Broken arrow (Delmer Daves)
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Taza, fils de Cochise. Douglas sirk
A Taza ; sa vie, effacée ; comme une feuille blanche immaculée devenue, prête à l'emploi _les menus détails que l'on connaît ; elle a ensuite été passée à la machine, en paragraphes exemplaires exhalant une fidélité que d'aucuns nommeraient soumission, un courage qui semble le fruit amer du renoncement, un éloge de l'amitié pour lequel ne résonne jamais le bris de chaînes rouillées .
La révolte portait le nom de Géronimo, celui qui ne renonça jamais à ses croyances, qui regretta , à la fin de sa vie, s'être rendu à l'invitation d'une paix humiliante, et qui est là comme ailleurs, rabaissé, le mauvais indien, le lâche, le fourbe, le comploteur, le sale, le puant.
Pour être tout à fait honnête, envers Sirk, il convient de feuilleter un livre de conversations traduit en français qui semble être un des rares ouvrages disponible sur ce cinéaste.
Mais bien peu de choses sur Taza :
Sirk avoue son intérêt pour le western et particulièrement les indiens : il raconte qu'il a « essayé de compiler autant de folklore que possible dans le film ».
Et en effet, il organise ses plans du village apache, « en profondeur », peut être tenter par l'expérimentation de la 3D (qui, dit il, lui opposa nombre de soucis techniques), posant au premier plan des objets ou des figures aux qualités symboliques et/ou dramatiques comme il le fera dans imitation of life ;
des symboles qui accompagnent le regard du spectateur, qui jouent le rôle de seuil de l'image devenue maison, lieu, espace bâti dans l'espace, clôt, propre à l'impureté de l'exercice de la vie_au double sens de l'expérience et du mouvement.
Taza à l'intérieur du bureau, en tenue militaire, tandis que l'indien rebelle au diktat de l'administration américaine est remisé à l'extérieur, hors de la communauté américaine
Dans le désordre de la représentation, les points d'ancrages que sont les acteurs agissent-ils de la même manière sur la curiosité du spectateur ?
Orientent-ils la pulsion scopique ? Regardent-ils la masse hétérogène des visages des indiens qui occupent là un lieu intermédiaire entre l'avant scène et le décor, un chœur sans parole, plantes anthropomorphes du désert dont le regard interdit brutalise la fiction devenue frêle et anxieuse.
Et que voient-ils ?
Sirk ajoute que « les indiens du film sont de vrais peau-rouges qui n'avaient pas encore été gâtés par John Ford ».
Mais bien peu de choses sur Taza … faut-il le dire à nouveau, à Brion, à la voix du profond de la nuit et du temps, qui considérait Taza fils de cochise comme un grand film de Sirk?
Beau ; oui, assurément, la poussière, et la saleté, et le désert ; les arbustes décharnés comme des sculptures de Giacometti ; Taza est beau malgré tout, dans l'improvisation, plus beau que tout le cinéma de DD, malgré tout, malgré le tutorat du récit.
Son Taza est un homme de compromis, un personnage intermédiaire vacillant entre deux camps opposés, l'armée américaine et les indiens rebelles.
L'histoire est une pure fantaisie qui s 'éloigne tellement des événements tels qu'on peut les glaner aujourd'hui, au contraire de la flèche brisée qui respectait somme toute un schéma historique plus rigoureux, que l'étonnement est de mise.
Les prémisses semblent pourtant justes :
Cochise, avant de mourir, choisit son fils aîné, Taza, pour lui succéder, en lui faisant promettre de respecter la paix signée avec les hommes blancs ; le gouvernement américain.
Il aurait ajouté « aussi longtemps qu'ils (les chiricahuas) le pouvaient » mais cela ne figure pas dans le film.
Dans ce dernier, un conflit amoureux entre Taza et son frère, Naiche, provoque une dissension au sein du groupe.
L'impossibilité pour Taza d'épouser la femme qu'il aime exprime la désunion à l’œuvre dans le groupe, l'impossibilité de la concorde maintenue, l’impossibilité de la réciprocité entre familles claniques, quand les différences se font manifestes, entre destinées désirées, offertes à la circularité du temps, à l'écueil des saisons.
Le vieux général Crook aux opinions très tranchées et l'ancien qui refuse sa fille à Taza sont des hommes hantés par la vengeance, par le passé sanglant, refusant tout deux un pas vers une compréhension mutuelle.
