Du rififi dans le cinéma
Du rififi dans le cinéma
Deleuze, cours; un peu réécrit a écrit:"Avec la Nouvelle Vague et le Néoréalisme italien, on va avoir un tout nouveau type de scènes de bagarre au cinéma, d'une extraordinaire maladresse. On sort des bagarres d'Hollywood, où ça ne traîne pas; les coups sont fantastiques, c'est comme on dit de vrais cascadeurs - Et là on voit des types qui s'agrippent lentement, maladroitement, n'y arrivant pas, se donnant des coups jamais là où il faut. Pan ! Une vraie bagarre comme on en voit dans la rue, quoi. Les gens, ils ne se battent pas comme à Hollywood - Si j'essaie de frapper quelqu'un, je vais rater immédiatement mon coup de poing, je vais lui taper dans l'œil, lui il va me prendre comme ça, on ne va plus savoir où on en est - enfin c'est des espèces de bagarre qui se font vraiment comme dans la semoule.
Pour une scène de meurtre qui dépasse les conventions hollywoodiennes de savoir, et de maîtrise, où c'est vraiment n'importe qui, le gars ordinaire, qui s'y essaye, on peut penser au moment terrifiant dans "torn curtain" (Hitchcock) où Paul Newman, avec une femme, essaye de tuer un agent russe, si je me souviens pas trop mal, c'est pas du meilleur Hitch, et Newman ne s'intègre jamais vraiment dans le monde du "maitre de l'univers", mais c'est presque insupportable... vidéo 1:22...
je l'avais déjà citée , je crois, avec ce même passage de deleuze; c'est hitch qui a tourné ce que cherchais à rendre eastwood dans "unforgiven", enfin, sans vraiment le chercher : la difficulté à tuer un homme; on croit que l'idée morale est chez eastwood, et la difficulté technique, et physique chez hitch, c'est peut-être l'inverse...
pour la relation de la bagarre filmée à la réalité, la convention hollywoodienne (classique) devient presque "naturaliste", comparée aux bagarres dans le cinéma chinois, avec ou sans sabre; ici plus de corps, de pesanteur, de gravité... tout s'envole; on n'imagine pas john wayne, ou Gary cooper, ou leurs doublures accomplissant ces prouesses... Ce que dit Deleuze est juste, bien entendu, mais y a tout de même dans certaines bagarres du cinéma américain le plus classique, beaucoup de "faux détails", de maladresses...par exemple dans " l'homme de l'ouest" (man of the west)
Borges- Messages : 6044
Re: Du rififi dans le cinéma
ce dernier extrait est jouissif et sexuel au contraire l'intérêt étant dans le fait de disposer du corps de l'autre ; le vieux qui commente on dirait le professeur du Bal des vampires qui souligne l'amateurisme.
Rien à voir effectivement avec les prouesses chinoises assommantes, désexualisées, déréalisées.
Rien à voir effectivement avec les prouesses chinoises assommantes, désexualisées, déréalisées.
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Re: Du rififi dans le cinéma
La voix de Gilles Deleuze en ligne :
Dans le réalisme, ce qui importe, c’est le détail qui fait vrai. Dans le néoréalisme, ce qui compte c’est le détail qui fait faux. Qu’est-ce que veut dire ça ? après tout, ce n’est pas moi qui l’ai dit. Le culte du détail qui fait faux comme preuve de la vraie réalité, par opposition à la pseudo réalité du réalisme. Robbe-Grillet n’a pas cessé d’insister la dessus. Or s’il est vrai que Dos Passos a eu sur le cinéma italien une influence déterminante, en revanche ce qu’on a appellé le Nouveau Roman a eu sur la nouvelle vague une influence déterminante ; et je ne dis pas spécialement Robbe-Grillet en aura parlé, puisque il a fait une intrusion importante dans le cinéma, et ce n’est pas par hasard, mais entre le Nouveau Roman et le cinéma se sont liées des alliances très diverses. Et sur quoi, si j’en reste à ce premier caractère pour en finir avec tout ça : c’est il devient relativement important que d’une certaine manière l’acteur joue faux.
Ce que Deleuze dit sur la bagarre n'a aucun intérêt.
Dans le réalisme, ce qui importe, c’est le détail qui fait vrai. Dans le néoréalisme, ce qui compte c’est le détail qui fait faux. Qu’est-ce que veut dire ça ? après tout, ce n’est pas moi qui l’ai dit. Le culte du détail qui fait faux comme preuve de la vraie réalité, par opposition à la pseudo réalité du réalisme. Robbe-Grillet n’a pas cessé d’insister la dessus. Or s’il est vrai que Dos Passos a eu sur le cinéma italien une influence déterminante, en revanche ce qu’on a appellé le Nouveau Roman a eu sur la nouvelle vague une influence déterminante ; et je ne dis pas spécialement Robbe-Grillet en aura parlé, puisque il a fait une intrusion importante dans le cinéma, et ce n’est pas par hasard, mais entre le Nouveau Roman et le cinéma se sont liées des alliances très diverses. Et sur quoi, si j’en reste à ce premier caractère pour en finir avec tout ça : c’est il devient relativement important que d’une certaine manière l’acteur joue faux.
