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Game of Thrones ; Colombo et la mise en scène d'un certain rapport de classes

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Message par Borges Ven 22 Mar 2013 - 16:28

Hello SP;

au fond, c'est toujours la même décision à faire : soit des pensées du destin, de l'unité, de l'être, soit des pensées du devenir, des processus de subjectivation...

nous en avons déjà tellement parlé; je copie-colle juste ce passage de Rancière,

« Une Française est-elle un Français ? […] Des phrases "absurdes" de ce genre peuvent être beaucoup plus productives, dans le processus de l’égalité, que la simple affirmation que les ouvriers sont des ouvriers et les femmes des femmes. […] Elles permettent […] de transformer le non-lieu logique en lieu d’une démonstration polémique. La construction de ces cas de l’égalité n’est pas l’œuvre d’une identité en acte ou la démonstration des valeurs spécifiques d’un groupe. Elle est un processus de subjectivation. […] C’est la formation d’un un qui n’est pas un soi mais la relation d’un soi à un autre. C’est ce qu’on peut montrer exemplairement sur le nom apparemment identitaire de "prolétaire". »

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Message par Borges Ven 22 Mar 2013 - 16:30

pas le courage de déplacer tous ces messages sans lien avec le sujet du topic...
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Message par Invité Ven 22 Mar 2013 - 21:02

pas trop de temps de mon côté pour approfondir. remettons tout cela à plus tard. t'es par là cet été ?

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Message par balthazar claes Ven 19 Avr 2013 - 9:41

La saison 3 de Game of thrones est tout de même très chouette. Y'a du pognon dans le projet, pas de doute, et plutôt bien misé. Par quels procédés peut-on arriver à faire croire dans l'image à la réalité d'un univers parallèle et héroïque ? Il faut être d'un sérieux absolu ; le moindre clin d'oeil, la moindre touche de second degré, la moindre allusion à notre prosaïque univers et le soufflé retombe. Rivette avait pris le mur de plein fouet quand il s'était lançé dans son projet fantastique Histoires de la vie parallèle, en croyant qu'il pouvait refaire Céline et Julie en plus épique. Dans le Seigneur des anneaux, c'était l'artillerie lourde des effets numériques qui emportait le morceau, ce pourquoi le film vieillira mal sans doute.

Quand on parle d'un univers fantastique, le truc c'est d'économiser la magie, de la rendre rare, de créer son attente. Sinon en effet on n'a besoin que de chevaux, de décors naturels et de tourelles du Moyen-Age en ruines ; au pire un muret de pierres sèches éboulées peut faire l'affaire. Mais il faut faire ça avec soin. Si deux personnages discutent devant un arbre, il faut que ce soit le plus bel arbre possible, de proportions les plus majestueuses et régulières qu'on puisse trouver. Les arbres en carton-pâte stylisé de Perceval le Gallois, c'était pas du tout une mauvaise idée à cet égard. L'univers parallèle épique se doit d'avoir une réalité exemplaire voire pléonastique : ses forêts se doivent d'être extrêmement forestières, ses brouillards très densément brumeux. Un univers épique est composé d'éléments purs et densifiés.


Le biais du fantastique permet ici à la fiction de poser une nature humaine largement dégueulasse. La guerre, le viol, l'inceste et le meurtre sont les éléments de base d'une telle anthropologie. GOT ne parle que de sang : celui des dynasties rongées par l'inceste et la démence, celui versé dans tous les coins des 7 royaumes par cruauté, cupidité, soif de pouvoir ou simple indifférence. C'est le modèle qu'il y a dans The Wire, mais en se donnant les coudées franches d'un univers virtuel.

Ça se pourrait que ça ait un rapport au naturalisme, à la réflexion ; celui de Zola, Stroheim et Bunuel. On a affaire à un monde en décomposition, en ruines, dont la magie originelle tend à se retirer. La magie renvoie à la fondation du monde. Deleuze parle du couple Mondes originaires-Pulsions élémentaires. Quelques citations pratiquement piochées au hasard :

"Le monde originaire peut se marquer par l'artificialité du décor (une principauté d'opérette, une forêt ou un marais de studio) autant que par l'authenticité d'une zone préservée (un vrai désert, une forêt vierge). On le reconnaît à son caractère informe : c'est un pur fond, ou plutôt un sans-fond fait de matières non-formées, ébauches ou morceaux, traversé par des fonctions non-formelles, actes ou dynamismes énergétiques qui ne renvoient même pas à des sujets constitués."
Ces "ébauches ou morceaux" font penser au kaléidoscope de paysages de la série, à la façon dont celle-ci ne cesse de faire des bonds, des enchaînements intercontinentaux d'une scène à l'autre, alternant forêt, froid polaire, château et désert ; chaque décor n'étant jamais réellement "visité", et constituant un fond informe, sur lequel les personnages s'occupent à distribuer ou endurer des actes de cruauté. On pense aussi au générique, qui présente la carte de l'univers GOT sous la forme d'une maquette survolée, dont les différentes parties s'érigent en trois dimensions au moment où on se penche sur elles, le caractère de trompe-l'oeil de ces décors étant ainsi mis en scène.

http://culturevisuelle.org/mouton/archives/12


Un monde dans lequel les personnages "sont des bêtes humaines". Dans GOT les grandes familles se symbolisent par leur animal totem : lion, cerf, loup, dragon, avec lequel elles sont liées concrètement et spirituellement. Tel autre personnage sanguinaire s'appelle Le Limier, etc.


"La pulsion est un acte qui arrache, déchire, désarticule. La perversion n'est donc pas sa déviation, mais sa dérivation, c'est-à-dire son expression normale dans le milieu dérivé. C'est un rapport constant de prédateur et de proie. L'infirme est la proie par excellence, parce qu'on ne sait plus ce qui est morceau chez lui, la partie qui manque ou le reste de son corps. Mais il est prédateur aussi, et l'inassouvissement de la pulsion, la faim des pauvres, ne sont pas moins morcelants que l'assouvissement des riches."
On reconnaît la galerie d'infirmes particulièrement fournie dans GOT : le nain sans nez, le manchot, le boiteux, l'aveugle, l'enfant paralytique...


"En troisième lieu, la loi ou le destin de la pulsion, c'est de s'emparer avec ruse, mais violemment, de tout ce qu'elle peut dans un milieu donné, et, si elle le peut, de passer d'un milieu à l'autre. Il n'y a pas de cesse dans cette exploration et cet épuisement des milieux."
C'est bien la description du Game, jeu de conquête sans fin ni sens si ce n'est celui de se montrer le plus cruel, où il semble essentiel de choisir la méthode de conquête, la tactique la plus impitoyable, de bafouer les trêves et les alliances...



