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The Honneymoon Killers (L. Kastle, 1970)

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Message par Invité Dim 21 Oct 2012 - 15:44

Seul film de Kastle (autrement compositeur), The Honneymoon Killers est esthétiquement assez typique de son époque : N&B désaturé, montage a-structuré, pratiquement sans champ/contrechamp, privilégiant le plan large, passant sans vergogne d'une objectivité apparente à une caméra parfaitement subjective, etc...
On pense à Wanda de Loden, à Nignt of the Living Dead de Romero, deux autres premiers films (et unique pour le premier). On peut penser aussi au cassavetes de Faces – héritage ?
J'ai encore penser aux quelques extraits que j'ai vus des premiers Scorcese (Bertha Boxcar, Who's that Knocking at my Door?). Scorcese était pressenti pour tourner The Honeymoon Killers mais il a lâché l'affaire au bout d'une semaine. Faut dire qu'il n'est pas question de rédemption dans ce film, au contraire !
Arturo Ripstein en a fait un remake situé au Mexique, Profundo Carmesi, flamboyant et lyrique, comme d'habitude.

Pas de lyrisme chez Kastle. Plutôt un énorme effet de réel dû pour partie à l'esthétique, pour partie au scénario : le choix, revendiqué par le réalisateur dans les bonus du dvd édité par le CNC (qui finalement sert à quelque chose), de ne pas montrer plus de pitié pour les victimes que pour les assassins, ou pour aucun des personnages d'ailleurs. Laideur humaine que zéro cinégénie ne vient compenser. Tout est sordide, les sommes en jeu sont dérisoires, le désir est ramené au rang d'un dérèglement psycho-pathologique ou hormonal.
Il n'y a même pas à proprement parler d'histoire, de développement narratif réglé qui pourrait sauver un peu de beauté attendue, donner un peu de souffle organique. Au lieu de quoi, les raccords entre les épisodes criminels autant qu'entre les séquences sont purement mentaux, cose mentale, ne donnant pas d'autre cohérence que l'incohérence d'un monde voué à l'envie, à la greediness.

Même les meurtres n'offrent pas de dessin clair. On en voit trois dans le film. Le premier et le troisième sont déterminés par la conjonction du business et de la jalousie : business de Raymond Fernandez, qui consiste à séduire des femmes seules pour les dépouiller, et jalousie de Martha Beck folle (pathologiquement folle) amoureuse de Fernandez. Bien sûr, il y a une progression dans l'horreur de l'un à l'autre : le premier est un empoisonnement au somnifère qui paraît presque accidentel (sauf que Beck est une ancienne infirmière), l'autre est l'exécution de sang-froid, d'une balle dans la tête, d'une mère suivi de la noyade de sa fillette de 4 ou 5 ans. Entre les deux, les amants assomment une vieille à coups de marteau et l'achèvent en l'étranglant avec un tourniquet quasi médical (encore l'ancienne infirmière). Et il y a une gradation monstrueuse dans ces trois meurtres, mais elle est largement effacée par les contextes : d'une part les meurtres sont toujours dépendants d'une conjoncture, les assassins n'en décident ni le lieu ni l'heure ni les moyens, ils sont toujours quelque chose qui leur échappe pour l'essentiel mais sans qu'on puisse dire qu'ils s'imposent à eux ; d'autre part le meurtre intercalaire, celui de la vieille, répond à un motif tout différent des deux autres, il n'y a pas vraiment de jalousie, c'est d'abord une question de business.
Surtout, aucun de ces assassinats ne donnent lieu par lui-même à la jouissance ou au remords. À la limite, s'ils montrent une cohérence, c'est celle de la dynamique morbide qui fait de chaque conquête de Raymond l'obstacle que le couple doit surmonter pour se reconstituer et continuer, passer sans cesse de l'asexualité de relations fraternelles (ils se présentent à leurs victimes comme frère et soeur) à l'érotisme débridé de l'amour qu'ils se délirent : s'embrasser goulûment dès que l'autre femme a le dos tourné, organiser les couchages pour pouvoir se rejoindre la nuit, ou constater froidement une excitation post-exécution. À la fin du film, alors qu'ils sont séparés par l'emprisonnement pour une durée indéterminable, ce sont des retrouvailles par delà la mort qu'une lettre de Raymond promet à Martha. C'est la prison qui maintenant est instrumentale à leur désir. Et c'est une des horreurs du film, que tout et chacun soit instrumentalisé, chosifié pour l'assouvissement du désir de l'autre, que ce soit dans les rapports du couple et de son environnement, dans un sens et dans l'autre (le pouvoir de séduction de Raymond est de se faire la chose de ses conquêtes), ou dans les rapports internes au couple.


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