Fair Game (D. Liman) : De bonne guerre
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Fair Game (D. Liman) : De bonne guerre
« If you say that someone is fair game, you mean that it is acceptable to criticize or attack them, usually because of the way that they behave. »
C'est de bonne guerre. Une fois que vous vous êtes fait à l’idée que la vraie guerre a lieu à Washington, et non à Bagdad, et que la principale victime de ce conflit n’est pas l’un des 100 000 civils irakiens tués en sept ans, mais une agent de la CIA, experte en manipulation par pur amour de la vérité ; Une fois accepté que le dossier de la guerre contre l’Irak puisse servir à démontrer la vigueur de la démocratie américaine plus que le désastre des mensonges d’Etat ; Une fois accepté qu’au moment où les bombes explosent sans répit à Bagdad, l’urgence soit de sauver, encore et toujours, l’honneur de l’Amérique ; alors, vous avez tout loisir de prendre du plaisir à Fair game, un thriller d’espionnage bien fait, bien joué, et rondement mené.
C’est le jeu ; à la guerre comme à la guerre. Vous retiendrez, au choix, l’image édifiante de Sean Penn bénissant l’Amérique, où la vérité finit toujours par triompher au terme d’une épopée fidèlement menée depuis son origine par une poignée de héros amoureux de ses principes fondateurs ; ou bien celle, moins confortable, d’un père de famille irakien et de son fils, filmés dans leur voiture en plan séquence, au moment où prisonniers d’un embouteillage, ils tentent d’échapper au chaos, aux tirs qui fusent de toutes parts. Mais l’idéal serait évidemment que vous reteniez les deux, et que vous repartiez avec l’idée que l’Amérique est décidément le pays des justes car tel est le but de cet exercice de doute méthodique, où l’Amérique, doutant de tout, ne peut donc plus douter d’elle-même et de son amour de la vérité.
Un tel amour console de tout et rachète bien des fautes. Ce père de famille irakien et son fils, abandonnés, trahis par la CIA, se consoleront, s’ils sont morts, de n’être pas morts en vain : un carton, au générique, nous apprendra qu’aujourd’hui, Valerie Plame est en vie avec toute sa famille à Santa-Fe. L’Amérique est sauve – donc, la vérité. Nous voilà rassurés.
Nous avons besoin d’épopées, sans doute. Mais pourquoi faut-il qu’une seule nation au monde revendique l’exclusivité de nous fabriquer des héros ? Et quels héros : des tricheurs milliardaires (Fincher), des agents de la CIA (Liman), des manipulateurs de rêves sans scrupules (Nolan). Si forts et si fragiles à la fois. De quoi rameuter le monde entier au chevet de la superpuissance aux supers états d’âme.
C'est de bonne guerre. Une fois que vous vous êtes fait à l’idée que la vraie guerre a lieu à Washington, et non à Bagdad, et que la principale victime de ce conflit n’est pas l’un des 100 000 civils irakiens tués en sept ans, mais une agent de la CIA, experte en manipulation par pur amour de la vérité ; Une fois accepté que le dossier de la guerre contre l’Irak puisse servir à démontrer la vigueur de la démocratie américaine plus que le désastre des mensonges d’Etat ; Une fois accepté qu’au moment où les bombes explosent sans répit à Bagdad, l’urgence soit de sauver, encore et toujours, l’honneur de l’Amérique ; alors, vous avez tout loisir de prendre du plaisir à Fair game, un thriller d’espionnage bien fait, bien joué, et rondement mené.
C’est le jeu ; à la guerre comme à la guerre. Vous retiendrez, au choix, l’image édifiante de Sean Penn bénissant l’Amérique, où la vérité finit toujours par triompher au terme d’une épopée fidèlement menée depuis son origine par une poignée de héros amoureux de ses principes fondateurs ; ou bien celle, moins confortable, d’un père de famille irakien et de son fils, filmés dans leur voiture en plan séquence, au moment où prisonniers d’un embouteillage, ils tentent d’échapper au chaos, aux tirs qui fusent de toutes parts. Mais l’idéal serait évidemment que vous reteniez les deux, et que vous repartiez avec l’idée que l’Amérique est décidément le pays des justes car tel est le but de cet exercice de doute méthodique, où l’Amérique, doutant de tout, ne peut donc plus douter d’elle-même et de son amour de la vérité.