"Ainsi, c'est un monde d'une violence très spéciale (à certains égards, c'est le mal radical) ; mais il a le mérite de faire surgir une image originaire du temps avec le début, la fin et la pente, toute la cruauté de Chronos. C'est le naturalisme. Il ne s'oppose pas au réalisme, mais au contraire, il en accentue les traits en les prolongeant dans un surréalisme particulier."
En même temps, je plaque tout ça, alors que, comme dans LOR, le fin mot de l'affaire c'est d'assurer une refondation, un retour du roi, et ça c'est sûrement pas trop naturaliste.

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Message par Borges Sam 13 Juil 2013 - 9:32

Baudouin II de Barvaux a écrit:
DB a écrit:

[...]

Quant au thème du générique de Game of thrones c'est dangereux, ça reste dans la tête. Très entêtant.

[...]



Je trouve aussi.

Et ça me rappelle que j'ai sagement attendu que la saison 3 s'égrène, pour pouvoir me farcir tout ça en deux ou trois nuit marathon de la mort (où on achève bien les chevaux), et qui m'exonèreront bien plaisamment de mes forces excédentaires.
Je retarde délicieusement ce moment, mais ça va tomber, là, je le sens bien... Very Happy
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Message par adeline Sam 13 Juil 2013 - 11:44

DB a écrit:
Baudouin II de Barvaux a écrit:
DB a écrit:

[...]

Quant au thème du générique de Game of thrones c'est dangereux, ça reste dans la tête. Très entêtant.

[...]



Je trouve aussi.

Et ça me rappelle que j'ai sagement attendu que la saison 3 s'égrène, pour pouvoir me farcir tout ça en deux ou trois nuit marathon de la mort (où on achève bien les chevaux), et qui m'exonèreront bien plaisamment de mes forces excédentaires.
Je retarde délicieusement ce moment, mais ça va tomber, là, je le sens bien... Very Happy

Je l'ai jamais regardé en temps réel la série, j'ai toujours tout récupéré et regardé d'une traite la saison. Je pense que c'est l'une des rares séries à qui ça profite sinon on perd les personnages les situations les lieux non ?

La saison 3 par exemple, il y a un gros ventre mou à un moment avec notamment un récit qui n'avance strictement pas (au sens strict : même décor, mêmes personnages, même situation donnée) de toute la saison. QUand on regarde d'une traite ça se sent moins que si on prend le temps de voir épisode par épisode, semaine par semaine.

Faudrait réfléchir à cette façon de regarder les séries. Est ce que ça change quelque chose ? Qui préfère quelle pratique et pourquoi ?

Balzac ou Dostoïevski en feuilleton, c'est l'enfer non ? Alors que d'une traite on se régale. Quelqu'un a déjà essayé ?

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Message par Invité Lun 15 Juil 2013 - 6:14

Cette saison 3 est prodigieuse. Je suis K.O. debout.

Impressions à chaud, pour ne rien mais alors rien dire d'intéressant et me cantonner à de piètres généralités :

vue en une nuit, je n'ai pas ressenti ce "gros ventre mou" dont parle DB. J'imagine que, éventuellement, vus au goutte au goutte, les 3 premiers épisodes notamment pourraient laisser une impression de stagnation. Mais dans la saisie, l'expérience d'un seul et big métrage, je les ai ressentis comme une longue et nécessaire mise en place permettant de déployer dans toute leur sound & fury les 4, 5, 6 (enfin, le mi-temps) peut-être pour moi les plus émotionnellement riches de la série, et à partir desquels ce qui suit ne fléchit plus. Qui n'atteint une telle force que parce que liée avec une grande cohérence et rigueur avec les 2 saisons qui précèdent, en un tout impossible à scinder. On pourrait reprocher la structure narrative fort éclatée (en raison de la multiplicité des intrigues), mais elle ne brise pas le continuum dramatique, justement par le fait qu'elle oblige le spectateur à redoubler d'attention, et l'incite à tisser pour lui-même, de façon intime, les correspondances entre les pièces de ce puzzle gigantesque. Y a aucune "stagnation", du point de vue de l'essence de ce type de récit, qui n'est que l'arc d'une ample méditation, non événementielle si on peut dire en flirtant avec le paradoxe. Ce n'est pas une histoire où l'action prédomine, on peut même dire que les moments d'action, même à titre de "climax", sont inféodés à la dramaturgie centrée sur le verbe.  

C'est tout simplement une œuvre, sans discussion possible. Tout ça provenant du matériau livresque, j'imagine bien... C'est d'une étonnante maturité et réflexivité.. On n'est pas vraiment, je trouve, dans le domaine de la "Fantasy" habituelle, cad censée nous plonger dans un univers ayant son autonomie, sa logique, ou sa "métaphysique" propres. Un peu de cela existe, bien sûr, mais cet univers me semble ici surtout agencé pour renvoyer à "notre" monde, en constituer une sorte de métaphore ou commentaire anthropologico-politique.
On est loin en ce sens de Tolkien, ses anneaux, ses seigneurs et ses hobbits (enfin, à mes yeux, n'ayant jamais été fan de son univers), chez qui la construction mytho-poétique semble surtout servir à dissimuler, travestir, son ancrage idéologique et politique, et qui en comparaison apparaît comme un gros bidule un peu niais, infantile et paternaliste. C'est sombre, très sombre, tragique, et me semble-t-il le contraire du contenu "politique" de Tolkien: comme analyse de l'imaginaire du pouvoir, de la royauté, leur mécanisme, leur nature (pure fiction), rendus ici comme à leur horreur, violence, fondamentales et sociales.

Léger bémol quand-même, j'ai trouvé la séquence cloturant le dernier épisode assez ridicule, et relativement faiblards les segments concernant, dans cette saison, Daenerys Targaryen, sa quête, ses chevaliers dévoués, et le barnum sur les esclaves...

Sinon, vraiment, je pense, là, peut-être parce que je suis dans un état second avant d'aller au bed, que c'est, allez hop pas de demi-mesures, un événement cinématographique mémorable tous formats et genres confondus. Y a bien des critiques à faire, des défauts à relever, mais dans les strictes limites de son domaine (qui sont quand-même repoussées assez loin), c'est d'une richesse, d'une intelligence incroyables. Deux choses à louer prioritairement: l'interprétation, la présence des acteurs, phénoménale -; et les dialogues (ou monologues *), qui sont parmi les choses les plus brillantes que j'ai pu entendre au cinéma ces 20 dernières années (enfin, lire, surtout, dans une vost pas trop mal traduite)...


