Natural Born Killers (O. Stone, 1994)
Natural Born Killers (O. Stone, 1994)
Il y a un mode frénétique de filmer le meurtre : accumulation de plans courts, avec des changements brutaux de l'angle de prise de vue, de la valeur scalaire, et une attention aux détails sanglants, pars pro toto, autant qu'à la stupéfaction horrifiée du témoin-spectateur, stupéfaction supposée sûrement contaminer l'autre spectateur devant son petit ou son grand écran. Le meurtre semble à la recherche d'une image, de sa propre image comme spectacle, de son image juste. Natural Born Killers est un modèle dans le genre : montage accéléré, passage de la couleur au noir et blanc, puis à un filtre vert, retour à la couleur, brisures dans le régime narratif (passage à la sitcom), multiplication des points de vue, objectifs ici, là subjectifs (toujours, je crois, le point de vue du témoin d'une action plutôt que de celui qui la commet), et multiplication des inserts enchaînés sur des durées à la limite de la capacité perceptive. Le point d'orgue de ce traitement étant dans l'excitation des personnages mêmes. C'est une façon devenue commune de traiter le meurtre comme explosion de violence. Mais il y a quand même dans le film de Stone une amplification, permise, ou programmée, par le discours sur les médias que le film comprend. La recherche filmique de l'image est à l'unisson du désir médiatique du couple Knox. C'est qu'il y a une image manquante dans le réel : Mallory et Mickey ne sont pas raccord avec leur propre image, qui traîne tout le temps au devant d'eux comme un système social parasitaire. Ils ne sont jamais là véritablement sans un regard sur eux qui les précède et les détermine, mais en même temps qu'ils produisent par avance et essaient de conditionner. Avant l'interview, Mickey se fait la tête du tueur qu'il est pour le devenir enfin. Et quand tout est consommé, consumé, Mallory ne peut pas aborder la maternité autrement que comme abondance de maternité, maternité absolue dans un cadre familial traditionnel reconstitué, serait-ce dans un camping car. Forme de coda et manière de clore le film sur une image parfaite finalement retrouvée, un arrêt de la tuerie plus ou moins magique. La frénésie du filmage des meurtres a partie liée avec cette faiblesse des personnages, leur manque à être, leur absence au réel. La question n'est pas, comme on a voulu nous le faire croire avec la tuerie comme avec le sexe, si tel ou tel traitement est plus réaliste que tel ou tel autre. Il n'y a pas de traitement réaliste en la matière. Il y a par contre à choisir entre la présentation ou la représentation - même si ce choix ne décide pas d'une valeur artistique.
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