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Le cinéma dans la littérature

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Borges
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Le cinéma dans la littérature  - Page 2 Empty Re: Le cinéma dans la littérature

Message par Invité Dim 12 Oct 2014 - 11:42

J. Baldwin (L'Homme qui Meurt) a écrit:Jamais je ne me retournais. Je m’obligeais à marcher très lentement sans regarder à droite ni à gauche, essayent de ne jamais lever ni baisser le regard, m’efforçant de prendre un air à la fois distrait et désinvolte, me concentrant sur les fissures du trottoir, trébuchant contre elles, essayant de
siffloter, sentant chaque muscle de mon corps, depuis mes
orteils jusqu'à mes fesses frémissantes, et jusqu'à mon cou
brûlant. J'avais l'impression que tout l'immeuble me regardait
et je me disais - étrange pensée - que je le méritais.
Et puis j'atteignais l'avenue et je m'y engageais, toujours
sans me retourner, et j'étais au moins délivré de ces regards;
mais il me fallait affronter d'autres yeux, des yeux qui venaient
vers moi. Ces yeux étaient les yeux d'enfants plus forts que moi,
qui allaient me voler l'argent du cinéma. Ces yeux étaient les
yeux des policiers blancs, qui me faisaient peur, que je haïssais
d'une haine littéralement meurtrière; ces yeux étaient les yeux
de vieilles gens qui pensaient aussi que j'étais une mauviette
et qui peut-être se demandaient ce que je faisais tout seul dans
cette avenue. Et ces yeux étaient les yeux d'hommes et de
femmes qui entraient dans des bars et qui en sortaient, qui
étaient debout aux carrefours, qui, à n'en point douter,
n'avaient pas d'yeux pour moi, mais qui occupaient le centre
de mon attention et de mon effroi parce qu'ils me paraissaient
à la fois si abjects et si libres.
Et puis j'arrivais au cinéma. Parfois quelqu'un me faisait
entrer tout de suite, mais, d'autres fois, il me fallait attendre.
Je regardais les affiches qui étaient à cette époque investies
à mes yeux d'un pouvoir magique. J'étais très impressionné,
pas toujours agréablement, par les couleurs. Les visages des
acteurs étaient coloriés en rouge, en vert, en bleu, en pourpre ;
ils étaient très différents des visages réels. Et pourtant ils
m'apparaissaient plus réels que la réalité. Ou plutôt ils me
faisaient l'effet de visages très éloignés de moi, de visages
que je ne serais jamais capable de déchiffrer, de visages que
l'on pouvait voir mais jamais toucher ou modifier, de visages
qui existaient uniquement derrière ces portes. Je ne sais
pas ce que je pensais. Il se produisait, sans aucun doute,
une violente agression contre mon imagination, contre mon sens
du réel.
Caleb savait dessiner, il me donnait des leçons et je me
demandais s'il pourrait m'apprendre à reproduire des visages
comme ceux-Ià, Je regardais les photos du film, je voyais des
gens figés dans les attitudes commandées par le danger,
l'amour, le chagrin et le deuil. Ils ne ressemblaient à aucune
personne que j'eusse jamais vue, et ce fait même leur confé-
rait une dignité irrévocablement supérieure.
Une partie de mon esprit, naturellement, savait bien que
c'était là James Cagney, tenant son pistolet comme un objet
précieux, et là Clark Gable, tout fossettes, dents et yeux, les
yeux emplis du souvenir fumeux et méprisant de son invincible
virilité; là Joan Crawford, resplendissante d'étonnement, et là
la fière, la frémissante Katherine Hepburn que rien ne pou-
vait jamais surprendre, et ici la pauvre Sylvia Sidney, qui
subissait les dernières humiliations, et pleurait, après être
tombée une fois de plus entre les griffes d'un gangster.
Mais les visages et les attitudes étaient pour moi la seule
réalité, ils étaient plus réels que la vie que nous menions,
plus réels que nos jours et nos nuits, et les noms étaient uni-
quement des noms de marques, comme Haricots Campbell ou
Corn Flakes Kellogg. Nous allions voir James Cagney parce
que nous avions pris l'habitude du goût qu'il avait, nous
savions que nous l'apprécierions.
Mais il fallait bien que je détourne mon attention des
visages et des photos des films, pour voir les visages qui
venaient au guichet. Et ce n'était pas facile, parce que, fina-
lement, je ne tenais pas tellement à ce que tout le quartier
sache que je déambulais devant le cinéma, attendant comme
un orphelin que quelqu'un me fasse entrer. Si jamais mon
père avait vent de cette histoire, il nous tuerait tous les deux,
Caleb et moi. Finalement, je repérais un visage qui paraissait
favorable et que je ne connaissais pas. Je courais à côté de
l'homme, ou de la femme - mais c'était en général un homme,
car les hommes étaient plus compréhensifs - et je murmu-
rais : « Faites-moi entrer », en donnant ma pièce de monnaie.
Parfois l'homme empochait l'argent; purement et simplement,
et disparaissait dans le cinéma. Parfois il me rendait ma pièce
et me faisait entrer tout de même. Parfois je finissais par
m'en aller à l'aventure dans les rues - mais je ne pouvais
pas errer dans un quartier inconnu, car je risquais de me
faire rosser - jusqu'au moment où je jugeais le film terminé.
Il était dangereux de rentrer trop tôt au logis; et, naturelle-
ment, il était pratiquement fatal de rentrer trop tard. Si tout
se passait bien, je réussissais à justifier l'absence de Caleb,
en disant que je l'avais laissé avec d'autres garçons sous le porche.