Bon, faut que je me calme, là... J'ai pas sommeil du tout. lol


*
spoiler:



Ne cliquer que si on a vu la saison 3:

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Message par Borges Mer 17 Juil 2013 - 12:12

Hi Jerzy

-vu, y a quelques temps; c'est magnifique par moments, mais je ne suis pas aussi enthousiaste que toi, sans doute parce que j'avais lu le tome 3 (incapable d'attendre la suite); les scénaristes ont essayé de varier,  de condenser, d'accélérer le récit, hyper lent du bouquin (assez mal et artificiellement construit d'ailleurs, un chapitre par personnage, et on passe de l'un à l'autre, ce qui est assez chiant) mais c'est pas pareil...

-Daenerys, comme toi; j'aimais bien au départ, mais là, ça commence vraiment à puer;   la jeune fille blonde au grand coeur et aux gros nichons qui libère l'"Orient", c'est un peu trop lourd... Les "sauvageons" du "Nord" (la liberté sans la règle) existent, en "Orient", pas un seul personnage : un peuple soumis, et des maîtres répugnants...

-Le mariage, grand moment, grand traumatisme (à la lecture dans mon cas)...



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Message par Invité Mer 17 Juil 2013 - 13:05

Baudouin II de Barvaux a écrit:Des réactions "live" de spectateurs à l'épisode n°9, désormais mythique:


J'ai pour ma part trouvé des images de réactions "live" de spectateurs à l'éviction de Morsi

Game of Thrones ; Colombo et la mise en scène d'un certain rapport de classes - Page 4 Sleeping_fan_pa

...ainsi qu'au retour de la croissance en Europe

Game of Thrones ; Colombo et la mise en scène d'un certain rapport de classes - Page 4 Sleeping_fan_pa

... au nouveau timbre "Valerian/Femen"...

Game of Thrones ; Colombo et la mise en scène d'un certain rapport de classes - Page 4 Tumblr_mabg0g14yC1r30c11o1_500

...et enfin à la montée brusque de la radioactivité en mer aux alentours de Fukushima

Game of Thrones ; Colombo et la mise en scène d'un certain rapport de classes - Page 4 Sleeping_fan_pa

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Message par balthazar claes Ven 19 Juil 2013 - 8:42

Spoiler:

Néanmoins la séduction opérée par cette série me paraît quand même relever du même principe que chez Tolkien, quoi qu'on dise. Où tout part de la carte, et des noms sur la carte. Ça rappelle la préface de Stevenson à l'Ile au trésor, où il explique qu'il a un jour dessiné la carte d'une île et que tout s'est déroulé à partir de là. Un Tolkien plus "adulte", avec sang et sexe.

ça rappelle aussi ce que Foucault écrivait quand il faisait un éloge des Mystères du peuple d'Eugène Sue (dans Dits et Ecrits 2), et de la dimension de délire érotico-racial qui nourrit ce roman :

"Je rêve donc de cette anthologie érotico-historique qui devrait en tout cas laisser une large place aux Mystères du peuple. Sur ce point encore, on en a pour son argent. Rien n'y manque : l'adolescent qui veille le cadavre semé de fleurs du rival fraternel qu'il a tué ; les femmes aux seins nus qui fendent à coups de hache les soudards qui les assaillent, la vente des esclaves, avec des enfants palpés par des débauchés exsangues. Tous les classiques, tous les poncifs de l'érotisme historique ; les films à péplums, il y a quelques années, étaient beaucoup moins amusants et ne recelaient pas le même intérêt politique.

Marx a dit qu'il avait trouvé l'idée de la lutte des classes chez les historiens français. En fait, il y avait trouvé surtout la lutte des races. L'idée que des rapports de guerre traversent la société et en sous-tendent la structure est une vieille idée. Dès le XVIIe siècle, on a supposé que des nations comme la France et l'Angleterre étaient en fait composées de deux races dont l'une, plus ancienne, avait été vaincue par des envahisseurs, que ceux-ci, pendant des siècles, l'avaient dominée et exploitée ; mais que le jour allait venir de la révolte et de la revanche, le jour où on se retrouverait chez soi et entre soi, les autres étant vaincus, chassés ou assimilés ; chacun pourra alors retrouver son nom et son identité, son être propre, sa patrie, et les biens dont la communauté ancestrale a été dépouillée.

Le thème, vigoureux déjà sous la Révolution, est devenu florissant au XIXe siècle : les millénarismes révolutionnaires, les nationalismes, mais aussi  les luttes communes à la bourgeoisie et aux couches populaires contre les aristocraties de la naissance ou de l'argent, s'en sont nourris. Les Mystères du peuple en sont un remarquable exemple : à la fois par leur date (les lendemains de la révolution de 1948) et la multiplicité des éléments combinés (on y voit les dominateurs romains survivants dans l'Eglise, les ordres monastiques, les jésuites, les ultramontains actuels ; les dominateurs francs donnant naissance aux propriétaires terriens ; les paysans, l'artisanat des villes, les petits commerçants perpétuant la vieille race vaincue mais toujours rétive).

On a là un témoignage capital de ce "social-racisme" qui fut si important au XIXe siècle. Qu'on ne soupçonne rien de péjoratif dans cette expression : c'est l'une des formes premières de la perception de classe et de la conscience nationale. Et toute la fin du XIXe siècle, pour ne pas aller plus loin, a été traversée par les avatars de ce thème : lent dégagement du socialisme par rapport à cette valorisation des races, déplacement de l'opposition Gaulois-Germains vers l'oppostion Aryens-non-Aryens, recomposition du racisme à partir et autour de la pratique coloniale, intensification de l'antisémitisme, conflits du jacobinisme avec les minorités linguistiques et ethniques, etc.

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Message par DB Ven 19 Juil 2013 - 14:29

Je crois que la mise à mort des personnages principaux par RR Martin tient plus de ce que disait Baudouin : format télé. Le format télé impose beaucoup de choses : un formatage en temps, en cadre, en structure.

Chaque épisode doit avoir à peu près la même durée, une saisons comporte le même nombre d'épisodes et se construit grosso modo (début milieu fin) toujours pareil, un épisode doit avoir une structure interne costaude, etc.... C'est là où GoT commence à se démarquer (et pas toujours à son avantage). Parfois un épisode passe d'un personnage à l'autre sans véritable autre transition que celle de la nécessité narrative (il faut aller à Westheros parce qu'on s'est attardé sur le mur).
Dans cette saison 3, il y a une bonne idée à un moment donné de montage. Dès qu'un personnage parle d'un autre (ou l'évoque) on cut vers ce personnage et ainsi de suite. C'est très réussi quand un épisode n'a pas d'architecture thématique le surplombant (style l'épisode humiliation).

