce qu’on est, le faire sien, se l’approprier ou réapproprier. Entre ces deux significations possibles, le choix s’impose, et d’abord au titre d’une histoire dont l’horizon doit être esquissé. » (pp.240-241.)
Rancière dans l’émission radiophonique Les vendredis de la philosophie parlait le langage de De Certeau :
« Il n’existe nulle part d’individus passifs en face des images. Si l’individu est passif, le spectacle n’existe pas, l’image n’est pas vue. En face d’une image, en face d’un spectacle, il y a un travail d’attention, un travail de sélection, un travail de réenchaînement. Un film n’existe que par l’attention du spectateur. Le spectateur fait un peu son propre film avec celui qui est en face de lui, à travers toute une série d’enchaînement avec les spectacles qu’il a déjà vu, les montages d’images et de mots qui l’ont construit lui-même et qui font sa propre aventure intellectuelle. Pas besoin d’être « un intellectuel » pour avoir une aventure intellectuelle.
[…]
Il y a comme une ruse du spectateur. On le programme, on lui propose du plaisir, il le prend mais pas forcément comme on veut qu’il le prenne. »
De Certeau a développé exactement la même idée à propos de la lecture :
« En fait, l’activité liseuse présente au contraire tous les traits d’une production silencieuse : dérive à travers la page, métamorphose du texte par l’œil voyageur, improvisation et expectation de significations induites de quelques mots, enjambements d’espaces écrits, danse éphémère. […] [Le lecteur] insinue les ruses du plaisir et d’une réappropriation dans le texte de l’autre : il y braconne, il y est transporté, il s’y fait pluriel comme des bruits de corps. Ruse, métaphore, combinatoire, cette production est aussi une « invention » de mémoire. Elle fait des mots les issues d’histoires muettes. » (p.XLIX.)
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Il y a donc lieu de s’interroger, à la lumière de De Certeau, sur le prétendu « refus du social », « retour à l’individualisme », que sais-je…
La question de l’individu et de la communauté chez Rancière n’est pas simple. On ne peut pas affirmer à mon sens aussi brutalement un « refus du social ». Tout se joue sur un paradoxe entre liaison et distance. Et distance n’est pas « distance radicale ». Si ce paradoxe ne peut s’exprimer que dans un « jeu imprévisible d’associations et de dissociations », c’est qu’il ne propose pas une vision solipsiste du monde mais un rapport à l’autre non normé, il suppose un espace social lisse : c’est cela, l’égalité (pour dire vite : je sais bien les rapports complexes que l’espace lisse entretient toujours avec l’espace strié…).
Cette question est fondamentale. Si on ne la saisit pas, on passe totalement à côté de son propos.
« Il n’y a pas plus de forme privilégiée que de point de départ privilégié. Il y a partout des points de départ, des croisements et des nœuds qui nous permettent d’apprendre quelque chose de neuf si nous récusons premièrement la distance radicale, deuxièmement la distribution des rôles, troisièmement les frontières entre les territoires. »
Rancière, Spectateur émancipé, p. 24.
C’est dans cet espace ainsi défini et seulement lui que peut jouer, et se comprendre, ce rapport paradoxal entre liaison et distance (non radicale) :
« Ce pouvoir commun de l’égalité des intelligences lie des individus, leur fait échanger des aventures intellectuelles, pour autant qu’il les tient séparés les uns des autres, également capables d’utiliser le pouvoir de tous pour tracer leur chemin propre. »
Rancière, Spectateur émancipé, p. 23.
La question de la distance apparaît aussi d’une certaine façon chez De Certeau :
« …ces « manières de faire » créent du jeu par une stratification de fonctionnements différents et interférents. Ainsi les manières d’ « habiter » (une maison, ou une langue) propres à sa Kabylie natale, le Maghrébin à Paris ou à Roubaix les insinue dans le système que lui impose la construction d’une HLM ou du français. Il les surimpose et, par cette combinaison, il se crée un espace de jeu pour des manières d’utiliser l’ordre contraignant du lieu ou de la langue. […] Par un art de l’entre-deux, il en tire des effets imprévus. »
De Certeau, L’invention du quotidien – 1.Arts de faire, p.51.