Le portier nous dévisagea, ou plutôt il me dévisagea; et
nous restâmes debout, à côté de lui, pendant qu'il lançait un
appel vers les étages. Et puis, même après cet examen, il ne
s'estima pas satisfait. Il abandonna son poste et monta avec
nous. La porte était ouverte et nous VÎmes un grand nombre de
gens dans une salle. Mais le portier pressa la sonnette et
demeura immobile. Barbara avait d'abord été amusée. Main-
tenant, elle perdait patience; pourtant cette scène, comme tou-
jours, me laissait froid. Le regard du portier ne cessait d'aller
de Barbara jusqu'à moi, puis survolait les têtes des invités. Il
attendait la venue de la maîtresse de maison.

Je le regardai fixement, mais lui - c'était un lâche comme
les autres - refusait de croiser mon regard. Barbara dit:

- Le Führer est fier de vous. Vous avez fait votre devoir
comme un bon petit soldat, et demain vous serez muté au ser-
vice des latrines. Viens, Leo.

Elle me prit le bras ; le portier dansait sur place, comme
s'il avait une envie pressante, et c'est alors que le maître de
maison arriva. Dieu merci.
- Mais pourquoi donc restez-vous dehors? demanda-t-il.
Entrez.

- Votre homme n'avait pas l'air de vouloir nous laisser
franchir la porte, dis-je.

- Je voulais simplement m'assurer que ça allait, Mr Frank,
dit le portier. Vous comprenez?
- Quoi? Bien sûr que ça va. De quoi parlez-vous donc?
Allons, les enfants! - Il ouvrit les bras tout grands. - Entrez.
Mr Frank sourit, mais Barbara restait très froide.

- Jete présente Mr Frank, dit-elle. Mr Frank, voici mon
ami, Mr Proudhammer.

- Ravi de vous rencontrer, dîmes-nous de concert - et nos
poignées de main et nos sourires furent parfaitement à l'unis-
son. Nous entrâmes.