Sirk choisit de montrer l'extrémisme à l’œuvre de chaque côté :
Les exactions de l'armée sont représentées comme venant d'une incompréhension, de la peur qui en découle, ou tout simplement de la bêtise de la hiérarchie instituée dans la machine militaire ; mais le Mal est absent des cœurs …
Tandis que les rebelles apaches, enfants boudeurs des âges premiers _ à la moue impassible, s'épanchent en insatisfaction et en passions particulières :
L'attaque d'un chariot, une famille de colons, par le frère de Taza, Naiche, permet à Sirk de construire deux visions paradoxales accolées l'une à l'autre, et dont la réunion provoque la violence et la mort ;
d'une part le désert minéral et stérile lié à la représentation coutumière de la vie des apaches : un arbre contorsionné par le manque accueille l'arrivée des cavaliers indiens.
Le contre champ, c'est un chariot comme on en voit dans Wagon Master, la nuit étoilée qui tombe sur une famille américaine, une rigole où coule une eau pure et claire, un paysage où pointe de la verdure, une petite vignette des promesses de la frontière qui nie aux indiens leur existence même, les repousse au loin, aux bordures de la misère et de l'extinction.
comment habiter ce monde en perpétuel changement, quel corps revêtir ? Sirk était lui aussi un apatride, un exilé, ayant trouvé refuge dans une Amérique qu'il aimait comme il aimait les westerns de Ford.
D'abord Taza et ses hommes s'emparent du fort des soldats _ ils cherchent un lieu où vivre, puis il revêt l'uniforme de l'armée américaine afin de créer une police apache, réprimant les crimes des leur, sous l'autorité cependant de la hiérarchie militaire.
N'est-on pas là dans un renversement des données historiques ? Le lieu de sépulture de Cochise, c'est cette terre retournée, piétinée, par les sabots des chevaux des membres de sa tribu, ultime hommage qui en fait disparaître les traces par d'autres plus communes. Cette terre qu'il a choisi comme l'emplacement de la réserve.
A la fin de l'été 74, quelques mois après le décès de Cochise, un ingénieur, JT Rothrock, passa à Sulphur Springs dans la réserve des Chiricahuas quelque temps qu'il consacra à étudier les potentialités du lieu en matière d'extraction minière et de culture, d'élevage. Il en ressortit un rapport des plus optimistes que l'Administration ne manqua pas de consulter.
Le seul obstacle restait une poignée de sauvages et une paix signée que la décision de diminuer les rations de viande en févier 76 va rendre très fragile, malgré les efforts de Jeffords, un bien singulier agent de réserve, pour aider les indiens Chiricahuas placés sous son autorité (il falsifiera les registres de présence, achètera des denrées sur ses fonds personnels).
Taza était devenu chef des Chokonens, sans posséder le leadership de son père.
Il était déjà marié au contraire de ce qui est dit dans le film de Sirk, et si l'on en croit la littérature à son sujet, à la propre sœur de Géronimo ! Nah-dos-te, avec laquelle il avait eu un bébé âgé de 6 mois à la mort de Cochise.
Mais ce que le film raconte aussi et avant tout, c'est la politique de concentration des tribus indiennes organisée par le gouvernement américain à partir de 1876 :
Le regroupement des apaches et de toutes les tribus associées de l'Arizona et du Nouveau Mexique, quelque soit leurs relations les unes avec les autres, dans la réserve de San Carlos que Daklugie, fille de Juh, un chef des Nednhis, décrivait comme un endroit épouvantable, le pire dans tout leur vaste territoire.
Chez Sirk, c'est l'armée qui s'occupe du transfert des indiens et du contrôle de la réserve alors que ce n'est absolument pas le cas dans la réalité ;
déjà les relations de Jeffords avec l'Armée étaient déplorables car il les tenait à l'écart de la réserve choisie par Cochise.
A la suite de malversations et d'enquêtes sur des faits de corruption au sein de l'administration Grant (son secrétaire à la guerre, Belknapp, aurait accepté des pots de vin pour accorder des licences à des compagnies privées sur le domaine des réserves), de la mauvaise distribution des denrées, ou de leur simple vol, promises aux indiens reclus, le gouvernement offrit à un mouvement religieux protestant, l'église réformée néerlandaise, la responsabilité des réserves indiennes, dans le cadre de la peace policy peut-être.
