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La Cour de Babel, Julie Bertuccelli 2013

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La Cour de Babel,  	Julie Bertuccelli 2013 Empty La Cour de Babel, Julie Bertuccelli 2013

Message par Invité Dim 13 Avr 2014 - 19:33

Formellement les film est moyennement intéressant, vise un peu le même public que le palmé « Entre les Murs « qui m’avait semblé extrêmement sinistre , mais  il est quand-même moralement plus respectueux des ados et politiquement plus complexe que le film de Cantet et Bégaudeau.

(même si les films diffèrent, l’un est un documentaire, et un méta-film sur un film scolaire fait avec et en partie par les élèves- qui n’est montré que quelques secondes mais a l’air d’ailleurs plus intéressant esthétiquement que celui montré en salle; l'autre,  Entre les Murs,  une fiction basée sur un roman de Bégaudeau, où des personnages incarnaient individuellement la crise du vivre-ensemble, leur actes devaient être à la fois crédibles et exemplairement symboliques).


Entre les Murs avait une certaine dureté martiale, représentative des années Sarkozy -Guéant-Guaino-Buisson-qui sont pas finies- : la laïcité (donc la loi) représentaient des cadres dans lesquels se déployaient des rapports de violence nue (la question était de réussir à exclure Souleymane, une exclusion décidée assez tôt dans le film). L'autorité ne concédait à l’autre que la capacité de résister seul contre la propre légitimité, il n’y avait pas de communauté, juste la victoire d’un ordre qui se sait en crise

Ici la loi et la laïcité deviennent plutôt des sujets éprouvant un sentiment de mélancolie désarmée à l’égard de la mise à mal du vivre ensemble. Les élèves sont parfaitement capables de penser l’espace publique, la culture, la laïcité, la république et la foi, l’articulation de la politique et du social. Ils sont écoutés, mais dans un cadre paradoxal, qui  se supprimera lui-même : une classe de transition pour élèves réfugiés qui vise à les faire intégrer ensuite le cadre que l’on sent beaucoup plus dur du collège normal, où les rapports de ségrégation et de discrimination sociale que lissent leur professeure seront bruts. Les élèves le savent.

Le cosmopolitisme est montré alors comme la source d’une lucidité précoce, rationnelle et argumentée, quant à la nature de la loi, et la compréhension de sa valeur, mais la mélancolie provient du fait que cette sagesse est un enjeu de savoir (plutôt que de reconnaissance) précédant le fait de devoir vivre dans cette loi, au risque d’être brisé par elle.

D’un côté on avait" Entre les Murs"  qui se place sur le terrain de la reconnaissance qui n’articule que la violence, de l’autre ce film, qui se place sur celui d’une tolérance qui n’est donnée que comme un processus dont la fin est le savoir. Les deux positions ne se croisent pas. Mais ce dilemme est forcé, peut-être lié justement au fait que les deux enseignants, politiquement opposés, sont liés à une seule et même idée de la république et de la laïcité (qui engage en France la rapport de la puissance publique elle-même à sa propre identité, le légalisme républicain place souvent de manière démesurée des enfants dans le rôle de médiateur entre l'institution et l'ordre , et ce pour l'ensemble de la collectivité).

Cette mélancolie est assez justement décrite, mais le film ne montre rien d’autre, et est finalement sur une position extrêmement défensive. Cela se traduit formellement par le fait qu’il impose une durée rigide, censée correspondre à l’acquisition graduelle par les élèves de leur maturité scolaire et sociale, contre la maturité dont ils ont dû déjà faire preuve en famille (ainsi lors des visites de parents la prof critique le fait que les élèves soient utilisés comme interprètes par leurs parents : cela les empêche de réussir, et empêche aussi à l’école elle-même de réussir, elle rejoint là l’articulation entre idéologique républicaine et pratique pédagogique de Bégaudeau, alors qu’elle a sans doute une sensibilité opposée à ce dernier).


Le film est filmé du point de vue de ce qui est en crise, sur ce qu’il aimerait intégrer (l’inverse d’entre les Murs, qui était le point de vue de celui qui est vaincu par la loi sur la légitimité de la loi), une idée de laïcité progressiste qui cherche à rendre la république vivable en acceptant le consensus et la discussion comme des pratique efficaces, idée mise à mal par la montée de la xénophobie et de l’extrême droite ; qui revendique, au contraire du cosmopolitisme, comme une forme de privilège le fait de vivre dans la loi sans devoir la comprendre.

Mais il postule à tort que c’est la durée et la maturité qui manquent à ces élèves. Ainsi la musiquette égrenant les saisons, dont les traces ne sont  palpable que sur la cours du collège et les barres d’immeubles qui la dépassant. Le temps est le monde extérieur où les adolescents accueillis et protégés ne sont pas encore: la république  la laïcité et le respect des consciences dans le corps social sont sans doute encore  plus en crise qu’elles ne le sont réellement dans ce film parce qu’il essaye de les identifier complètement au temps qui manque.