Enfin, le format télé ça impose aussi des choses avec le public : un rendez vous régulier, prévu, attendu. Personne n'imaginerait que Colombo ou Derrick meurt dans la saison 2 et quand Mr T. est blessé au cours d'un épisode, la peur de le perdre est somme toute très relative. Pas possible, the show must go on et les personnages principaux ne peuvent pas mourir.

Sans avoir lu les livres, j'imagine que c'est ce que Martin fait dans ses livres. Là par exemple, on s'attend à une revanche des Stark, il ne peut en être autrement : trop de récits en dépendent et bien si, hop, l'attente du spectateur télé est détourné ailleurs. A trop le faire d'ailleurs, ça peut devenir mécanique mais là ça fonctionne à plein régime parce qu'on sent que l'on dépasse le cadre de la série télé.

Un peu comme avec toute grande série télé, quand le format est dépassé, quand la série a quitté le cadre (la carte ?) c'est qu'elle a battu son support. C'est ce qui est arrivé à Twin Peaks avant l'effondrement (avec les fan clubs avant l'heure ou les réunions préfigurant les forum de l'internet d'aujourdh'ui).

Cette façon de jouer avec l'attente en en détournant les codes, c'est ce qui pointe du doigt une série télé intéressante ou maligne. Breaking Bad fait la même chose dans sa (avant) dernière saison. Les 5 minutes sont plates, inintéressantes au possible, c'est une réunion de famille au bord de la piscine, il ne s'y passe rien; vacuité du quotidien familial et bam the shit hits the fan (littéralement pour qui a vu).

Quant au ventre mou je pensais en grande partie au fait que Greygoy soit attaché à une croix et torturé pendant 10 épisodes pour... être attaché et torturé. On dirait une métaphore maladroite des scénaristes ne sachant pas quoi faire du personnage. Son récit commence et finit au même endroit avec un paquet d'artifices scénaristiques (je m'enfuie pour revenir, c'était un piège / je te donne un peu de plaisir, je te castre / je te cache mon identité, finalement je te la révèle...) pour combler le fait qu'ils ne savent pas quoi en faire.
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Message par Borges Ven 19 Juil 2013 - 15:28


DB a écrit:Je crois que la mise à mort des personnages principaux par RR Martin tient plus de ce que disait Baudouin : format télé. Le format télé impose beaucoup de choses : un formatage en temps, en cadre, en structure.

-Je ne vois pas en quoi le format télé imposerait de mettre à mort des personnages principaux. Dans les séries classiques, à un personnage (columbo) ou deux (amicalement vôtre) ou plusieurs (mission impossible) les personnages principaux reviennent à chaque épisode... columbo ne meurt pas ( pas plus que superman, ou bugs bunny...).

-La télé ne peut imposer qu'un cadre (et encore je ne vois pas en quoi la durée d'un épisode peut être considéré comme un cadre contraignant,  après tout les films aussi ont une durée plus ou moins programmée; la durée d'une série c'est bien plutôt son succès qui le détermine; étant entendu que sa règle essentielle est la continuation sur les écrans; être, c'est être vu par le plus grand nombre le plus longtemps possible...il faut distinguer bien des niveau de temporalité dans une série, la durée de l'épisode, la durée (formelle), durée psychologique, historique, le nombre de saisons...  ) pas un contenu ni une forme, surtout quand le but des séries nouvelles est précisément de déranger, moralement, esthétiquement, politiquement, psychologiquement (toujours dans un sens réactionnaire), le cadre (dans tous les sens de ce mot).


-L'apparition de la mort dans les séries nouvelles (the wire fonctionnait énormément sur ce ressort) met en question précisément l'idée du personnage principal, c'est-à-dire d'un être à l'épreuve de la mort; comme je disais à propos de W Dead, l'idée nouvelle est que personne n'est protégé, du moins relativement, de la loi universelle : tout le monde meurt, tout le monde peut mourir. Généralisation du principe d'insécurité. On peut  trouver à ça bien des raisons, idéologiques, dramatiques, effet de réel, de proximité...

-Avant,  la série,  comme le cinéma classique,  fonctionnait  sur le principe d'identité, et de retour du même : le héros ne change pas, revient sans cesse, sans marques, sans identité, inqualifiable, ou alors qualifié de manière très neutre, typique; pas de temps, de devenir; la série ancienne c'est l'ontologie, l'être; la série nouvelle, c'est avant tout le corps, des corps sans âme, sans idées...nous sommes sur un plan où tout semble matière. Matérialisme des séries, dans tous les sens du mot. Là où il n'y a pas d'idée, pas d'au-delà, pas même dans la forme de la fiction, règne la mort. Cette idée était avant surtout mise en scène dans les séries b, dans les genres dominés... moins que psychose, c'est "la nuit de morts vivants" qui est le modèle, selon moi...et tous les films de genre...

-pour saisir la différence faut comparer Walking Dead, à World War Z, où tout le monde peut mourir, sauf les proches de Brad Pitt. La série nous dit : oubliez BP, le personnages principal; y a pas de principe, pas de personnage principal, mais des tas de personnages, généralement tous sans principes, tous mortels...

Nous trouvons ça plus réaliste, plus adulte... je sais pas...

(n'oublions pas que les personnages principaux de la Recherche meurent, comme ceux de Balzac, ou Kafka...)
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Message par Invité Ven 19 Juil 2013 - 18:26

DB a écrit:Je crois que la mise à mort des personnages principaux par RR Martin tient plus de ce que disait Baudouin : format télé. Le format télé impose beaucoup de choses : un formatage en temps, en cadre, en structure.

Ben oui, DB: je suis étonné, j'ai dit nulle part ce que tu me fais dire; j'ai nulle part parlé de format télé, formatage en temps, cadre, structure.
J'ai pris soin au contraire de parler d'expérience cinématographique. Et pour les séries anciennes, également, la dimension "format télé" n'est pas une chose qui me paraît décisive ou permettant de définir la structure de ce qu'on nomme une "série". Le principe d'une série, qui on le remarque ici n'est pas un genre homogène, ne sera pas trouvé selon moi dans le fait qu'elle est "télévisuelle". "Télévisuel", "cinématographique": en ce qui me concerne, je n'ai jamais établi de différence essentielle. Il ne m'a jamais semblé, pour une "bonne" série, du moins, que sa nature pouvait être dégagée en terme de "formatage télévisuel". La question de l'essence d'une série me paraît plus fondamentalement renvoyer à l'exercice plus vaste, historiquement, littéraire, du feuilleton...