En août 1874, un jeune homme de 22 ans, John Clum, est promu agent de San Carlos par la biais d'une recommandation de l'Eglise sus mentionnée (il avait été étudiant en théologie au collège Rutgers dans le New Brunswick). Ce personnage n’apparaît pas dans le film et pourtant son apport à l'acculturation des indiens apaches ne peut être négligé.
C'est lui, et non Taza (renversement à nouveau, le bon indien, au cinéma, anticipe, ou fait siennes, les politiques qui ont été menée, les décisions qui ont été prises, dans le réel par des représentants du Gouvernement ou de l'idéologie dominante, religieuse ici ?) qui était alors dans la réserve des Chiricahuas, qui réorganise les principes de l'autorité.
Après son arrivée, il demande aux chefs des clans ou des groupes présents sur la réserve de lui fournir chacun quatre « bons indiens » qui serviront de policiers (il leur attribuera des sobriquets affectueux comme à des animaux de compagnie...).
Il institue en parallèle une court de loi Apache dont il s'accorde le rôle de juge suprême.
Il met en place également un programme de travaux auquel il fait participer les indiens comme ouvriers et artisans.
A cela s'ajoute une politique de désarmement et de prohibition de l'alcool ;
un des effets néfastes de la politique des réserves était l'envoi de maïs comme denrées alimentaires que les indiens transformaient par fermentation en un breuvage alcoolisé appelé Tulapai, Tishwin ou encore « eau grise ». La consommation de ce breuvage intervenait dans des rituels ou lors d'interactions sociales ou simplement comme palliatif à une vie morose, sans perspective.
En février 76, l'ordre de diminuer les rations obligent les Chiricahuas de Taza à trouver d'autres moyens d'existence : des scissions interviennent ; une partie d’entre eux retournent dans les dragoon mountains, certains vont organiser des raids au Mexique ; Taza quant à lui retourne à l'agence avec la confiance d'une majorité des Chokonens.
Mais au premier avril, un employé véreux de la station de diligence vend du whisky à un groupe d'apache revenant d'un raid; les discussions semblent s'être rapidement détériorés et deux employés sont tués, des armes volées.
En mai, John Clum reçoit instructions pour se rendre à la réserve des Chiricahuas et suspendre Jeffords de son office.
En Juin, Skinya, l'un des apaches rebelles, tente de rameuter des partisans au rancheria de Taza, mais des heurts se produisent et sept des rebelles sont tués dont Skinya.
Entretemps, John Clum était arrivé à Sulphur Springs avec 56 membres de sa police apache. Les récents événements semblent déterminer Taza à la suivre à San Carlos. Seuls la moitié du nombre initial de Chiricahuas qui vivaient à l'agence le suivent.
Cependant, il est dit que Taza enverra sa femme et son enfant dans une cache dans la Sierra Madre où ils resteront jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.
Taza meurt d'une pneumonie quelques mois plus tard, lors d'un voyage à Washington planifié par Clum. Des représentations théâtrales étaient organisées tout au long du parcours qui comptaient les indiens comme acteurs de je ne sais quelle pièce montée.
Alors peut être que Taza, qui était il réellement? est mort de la fiction à deux reprises.
La révolte portait le nom de Géronimo, celui qui ne renonça jamais à ses croyances, qui regretta , à la fin de sa vie, s'être rendu à l'invitation d'une paix humiliante, et qui est là comme ailleurs, rabaissé, le mauvais indien, le lâche, le fourbe, le comploteur, le sale, le puant.
Pour être tout à fait honnête, envers Sirk, il convient de feuilleter un livre de conversations traduit en français qui semble être un des rares ouvrages disponible sur ce cinéaste.
Mais bien peu de choses sur Taza :
Sirk avoue son intérêt pour le western et particulièrement les indiens : il raconte qu'il a « essayé de compiler autant de folklore que possible dans le film ».
Et en effet, il organise ses plans du village apache, « en profondeur », peut être tenter par l'expérimentation de la 3D (qui, dit il, lui opposa nombre de soucis techniques), posant au premier plan des objets ou des figures aux qualités symboliques et/ou dramatiques comme il le fera dans imitation of life ;
des symboles qui accompagnent le regard du spectateur, qui jouent le rôle de seuil de l'image devenue maison, lieu, espace bâti dans l'espace, clôt, propre à l'impureté de l'exercice de la vie_au double sens de l'expérience et du mouvement.