On peut enfin ajouter le passage suivant de De Certeau qui ne me semble donc pas du tout contradictoire avec ce que dit Rancière :
« L’examen de ces pratiques n’implique pas un retour aux individus. […] L’analyse montre plutôt que la relation (toujours sociale) détermine ses termes, et non l’inverse, et que chaque individualité est le lieu où joue une pluralité incohérente (et souvent contradictoire) de ses déterminations relationnelles. »
De Certeau, L’invention du quotidien – 1.Arts de faire, pp.XXXV-XXXVI.
Chez De Certeau comme chez Rancière , le spectateur et le consommateur ne restent pas à la place à laquelle on prétend les assigner.
La question de l’individu et de la communauté chez Rancière n’est pas simple. On ne peut pas affirmer à mon sens aussi brutalement un « refus du social ». Tout se joue sur un paradoxe entre liaison et distance. Et distance n’est pas « distance radicale ». Si ce paradoxe ne peut s’exprimer que dans un « jeu imprévisible d’associations et de dissociations », c’est qu’il ne propose pas une vision solipsiste du monde mais un rapport à l’autre non normé, il suppose un espace social lisse : c’est cela, l’égalité (pour dire vite : je sais bien les rapports complexes que l’espace lisse entretient toujours avec l’espace strié…).
Cette question est fondamentale. Si on ne la saisit pas, on passe totalement à côté de son propos.
« Il n’y a pas plus de forme privilégiée que de point de départ privilégié. Il y a partout des points de départ, des croisements et des nœuds qui nous permettent d’apprendre quelque chose de neuf si nous récusons premièrement la distance radicale, deuxièmement la distribution des rôles, troisièmement les frontières entre les territoires. »
Rancière, Spectateur émancipé, p. 24.
C’est dans cet espace ainsi défini et seulement lui que peut jouer, et se comprendre, ce rapport paradoxal entre liaison et distance (non radicale) :
« Ce pouvoir commun de l’égalité des intelligences lie des individus, leur fait échanger des aventures intellectuelles, pour autant qu’il les tient séparés les uns des autres, également capables d’utiliser le pouvoir de tous pour tracer leur chemin propre. »
Rancière, Spectateur émancipé, p. 23.
La question de la distance apparaît aussi d’une certaine façon chez De Certeau :
« …ces « manières de faire » créent du jeu par une stratification de fonctionnements différents et interférents. Ainsi les manières d’ « habiter » (une maison, ou une langue) propres à sa Kabylie natale, le Maghrébin à Paris ou à Roubaix les insinue dans le système que lui impose la construction d’une HLM ou du français. Il les surimpose et, par cette combinaison, il se crée un espace de jeu pour des manières d’utiliser l’ordre contraignant du lieu ou de la langue. […] Par un art de l’entre-deux, il en tire des effets imprévus. »
De Certeau, L’invention du quotidien – 1.Arts de faire, p.51.
On peut enfin ajouter le passage suivant de De Certeau qui ne me semble donc pas du tout contradictoire avec ce que dit Rancière :
« L’examen de ces pratiques n’implique pas un retour aux individus. […] L’analyse montre plutôt que la relation (toujours sociale) détermine ses termes, et non l’inverse, et que chaque individualité est le lieu où joue une pluralité incohérente (et souvent contradictoire) de ses déterminations relationnelles. »
De Certeau, L’invention du quotidien – 1.Arts de faire, pp.XXXV-XXXVI.
Chez De Certeau comme chez Rancière , le spectateur et le consommateur ne restent pas à la place à laquelle on prétend les assigner.