Quand je repense à cette soirée, maintenant - je la vois à
travers le voile des années -, elle prend à mes yeux, bien
que je m'en défende, un caractère indiscutablement romanes-
que. A la lumière de tout ce qui est survenu par la suite,
elle a le poids d'un mauvais présage et l'effroyable valeur
d'un tournant crucial. Nous étions là tous les deux, Barbara,
étincel antc, en bleu, et moi, sans aucun éclat, en noir. Jeunes,

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jeunes, terriblement jeunes, sans aucune autre arme, prati-
quement, que notre jeunesse, et ce que le temps allait révéler
comme étant notre caractère - c'est-à-dire nos véritables
préoccupations. Le temps allait nous dire ce qui nous impor-
tait réellement. A ce moment-là, nous ne le savions pas vrai-
ment.

Je nous revois, marchant dans la pièce, pilotés par un
Mr Frank au sourire plutôt désespéré - il avait une moustache,
un visage ouvert, juvénile, d'abondants cheveux grisonnants,
peut-être trop délibérément négligés, et de longs yeux, très
rapprochés. Il était professeur à la Ligue des Beaux-Arts; et
c'était l'ami de Barbara; je ne sais pas ce qu'il y avait dans
son sourire qui me fit songer à toutes les fois - trois par
semaine, au moins - où il avait vu Barbara nue. Et l'attitude
de Barbara le révélait aussi, à la fois réticente et hautaine.
Barbara ne m'avait jamais donné de détails - elle devait
toujours rester imprécise, par la suite.

Ce n'étaient pas les amis de Mr Frank qui donnaient la soi-
rée, mais Mr Frank lui-même. Ses amis étaient les invités
d'honneur. Mais il fallut un certain temps pour que nous
fassions connaissance avec ces amis qui devaient jouer un
rôle si important dans notre vie. Il y avait là, j'en suis bien
certain, des centaines de personnes, et Barbara et moi, elle
avec son bleu étincelant et moi, mon noir mat, étions intimi-
dés par eux tous. Ils rutilaient, ils chatoyaient, ils parlaient
d'une voix retentissante. Ils avaient cet air absolument inimi-
table affiché par ceux qui ont réussi. Nous en reconnûmes
beaucoup, car beaucoup d'entre eux étaient célèbres. Je crois
que Sylvia Sidney était là, elle jouait alors une pièce à New
York; et Franchot Tone ; et Bette Davis. ,Et un grand nombre
d'auteurs dramatiques' et de metteurs en scène. J'étais étonné
d'en reconnaître autant. Dans cette longue et haute pièce,
cette salle élégante - élégante si l'on n'oublie pas que l'élé-
gance est à peine permise aux Etats-Unis -, ils paraissaient
différents, à la fois plus jeunes et plus vieux - car on voit,
dans la vie courante, des visages de gens qui ne se tiennent pas
sur leurs gardes - et certainement plus petits qu'ils ne le sem-
blaient sur scène ou sur l'écran. Je m'aperçus, par exemple,
que les dents d'un tel étaient un peu crochues, et que tel
autre avait les jambes arquées; celui-ci était ivre, et il avait
visiblement l'intention de s'enivrer encore davantage. Une
actrice très célèbre me frappa d'étonnement : à très peu de
chose près, c'était une naine; mais elle m'avait toujours paru
très grande, dans ses longues robes royales, quand je l'avais vue
sur scène dans le rôle de l'impératrice de toutes les Russies.

C'est peut-être cette nuit-là que je décidai véritablement de
devenir un acteur - que je décidai vraiment de m'engager
dans cette voie impossible; il est certain que c'est cette nuit-là
qui fit naître dans mon esprit, d'une manière étonnante, la
grande question de savoir où l'on pouvait découvrir les fron-
tières du réel. Si une naine pouvait être une reine et me
faire croire qu'elle avait six pieds de haut, alors pourquoi
n'était-il pas possible que moi, cet être mesquin, maigre et
noir, je devienne un empereur - l'Empereur Jones, par
exemple; pourquoi pas? Et je commençai à examiner chaque
personne, animé de cette cruelle intention.