Taza à l'intérieur du bureau, en tenue militaire, tandis que l'indien rebelle au diktat de l'administration américaine est remisé à l'extérieur, hors de la communauté américaine
Dans le désordre de la représentation, les points d'ancrages que sont les acteurs agissent-ils de la même manière sur la curiosité du spectateur ?
Orientent-ils la pulsion scopique ? Regardent-ils la masse hétérogène des visages des indiens qui occupent là un lieu intermédiaire entre l'avant scène et le décor, un chœur sans parole, plantes anthropomorphes du désert dont le regard interdit brutalise la fiction devenue frêle et anxieuse.
Et que voient-ils ?
Sirk ajoute que « les indiens du film sont de vrais peau-rouges qui n'avaient pas encore été gâtés par John Ford ».
Mais bien peu de choses sur Taza … faut-il le dire à nouveau, à Brion, à la voix du profond de la nuit et du temps, qui considérait Taza fils de cochise comme un grand film de Sirk?
Beau ; oui, assurément, la poussière, et la saleté, et le désert ; les arbustes décharnés comme des sculptures de Giacometti ; Taza est beau malgré tout, dans l'improvisation, plus beau que tout le cinéma de DD, malgré tout, malgré le tutorat du récit.
Son Taza est un homme de compromis, un personnage intermédiaire vacillant entre deux camps opposés, l'armée américaine et les indiens rebelles.
L'histoire est une pure fantaisie qui s 'éloigne tellement des événements tels qu'on peut les glaner aujourd'hui, au contraire de la flèche brisée qui respectait somme toute un schéma historique plus rigoureux, que l'étonnement est de mise.
Les prémisses semblent pourtant justes :
Cochise, avant de mourir, choisit son fils aîné, Taza, pour lui succéder, en lui faisant promettre de respecter la paix signée avec les hommes blancs ; le gouvernement américain.
Il aurait ajouté « aussi longtemps qu'ils (les chiricahuas) le pouvaient » mais cela ne figure pas dans le film.
Dans ce dernier, un conflit amoureux entre Taza et son frère, Naiche, provoque une dissension au sein du groupe.
L'impossibilité pour Taza d'épouser la femme qu'il aime exprime la désunion à l’œuvre dans le groupe, l'impossibilité de la concorde maintenue, l’impossibilité de la réciprocité entre familles claniques, quand les différences se font manifestes, entre destinées désirées, offertes à la circularité du temps, à l'écueil des saisons.
Le vieux général Crook aux opinions très tranchées et l'ancien qui refuse sa fille à Taza sont des hommes hantés par la vengeance, par le passé sanglant, refusant tout deux un pas vers une compréhension mutuelle.
Sirk choisit de montrer l'extrémisme à l’œuvre de chaque côté :
Les exactions de l'armée sont représentées comme venant d'une incompréhension, de la peur qui en découle, ou tout simplement de la bêtise de la hiérarchie instituée dans la machine militaire ; mais le Mal est absent des cœurs …
Tandis que les rebelles apaches, enfants boudeurs des âges premiers _ à la moue impassible, s'épanchent en insatisfaction et en passions particulières :
L'attaque d'un chariot, une famille de colons, par le frère de Taza, Naiche, permet à Sirk de construire deux visions paradoxales accolées l'une à l'autre, et dont la réunion provoque la violence et la mort ;
d'une part le désert minéral et stérile lié à la représentation coutumière de la vie des apaches : un arbre contorsionné par le manque accueille l'arrivée des cavaliers indiens.
Le contre champ, c'est un chariot comme on en voit dans Wagon Master, la nuit étoilée qui tombe sur une famille américaine, une rigole où coule une eau pure et claire, un paysage où pointe de la verdure, une petite vignette des promesses de la frontière qui nie aux indiens leur existence même, les repousse au loin, aux bordures de la misère et de l'extinction.
comment habiter ce monde en perpétuel changement, quel corps revêtir ? Sirk était lui aussi un apatride, un exilé, ayant trouvé refuge dans une Amérique qu'il aimait comme il aimait les westerns de Ford.