Invité- Invité
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Hello hello, camarades;
Merci d'inviter De Certeau à la discussion, Marco; mais une fois détachés de leurs contextes (internes et externes), tous ces énoncés ne te semblent-ils pas d'une banalité à pleurer ou à sourire... ? Oui, personne n'est passifs...quand on lit on est actif, devant sa télé, devant Klee ou en lisant un comics, écoutant Madonna ou Webern, devant Gödel et en auditionnant 2+2, en marchant et en faisant le 100 mètres en quelques secondes, quand on game aussi à je sais pas quel jeu avec sa PS, ou son ordi et en faisant une partie d’échec contre je ne sais quel grand maître ; mais bon, l'essentiel c'est pas l'opposition passif-actif, même quand on dort on est actif, c'est le degré d'activité qu’un objet suppose, le degré de puissance qu’il exige ; rien ne sert d'opposer simplement actif/passif, comme disait l'autre, tout cela a une histoire; moi, je sais que je suis plus actif en lisant James Joyce qu'en regardant un match de foot, et Proust savait qu'il était plus actif en écrivant la Recherche qu'en lisant Flaubert; le lecteur est actif, mais moins que l'écrivain; et il y a bien des degrés dans l'activité, nous sommes des intellos, sans doute, mais pas au même degré de puissance, sinon, "comment serait-il possible, si le salut était sous la main, et si l'on pouvait y parvenir sans grand' peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais ce qui est beau est difficile autant que rare", disait le penseur de l'éthique.
Je ne suis pas encore très loin dans ma lecture de « l'invention du quotidien »; commencé il y a bien plus de 15 ans; la fable mystique, c'est immense, sans oublier ses écrits sur l'histoire... Bien sûr, tout le monde est malin, rusé, comme un singe, comme un renard; les consommateurs, que nous sommes tous, des consommateurs intellectuels, faut être précis, sont tous des Mac Gyver devant les produits de l'industrie culturelle... chez de Certeau y a tout de même quelque chose comme une lutte quotidienne devant les forces de domination, des stratégies, des détournements...
Les gens refusent la place qu'on leur assigne, oui, of course, mais c'est pas tout de même la lutte contre la ségrégation, le refus du fond du bus...
Y a des gens qui assignent aux autres des places ; mais qui ? mais pourquoi ? mais dans quel but ? que veulent-ils donc à ces gens ? y a donc un partage ou quelque chose de ce genre ?
Emancipation, on sait jamais de quoi, il faut s’émanciper ; tout ce qu’on sait c’est que les gens faut pas les prendre pour des cons ; mais le dire, c’est déjà avoir trop dit …
« Le spectateur émancipé », c’est une allusion à « le spectateur engagé » de Raymond Aron ?
Merci d'inviter De Certeau à la discussion, Marco; mais une fois détachés de leurs contextes (internes et externes), tous ces énoncés ne te semblent-ils pas d'une banalité à pleurer ou à sourire... ? Oui, personne n'est passifs...quand on lit on est actif, devant sa télé, devant Klee ou en lisant un comics, écoutant Madonna ou Webern, devant Gödel et en auditionnant 2+2, en marchant et en faisant le 100 mètres en quelques secondes, quand on game aussi à je sais pas quel jeu avec sa PS, ou son ordi et en faisant une partie d’échec contre je ne sais quel grand maître ; mais bon, l'essentiel c'est pas l'opposition passif-actif, même quand on dort on est actif, c'est le degré d'activité qu’un objet suppose, le degré de puissance qu’il exige ; rien ne sert d'opposer simplement actif/passif, comme disait l'autre, tout cela a une histoire; moi, je sais que je suis plus actif en lisant James Joyce qu'en regardant un match de foot, et Proust savait qu'il était plus actif en écrivant la Recherche qu'en lisant Flaubert; le lecteur est actif, mais moins que l'écrivain; et il y a bien des degrés dans l'activité, nous sommes des intellos, sans doute, mais pas au même degré de puissance, sinon, "comment serait-il possible, si le salut était sous la main, et si l'on pouvait y parvenir sans grand' peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais ce qui est beau est difficile autant que rare", disait le penseur de l'éthique.