Mais ce que je n'ai cessé de dire, à propos des quelques séries actuelles que j'aime (y en a pas 36...), c'est qu'elles permettaient une temporalité, un cadre, une structure, des audaces, un développement, des ruptures de ton, etc, que bien des films sur des thématiques analogues, ayant une ambition dramaturgique et narrative analogue (je précise: je ne parle pas "en général", mais sur ces points précis) ne permettent pas.
Dans cette optique, ce serait bien plutôt le format ciné standard ("métrage de 1h30") qui formate et impose bcp de choses. Surtout lorsqu'on pratique ces "séries" comme je les pratique: à savoir pas du tout comme des segments d'une heure, séparés par de longues attentes pour le spectateur, mais comme un vaste continuum interrompu.

J'ai également ressenti - comme pour TWD, la mort des personnages, l'irruption de la finitude, du sentiment de cette finitude ou de l'exposition à cette finitude, comme une sorte de "transgression", si on peut dire, des codes en vigueur dans les séries plus anciennes, précisément fondées sur une continuité rassurante, qui repose sur des habitudes, des routines. Habitudes, codes qu'on aime: on retrouve un univers, une scansion,  qui nous sont familiers et qui fondamentalement ne changent pas, ne sont pas susceptibles d'être bouleversés. Le personnage pivot ou repère n'est pas susceptible d'être bouleversé: il reste relativement le même à travers les épisodes, un schème invariant, quelque part immortel (un peu comme Tintin. Et les aventures de Tintin, rappelons-le ici, juste pour revenir incidemment à cette question du "formatage", c'est à la base, essentiellement, un "feuilleton", qui paraissait dans un magazine. Obéissant à des contraintes narratives spécifiques - comme par exemple la livraison en un ou deux double-feuillets hebdomadaires. C'est cette contrainte formelle qui a poussé Hergé à concevoir chaque double-page comme un processus menant à la dernière vignette, sur la page de droite - presque toujours un "cliffhanger" pour susciter l'attente fébrile du lecteur. Organisation temporelle du récit que Hergé conserva jusqu'à la fin, Bijoux de la castafiore compris, bien après que ses albums ne soient plus soumis à cette contrainte matérielle).

Dans Columbo, puisqu'on y revient, ce que j'aime, c'est que le rite soit respecté: il y a des phases, stations, une progression, bien établis et codés dans le déroulement narratif, et une part non négligeable du plaisir vient du fait que je retrouve ces phases et stations. Le plaisir, l'intérêt, sont liés à la variation (qui n'est pas une rupture) sur le thème donné, qui reste le même. Tout comme il importe que le personnage-repère, le lieutenant, reste le même, fidèle à lui-même: il importe qu'il porte toujours le même imper, conduise la même caisse pourrie, parle de sa femme (qu'on ne voit jamais), s'occupe de son chien, etc.
(Bon, déjà, c'est une évidence, mais il importe quand-même de la rappeler: il ne s'agit pas du même type de "série". Chaque épisode est un "film en soi", bouclé sur son historicité propre. Rien à voir avec un type de série (peu pratiqué à cette époque là) qui nous raconte UNE grande histoire continue sur plusieurs saisons (et, comme dans le cas de GOT, une grande histoire fort complexe, impliquant une multitude de développements et de caractères).


Dans GOT comme dans TWD, il y a à l'inverse un principe d'incertitude fondamental. Ce qui fait la "fierté" de Martin, notamment. Il le répète à satiété dans ces "conventions" filmées en salle, qui assurent le "fan-service". C'est ce qu'il appelle le "non-manichéisme", qu'il qualifie de plus "réaliste": aucun personnage n'est une fois pour toutes "bon" au "mauvais"; tous sont susceptibles de changer, de traverser des épreuves les amenant à faire des choix qui transformeront leur "nature".
Le même principe d'incertitude opère dans Breaking bad: le personnage-repère, Walt (ainsi que les autres: son "partenaire", sa femme, son beau-frère), change de nature, se transforme, de relativement brave type en ordure abjecte, mais cette métamorphose elle-même n'est pas garantie ou assurée une fois pour toutes. Il y a un mélange de "bon" et de "mauvais", plusieurs facettes coexistantes, une forme d'indétermination de ce personnage qui, en fonction des événements, par les choix qu'il sera amené à faire, peut faire basculer le spectateur dans l'empathie ou l'antipathie, y compris un mélange indécidable des deux...


Je ne dis pas que c'est mieux, que cet aspect en soi est forcément plus "réaliste" ou "adulte", je constate, juste, cette différence de traitement par rapport aux séries classiques. Le côté "mature" que je souligne plus haut, c'est en comparaison avec Tolkien: et là, je ne partage pas tellement l'avis de Balthazar... La cartographie du truc, perso, c'est pas ce qui a mobilisé mon intérêt. En tout cas, c'est clairement pas ce qui m'a séduit ici. En règle générale, quand on exige de moi un effort de conception/repérage géo et carto-graphique, je déclare très rapidement forfait. Parce que ça me passe au dessus du citron à un degré difficilement dicible. lol

(Je sais de quoi je cause: mon père est géographe, et plus particulièrement expert en cartographie. Il a même inventé dans les 70s un système de transparents s'animant par superpositions sur un rétro-projecteur, et illustrant la tectonique des plaques, la dérive des continents, tous les courants marins et anticycloniques connus, etc, qui a failli être brevetée. On lui a proposé, mais il a jamais donné suite, ça l'intéressait pour ainsi dire pas. Un savant, quoi, de la vieille école. Et il poursuit ses recherches cartographiques de pointe en les combinant à la marcophilie, cad l'étude minutieusement scientifique des sceaux, des timbres et des tampons, permettant de retracer le parcours des courriers postaux: dans un titanesque travail, qui l'occupe depuis 40 ans, d'exhumation, à travers le parcours géographique des auto-canons belges en Russie lors de la guerre civile de 1917, de tout un contexte géo-politique assez méconnu . Il n'a hélas jamais réussi, le pauvre, à m'intéresser à tout ça plus de 30 minutes montre en main, bien que je mesure mieux aujourd'hui l'intérêt et l'originalité de ce grand Œuvre champollionesque, qui compte à ce jour plusieurs volumes de 1000 pages d'iconographie sidérante, à mes yeux directement connectée aux mystères impénétrables de l'Atlandide).