D'abord Taza et ses hommes s'emparent du fort des soldats _ ils cherchent un lieu où vivre, puis il revêt l'uniforme de l'armée américaine afin de créer une police apache, réprimant les crimes des leur, sous l'autorité cependant de la hiérarchie militaire.
N'est-on pas là dans un renversement des données historiques ? Le lieu de sépulture de Cochise, c'est cette terre retournée, piétinée, par les sabots des chevaux des membres de sa tribu, ultime hommage qui en fait disparaître les traces par d'autres plus communes. Cette terre qu'il a choisi comme l'emplacement de la réserve.
A la fin de l'été 74, quelques mois après le décès de Cochise, un ingénieur, JT Rothrock, passa à Sulphur Springs dans la réserve des Chiricahuas quelque temps qu'il consacra à étudier les potentialités du lieu en matière d'extraction minière et de culture, d'élevage. Il en ressortit un rapport des plus optimistes que l'Administration ne manqua pas de consulter.
Le seul obstacle restait une poignée de sauvages et une paix signée que la décision de diminuer les rations de viande en févier 76 va rendre très fragile, malgré les efforts de Jeffords, un bien singulier agent de réserve, pour aider les indiens Chiricahuas placés sous son autorité (il falsifiera les registres de présence, achètera des denrées sur ses fonds personnels).
Taza était devenu chef des Chokonens, sans posséder le leadership de son père.
Il était déjà marié au contraire de ce qui est dit dans le film de Sirk, et si l'on en croit la littérature à son sujet, à la propre sœur de Géronimo ! Nah-dos-te, avec laquelle il avait eu un bébé âgé de 6 mois à la mort de Cochise.
Mais ce que le film raconte aussi et avant tout, c'est la politique de concentration des tribus indiennes organisée par le gouvernement américain à partir de 1876 :
Le regroupement des apaches et de toutes les tribus associées de l'Arizona et du Nouveau Mexique, quelque soit leurs relations les unes avec les autres, dans la réserve de San Carlos que Daklugie, fille de Juh, un chef des Nednhis, décrivait comme un endroit épouvantable, le pire dans tout leur vaste territoire.
Chez Sirk, c'est l'armée qui s'occupe du transfert des indiens et du contrôle de la réserve alors que ce n'est absolument pas le cas dans la réalité ;
déjà les relations de Jeffords avec l'Armée étaient déplorables car il les tenait à l'écart de la réserve choisie par Cochise.
A la suite de malversations et d'enquêtes sur des faits de corruption au sein de l'administration Grant (son secrétaire à la guerre, Belknapp, aurait accepté des pots de vin pour accorder des licences à des compagnies privées sur le domaine des réserves), de la mauvaise distribution des denrées, ou de leur simple vol, promises aux indiens reclus, le gouvernement offrit à un mouvement religieux protestant, l'église réformée néerlandaise, la responsabilité des réserves indiennes, dans le cadre de la peace policy peut-être.
En août 1874, un jeune homme de 22 ans, John Clum, est promu agent de San Carlos par la biais d'une recommandation de l'Eglise sus mentionnée (il avait été étudiant en théologie au collège Rutgers dans le New Brunswick). Ce personnage n’apparaît pas dans le film et pourtant son apport à l'acculturation des indiens apaches ne peut être négligé.
C'est lui, et non Taza (renversement à nouveau, le bon indien, au cinéma, anticipe, ou fait siennes, les politiques qui ont été menée, les décisions qui ont été prises, dans le réel par des représentants du Gouvernement ou de l'idéologie dominante, religieuse ici ?) qui était alors dans la réserve des Chiricahuas, qui réorganise les principes de l'autorité.
Après son arrivée, il demande aux chefs des clans ou des groupes présents sur la réserve de lui fournir chacun quatre « bons indiens » qui serviront de policiers (il leur attribuera des sobriquets affectueux comme à des animaux de compagnie...).
Il institue en parallèle une court de loi Apache dont il s'accorde le rôle de juge suprême.
Il met en place également un programme de travaux auquel il fait participer les indiens comme ouvriers et artisans.
A cela s'ajoute une politique de désarmement et de prohibition de l'alcool ;
un des effets néfastes de la politique des réserves était l'envoi de maïs comme denrées alimentaires que les indiens transformaient par fermentation en un breuvage alcoolisé appelé Tulapai, Tishwin ou encore « eau grise ». La consommation de ce breuvage intervenait dans des rituels ou lors d'interactions sociales ou simplement comme palliatif à une vie morose, sans perspective.