Barbara, pendant ce temps, jouait à fond son rôle d'héri-
tière du Kentucky. Elle avait sa beauté pour arme, et elle le
savait, et ses intentions n'étaient pas moins cruelles que les
miennes. Si les autres invités chatoyaient, étincelaient et res-
plendissaient, elle faisait plus qu'égaler cet étalage avec son
propre rayonnement, à quoi rien n'était comparable, et son
innocence plus présumée par eux qu'assumée par elle - mais
elle ne retournait certainement pas plus que moi leurs pré-
somptions contre eux. Et elle recourait à son truc, qui devait
faire sa fortune plus tard, et qui consistait à baisser soudain
la voix. On avait parfois l'impression qu'elle souffrait de
laryngite et l'on devait écouter avec beaucoup d'attention
pour entendre ce qu'elle disait. Elle savait pourtant qu'elle
détenait le pouvoir d'obliger les autres à l'écouter attentive-
ment, elle savait très bien qu'elle n'était pas du tout ce à
quoi elle ressemblait, et, en outre, elle savait comment faire
pour donner aux autres l'impression que, s'ils avaient pour
eux la célébrité et la gloire, elle avait la jeunesse; et le
temps travaillait pour elle. Cette façon de parler, elle l'avait
prise à Margaret Sullavan, une actrice qu'elle ad~irait beau-
coup. Mais je constatai toujours avec un profond etonnement
que personne ne reconnut jamais l'origine de ce truc. C'ét~it
peut-être parce qu'elle l'avait assimilé totalement pour le faire
sien. Ce n'était plus un truc, c'était devenu naturel.

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La salle avait un âtre et une cheminée. Des objets plutôt
déplaisants étaient disposés Sur cette cheminée, des bibelots
destinés à évoquer l'Afrique et Rome. La pièce contenait les
indispensables œuvres de Picasso, de Matisse et de Rouault, et,
suspendu au centre du plafond, il y avait un mobile aussi
déplaisant que sibilant.

Si la pièce était farouche de splendeur, elle était égale-
ment abondamment pourvue d'alcools et de victuailles, dispo-
sés sur de longues tables, près des fenêtres ouvertes. Barbara
vit que j'avais trouvé mon assise, que je savais que ,faire -
cette fille me faisait toujours confiance - et comme, de
toute manière, nous devions opérer en tandem, elle alla assu-
mer sa propre tâche, pleinement assurée que, de mon côté,
je m'acquitterais de la mienne. Son travail à elle consistait
à être charmante, dépouillant ainsi l'assemblée de ses valeurs
spirituelles. Mon travail à moi, c'était d'être renfrogné, ma
mauvaise humeur étant, précisément, mon charme. A ce
moment de notre vie, Barbara et moi n'avions pas encore
couché ensemble, mais nous avions déjà été obligés de décou-
vrir à quel point la plupart des gens considéraient la vérité
repoussante et même offensante, Nous ne songions plus à
dire la vérité. Ainsi Barbara savait qu'elle était marquée, par
le simple fait de ma présence, d'une lettre beaucoup plus
horrible que la lettre écarlate, et beaucoup plus attirante aussi,
c'est pourquoi elle baissa la voix, obligeant tout le monde à se
pencher pour l'écouter; et elle se servit de ses dents et de ses
yeux d'une manière si persuasive que tout le monde se mit
à souhaiter être à ma place - et je fus investi, grâce à sa
présence, d'une aura de puissance et de dangereuse témérité.
Rien n'aurait pu être plus éloigné de la vérité, mais nous
étions, comme le dit Pirandello, en train de vivre notre
pièce et de jouer notre vie.