Ce que Deleuze dit sur la bagarre n'a aucun intérêt.
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Re: Du rififi dans le cinéma
Je ne sais pas si c'est assommant, désexualisé, déréalisé, pour répondre à ce problème, faut avoir un idée de ce que sont la sexualité, la réalité... ce qui est évident, c'est que l'on ne se bat plus dans le cinéma d'action américain, comme on le faisait à l'époque classique, et l'influence asiatique y est certainement pour beaucoup...
Dernière édition par Borges le Sam 7 Déc 2013 - 12:30, édité 1 fois
Borges- Messages : 6044
Re: Du rififi dans le cinéma
au contraire, je trouve ça génial...pib a écrit:La voix de Gilles Deleuze en ligne :
Ce que Deleuze dit sur la bagarre n'a aucun intérêt.
Borges- Messages : 6044
Re: Du rififi dans le cinéma
j'ai une idée - préconçue peut être - sur ce sujet : Deleuze et Rancière, les deux philosophes français à s'être beaucoup intéressés au cinéma sont des philosophes non-voyants .. Je n'ai pas eu connaissance d'abord qu'ils se soient intéressés à autre chose que des corps de films déjà constituées avant eux, la nouvelle vague, le néoréalisme donc, le cinéma classique hollywoodien etc .. jamais ils ne parlent d'un film qu'ils ont eux-mêmes exhumé. Pourquoi ? Parce que le cinéma ne les intéresse que comme objet sur lequel ils vont plaquer des concepts. Et donc ils ne voient les films qu'à travers le filtre de leurs discours, autant dire qu'ils ne les voient pas (tout en parlant bien des corpus qu'ils s'approprient). Illustration : les chroniques de Rancière sur des films au début des années 2000 dans les cahiers étaient -presque - toutes à côté de la plaque.
Pour moi le seul à parler en même temps cinéma et philosophie, à inventer des choses, à voir les films, c'est Cavell.
Pour moi le seul à parler en même temps cinéma et philosophie, à inventer des choses, à voir les films, c'est Cavell.
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Re: Du rififi dans le cinéma
ça c'est une parodie en deux dimensions, en plus : du bas de gamme.Borges a écrit:Je ne sais pas si c'est assommant, désexualisé, déréalisé, pour répondre à ce problème, faut avoir un idée de ce que sont la sexualité, la réalité... ce qui est évident, c'est que l'on ne se bat plus dans le cinéma d'action américain, comme on le faisait à l'époque classique, et l'influence asiatique y est certainement pour beaucoup...
Franchement je trouve réussie la bagarre du film de Mann avec ce qu'elle comporte de cascades voyantes, parce qu'au final, c'est pas la performance qui importe, c'est l'enjeu de la souillure (au sens large) des corps. C'est pas rien et en plus, cela passe notamment et explicitement par le regard de la femme, accroissant ainsi le potentiel érotique de la scène.
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Re: Du rififi dans le cinéma
=>Benjamin Fondane philosophe français important sur le cinéma, textes cours mais bien ajustés, et qui relient bien l'esthétique du cinéma à sa production (beaucoup lui ont volé sans le reconnaître, Malraux certainement, Manchette peut-être).
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Re: Du rififi dans le cinéma
Dans le film de Dassin, elle est à sa place: diégèse ironique dans un bordel, qui est oubliée dans la suite du filmpib a écrit:ça c'est une parodie en deux dimensions, en plus : du bas de gamme.Borges a écrit:Je ne sais pas si c'est assommant, désexualisé, déréalisé, pour répondre à ce problème, faut avoir un idée de ce que sont la sexualité, la réalité... ce qui est évident, c'est que l'on ne se bat plus dans le cinéma d'action américain, comme on le faisait à l'époque classique, et l'influence asiatique y est certainement pour beaucoup...
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Re: Du rififi dans le cinéma
Dommage que la scène du Hitch soit incomplète dans la vidéo, coupée juste avant l'acmé de l'horreur - puisque, donc, ils le "terminent" au gaz en lui mettant laborieusement la tête dans le four, et ça n'en finit pas de finir dans une mêlée de gesticulations, trépidations des bras et jambes, jusqu'au dernier soupir.