En février 76, l'ordre de diminuer les rations obligent les Chiricahuas de Taza à trouver d'autres moyens d'existence : des scissions interviennent ; une partie d’entre eux retournent dans les dragoon mountains, certains vont organiser des raids au Mexique ; Taza quant à lui retourne à l'agence avec la confiance d'une majorité des Chokonens.
Mais au premier avril, un employé véreux de la station de diligence vend du whisky à un groupe d'apache revenant d'un raid; les discussions semblent s'être rapidement détériorés et deux employés sont tués, des armes volées.
En mai, John Clum reçoit instructions pour se rendre à la réserve des Chiricahuas et suspendre Jeffords de son office.
En Juin, Skinya, l'un des apaches rebelles, tente de rameuter des partisans au rancheria de Taza, mais des heurts se produisent et sept des rebelles sont tués dont Skinya.
Entretemps, John Clum était arrivé à Sulphur Springs avec 56 membres de sa police apache. Les récents événements semblent déterminer Taza à la suivre à San Carlos. Seuls la moitié du nombre initial de Chiricahuas qui vivaient à l'agence le suivent.
Cependant, il est dit que Taza enverra sa femme et son enfant dans une cache dans la Sierra Madre où ils resteront jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.
Taza meurt d'une pneumonie quelques mois plus tard, lors d'un voyage à Washington planifié par Clum. Des représentations théâtrales étaient organisées tout au long du parcours qui comptaient les indiens comme acteurs de je ne sais quelle pièce montée.
Alors peut être que Taza, qui était il réellement? est mort de la fiction à deux reprises.
Invité- Invité
Re: Broken arrow (Delmer Daves)
je dirais plutôt que les prémisses sont mauvaise : le chef héréditaire des Indiens, c'est une invention des Blancs. le chef indien en général, c'est une invention des Blancs, qui en avaient besoin pour appliquer leurs plans de réformes et pour essayer de contrôler les tribus et les nations.Les prémisses semblent pourtant justes :
Cochise, avant de mourir, choisit son fils aîné, Taza, pour lui succéder
sinon, je trouve que ce que tu écris est intéressant. visiblement la politique indienne des USA était là même avec les Apaches qu'avec les Sioux. même si je m'en doutais déjà un peu.
comment comprends-tu (moralement, politiquement) cet écart de la fiction à l'histoire dans ce film ?
Invité- Invité
Re: Broken arrow (Delmer Daves)
Salut Stéphane; merci pour ta réponse; je pense que tu as raison au sujet de l'hérédité, il n'était pas évident que Taza obtint un statut proche de celui de son père au décès de celui ci. Cela a été ensuite je crois, une décision collective, en tout cas c'est rapporté comme tel. Il faudrait que je relise certains ouvrages pour m'en assurer, mais même les ouvrages que l'on peut compulser, en majorité anglo-saxons dans mon cas, ne sont pas exempts, loin de là, de visions tronquées, de paternalisme diffus. Certains font pourtant souvent référence à la "médecine", au shamanisme, à certains pouvoirs ou capacités attribuées à des personnes tel Cochise comme quelque chose qui pourrait être enseigné ou source d'un apprentissage? peut être héréditaire? En tout cas Taza était reconnu pour posséder certains talents.
La présence de l'armée américaine, comme étant à la manœuvre dans les réserves, c’est à la fois, peut être, une manière pour Sirk de se confronter à un aspect du western fordien, et pour le scénariste, une manière de simplifier et clarifier les données du problème pour le spectateur; pas besoin de s'interroger sur le statut d'agent de réserve, késako? etc
La fin est optimiste alors que le transfert à San Carlos a coïncidé avec la reprise des guerres apaches, une misère plus grande pour les indiens de cette région.
Enfin, je sais pas trop ...
c'est une question difficile. Pour moi c'est le lieu de conjectures pas foncièrement intéressantes lol la situation personnelle de Sirk, un exilé, qui lui fait comprendre la situation vécue par Taza et sa tribu, son désir de trouver un endroit où simplement être accepté et vivre, trouver un consensus avec ceux qui en possèdent les clés. D'autre part son amour pour sa terre d'accueil, qui n'est pas non plus aveugle ... après je ne sais pas, c'est un film qui pose beaucoup de questions et Sirk parle à un moment d'improvisation lors du tournage. Quel était son apport réel sur le scénario?comment comprends-tu (moralement, politiquement) cet écart de la fiction à l'histoire dans ce film ?