Me préparant à jouer mon rôle - je devais vivre de nom-
breuses années avec cette idée stupide en tête -, je m'appro-
chai des tables et entassai des victuailles sur une assiette.
Puis j'emplis un verre d'un vin rouge de fort agréable appa-
rence. Barbara étant maintenant une Sudiste raffinée - elle
jouait les Scarlett O'Hara, se montrait extrêmement prime-
sautière et mentait effrontément, vantant les domaines de sa
famille -, je lui portai l'énorme assiette de victuailles et le

bon verre de vin. Je pensai. même à me poser une serviette
sur le bras.
- Oh, Leo chéri, dit-elle d'une voix retentissante à laquelle
ellc donna l'accent sudiste le plus savoureux, comme c'est
gentil. Mais comment donc - elle se tourna, véritablement
rayonnante, vers le couple qu'elle venait de séduire si brus-
quement -, comment vais-je m'y prendre?
- Je vais tenir le verre, dis-je.
- Pas du tout! Ce garçon est absolument impossible,
annonça-t-elle alors au couple fasciné - vraiment! Je vais
me trouver un siège et m'asseoir. Et toi, tu vas te trouver quel-
que chose à manger et à boire... il boit beaucoup trop, dit-
elle au couple, mais j'ai renoncé à le quereller sur ce sujet,
je perdrais mon temps. Venez donc avec moi, dit-elle au
couple qui me regardait maintenant avec un respect mêlé
d'inquiétude, et toi, Leo, me lança-t-elle d'un ton impérieux,
reviens immédiatement pour que je te présente aux invités
d'honneur. Je n'ose pas le faire maintenant, parce que tu
n'es pas sociable quand tu n'as rien dans l'estomac. - Elle
sourit au couple. - C'est vraiment un très charmant garçon.
- Merci, princesse, dis-je. Voilà les mots les plus tendres
que j'aie entendus depuis des semaines. - Puis, saisissant la
balle au bond, j'adressai au couple le plus irrésistible de mes
sourires. - Je reviens à l'instant, dis-je.
Je m'approchai des tables, avalai à la hâte une ribambelle
de foies de poulets, emplis une assiette jusqu'au bord et me
servis nn énorme scotch.
Ils étaient assis sur un canapé, près de la cheminée. Barbara
regardait avec attention toutes les autres actrices présentes
et elle notait ou rejetait différents détails de leur habillement
ou de leurs manières. Elle essayait également, avec une réussite
qui était loin d'être totale, d'imiter les mondanités de Tallulah
Bankhead. Mais son public, qui était probablement amusé,
était également tenu bien en main, Barbara parlait de Miss
Julie.
- Leo et moi adorons cette pièce, dit-elle. Nous sommes
convaincus que ce pauvre fou de Strindberg a écrit ça en pen-
sant à nous.
- Pourtant, ma chère, dit la femme, les préoccupations
qui se font jour dans Miss Julie - nous ne nous tromperions
86

pas beaucoup, je pense, en disant les obsessions de cette
pièce remarquable - et je crois que mon mari a le même
sentiment que moi - sont extrêmement nordiques. A n'en
point douter. Ce n'est pas du tout votre genre. Vous, vous êtes
tropicale. Véritablement. Vous dégagez de la chaleur. - Elle
sourit et ferma à plusieurs reprises ses énormes yeux bleus.
- Je la sens, cette chaleur. Oui, je la sens jusqu'ici.
Son mari était assis entre elles, et j'étais installé de l'autre
côté de Barbara, presque sur ses genoux. Je mangeais avec une
férocité silencieuse et maussade, et de temps à autre je
faisais claquer mes lèvres. Je buvais le scotch à grandes lam-
pées. Mais je me concentrais aussi, car je n'avais pas lu Mliss
Julie, et il fallait que j'essaie de m'imaginer, à partir de leurs
propos - ou plutôt de ce que Barbara en disait -, de quoi
diable il était question dans « notre» pièce favorite. Pourtant,
la femme aux yeux bleus avait définitivement renoncé à par-
ler davantage de Miss Julie.
- Ma chère Miss King, dit-elle, vous ne nous avez pas pré-
senté votre taciturne, affamé et très séduisant ami.
Tandis qu'auparavant elle avait regardé Barbara avec beau-
coup d'insistance pour éviter de me regarder, elle me regar-
dait maintenant avec beaucoup d'insistance pour éviter de
regarder Barbara.
- Je vais donc me présenter moi-même. Je m'appelle Lola
San-Marquand, et voici mon mari Saul.
Elle tendit la main et j'essuyai soigneusement la mienne à
ma serviette avant de la prendre. Nous nous serrâmes la main.
Elle me plut tout de suite. Elle me plut énormément. Je ne
sais pas ce qu'il y avait en elle qui me convainquit tout de
suite qu'elle était une femme triste, une femme finie et
désemparée, et pourtant une femme d'un immense courage.
Elle avait des traits absurdes, mais je les considérai comme les
indices mêmes de son désarroi et de son chagrin. Elle était
énorme, mais non point grasse et dure; non, grasse et molle
à la fois; on sentait qu'elle était devenue grosse par désespoir.
Pourtant, elle couvrait ce désespoir avec une robe sac très
recherchée, noire et ample. Ses cheveux, qui étaient très beaux,
très blonds et très longs, étaient sévèrement, impeccablement
- par masochisme, peut-être - tirés en arrière, à partir d'un
front assez étonnant, et férocement noués sur la nuque. Et,