D'ailleurs, je l'avoue, sans problème: pour tout ce qui concerne la géographie, j'ai abdiqué instantanément en décrétant que c'était au dessus de mes forces, comme ça j'aurais pas à me torturer les méninges plus que de raison, déjà fortement mises à contribution dans une profusion de personnages et de patronymes exigeant, fait rare, que j'aille régulièrement googliser pour bien me souvenir qui est qui, qui fait quoi, qui est où, etc. Et même tenir une putain de liste à la con: alors lui c'est chose et il en veut à machin, elle c'est trucmuche et elle a quelque problème relationnel avec la cousine par alliance de bidibule. Je suis même pas sûr d'avoir absolument tout compris pour tout dire. Y a comme qui dirait deux ou trois zones "grises" que j'ai pas cherché à clarifier, c'est honteux.
Alors, le générique ("évolutif", dévoilant progressivement de nouvelles zones) est génial, je me contente de le regarder sans du tout chercher à comprendre. Je sais pas si je mets le nord à l'ouest, l'est au sud. Mais enfin, concernant le topos, j'ai compris l'essentiel. Dans le nord, ça caille; au sud c'est plutôt caniculaire, et entre les deux, c'est plutôt tempéré. Un truc dans le genre. Faut avoir une appréciation lucide de son "plafond"... Very Happy 


Ce qui m'intéresse, m'affecte, dans le monde de GOT, c'est, à travers sa geste très littérairement/théâtralement marquée (du côté de Shakespeare, bien entendu. Et les acteurs, à 90% britanniques, sont peu ou prou un produit de la tradition "shakespearienne" d'interprétation), la tragédie - et, pour parler platement, la tragédie de "l'humaine condition". Fort éloignée à mon sens, je le répète, des codes de la Fantazy, en ce qu'elle renvoie explicitement à "notre" monde (en tant qu'objet d'un commentaire "anthropo-politique", éminemment discutable, certes). La dimension magique, quoique présente, est fort secondarisée, voire accessoire. Elle intervient davantage à titre de processus très réflexivement assumé de métaphorisation, au service d'un décodage politique et idéologique des ressorts de la fantazy.
Chez Tolkien, du moins il me semble (au vu des films, car j'ai jamais eu envie de me plonger dans la littérature de Tolkien), les dimensions magiques/épiques/mytho-poétiques servent essentiellement à masquer les enjeux idéologiques et politiques du monde "réel" qui les travaillent, et non pas à les mettre en valeur. Les qualités souvent louées de l'univers tolkénien (occultant le plus souvent son ancrage idéologique), c'est cette création d'une utopie/uchronie autonomes (ce qu'il n'est pas, bien sûr): avec sa carte géographique, ses langues, ses "races", ses mythes, religions, enfin tout le bastringue de la marotte encyclopédiste de l'érudit oxfordien à la retraite.
Dans GOT: cet aspect de création d'un "monde imaginaire complet" subsiste, ce n'est guère douteux. C'est dans l'héritage de la fantazy. Mais c'est de la Fantazy subvertie en tant que Fantazy, et déplacée vers l'étude des caractères humains, du pouvoir, de la domination sociale, du processus d'écrasement des pauvres par les riches, etc. Dimensions qui, il faut bien le reconnaître, et quel que soit leur mode de traitement par Martin et la valeur qu'on peut lui attribuer, sont le cadet des soucis de Tolkien. Le folklore de la fantazy passe donc ici sur un plan secondaire, voire tertiaire, en tant que décorum ou toile de fond relativement abstraits (et pauvre, sur le plan de la description/invention "ethnographique").
Ce n'est plus cette substance qui irrigue le récit de Martin. Cette substance est d'ordre plus littéralement et directement historique et politique. Une de ses sources d'inspiration fondamentales serait Les rois maudits de Maurice Druon. Il aime assez à résumer son projet littéraire en disant que s'il a recours à la "fantazy", c'est surtout parce que l'Histoire ne lui donne pas la possibilité de surprendre le lecteur par des événements inattendus, imprévisibles (le lecteur étant censé connaître ce qui a eu lieu dans l'Histoire).

http://www.elbakin.net/fantasy/news/trone-de-fer/17779-George-RR-Martin-adoube-les-Rois-Maudits
http://www.georgerrmartin.com/maurice-druons-the-iron-king/


Martin insiste régulièrement également sur le fait que sa saga, pour héritière de Tolkien qu'elle soit, s'en distingue sur ces points fondamentaux. Ce qui m'intéresse, dit-il, c'est l'analyse de la "complexité" de l'être humain. Et il insiste sur la différence de situation historique, sociale, politique, entre lui et Tolkien: Tolkien, dit-il pour s'en démarquer (à tort ou à raison) était le produit d'une classe sociale, de l'idéologie de son temps, idéologie d'Empire, de conquête, de colonisation, belliciste. Et il oppose à cela son trajet, son origine sociale, son opposition, comme objecteur de conscience, à la guerre du Vietnam, etc...

https://www.youtube.com/watch?v=WbaslypgyWk  (à partir de 8'15")

Alors que chez Tolkien, ce sont avant tout les "mythologies", le "spirituel", qui sont la source d'inspiration: la plupart des grandes constructions mythologiques "indo-européennes" se trouvent condensées, compilées, concaténées, etc.




PS: pour the wire, pas encore vu. Mais ça va plus trop tarder.
spoiler:


Erratum: je sais pas pourquoi j'ai mis un "Z" à Fantasy.


Dernière édition par Baudouin II de Barvaux le Sam 20 Juil 2013 - 5:15, édité 24 fois

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Message par DB Ven 19 Juil 2013 - 21:05

Borges a écrit:

DB a écrit:Je crois que la mise à mort des personnages principaux par RR Martin tient plus de ce que disait Baudouin : format télé. Le format télé impose beaucoup de choses : un formatage en temps, en cadre, en structure.

-Je ne vois pas en quoi le format télé imposerait de mettre à mort des personnages principaux. Dans les séries classiques, à un personnage (columbo) ou deux (amicalement vôtre) ou plusieurs (mission impossible) les personnages principaux reviennent à chaque épisode... columbo ne meurt pas ( pas plus que superman, ou bugs bunny...).

-La télé ne peut imposer qu'un cadre (et encore je ne vois pas en quoi la durée d'un épisode peut être considéré comme un cadre contraignant,  après tout les films aussi ont une durée plus ou moins programmée; la durée d'une série c'est bien plutôt son succès qui le détermine; étant entendu que sa règle essentielle est la continuation sur les écrans; être, c'est être vu par le plus grand nombre le plus longtemps possible...il faut distinguer bien des niveau de temporalité dans une série, la durée de l'épisode, la durée (formelle), durée psychologique, historique, le nombre de saisons...  ) pas un contenu ni une forme, surtout quand le but des séries nouvelles est précisément de déranger, moralement, esthétiquement, politiquement, psychologiquement (toujours dans un sens réactionnaire), le cadre (dans tous les sens de ce mot).