La présence de l'armée américaine, comme étant à la manœuvre dans les réserves, c’est à la fois, peut être, une manière pour Sirk de se confronter à un aspect du western fordien, et pour le scénariste, une manière de simplifier et clarifier les données du problème pour le spectateur; pas besoin de s'interroger sur le statut d'agent de réserve, késako? etc
La fin est optimiste alors que le transfert à San Carlos a coïncidé avec la reprise des guerres apaches, une misère plus grande pour les indiens de cette région.
Enfin, je sais pas trop ...
Invité- Invité
Re: Broken arrow (Delmer Daves)
C'est un film pro-indien, mais ça reste des indiens de studios. On reste dans l'imaginaire classique hollywoodien, que j'aime beaucoup personnellement c'est pas la question...
Le seul western pro-indien moderne en terme de cinéma que j'ai jamais vu c'est "Dead Man" de Jarmush
Là on a un indien qui ressemble plus à l'idée que je me fais d'un résistant vaincu. Il en a rien faire de ta pitié dégoulinante et de ton humanisme bon teint - c'est trop tard.
Y'a pas ce romantisme de la fresque historique, il film ça presque au présent. Ce mix entre le poète anglais romantique qu'il croit reconnaitre chez Johnny Deep et la culture animiste est juste génial en terme de scénario.
Iggy Pop, Lance Herriksen, John Hurt et oh joie oh félicité MONSIEUR Robert Mitchum, mais juste le miracle ce film quoi, tout ça au son de la guitare de Neil Young....
Tu met le dernier Tarantino à côté et tu rigoles à la comparaison.
Dead Man : bande-annonce (VOST)
Le seul western pro-indien moderne en terme de cinéma que j'ai jamais vu c'est "Dead Man" de Jarmush
Là on a un indien qui ressemble plus à l'idée que je me fais d'un résistant vaincu. Il en a rien faire de ta pitié dégoulinante et de ton humanisme bon teint - c'est trop tard.
Y'a pas ce romantisme de la fresque historique, il film ça presque au présent. Ce mix entre le poète anglais romantique qu'il croit reconnaitre chez Johnny Deep et la culture animiste est juste génial en terme de scénario.
Iggy Pop, Lance Herriksen, John Hurt et oh joie oh félicité MONSIEUR Robert Mitchum, mais juste le miracle ce film quoi, tout ça au son de la guitare de Neil Young....
Tu met le dernier Tarantino à côté et tu rigoles à la comparaison.
Dead Man : bande-annonce (VOST)
Invité- Invité
Re: Broken arrow (Delmer Daves)
Le début de The Indian Fighter (André De Toth, 1955) est affaire de regard(s), de points de vue, nous sommes donc en ce domaine où territoire cinématographique et territoire politique sont concomitants. Le bord d'une rivière de l'Oregon est l'endroit où se déroule cette scène introductive, rivière qui donne son beau nom au titre français du film (La Rivière de nos amours) d'ailleurs plus adapté que le titre original. La rivière, espace naturel qui partage mais qui aussi rassemble. Ces deux manières entremêlées de concevoir la rivière forgent le scénario très progressiste de Ben Hecht, et à sa suite la réalisation du cinéaste André De Toth. La rivière est liée aux amours du personnage Johnny Hawks (Kirk Douglas). Amours pluriels, puisqu'il y a d'abord celui qu'il éprouve pour une jeune indienne nommée Onahti (Elsa Martinelli), qu'il connaît depuis son enfance et dont certains des moments forts vont se jouer à proximité du courant d'eau, mais aussi, comme il l'explique à un photographe en cours de film, plus symboliquement, amour de l'Ouest, contrée sauvage et magnifique où coule d'ardentes et paisibles rivières, comparée à une belle femme.
Ces deux amours sont, comme la rivière, duaux. L'amour du couple blanc-indienne est aussi intense (avec tout ce que cela comporte d'imagerie hollywoodienne stéréotypée) que soumis aux fractures engendrées par la différence des sociétés auxquelles appartiennent les personnages. De même, la passion de Hawks pour l'Ouest sauvage est aussi mélancolique et parcourue par la prise de conscience que celle-ci deviendra toujours plus parasitée et séparée d'elle-même et de son unité par les futurs colons.