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Message par Invité Dim 12 Oct 2014 - 11:51

http://toutlecine.challenges.fr/images/star/0010/00105062-margaret-sullavan.html

Et une critique aussi brillante qu’horriblement condescendante de Mario Puzo (le Parrain):
http://www.nytimes.com/books/98/03/29/specials/baldwin-tell.html

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Message par Invité Dim 19 Oct 2014 - 20:57

Hammett, 1934, this little pig a écrit:(...)
_Merci. C'est parfait. Je savais que je pouvais compter sur toi. Tu as lu le scénario de Go West.
_Non.
_Eh bien, depuis le début je dis qu'il faut ajouter quelque chose, mais je n'ai mis le doigt dessus qu'hier soir. L'histoire n'est pas mauvaise, ce Blaine a du talent, mais il faut un élément supplémentaire, et tu sais ce que c'est? Il faut que ce soit plus sexy.
_Tu veux mettre du sexe dans un western?
_Ouais!
Je secouais la tête.
Il m'adressa un sourire radieux.
_tu ne vois pas de quoi je parle, hein? Je pense qu'il y a pas mal de monde dans ton cas, mais regarde-moi faire et tu verras. On projettera les westerns dans les cinoches de première classe au lieu des salles pour ploucs de seconde zone. Dis-moi, bugs, est-ce que Sol Feldman est un tocard?
_Pas que je sache.
_Justement. Personne ne le prend pour un tocard. Eh bien, j'ai appris hier soir qu'il avait fait rajouter beaucoup de sexe dans The dogie Trail.
_Pourquoi est ce que ça te gêne? Pourquoi n'attends-tu pas tranquillement, voir si ça marche et ...
Il donna une claque sur son bureau.
_Tu sais très bien que ça n'est pas mon genre, dit-il. Je suis le premier partout. Tu le sais. On peut facilement s'arranger pour le sortir une semaine ou deux avant eux.
_Ça ne me dérange pas. Ce bébé n'est pas le mien. Qu'est ce qu'il faut que je fasse?
_Je veux que tu me rendes Go West sexy. Que ça reste un western, tu vois, mais mets-en un maximum. Tu es le type adéquat. Il faut que tu partes tout de suite, vas-y en avion, et il faudra que tu prennes l'affaire en route parce que le tournage a déjà commencé depuis deux jours, mais tu sais faire ça très bien. Ce Lawrence Blaine, l'auteur du scénario, est là-bas avec eux et tu peux soit lui demander de t'aider, soit me le renvoyer, comme tu veux. Et tu n'auras aucune difficulté avec Fred.
_Jusque-là, ça va, dis-je, mais explique moi un truc : comment faire pour rendre Betty Lee Fenton sexy? (...)

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