-L'apparition de la mort dans les séries nouvelles (the wire fonctionnait énormément sur ce ressort) met en question précisément l'idée du personnage principal, c'est-à-dire d'un être à l'épreuve de la mort; comme je disais à propos de W Dead, l'idée nouvelle est que personne n'est protégé, du moins relativement, de la loi universelle : tout le monde meurt, tout le monde peut mourir. Généralisation du principe d'insécurité. On peut  trouver à ça bien des raisons, idéologiques, dramatiques, effet de réel, de proximité...

-Avant,  la série,  comme le cinéma classique,  fonctionnait  sur le principe d'identité, et de retour du même : le héros ne change pas, revient sans cesse, sans marques, sans identité, inqualifiable, ou alors qualifié de manière très neutre, typique; pas de temps, de devenir; la série ancienne c'est l'ontologie, l'être; la série nouvelle, c'est avant tout le corps, des corps sans âme, sans idées...nous sommes sur un plan où tout semble matière. Matérialisme des séries, dans tous les sens du mot. Là où il n'y a pas d'idée, pas d'au-delà, pas même dans la forme de la fiction, règne la mort. Cette idée était avant surtout mise en scène dans les séries b, dans les genres dominés... moins que psychose, c'est "la nuit de morts vivants" qui est le modèle, selon moi...et tous les films de genre...

-pour saisir la différence faut comparer Walking Dead, à World War Z, où tout le monde peut mourir, sauf les proches de Brad Pitt. La série nous dit : oubliez BP, le personnages principal; y a pas de principe, pas de personnage principal, mais des tas de personnages, généralement tous sans principes, tous mortels...

Nous trouvons ça plus réaliste, plus adulte... je sais pas...

(n'oublions pas que les personnages principaux de la Recherche meurent, comme ceux de Balzac, ou Kafka...)

C'est exactement l'inverse que je dis.
Le format télé (et c'est ce que je précise dans un autre paragraphe avec Colombo et Mr T) impose qu'il n'arrive rien de grave ou d'irréversible aux personnages principaux.

Bien sur que si c'est très contraignant d'écrire pour une série télévisée ! Autant (sinon plus) que pour un film. Bien évidemment certains films ont une durée programmée mais combien de réalisateurs-rices en pâtissent ? On écrit pas une saison ou on ne la planifie pas comme on la

Le succès d'une série peut jouer mais pas pendant l'écriture. En tout cas pas en ce qui concerne GoT qui s'est vu commandé une saison entière dès le 1er round quasiment. Et qui voit aujourd'hui son itinéraire bien tracé. Dans le monde de la télévision américaine (et c'est encore plus vrai pour les séries du câble) le succès c'est bien mais ça peut être embarrassant. Comme l'argent (contrairement aux films de cinéma) ne vient pas directement des téléspectateurs mais des chaines et de la publicité.
Vince Gilligan raconte que c'est avec la vente des DVD et la sortie de la saison 3 que Breaking Bad est devenu de mode et que ça l'a fait paniqué. Tant que c'était une petite série bizarre, un peu déviante et très violente qui plaisait à un nombre suffisant pour qu'on continue ok mais maintenant que ça devenait une chose énorme, la pression redoublait d'autant.

Baudouin, j'ai pris ça
" A la réflexion, Psycho faisait ça, et Psycho était déjà une affaire de format télé il me semble"
cité par BC comme étant de toi mais apparemment non. Borges alors ?
Qu'on rende à César...

En gros, ce que je voulais dire c'est : mettre à mort les personnages principaux c'est justement être dans ce qu'il y a de plus perturbant pour le téléspectateur qui ne retrouve plus ce même que la télévision lui promettait (séries classiques mais aussi présentateurs vedettes, émissions régulières etc). Je dressais un parallèle entre le cadre de production qu'impose une série télévisée et la façon dont des scénaristes, réalisateurs, auteurs tentaient de s'en échapper ou de transgresser ces formats (ou formatages) pour nous proposer quelque chose de plus vaste.
DB
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Message par Invité Ven 19 Juil 2013 - 21:16

Ok, DB, j'ai compris pour ma part que j'avais pas bien compris le sens initial de ta remarque. J'ai légèrement amendé le début de mon post en conséquence.
C'est relativement secondaire, puisque je poursuis mon "développement" en contestant, de toute façon, même pour les séries "classiques", cette idée d'un format ou formatage d'essence "télévisuel"...

La remarque sur Psychose, je ne crois pas que ce soit moi, mais je n'en suis pas sûr. lol


PS:

DB a écrit:Quant au ventre mou je pensais en grande partie au fait que Greygoy soit attaché à une croix et torturé pendant 10 épisodes pour... être attaché et torturé. On dirait une métaphore maladroite des scénaristes ne sachant pas quoi faire du personnage. Son récit commence et finit au même endroit avec un paquet d'artifices scénaristiques (je m'enfuie pour revenir, c'était un piège / je te donne un peu de plaisir, je te castre / je te cache mon identité, finalement je te la révèle...) pour combler le fait qu'ils ne savent pas quoi en faire.

Pendant 1 ou 2 épisodes, tu veux dire...

Bon, j'ai pas trouvé ça "ventre mou": torturé pour être torturé, par vengeance, cruauté : ça ne fait pas avancer le récit, mais ça fait partie du récit. On nous informe, au cas où on aurait encore quelque doute, que ce brave petit monde de puissants, qu'il aient le vent en poupe ou qu'ils soient déchus, humiliés, est assez bien composé de malades extrêmement dangereux, cad pas exactement de grands rationalistes derrière (ou même à cause de) leurs plans et leurs stratégies sophistiquées... Horrible fin pour le traitre, et ça sert à rien de le torturer comme ça, pour le plaisir, maintenant qu'il sait qui est son bourreau, certes, certes... Mais justement, c'est ça qu'on nous montre: que ça sert à rien. C'est une vérité à ne pas euphémiser, que ces nobles personnes aiment la torture pour la torture...
Non moi ça m'a pas gêné, cette "redondance qui n'est pas elliptique", comme dirait monsieur de La Palice (dans l'économie du récit, entendons-nous bien) ...