Mais le film s’oppose alors aux enfants qui ont déjà acquis cette durée, et comprennent également très bien la différence existant entre les notions de respect de l’ordre et celle de protection. Les institutions vont probablement affirmer plus tard leur autorité en  transformant ce qui est déjà accepté en impératif, ce qui revient à leur voler cette durée et cette lucidité. Le film formule comme une forme de manque à combler ce qui est au contraire le risque de  mise à mort d’un sens déjà acquis.

Curieusement, cette volonté de situer les adolescentes uniquement dans la classe cocon fait qu’un tas de sujets sont brassés (le voile, l’intégrisme que les enfants lient lucidement au monothéisme, la condition féminine, la crise, l’opposition entre art et culture visuelle) mais que le sujet de l’immigration n’est paradoxalement jamais discuté, juste montré (seule la mère irlandaise énonce des raisons de migrations économiques).
Le film tient politiquement en  maintenant jusqu’au bout comme définitivement tracée  une distinction entre la condition de réfugiés politiques et d’exilé (un accueil envers des femmes et des hommes ayant traversés des situations politiques exceptionnelles, et reconnues assez tôt comme telles) et celle d’immigré (c‘est-à-dire celui qui n’est déjà plus un exilé, l’autre présent dans un corps social global qui est aussi le sien, et dont l’historie est plus souterraine et implicite)–et cet écart maintenu, crée finalement une situation où le fait de reconnaître à ces adolescents leur lucidité et d'entendre cette lucidité , devait invalider le fait de se reconnaître en eux tout simplement.


Il s'agit d'entendre plutôt que écouter: ce que l'école et le spectateur leur demandent, c'est de trouver la formulation la plus fine possible de questions qui appellent des réponses déjà écrites.

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Message par Borges Lun 14 Avr 2014 - 7:25

hi, je me suis permis d'espacer ton message (intéressant) et de corriger quelques coquilles...

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La Cour de Babel,  	Julie Bertuccelli 2013 Empty Re: La Cour de Babel, Julie Bertuccelli 2013

Message par Invité Lun 14 Avr 2014 - 20:30

Merci, je pense que c'est un film honnête, mais il dépeint le cosmopolitisme comme une forme d'ordre inquiète de se savoir menacéz. On sent que la prof du film a dû affronter des obstacles à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de administration, mais elle est toujours montrée dans une posture où elle désamorce perpétuellement une situation explosive, les obstacles sont nommés, mais pas levés. Je crois que "la Chine est Encore Loin"*, que l'on avait considéré ici comme "un film pour instituteur laïc", était pourtant moins lisse et donnait plus de champ aux élèves, représentait à la fois la nécessité de l'ordre et celle de l'irréductibilité des enfantsà cet ordre. Mais dans ce film on dirait que cette irréductibilité est gommée, comme pour prêter le moins de flanc possible au racisme du monde extérieur.

D'un autre côté, je réalise que les films qui représentent l'anarchisme des enfants de la manière la plus directe viennent en fait de période d'ordre (Aniki Bobo, peut-être Los Olivados le Bunuel dont Adeline a parlé ici). On sent que la réalisatrice a peut-être peur de ce poids culturel, et censure peut-être quelque chose: renoncer à la révolte pour en pas être blessée par l'ordre ou le nommer directement: il faut s'y plie sans le reconnaître. Ce qui frappe dans le film c'est l'extrême réalisme des adolescents: il sont conscients de leur responsabilité,  et c'est par ce biais que la la prof et le spectateur ont de l'empathie pour eux mais n'expriment pas de désir (ils expriment en fait le contraire d'un désir: la peur d'être abandonné, à la fois par l'école et leur famille, par la langue française et par  leurs parents oubliant la leur - justement énoncée le plsu franchement par l'élève le plus fragile, mais peut-être aussi le plus imaginatif du groupe: celui qui prend pour argent comptant une série télé présentant les Chinois comme des extraterrestres reptiliens, a réussi à terminer un comics super bien dessiné ).

* Ce film ressemble d'ailleurs le  plus à Entre les Murs dansle regard sur l'élève Chinois  dans les deux film il  n'est pas vraiment individualisé, il est montré à la foi comme exploité et incarnant une modèle de réussite économique collectif, un brio scolaire perçu comme désincarné et menaçant, , mais en même temps la professeur s'appuie sur eux pour "stabiliser" leur autorité (de manière fantasmatique car c'est sans doute précisément l'autoritarisme que ces familles fuient en partant en Europe). Ces films  inversent le titre de Malek Bensmail en disant au contraire "la Chine est déjà là".  La position politique est différente du Bégaudeau, mais les rôles restent les mêmes


Dernière édition par Tony le Mort le Lun 14 Avr 2014 - 20:44, édité 1 fois (Raison : rr)

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