Kieslowski en fera un métrage complet, avec Tu ne tueras point (88). Autre manière, bien sûr mais c'est une réminiscence amplifiée du Rideau déchiré. Là, on sera dans le "flasque", le "poreux" intégral: meurtre interminable du taximan par le jeune homme. Il tente d'abord de l'étrangler avec une corde, puis utilise un cric, puis le "termine" dans un fossé boueux, à coups de pierre sur la tête couverte d'une toile de jute. Puis, en symétrie inversée: l'exécution du jeune homme par pendaison, qui s'annonce méthodiquement scientifique et ritualisée, mais qui se déroule dans une mêlée aussi abrupte qu'incompréhensible.
Mémorable : la lente agonie du violeur transpercé par la flèche de l'arbalète de Reynolds dans Délivrance (72)
Introuvable sur youtube: la scène terrible dans The Chase (Penn, 65), où le Shérif (Brando) est lentement tabassé dans son bureau locké à double tour, par les notables éméchés de la party du samedi soir. Son épouse (Angie Dickinson) entend les bruits sourds derrière le mur. Film fort et traumatisant, je le dis souvent, où la violence latente surgit par "grappes molles", sur ambiance de racisme frontal, auto-justice, lynchage, entre les puits de pétrole de Val Rogers et la décharge de voitures. Puis le meurtre final de Refford - le fugitif (qui n'a rien fait), que Brando tente de ramener sauf dans la prison:
L'agonie la plus cauchemardesque. Ne jamais inciser, même par curiosité, les bandelettes emmaillotant un nourrisson sans défense, fût-il monstrueux (1976).
"Something bit me bad..." (1999) :
Comme souvent chez les Coen, la mort vient vous cueillir bêtement, sans raison, absurde et cruelle. Exemple: être témoin d'un meurtre sur une route verglacée (1996).
En écho latéral - de la difficulté de tuer - pesanteur du corps, confusion, fatigue, trébuchements et autres faux mouvements, je replace ici la belle scène du Métro dans L'ami américain (1976).
(Pour la petite histoire, on sait que AF ajoute à sa singularité la singularité de ses acteurs: chaque figurant y est un "auteur" de cinéma. S'y croisent ainsi Nicholay Ray, Denis Hopper, Samuel Fuller, Jean Eustache, Peter Lilienthal, Gérard Blain, etc.
Ici, on peut voir Lou Castel, acteur étrange au parcours underground et marginal ("acteur suédois naturalisé italien", nous dit wiki). C'est l'homme à la casquette.
La victime, c'est Daniel Shmid, le réalisateur suisse de La Paloma, Hécate maitresse de la nuit, etc, et metteur en scène d'opéras.)
Kieslowski en fera un métrage complet, avec Tu ne tueras point (88). Autre manière, bien sûr mais c'est une réminiscence amplifiée du Rideau déchiré. Là, on sera dans le "flasque", le "poreux" intégral: meurtre interminable du taximan par le jeune homme. Il tente d'abord de l'étrangler avec une corde, puis utilise un cric, puis le "termine" dans un fossé boueux, à coups de pierre sur la tête couverte d'une toile de jute. Puis, en symétrie inversée: l'exécution du jeune homme par pendaison, qui s'annonce méthodiquement scientifique et ritualisée, mais qui se déroule dans une mêlée aussi abrupte qu'incompréhensible.
Mémorable : la lente agonie du violeur transpercé par la flèche de l'arbalète de Reynolds dans Délivrance (72)
Introuvable sur youtube: la scène terrible dans The Chase (Penn, 65), où le Shérif (Brando) est lentement tabassé dans son bureau locké à double tour, par les notables éméchés de la party du samedi soir. Son épouse (Angie Dickinson) entend les bruits sourds derrière le mur. Film fort et traumatisant, je le dis souvent, où la violence latente surgit par "grappes molles", sur ambiance de racisme frontal, auto-justice, lynchage, entre les puits de pétrole de Val Rogers et la décharge de voitures. Puis le meurtre final de Refford - le fugitif (qui n'a rien fait), que Brando tente de ramener sauf dans la prison:
L'agonie la plus cauchemardesque. Ne jamais inciser, même par curiosité, les bandelettes emmaillotant un nourrisson sans défense, fût-il monstrueux (1976).
"Something bit me bad..." (1999) :
Comme souvent chez les Coen, la mort vient vous cueillir bêtement, sans raison, absurde et cruelle. Exemple: être témoin d'un meurtre sur une route verglacée (1996).
En écho latéral - de la difficulté de tuer - pesanteur du corps, confusion, fatigue, trébuchements et autres faux mouvements, je replace ici la belle scène du Métro dans L'ami américain (1976).
(Pour la petite histoire, on sait que AF ajoute à sa singularité la singularité de ses acteurs: chaque figurant y est un "auteur" de cinéma. S'y croisent ainsi Nicholay Ray, Denis Hopper, Samuel Fuller, Jean Eustache, Peter Lilienthal, Gérard Blain, etc.
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