Mais revenons donc au bord de la rivière, à cette première scène qui jongle avec deux points de vue antagonistes, les rassemblant pourtant dans un très beau travail de montage (accompagné d'une fort belle mélodie utilisant un mélange de percussions indiens et de notes de flûte traversière).
La séquence se joue à trois : deux qui regardent et une qui est regardée. Nous accompagnons d'abord Hawks, l'éclaireur au nom de rapace à vue perçante, qui se promène à cheval au bord d'une rivière. Il semble s'intéresser à quelque chose en contrebas, au niveau du cours d'eau, et s'arrête pour mieux regarder.
Deuxième plan, nous découvrons ce que Hawks regardait : c'est une jeune indienne qui est en train de se dévêtir, accrochant ses quelques vêtements aux buissons, pour aller se baigner dans la rivière. Nous avons ici deux plans de déshabillage qui, dans le même temps, adoptent le point de vue de Hawks et, formellement, respectent scrupuleusement les interdictions du Code Hays prohibant la visibilité explicite des formes du corps féminin. Le corps de l'indienne nue est ainsi brutalement découpé par le cadre : de face au-dessus des seins, puis de dos au-dessus des fesses. Nous partageons avec Hawks une vision resplendissante de la nature mais déjà totalement assujettie au puritanisme réglementé de l'homme blanc. De Toth doit composer sa séquence avec cette violence imposée. En en prenant conscience de manière réflexive, il ne peut la véhiculer qu'à travers les yeux et le regard de l'homme blanc qui y est présent ; cet éclaireur qui apporte malgré lui la civilisation au cœur d'un Ouest virginal dont il n'est qu'une pièce rapportée qui ne voudrait le posséder que pour lui-même ("[..] To me, the West is like a beautiful woman. My woman. I like her the way she is, I don't want her changed. I'm jealous, I don't want to share her with anybody. [..]", ces propos de Hawks sont bien sûr à rapprocher de ceux du chef indien plus tôt, ce dernier terminait son discours critique envers les blancs par : "I'm already rich in the only wealth I want that which you see about us.").
Le plan très rapproché, de face, permet en plus de se rendre compte sans l'ombre d'un doute que cette "indienne" n'est en réalité pas plus indienne que les Lucy ou Debbie assises à l'époque dans la salle de cinéma pour regarder le film. Elle répond, elle aussi, à l'impératif classique des studios qui n'envisageaient pas qu'une vraie indienne puisse tenir un rôle dans lequel elle aura une idylle avec un homme blanc (alors même que les scénarios de films hollywoodiens regorgent de ce poncif colonialiste du couple homme blanc, femme indienne).
Au moment où Onahti se dirige nue dans la rivière, nous avons un nouveau plan d'au-dessus, de cette scène boisée et animée dont la jeune femme ignore tout. Mais cette fois, c'est un indien (Loup Gris) à cheval qui se présente dans le plan, et lui aussi regarde vers la rivière. Nous revenons alors, mais cette fois-ci du point de vue de l'indien, à la fille totalement nue qui se dirige à travers les buissons vers la rivière. Elle est filmée en plan plus lointain, certes toujours légèrement "habillée" par les branchages, mais composant maintenant un ensemble harmonieux avec la nature, sans la violence cisaillante de cadres moralistes.
Plan suivant, la position des deux hommes l'un part rapport à l'autre est clairement déterminée : Loup Gris se situe en surplomb par rapport à Hawks, si bien qu'il peut observer toute la scène : Onahti se baignant, et Hawks regardant Onahti. Dans cette configuration-là, malgré son rejet de la civilisation que nous découvrions plus tard, l'éclaireur paraît de trop, coincé entre l'indienne qu'il mate et l'indien qui le surveille avec désapprobation. Y'a-t-il mise en scène plus juste en la circonstance ?
http://www.scienezma.com/DC/the_indian_fighter
Invité- Invité
Re: Broken arrow (Delmer Daves)
la fameuse scène du bain,
chez Sirk:
chez Tourneur:
je suis sûr qu'on en trouverait chez Walsh aussi, différemment
chez Sirk:
chez Tourneur:
je suis sûr qu'on en trouverait chez Walsh aussi, différemment
Invité- Invité
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