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Message par lucane Sam 20 Juil 2013 - 11:45

Une des nouvelles règles de la série télé, c'est que ça zigouille sec. Pas un hasard que Darabont ait été producteur exécutif sur Walking Dead pendant une saison et demi. Il avait déjà signé avec The Mist, et son finale, une jolie saloperie cynique. Le cadre se doit d'être un abattoir. Et en effet, c'est pas rien (Soprano et The Wire fonctionnait encore sur autre chose, auront autant présagé que contenu le cadre-abattoir). Déplacement, inflation : ce qui pouvait arriver à un personnage en fin de saison, et faire sensation, arrive désormais à plusieurs à n'importe quel moment. Un groupe s'impose, comme vivier à cadavres (Colombo aujourd'hui serait à la tête d'une équipe) ; nécessité de la communauté pour entreprise morbide de grande ampleur. Mais alors qu'en est-il des cachets, des budgets ? Andrew Lincoln gagne-t-il autant que Bryan Cranston ? The Walking Dead tombe en tout cas pile poil au bon moment pour assurer le service. Lors d'interviews, les acteurs se disent rassurés d'avoir survécu et d'être reconduits pour une saison, mais ignorent encore s'ils la termineront. Gros suspense. Tout le monde s'inquiète.
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Message par DB Dim 21 Juil 2013 - 7:50

Pour le plaisir, c'est très drôle (il en existe d'autres mais pas tout autant réussis)

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Message par Dr. Apfelgluck Sam 31 Aoû 2013 - 16:18

J'ai eu entre les mains un livre de Ignacio Romanet nommé "Propagandes silencieuses", axé principalement sur l'idéologie dans le cinéma bis, les films sur la guerre du Vietnam et les séries des années 70.
Il y a un chapitre mettant en parallèle Columbo et Kojak. A la base, l'inspecteur s'appelait Fisher. Un pilote avait été tourné avec l'acteur Bert Freed, mais NBC n'était pas satisfait. C'est la chaîne qui demanda aux deux créateurs de la série de renommer Fisher en Columbo et d'engager un acteur moins WASP. La chaîne voulait absolument un personnage typé italien pour représenter le "bon flic de la middle class", afin de donner leur vision de la "Bonne Grande Famille Américaine".
Le nom Columbo aurait été choisit pour son rapprochement avec Columbus. Dans plusieurs notes de production, il est fait mention du choix de Peter Falk car "il a un oeil de verre". Rapprochement avec Kojak, qui est chauve. Les deux inspecteurs ont donc chacun leurs caractéristiques physiques identifiable (la calvitie et l'oeil de verre) mais aussi leurs tics : Kojak et ses sucettes, Columbo qui ne trouve jamais ses stylos.
Romanet met aussi en parralèle les deux "looks" des inspecteurs : Kojak et ses costards à la "Mean Streets" et Columbo et sa tenue dépenaillée. Si Kojak à l'apparence des criminels auquel à parfois affaire Columbo, ce dernier a celle de ceux auquel se mèle Kojak. Pour Romanet, Kojak est celui qui essaie de "réconcilier" les criminels bas de gamme avec l'idée de l'Amérique, la grande communauté. Tandis que Columbo est le redresseur de tord de la middle class, le bon flic un peu rêveur et idéaliste qui fait la morale à la classe bourgeoise. Deux personnage un peu à la Capra, selon lui.
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Message par gertrud04 Lun 2 Sep 2013 - 11:59

Dr. Apfelgluck a écrit:Romanet met aussi en parralèle les deux "looks" des inspecteurs : Kojak et ses costards à la "Mean Streets" et Columbo et sa tenue dépenaillée
Je revois en ce moment les Columbo et j’avais oublié à quel point cette série pouvait être très drôle. A propos de l’aspect de plus en plus négligé du personnage au fil des saisons (héritage Casavetien ?), il y a une scène tordante dans "Negative Reaction » (Saison 4).

Spoiler:


Jusqu’à présent (je finis la saison 4), mes épisodes préférés :

- pour l’intrigue : « By Dawn's Early Light" avec un Patrick Mac Goohan délicieusement pervers en colonel d’académie miltaire où on règle ses comptes à coup de canon.

- Pour l’émotion : « Any Old Port in a Storm » avec ce couple touchant formé par Donald Pleasance producteur vinicole et Julie Harris sa secrétaire, secrètement amoureuse de son patron assassin.

- Pour le rire (encore) : « Double Shock » avec Martin Landau. Faut voir Columbo improviser dans une série TV culinaire, c’est à mourir de rire.

- Pour une raison futile : le tout premier « Prescription: Murder » car Peter Falk y est tout jeunot et tout mimi.

Ah oui redécouvert aussi que dans « Mind Over Mayhem », on y croise Robby le robot (de Planète interdite) et un petit génie surnommé Steven Spelberg (sans le i). Tu l’as aimé celui-ci Jerzy ? Very Happy
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Message par Dr. Apfelgluck Lun 2 Sep 2013 - 12:03

gertrud04 a écrit:
Dr. Apfelgluck a écrit:Romanet met aussi en parralèle les deux "looks" des inspecteurs : Kojak et ses costards à la "Mean Streets" et Columbo et sa tenue dépenaillée
Je revois en ce moment les Columbo et j’avais oublié à quel point cette série pouvait être très drôle. A propos de l’aspect de plus en plus négligé du personnage au fil des saisons (héritage Casavetien ?), il y a une scène tordante dans "Negative Reaction » (Saison 4).

Spoiler:
Dans le genre, il y a un épisode où un meurtre a lieu dans une décharge. Columbo arrive fièrement au volant de sa Peugeot, mais le policier de piquet à l'entrée lui refuse l'accès en prétextant "Désolé monsieur, la déchargé est exceptionnellement fermée aujourd'hui".
Dr. Apfelgluck
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Message par wootsuibrick Ven 20 Déc 2013 - 13:40



Peu probable que la série s’en tienne à cette logique socio-historique froide. Outre la surenchère, la pauvre dernière scène de la saison 3 où notre Khaleesi callipyge lève une armée d’esclaves libérés de leurs chaînes, nous fait craindre une propension aux bons sentiments. Cet humanisme niais qui du Nord au Sud se rapproche du centre. Gageons que Tywin Lannister en triomphe.

http://www.revuezinzolin.com/2013/06/game-of-thrones-panem-et-circenses/

drôle de fin d'article...
wootsuibrick
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Message par balthazar claes Ven 20 Déc 2013 - 16:15

wootsuibrick a écrit:

Outre la surenchère, la pauvre dernière scène de la saison 3 où notre Khaleesi callipyge lève une armée d’esclaves libérés de leurs chaînes, nous fait craindre une propension aux bons sentiments. Cet humanisme niais qui du Nord au Sud se rapproche du centre. Gageons que Tywin Lannister en triomphe.


La suite immédiate de cet épisode, déjà publiée depuis plusieurs années, part dans la direction exactement opposée à ce que ce clairvoyant Léon gage. Pourrait se renseigner avant de s'écouter parler le Léon.

balthazar claes

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