Je ne suis pas encore très loin dans ma lecture de « l'invention du quotidien »; commencé il y a bien plus de 15 ans; la fable mystique, c'est immense, sans oublier ses écrits sur l'histoire... Bien sûr, tout le monde est malin, rusé, comme un singe, comme un renard; les consommateurs, que nous sommes tous, des consommateurs intellectuels, faut être précis, sont tous des Mac Gyver devant les produits de l'industrie culturelle... chez de Certeau y a tout de même quelque chose comme une lutte quotidienne devant les forces de domination, des stratégies, des détournements...
Les gens refusent la place qu'on leur assigne, oui, of course, mais c'est pas tout de même la lutte contre la ségrégation, le refus du fond du bus...
Y a des gens qui assignent aux autres des places ; mais qui ? mais pourquoi ? mais dans quel but ? que veulent-ils donc à ces gens ? y a donc un partage ou quelque chose de ce genre ?
Emancipation, on sait jamais de quoi, il faut s’émanciper ; tout ce qu’on sait c’est que les gens faut pas les prendre pour des cons ; mais le dire, c’est déjà avoir trop dit …
« Le spectateur émancipé », c’est une allusion à « le spectateur engagé » de Raymond Aron ?
Borges- Messages : 6044
Re: I Autour du nouveau livre de Jacques Rancière,
Hello hello
JM, tu vas trop vite dans ton opposition; tu compares des analyses de niveaux très différents ; vie contemplative, vie active; Arendt n'oppose pas les deux; c'est une opposition, reçue, traditionnelle, dont l'origine est dans la pensée et le mode d'existence grecs ; la question que se posaient les Grecs, du moins Aristote : « quel mode de vie est le plus approprié à l’existence de l’homme libre ? » Deux possibilités, l’action, politique, parmi et avec ses égaux, ou alors, la vie solitaire qui retire l’homme de la sphère du monde, le rend invisible, et l’égale, un moment, aux Dieu, en l’ouvrant à la vérité, l’être ; les deux modes d’existence ne sont pas comparables, ont des logiques différentes ; d’une part la vérité donnée dans la solitude, étrangère au monde, à ses devenirs, de l’autre le partage du monde dans les paroles, les jugements, et l’action ; donc, d’une part, l’opinion, la doxa, de l’autre, la vérité ; Platon a confondu les deux, Aristote pas ; penser n’est pas agir, pas plus que produire d’ailleurs, ou travailler ; tout est bien dit Arendt quand le penseur est dans son truc, séparé, pense le vrai, mais hélas, comme le montre l’allégorie de la caverne, les philosophes ne supportent pas, du point de vue de la vérité qui ne se discute pas, ne donne pas place à la discussion, ces variations d’opinions, de points de vue ; revenu du ciel des idées, il entre dans la caverne et cherche à modeler selon cette vérité non contingente la logique plurielle des opinions, les devenirs ; Platon lui-même parle de la violence nécessaire par quoi le philosophe arrache les spectateurs des ombres à leur chaînes ; toute pensée qui cherche à poser le vrai, dans la sphère de cette contingence, contient une possibilité tyrannique ; pas de vérité en politique ; ce truc a donné des tas de versions ; comme dit Badiou, c’est l’idéologie consensuelle des démocraties parlementaires, de la fin des idéologies ; Platon ami des tyrans, tenté par la tyrannie, c’est l’ancêtre de Hitler, de Staline… ; y a le texte de Badiou, que tu dois connaître, sur Arendt.. où il discute la banalité qui veut que la vérité ne se discute pas, et l’exclusion de la vérité de la politique ; la politique est pensée, selon lui.