Un tel amour console de tout et rachète bien des fautes. Ce père de famille irakien et son fils, abandonnés, trahis par la CIA, se consoleront, s’ils sont morts, de n’être pas morts en vain : un carton, au générique, nous apprendra qu’aujourd’hui, Valerie Plame est en vie avec toute sa famille à Santa-Fe. L’Amérique est sauve – donc, la vérité. Nous voilà rassurés.
Nous avons besoin d’épopées, sans doute. Mais pourquoi faut-il qu’une seule nation au monde revendique l’exclusivité de nous fabriquer des héros ? Et quels héros : des tricheurs milliardaires (Fincher), des agents de la CIA (Liman), des manipulateurs de rêves sans scrupules (Nolan). Si forts et si fragiles à la fois. De quoi rameuter le monde entier au chevet de la superpuissance aux supers états d’âme.
Eyquem- Messages : 3126
Re: Fair Game (D. Liman) : De bonne guerre
Et cette fin, cette transposition en images d'archive. "Tout comme" le générique de la Vénus Noire.
Transposition "clé".
Et nauséeuse.
Transposition "clé".
Et nauséeuse.
careful- Messages : 690
Re: Fair Game (D. Liman) : De bonne guerre
GDH rappelle dans son dernier livre que les usa avaient acheté au début de leur intervention en afghanistan... tous les droits sur les images satellites qui pourraient être prises de la région...
acheter plutôt que censurer, c'est aussi la stratégie utilisée dans le cas de ce livre :
Pentagon May Buy Up Copies of Afghan War Book Over Disclosure Fears
tout le cinéma de H Farocki est animé par une volonté politique d'émancipation des images, leur restitution dans l'espace public, au public; GDH rappelle l'étymologie du terme "émancipation" : "Emancipare, en latin, veut dire : libérer quelque chose ou quelqu'un d'une autorité elle-même liée à un droit de propriété , acquis par une opération commerciale, un acte de vente. "
"que les images, les œuvres, se vendent, et s'achètent implique que le propriétaire dispose du droit de les retirer de l'espace public, de les cacher, de refuser qu'elles soient vues, accessibles à tous (triste mythe de la transparence, du flots des images qui interdit tout secret); propriétaire d'un tableau on peut l'enfermer dans un coffre fort...(...) l'armée américaine s'arrangea, avant d'envahir l'afghanistan, pour acquérir tous les droits des images satellite de la région afin que personne ne puisse voir ce qui se passait sur le terrain..., ce qu' Alfredo Jaar a bien raconté dans sa pièce de 2002 "lament of the images" "
(GDH, remontages du temps subi, 2, 129)
acheter plutôt que censurer, c'est aussi la stratégie utilisée dans le cas de ce livre :
Pentagon May Buy Up Copies of Afghan War Book Over Disclosure Fears
tout le cinéma de H Farocki est animé par une volonté politique d'émancipation des images, leur restitution dans l'espace public, au public; GDH rappelle l'étymologie du terme "émancipation" : "Emancipare, en latin, veut dire : libérer quelque chose ou quelqu'un d'une autorité elle-même liée à un droit de propriété , acquis par une opération commerciale, un acte de vente. "
"que les images, les œuvres, se vendent, et s'achètent implique que le propriétaire dispose du droit de les retirer de l'espace public, de les cacher, de refuser qu'elles soient vues, accessibles à tous (triste mythe de la transparence, du flots des images qui interdit tout secret); propriétaire d'un tableau on peut l'enfermer dans un coffre fort...(...) l'armée américaine s'arrangea, avant d'envahir l'afghanistan, pour acquérir tous les droits des images satellite de la région afin que personne ne puisse voir ce qui se passait sur le terrain..., ce qu' Alfredo Jaar a bien raconté dans sa pièce de 2002 "lament of the images" "
(GDH, remontages du temps subi, 2, 129)
(lament of the images)
Borges- Messages : 6044
Re: Fair Game (D. Liman) : De bonne guerre
Eyquem a écrit:
Nous avons besoin d’épopées, sans doute. Mais pourquoi faut-il qu’une seule nation au monde revendique l’exclusivité de nous fabriquer des héros ?
on peut aussi dire avec Brecht : "Malheur au peuple qui a besoin de héros ! "
ou
Borges- Messages : 6044
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