Sinon « la pensée » c'est pas simple chez Arendt; elle a lu Heidegger et Kant, elle oppose parfois pensée et connaissance ; je crois que c'est dans la vie de l'esprit qu'elle dit quelque chose comme "nous ne sommes jamais aussi actifs que quand nous ne faisons rien"
Le truc important, c'est la place du spectateur, privilégié chez Arendt et dans le dernier Rancière, à la suite de Kant; on se souvient de son truc sur la Révolution française, dont la vérité se donne au spectateur non engagé, et non pas aux acteurs, à ses acteurs, dans l'action, la violence... Le contraire de Badiou, pour qui la politique est une pensée, et sa vérité est dans l'activité militante...et non pas dans l'attitude du spectateur, Kant, ou de l'historien, Furet...
Faudrait discuter un peu plus sérieusement aussi la question du social.
JM, tu vas trop vite dans ton opposition; tu compares des analyses de niveaux très différents ; vie contemplative, vie active; Arendt n'oppose pas les deux; c'est une opposition, reçue, traditionnelle, dont l'origine est dans la pensée et le mode d'existence grecs ; la question que se posaient les Grecs, du moins Aristote : « quel mode de vie est le plus approprié à l’existence de l’homme libre ? » Deux possibilités, l’action, politique, parmi et avec ses égaux, ou alors, la vie solitaire qui retire l’homme de la sphère du monde, le rend invisible, et l’égale, un moment, aux Dieu, en l’ouvrant à la vérité, l’être ; les deux modes d’existence ne sont pas comparables, ont des logiques différentes ; d’une part la vérité donnée dans la solitude, étrangère au monde, à ses devenirs, de l’autre le partage du monde dans les paroles, les jugements, et l’action ; donc, d’une part, l’opinion, la doxa, de l’autre, la vérité ; Platon a confondu les deux, Aristote pas ; penser n’est pas agir, pas plus que produire d’ailleurs, ou travailler ; tout est bien dit Arendt quand le penseur est dans son truc, séparé, pense le vrai, mais hélas, comme le montre l’allégorie de la caverne, les philosophes ne supportent pas, du point de vue de la vérité qui ne se discute pas, ne donne pas place à la discussion, ces variations d’opinions, de points de vue ; revenu du ciel des idées, il entre dans la caverne et cherche à modeler selon cette vérité non contingente la logique plurielle des opinions, les devenirs ; Platon lui-même parle de la violence nécessaire par quoi le philosophe arrache les spectateurs des ombres à leur chaînes ; toute pensée qui cherche à poser le vrai, dans la sphère de cette contingence, contient une possibilité tyrannique ; pas de vérité en politique ; ce truc a donné des tas de versions ; comme dit Badiou, c’est l’idéologie consensuelle des démocraties parlementaires, de la fin des idéologies ; Platon ami des tyrans, tenté par la tyrannie, c’est l’ancêtre de Hitler, de Staline… ; y a le texte de Badiou, que tu dois connaître, sur Arendt.. où il discute la banalité qui veut que la vérité ne se discute pas, et l’exclusion de la vérité de la politique ; la politique est pensée, selon lui.
Sinon « la pensée » c'est pas simple chez Arendt; elle a lu Heidegger et Kant, elle oppose parfois pensée et connaissance ; je crois que c'est dans la vie de l'esprit qu'elle dit quelque chose comme "nous ne sommes jamais aussi actifs que quand nous ne faisons rien"
Le truc important, c'est la place du spectateur, privilégié chez Arendt et dans le dernier Rancière, à la suite de Kant; on se souvient de son truc sur la Révolution française, dont la vérité se donne au spectateur non engagé, et non pas aux acteurs, à ses acteurs, dans l'action, la violence... Le contraire de Badiou, pour qui la politique est une pensée, et sa vérité est dans l'activité militante...et non pas dans l'attitude du spectateur, Kant, ou de l'historien, Furet...
Faudrait discuter un peu plus sérieusement aussi la question du social.
Borges- Messages : 6044
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